Ziâgol Soltâni – mélodie de ma patience

Au nom du miroir, ce soir, libérez-moi
La nuit passée, l’aube venue, appelez-moi
Sur ce rivage où je me suis perdue à moi-même
À moi-même, ramenez-moi
Les bleus sur mes épaules sont les bleus de l’hiver
À la saison du vert printemps, priez pour moi
De la mélodie de ma patience et de mon silence, que savez-vous ?
Le temps d’un souffle, à la flûte associez-moi
Sur l’aile du papillon est écrite la brûlure de la chandelle
De toutes les âmes enténébrées, séparez-moi
La cruauté d’être confinée derrière un voile m’a fait perdre toute patience
Au nom du miroir, ce soir, libérez-moi !
In Le cri des femmes afghanes, © Bruno Doucey, 2022 — Traduction par Leili Anvar – provenance article d’origine:apagraindesel
Juliette – Aller sans retour

Ce que j´oublierai c´est ma vie entière,
La rue sous la pluie, le quartier désert,
La maison qui dort, mon père et ma mère
Et les gens autour noyés de misère
En partant d´ici
Pour quel paradis
Ou pour quel enfer?
J´oublierai mon nom, j´oublierai ma ville
J´oublierai même que je pars pour l´exil
Il faut du courage pour tout oublier
Sauf sa vieille valise et sa veste usée
Au fond de la poche un peu d´argent pour
Un ticket de train aller sans retour
Aller sans retour
J´oublierai cette heure où je crois mourir
Tous autour de moi se forcent à sourire
L´ami qui plaisante, celui qui soupire
J´oublierai que je ne sais pas mentir
Au bout du couloir
J´oublierai de croire
Que je vais revenir
J´oublierai, même si ce n´est pas facile,
D´oublier la porte qui donne sur l´exil
Il faut du courage pour tout oublier
Sauf sa vieille valise et sa veste usée
Au fond de sa poche un peu d´argent pour
Un ticket de train aller sans retour
Aller sans retour
Ce que j´oublierais… si j´étais l´un d´eux
Mais cette chanson n´est qu´un triste jeu
Et quand je les vois passer dans nos rues
Étranges étrangers, humanité nue
Et quoi qu´ils aient fui
La faim, le fusil,
Quoi qu´ils aient vendu,
Je ne pense qu´à ce bout de couloir
Une valise posée en guise de mémoire…
Michel Foissier – hombres dans l’ombre des révolutions

hombres dans l’ombre des révolutions
il construit une échelle de bois blanc
une volée de marches pour voler à nouveau
escalier qui porte à la porte des femmes
chambre où se découvre le pot aux roses de la mémoire
aveugle écossant des images de papier glacé
ses doigts révèlent des héroïsmes de soldats de plomb
il rêve de ce miroir obscur où se reflète une étoile
araignée d’argent dans la gourmandise de sa toile
chapeau de feutre visage de plomb
il est cousu dans un linceul de silence
et puis dans la douleur d’un petit lit de fer
chemise tachée de sang
avec lui nous tombons la face contre le mur
dans le pressentiment du petit jour
A ceux qui s’enivrent des vapeurs d’essence – ( RC )

photo perso – Singapour nocturne
A ceux qui s’enivrent des vapeurs d’essence,
je dédie un murmure
qui s’élève au-dessus des buildings.
Dans les replis de la ville, on ne compte plus les étages,
et ceux qui montent vers les sommets
se désaltèrent d’illusions.
Ils pensent ainsi dominer une partie de la planète,
jouissent d’un capharnaüm de luxe, ponctué de dentelles de néons,
du trafic des automobiles sur les bretelles d’autoroute,
de leur grondement continu ,
qui passerait pour la pulsation du monde.
Sans doute aimeront ils voir s’allumer une à une, les lumières des façades,
plain-chant d’un anonymat qui se voudrait feu d’artifice.
Mais c’est parce que la nuit favorise les contrastes,
le jour enlève les fards, révèle la laideur du béton,
les puits d’ombre entre les bâtiments où végètent d’insalubres masures.
Dans les grandes métropoles, on perd toute mesure :
l’empilement vertical s’étire avec prétention ;
vertige de puissance des multinationales jusqu’à l’outrance
des écrans géants et lettres lumineuses .
( on nous ferait croire qu’on se nourrit de parfums et de billets de banque ).
La voiture y est maître, rutilants cafards errant dans les avenues.
Le piéton paraît incongru dans un monde qui n’est pensé que pour elle,
à moins de sortir du centre, et de retrouver peut-être
une vie à dimension plus humaine,
moins saturée d’imagerie consumériste tapageuse…
A ceux qui s’enivrent des vapeurs d’essence,
je dédie ce murmure…
L’envers et l’oubli – ( RC )

