Leon-Paul Fargue – Intérieur
peinture Anton Pieck
Des toiles, des choses sèches pendent aux poutres…
Le vieux fusil dort fixement
Au mur clair…
Rêve à ton gré.
Tout est comme autrefois.
Ecoute…
La haute cheminée
Fait sa plainte ancienne et son odeur éteinte
Et tasse son échine de vieil oiseau noir…
Elle porte encore au front ses images d’âme crue
Et ses vases de loterie aux prénoms d’or…
Et l’horloge recluse dans l’ombre et la bure
Berce son cœur avec une douceur obscure…
Pareils à des visages ronds de spectateurs
Les plats se penchent aux balcons du vieux dressoir
Où des files de fruits qui font la chaîne, fleurent
Dans leur ruelle d’ombre couleur d’aubergine…
J’ouvre un tiroir où je vois passer des noix vides,
Un gros couteau à vingt lames, qui contient tout,
Et l’ombre de mes mains qui glisse sur les choses…
Et ce sont des couleurs vivantes, refroidies…
Et ce sont des odeurs d’intimités suries…
Ça sent la malle, et le poivre des vieux départs,
Et le livre de classe, et la chapelle éteinte…
Un vent tiède pousse des guêpes
Frapper à la lucarne bleue…
Un grand chat doucement passe comme on chuchote,
Et vous lève un regard où veille l’ennui sage
Du soleil dans la douve aux lentilles d’or vert…
Sois calme. Tout est là comme autrefois.
Ecoute…
Léon-Paul FARGUE « Pour la musique » (Gallimard)
je m'exprime:haut et foooort