Joseph Brodsky – Elégie


 

peinture: Juan Gris la bouteille de banyuls - 1914

 

 

 

 

 

 

ÉLÉGIE

Ma bonne amie, c’est bien toujours le même
bistrot, le même barbouillage aux murs,
les mêmes prix… Le vin est-il meilleur?
Je ne crois pas. Non, ni meilleur ni pire.
Pas de progrès, et c’est très bien ainsi.

Seul le pilote de l’avion postal
picole, ange déchu.

Les violons
continuent de troubler, par habitude,
mon imagination.

A la fenêtre,
blancs comme la virginité, des toits.
Les cloches sonnent. Il fait déjà sombre.

Pourquoi as-tu menti?

Pourquoi mon ouïe
ne sait plus distinguer la vérité
et le mensonge, veut des mots nouveaux,
sourds, étrangers, que tu ne connais pas
mais qui ne peuvent être prononcés
que par ta voix, comme avant…

Joseph Brodsky

1968

(Traduit par Michel Aucouturier)(éditions Gallimard)

 

 

2 réflexions sur “Joseph Brodsky – Elégie

  1. Parce que mon ouïe attend ce qu’il veut entendre et entre temps il est sourd à ce qu’il ne veut pas entendre, mon ouïe est menteur il trie ce qu’il veut garder et jeter, il est devenu sable, tamis, le voilà plus puissant que moi retenant l’imagination, il est passoire pour ce qu’il ne veut pas entendre, mon ouïe est devenu container selon les couleurs on trie

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