Cet endroit ne se visite pas,
on n’a aucune raison de faire le détour,
car il ne nous verra ni naître, ni mourir.
Je ne l’ai entrevu que lors d’une exposition,
de photographies ternes, annotées
en mots d’allemand, rajoutés en blanc.
On devine que s’y est joué là quelque chose,
maintenant hors de portée du regard,
où celui qui a saisi ces portions de paysage,
se couche contre son passé enfoui,
les souvenirs gris ne suffisant pas
à le garder debout.
Les récits y sont peu abondants,
ceux qui pourraient témoigner
sont partis dans la vallée des larmes,
où le silence se referme sur eux.
Les absents ont toujours tort,
et que pourraient-ils dire d’un monde
dont la vie s’est effacée ?
La jeune afghane au regard effarouché – RC

Qu’est devenue la jeune afghane
au regard effarouché ?
A-t-elle bu le lait nouveau,
la saveur de l’avenir
qu’on lui avait promis…
l’a-t-elle seulement approché ?
Nous l’avons retrouvée
sous un voile au mauve fané .
Elle n’a plus que ses yeux verts,
après quelques décennies,
certes, un peu vieillie,
devant une corbeille de faux fruits .
–
cf photo de Steve McCurry
Gerard Noiret – tout fera parole
/2019/08/08/phpvcp11o.jpg)
Tour à tour les livreurs mal garés
Yann ses ballons de rouge
les balèzes du chantier
— ils doivent
dormir avec le casque —
peuplent cet univers
de bouteilles briquets cartes postales.
Tiercé loto
match aller des coupes d’Europe,
leurs propos
t’engourdissent Tu bois ton citron glacé,
tu t’enfonces
dans la moiteur d’une phrase unique
épaule contre épaule
le métro les marchés
les manifs
milieu de semaine
bientôt la paye et tu les aimes
même si, en retrait, tu t’inquiètes
Amour, maisons, travaux, quand
tout fera parole
l’étymologie
ne viendra pas des langues mortes
Jeanne Benameur – j’attends
( extrait de son recueil: « l’exil n’a pas d’ombre » )
—
Ils ont déchiré mon unique livre.
Je marche.
Ont-ils brûlé ma maison?
Qui se souviendra de moi?
Je tape dans mes mains.
Fort. Plus fort.
Je tape dans mes mains et je crie.
Je tape mon talon, fort, sur la terre.
Personne ne pourra m’enlever mon pas.
Et je tape. Et je tape.
La terre ne répond pas.
Ni le soleil ni les étoiles ne m’ont répondu.
Trois jours et trois nuits je suis restée.
J’ai attendu.
Il fallait bien me dire pourquoi.
Pourquoi.
Il n’y a pas eu de réponse dans le ciel.
Il n’y a pas de réponse dans la terre.
Alors je tape le pied, fort, de toute la force qui a fait couler mes larmes.
J’attends.
Dans le soleil.
Dans le vent.
J’attends.
Que vienne ce qui de rien retourne à rien et que je comprenne.
J’ai quitté l’ombre des maisons.
Je vais. Loin.
Loin. Pas de mot dans ma bouche.
Max Pons – le grand gel
MAX PONS
Ô le grand gel du souvenir.
Cette eau glacée à la margelle
De la vie exigeante,
On en croyait tout connaître.
Pourtant, chaque année apportait
Son lot de nouveaux deuils.
Cruauté du grand âge,
Tous ces amis perdus,
Leur survivre est blessure.
Inéluctable marche
D’ultime vérité.
_____
La nuit a juste oublié la lumière – ( RC )
–
Tu ignores tout de la nuit .
Elle a juste oublié la lumière,
Les belles saisons s’enfuient
Sous des manteaux de poussière,
Qui s’étendent en rideaux,
De latérite
Sur les routes d’Afrique :
Ces fils tendus entre des pays,
Dont beaucoup mordent la misère,
A pleines dents .
Car la nuit s’étale en plein jour,
La population ne connait d’amants,
Que les dieux de l’enfer .
Ce sont eux que l’on prie :
On dirait que le passé d’esclavage,
N’a pas suffi,
Toujours on se décide,
Pour le choix du fer,
Le goût du sang ,
Et ses ravages.
Ce ne sont pas les luttes fratricides,
Qui résoudront les choses :
Les groupes de fanatiques,
En répandant la terreur ,
Augmentent encore la dose,
Avec le rideau de la nuit .
Malgré la chaleur,
Le soleil reste extérieur
Bien loin de la terre ,
Et des démons de la guerre .
–
RC – mai 2015
Guillermo Carnero – Crayon du temps
source ICDesign
Mais pourquoi n’usez-vous pas d’un moyen plus fort,
Pour mener guerre au temps, ce tyran sanguinaire,
