Gris lointains ( Susanne Derève)

Peinture : Joaquin Sorolla (Three boats by a shore)
L’eau est grise
gris les lointains
de ce gris qui précède la clarté du matin
bien avant que le vent se lève
Au creux des grèves à marée basse
il y a la sinuosité du courant
dont la courbe épouse la rivière
long serpent paresseux
qu’accroche çà et là un éclat vif argent
de lumière
M’en souvient cet éclat
anguilles entre nos mains d’enfants
arrachées au ruisseau
– autrefois –
et rendues malgré nous aux roseaux
dans le secret des pierres humides
mains vides paumes ouvertes
dans l’œil ne nous restait qu’un éblouissement
incrédule – un aveuglement –
dont tu te détournais trainant les pieds
en maugréant puis tout à coup limpide
ton rire ricochait
comme les pierres sèches que nous lancions
à plat l’eau ton rire rebondissait
comme les pierres de loin en loin
les pierres étaient légères et notre enfance
se passait
à fourrager dans les guêtres bleues des rivières
estuaires de vase nue
où s’affaissait le ventre vermoulu des barques
avec leurs fonds d’eaux stagnantes
aux relents de goudron et de sel
Poches percées
semant les coquillages comme des Petits Poucets
sondant l’eau grise en arpentant le cours
ce gris de tourterelle
nous en savions par cœur la ritournelle
le chant sur les doigts de la main
J’en ai bouclé la boucle ce matin
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Cette entrée a été publiée le 06/06/2018 par susannedereve. Classé dans Art, peinture, Susanne Dereve et a été tagué nature.
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06/08/2018 à 8 h 51 min