Linda Maria Baros – Droit de libre pratique

Nous sommes montés dans les camions et avons ri,
nous avons bu et craché.
Nous roulions tous à grande vitesse ; la tête tranchée
de la ville se cognait contre le pare-brise.
Nos amis courraient toujours sur des toits huileux
et le drapeau, le drapeau flottait parmi nous
et nous cognait droit dans le visage,
nous lacérait la joue, nous fendait le front.
Mais nous avons hurlé, nous étions vingt
et sommes devenus cent,
et nous roulions à grande vitesse
par-dessous les tristesses de sel des toits.
Notre passage coupait la ville en deux,
aux fenêtres veillaient des têtes en bois
qui dépeçaient naguère dans le delta
les chevaux à la scie.
Nous avons ri et bu, nous avons craché,
nous nous sommes roulés par terre.
C’était, pour de vrai, un jour de fête !
Les tireurs nous connaissaient par cœur
et caressaient de loin notre tête,
notre front, avec des gestes mécaniques,
translucides et froids.
Et notre tête se cognait, le long de la route,
sans le savoir, contre le pare-brise,
contre l’asphalte.
Mais ils nous faisaient à nouveau monter dans les camions.
Et nous étions vingt à nouveau et nous avancions encore
à grande vitesse, dans la cadence lumineuse
des balles traçantes.
Puisque c’était, à notre insu, un jour de fête !
in » la nageuse désossée » Le Castor Astral ( voir le pdf dispo dans poezibao )
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Cette entrée a été publiée le 07/28/2022 par rechab. Classé dans auteurs à découvrir, auteurs étrangers, photographie, photography et a été tagué asphalte, balles, camions, cent, delta, drapeau, fête, front, Linda Maria Baros, mécaniques, pare-brise, scie, sel, tête, tireurs, tristesse, ville.
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