Et vous fortifier jusqu’en votre déclin
D’un plus fécond secours que mes vers inféconds ?
Vous voici au zenith de vos heures heureuses,
Et les vierges jardins, incultivés, ne manquant pas,
Dont la vertu voudrait tant porter vos vivantes fleurs,
Mieux qu’un portrait de vous, fait à votre image.
Ce trait de l’existence, ainsi tiendrait en vie,
Ce qu’un crayon du temps ou ma plume écolière
Ne savent maintenir de vous sous les regards humains :
La beauté du dedans, et celle du dehors.
Vous donner hors de vous à jamais vous conserve ;
Portraituré par votre exquis talent, vous aurez vie.
« Jouer » à l’apprenti sorcier – ( RC )
Caricature de Escaro
–
C’est une photo où une vedette
pose avec avantage
devant le dernier modèle de la marque.
On pense tout de suite à la dernière voiture
dont la ligne fluide
évoque puissance et raffinement.
Mais j’ai devant les yeux
une photo d’époque,
où le Général De Gaulle, – en tant que président,
prend la pose devant le Redoutable,
premier sous-marin nucléaire,
à Cherbourg.
Avec cette parole en image, plutôt qu’en publicité,
– il s’agirait, comme l’on dit maintenant
de communication –
– ce qui quelque part se ressemble,
puisque l’étymologie nous indique bien :
il s’agit de rendre quelque chose public.
Ici, c’est « montrer ses muscles » :
une page d’actualités,
qu’on verrait bien,
dans les magazines à sensations .
Le Général appose le cachet
de son prestige et de sa fonction.
Mais il semble en même temps absent
et désabusé,
Comme si la finalité même du « sujet »
lui échappait.
( un jouet géant, construit à coups de milliards,
mais dont l’usage serait » redoutable » – d’où le nom ) .
Redoutable pour les autres:
Il s’agit bien d’un fleuron de la défense,
mais redoutable pour nous-même, aussi :
Si, par exemple pour des raisons diverses,
on interprète mal les ordres venus d’en-haut,
ou simplement: le mode d’emploi.
Un jouet évoque bien un jeu…
Le jeu en vaut-il la chandelle ? :
C’est jouer avec le feu,
Et chacun sait que le feu nucléaire, même pacifique
( En pensant seulement à Tchernobyl et Fukushima ),
Peut avoir des conséquences que l’on ne mesure même pas.
L’homme n’est pas né, pour jouer ( encore ),
à l’apprenti sorcier.
–
RC – juin 2015
Un jupon d’un buisson de ronces – ( RC )
Pripiat – Ukraine – provenance photo: http://machbio.blogspot.fr
–
J’ai fait un jupon d’un buisson de ronces,
Pour aller avec la robe de plomb,
Habillant si bien les bois morts,
Et la langue affligée ( celle qu’on ne peut plus traduire ).
Une cérémonie où les statues sont de sortie,
Alignées, immobiles,
Conformément au protocole ,
Attendant un signe qui ne viendra pas.
Un premier plan de givre, un alphabet en désordre,
Et les arbres, libérés des contraintes ordinaires
ont commencé à crever le ciment de la place du Champ de Mars .
Tous les habitants ont fui une menace qui ne dit pas son nom .
–
RC- juin 2015
–
–
En rapport avec la ville Pripiat ( à 3km de la centrale de Tchernobyl ).
A voir au sujet des conséquences de l’explosion
de la centrale nucléaire, sur la ville de Pripiat,
le film » la terre outragée »
–
Petit commentaire perso: Daugavpils, est une ville de Lettonie, proche de la frontière de la Russie . Elle comporte une citadelle militaire qui a été laissée complètement à l’abandon, et dont l’enceinte abritait en 2004 également une série de hlm vétustes.
L’abandon n’a pas ici de cause consécutive à un accident nucléaire, mais on observe le même phénomène, à savoir que les places d’armes ( où trônent encore des canons) sont envahies progressivement par la végétation: par exemple des arbres qui masquent presque totalement de hauts lampadaires destinés à éclairer la place.
A noter qu’au côté sinistre de l’abandon, se joint le côté historique, puisque cette ville a servi de ghetto concentrationnaire pour les juifs… lire cet article corrrespondant…..
Proverbe indien – Quand le dernier arbre aura été abattu ….
Une parmi les 27 images marquantes de ce site
–
