Marie-Ange Sébasti – Redresser les Méandres — suivi de ma « réponse »

photo: Anne Heine
Souvent, je tentais de redresser les méandres, d’élargir les défilés, de faire de ce passage une belle ligne droite entre des vignes bleues.
Mais ne fallait-il pas d’abord s’entendre avec la falaise, abandonner un instant la vallée pour s’engouffrer dans l’étroite cheminée, escalader tous les vertiges jusqu’aux confins des gris établir bientôt un nouveau cadastre, mesurer de très haut des parcelles discrètes, de longues propriétés littorales, les audacieux aplats des champs les écarts qui n’échappent jamais au feu ?
Sans mentir, je pouvais encore évaluer le périmètre du patchwork des rêves, déceler leurs accolades et leurs brouilles,
me détourner longtemps aussi de ce territoire morcelé en remplaçant tous les murs mitoyens par des lignes de fuites.
Pourtant, malgré la faille, le bleu toujours,s’instaurait, me rattrapait.
Marie-Ange Sébasti
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Elevé dans les airs, la prose du territoire distribue des lignes,des passages,
là où les failles sur place, imposent des détours.
Escalader tous les vertiges, peut-être ,mais au grand effort de laisser derrière soi la pesanteur, celle des roches et de son propre corps.
J’ai aimé la cartographie, comme un dessin aimable, qui s’étale, fantaisie de patchwork des bois gris, et parcelles arables. La limite imposée par la falaise, permet de distribuer quelques accès rares, lorsqu’un affaissement rend le chemin possible.
Oui, bien sûr, réconcilier les deux bords des espaces, en tirant droit, le fil de la rivière, et gommer les méandres.
( Si la terre était à modeler.)
Mais elle est matière, mais elle colle aux bottes, mais elle transpire les mousses, et se charge de buis et de chênes centenaires….
Mais elle est corps,lourde,brune, grise, fauve, justement comme un animal endormi, étalé là, entre les rocs…
Elle domine,…ravagée d’érosion, ou portée en tectoniques, striée de ruisseaux, cherchant la pente la plus rapide…
Inerte, même bousculée de puissants tracteurs , mais vivante, à l’assaut du printemps.
Les hauts plateaux sont reliés, aux vallées par leurs différences, justement,– leurs accolades et leurs brouilles, –, pourtant elles se réconcilient avec leurs passages,
…de toute façon, il faut vivre avec ce qui est… les murailles à contourner , en lieu et place de lignes de fuite sans consistance, les parcelles exigües, suivant si possible le parcours du soleil…
qui ne doivent rien aux lignes tracées sur le papier,mais à l’effort des hommes , pour se marier au mieux aux pentes, et extraire de quoi y survivre.
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En lien avec « feuilleter le recueil des causses »

la Sure — falaises Nord du Vercors (Vercors Nord, Engins, Isère – photographe non précisé site http://www.sentier-nature.com/
et (rappel) cet excellent écrit de Pierre Bergounioux, qui affirme que « le monde existe »…
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je m'exprime:haut et foooort