Jorge Carrera Andrade – promenade du soir
(Paseo de la Tarde)

Le silence fleuri de l’acacia parfume
la solitude. L’herbe élève un chant paisible
qui caresse l’oreille d’une douceur de plume.
Apporte un livre et la corbeille. Invisible
le passé est revenu et sa ronde séculaire,
et le cœur va à tâtons comme un enfant aux yeux bandés
parmi les ombres qui fuient sur une prairie d’or.
Cinq heures. La pluie cesse
et de larmes brillantes, eau lustrale,
les choses sont baignées.
Lève pieusement les yeux. Sur mes mains
pose tes deux mains tremblantes… Merci, ô mon aimée,
Un céleste soupir descend des acacias.
Un ange, dirait-on, de ses ailes unies
sur nos têtes, a donné à l’instant
un charme divin, oint de baume nos vies,
sur mes lèvres versé la coupe du silence
emplie jusqu’aux bords d’un invisible vin.
Sur mes tempes je sens ses ailes frémissantes.
Cinq heures. La cloche tinte dans l’après-midi clair
et c’est comme si en mon âme
cinq roses venaient d’éclore.
LA GUIRLANDE Du silence
1926
extrait du recueil sur J C de Andrade – Poètes d’aujourd’hui (ed Seghers )
je m'exprime:haut et foooort