Quand le dernier arbre aura été abattu,
la dernière rivière empoisonnée
et le dernier poisson péché,
alors l’ homme s’apercevra que l’argent ne se mange pas.
Elle chante, la bouche muette – ( RC )
photo : Corey Goldberg
Elle chante,
La bouche muette,
Mais elle chante .
Il y a , bien au-delà des morts,
La continuité du temps,
Il se poursuit en silence,
Comme se fendille la pierre,
… et n’avoir plus d’yeux pour pleurer,
Ne dit pas, pour autant,
Fermer son regard sur l’avenir.
–
RC
– janv 2015
she sings,
The dumb mouth,
But she sings.
There is, beyond the deads,
The time’s continuity,
It continues in silence,
As crazes the stone
… And have no more eyes to cry,
Does not means, so far,
Close his eyes on the future.
Armand Robin – poème pour adulte ( XIV )
–
XIV
Ils ont invectivé les routiniers, Ils ont instruit les routiniers,
Ils ont éclairé les routiniers, Ils ont fait honte aux routiniers,
Ils ont appelé à l’aide la littérature, Putain cinq fois centenaire Qu’il faudrait éduquer, Qu’on devrait éduquer :
— Dis, le routinier est-il un ennemi?
— Non, le routinier n’est pas un ennemi. Il faut instruire le routinier,
Il faut éclairer le routinier, Il faut faire honte au routinier, Il faut convaincre le routinier, il faut éduquer.
Ils ont changé tous les hommes en nourrices. J’ai entendu un rapport raisonnable :
« S’il n’y a pas convenablement échelonnés
Des stimulants économiques,
Il n’y aura pas de progrès technique. »
Voilà des mots de marxistes,
Voilà « la connaissance des lois du réel »,
Voilà la fin du monde des rêves.
Il n’y aura pas de littérature sur les routiniers ;
Il y aura de la littérature sur les tracas des techniciens,
Sur les soucis dont on accable tout le monde.
Et mon poème, le voici nu
Avant que le rendent velu
Les douleurs, les couleurs, les odeurs de ce pays.
–
(Armand Robin) (1955)
Armand Robin – poème pour adultes ( XV )
XV
Il y a les gens à bout de force,
Il y a les gens de la ville de « Neuve-Usine »
Qui jamais ne sont allés au théâtre,
Il y a des pommiers polonais aux fruits inaccessibles aux enfants,
Il y a des enfants rendus malades par des médecins vicieux,
Il y a des garçons acculés au mensonge,
Il y a des jeunes filles acculées au mensonge,
Il y a des vieilles chassées de leur logement par de tout jeunes gens,
Il y a des épuisés mourant de caillots au cœur,
Il y a des calomniés, couverts de crachats,
Il y a des gens dévalisés dans les rues
Par de banals bandits pour qui on cherche une définition légale,
Il y a des gens qui attendent des paperasses,
Il y a des gens qui attendent la justice,
Il y a des gens qui attendent longtemps.
Nous réclamons ici, sur terre,
Pour l’humanité harassée,
Des clefs qui aillent avec les serrures,
Des logis pauvres mais avec fenêtres,
Des murs sans moisissure,
Le droit de haïr les paperasses,
De tendres claires heures humaines,
Le retour au logis sans danger d’être tué
Et la séparation toute simple entre ce qui est dit et ce qui est fait.
Nous réclamons ici, sur terre
(Terre pour laquelle nous nous sommes jetés en gage
Et pour qui des millions dans les combats sont tombés),
Nous réclamons les feux de la vérité, le blé de la liberté,
L’esprit en flamme,
Oui, l’esprit en flamme,
Nous le réclamons tous les jours,
Nous nous plaignons à partir du Parti.
(Armand Robin) (1955)
Ahmed Mehaoudi – entre nous
–
parfois
il y a des fois
j’ai l’air de sortir des égouts
rien de blanc à servir
ou me taire
ai-je su me taire un jour
il paraît
que se taire
est le privilège des rentiers
avoir l’or
comme divinité
les amis comme pantins
et les pâquerettes pour cirer ses pompes
moi pauvre bavard
à me planter a chaque éclaircie
suis-je rentier
à jeter mes mots par les fenêtres
en être tremper à l’os
les plier comme une torche
allumer en joie
le feu de l’ermite
parfois
il y a des fois
j’en veux à mes yeux
de ne pas voir
où remplir mes poches
il paraît
que le siècle est passé
pour changer le monde…
–
Une force brute, contre l’esprit – (RC )

Livres détruits par l’armée russe: université de Grozny, Tchétchénie
Un chaos au plus près – ( RC )

– image d’actualité ( Congo) site dw.de
–
Si c’est un homme,
Alors, laisse le marcher,
Et garder tête haute,
Sous le soleil,
De son pays,
Sans pour autant,
Lui faire respirer
La haine et l’envie.
–
Les lumières artificielles,
Des écrans et néons ;
Une civilisation,
Où des hommes de néant,
Commercent le droit de vivre,
Si seulement trouver à se nourrir,
Au delà de la poussière
D’un soleil retiré, reste possible.
–
Au lendemain de l’émeute,
Les boîtes de médicaments,
Vidées, – concentrés de richesse ,
Les pharmacies pillées
Et eux, avalés comme des bonbons,
… Les dollars eux-même,
Ne sont pas plus comestibles…
Que le sourire du bourreau.
–
Avec ceux qui n’ont rien,
Et n’auront jamais rien,
Que la faim au ventre,
Générant des hordes,
D’ enfants soldats,
Le pays cerné
Par sa propre misère.
A défaut d’avenir.
–
( en rapport avec « white material », film de Claire Denis )
–
RC – août 2014
Est-ce que le nom suffit à ton existence ? – ( RC )

gravure: Zoran Music: paysage de Dalmatie Tate Gallery
–
Si à chaque chose on peut donner un nom,
Dessiner un destin,
La distinguer des autres,
Lui prêter une couleur,
Pour les hommes,
Il y a toujours ceux qui renient
Les autres,
Pour leur présence même,
Il ne suffit pas d’une carte d’identité,
Pour les faire exister,
Au-delà d’un morceau de papier,
Ou d’un tiroir à fichiers,
Classés non seulement par ordre alphabétique,
Mais aussi selon leur origine,
Quel que soit le désert,
Ou la ville, dont tu viens.
Quand, encore , on ne juge pas utile,
De dresser une barrière de béton,
Autour de ta non-existence,
Ou de te coudre une étoile jaune .
–
RC – février 2014
–
NB la gravure qui accompagne ce texte n’est pas directement évocatrice, comme certaines de ses oeuvres, relatant la déportation et la Shoah, lui-même ayant été interné au camp de Dachau
–
Billie Holiday – Strange fruits
—
C’est bien sûr la superbe chanson interprétée par Billie Holiday… une composition d’Abel Meeropol, dont l’interprétation est synonyme de la voix de Billie ( et emblématique d’une certaine forme de racisme, et de dénonciation de la condition des esclaves )
et dont il existe un équivalent, par la voix de John Martyn

pochette de l’album de john Martyn, ce titre fait partie du CD dans » a church with one bell »
–
Strange Fruit
–
Southern trees bear strange fruit
Blood on the leaves
Blood at the root
Black bodies swinging in the southern breeze
Strange fruit hanging from the poplar trees.
Pastoral scene of the gallant south
The bulging eyes and the twisted mouth
The scent of magnolia sweet and fresh
Then the sudden smell of burning flesh
Here is a fruit for the crows to pluck
for the rain to gather
for the wind to suck
for the sun to rot
for the tree to drop
Here is a strange and bitter crop
Composed by Abel Meeropol
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Les arbres du Sud portent un étrange fruit
Du sang sur leurs feuilles et du sang aux racines
Un corps noir se balançant dans la brise du Sud
Un fruit étrange suspendu aux peupliers
Scène pastorale du vaillant Sud
Les yeux exorbités et la bouche tordue
Parfum du magnolia doux et frais
Puis la soudaine odeur de chair brûlée.
Fruit à déchiqueter pour les corbeaux,
Pour la pluie à récolter, pour le vent à assécher
Pour le soleil à mûrir, pour les arbres à perdre,
Etrange et amère récolte !
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Strange Fruit (Fruit Etrange ) Chanson composée en 1946
par Abel Meeropol afin de dénoncer les Necktie Party ( pendaisons )
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