Zbigniew Herbert – l’abîme et la raison
peinture – Bram Van de Velde
en vérité, en vérité je vous le dis
vaste est l’abîme
entre la lumière
et nous
—
le feu la terre et l’eau
la raison les écarte
d’un recueil intitulé Hermès, le chien et l’étoile
Pierre Béarn – les passantes – Anna
peinture : Paul Delvaux – le train bleu
Anna ne fut qu’odeur de gare
fuyant l’horaire et ses soucis
pour s’oublier hebdomadaire
à Paris…
Anna m’attendait sur un quai
tel un bagage du dimanche.
Je la perdis avec la pluie.
Luis Aranha – poème pneumatique
peinture: Umberto Boccioni – Elasticité 1912
Le bolchevisme dans le caniveau
Toutes les explosions sont révolutionnaires
Triangle
Et une bombe de verre provoque l’arrêt
Explosion
Syncope
Je ne crois pas au pneume des stoïciens
Mais les pneumatiques éclatent
Quel ennui !
Il n’y a plus 75 chevaux
Ni de vitesse couleur de verre
Les ronflements du moteur
Le vent se tord
Et défait mes cheveux de ses doigts
Dans la ruche des poumons l’essaim de l’air bourdonne
Bannière de poussière agitée à mon passage
Les canards s’envolent
Et mon sang thermomètre qui monte
Vitesse
Panne
Oh! la curiosité populaire !
Nuit
Le sourire heureux des passants
Enseignes lumineuses
Annonces lumineuses
Broadway fait angle avec la Cinquième Avenue
Gratte-ciels
Vu de la lune Sâo Paulo c’est New York
La vitrine est une scène
Sur une affiche le portrait de la prima donna
Une indienne
Dans ce décor il ne peut y avoir de Guarani
Ni de Guaranà
Le tramway dans le virage hurle d’une force indomptée
Il n’y a plus d’orchestre
La vitrine est une scène
Drame de l’adultère
Une dame en chemise près du lit
Divan coussin abat-jour
Le peuple se concentre
Mon automobile attire l’attention
Je suis un spectateur à qui l’on demande son billet et qui l’a oublié
Tous me regardent
Honteux
Couvert de poussière
Arrivant de Santos
La pompe dans la main du chauffeur
La fièvre intermittente du moteur
La chambre à air s’emplit d’un orgueil bourgeois
J’écris ce poème on répare le pneumatique crevé
Dimanche 8 1 /4 à la Casa Michel
Edi Shukriu – Au-delà de soi-même
peinture Marsen Hartley
Au-delà de soi-même
Je m’élève de mes ailes au-dessus de moi je plonge
dans les ténèbres de l’enfer
puisant au fond des temps
je me rafraîchis me rassasie de sagesse
tandis que pourrissent les racines
les ronces et buissons demeurent à l’état sauvage
je m’égosille à perdre le souffle, roule de gros yeux.
je m’élève de mes ailes au-dessus de moi
comme si me prenait la folie du temps
Poème du silence
Une vaine pluie tombe au dehors
qui n’augmente ni ne réduit
l’inanité des choses impossibles
de ce bruit monocorde
nulle voix n’émerge ne résonne
maudit silence
c’est à moi que tu en veux.
est-il bien vrai que tout autre univers me demeure interdit
la perte de ce rêve irréalisable
peut aller au diable
au gré de ses tourbillons
la pluie tombe au dehors
et semble noircir le poème du silence.
Edi Shukriu est une auteure de nationalité albanaise
Francis Carco – Six heures
peinture: J S Sargent 1907 Villa Torliona
Six heures, c’est la paix des grands jardins fleuris
Que la pluie a mouillés de l’odeur des lavandes,
Tandis que je m’accoude à la fenêtre grande
Ouverte et que, distrait et rêveur, je souris.
Des prêles vaguement luisent dans l’herbe humide
Où rôde la senteur fraîche des foins coupés,
Les premiers. C’est le grand silence et c’est la paix
Qui rêve au cœur des fleurs et des bassins limpides,
Dans les branches se sont blottis les rossignols :
Le crépuscule bleu descend à fleur de sol
Dans tout ce bercement de choses apaisées
Cependant qu’avec des paresses, des douceurs,
Pour veiller ce jardin, comme de grandes sœurs,
Des lampes, gravement, s’allument aux croisées.
Francis CARCO « Poèmes retrouvés » in « La Revue de Paris », 1927
Gabriela Mistral – Pudeur
dessin – A Watteau
Si tu me regardes, je deviens belle
comme l’herbe qui a reçu la rosée,
et ils ne reconnaîtront pas ma face glorieuse,
les grands roseaux quand je descendrai à la rivière.
J’ai honte de ma bouche triste,
de ma voix cassée et de mes genoux rudes;
maintenant que tu es venu et m’as regardée
je me suis trouvée pauvre et me suis sentie nue.
Tu n’as pas trouvé de pierre dans le chemin
plus dépourvue de lumière dans l’aurore
que cette femme sur qui tu as levé
les yeux en écoutant son chant.
Je me tairai pour que ceux qui passent
dans la plaine ne connaissent pas mon bonheur
à l’incendie qu’il met sur mon front grossier
et au tremblement de ma main…
C’est la nuit et l’herbe reçoit la rosée;
regarde-moi longuement et parle avec tendresse,
car demain en descendant à la rivière
celle que tu as embrassée aura de la beauté.
Pierre Béarn – les clefs du voyage
peinture : Jozsef Rippl-Ronai
J’apportai les clefs du voyage
à la prisonnière effrayée
de se découvrir vulnérable…
Négligeant l’azur arraché
qui parait d’attraits la magie
l’éléphant piétina les roses.
Quand tu partis vêtue de nuit
serrant ton cœur telle une lampe
éclairant ta honte soumise
l’éléphant n’aimait plus les roses.
Jacques Prévert – le sang
peinture V V Gogh – les champs rouges
—
Complainte de Vincent ! A Paul Éluard
Arles où roule le Rhône
Dans l’atroce lumière de midi
Un homme de phosphore et de sang
Pousse une obsédante plainte
Comme une femme qui fait son enfant
Et le linge devient rouge
Et l’homme s’enfuit en hurlant
Pourchassé par le soleil
Un soleil d’un jaune strident
Au bordel tout près du Rhône
L’homme arrive comme un roi mage .
Avec son absurde présent
Il a le regard bleu et doux
Le vrai regard lucide et fou
De ceux qui donnent tout à la vie
De ceux qui ne sont pas jaloux
Et montre à la pauvre enfant
Son oreille couchée dans le linge
Et elle pleure sans rien comprendre
Songeant à de tristes présages
Et regarde sans oser le prendre
L’affreux et tendre coquillage
Où les plaintes de l’amour mort
Et les voix inhumaines de l’art
Se mêlent aux murmures de la mer
Et vont mourir sur le carrelage
Dans la chambre où l’édredon rouge
D’un rouge soudain éclatant
Mélange ce rouge si rouge
Au sang bien plus rouge encore
De Vincent à demi mort
Et sage comme l’image même
e la misère et de l’amour
L’enfant nue toute seule sans âge
Regarde le pauvre Vincent
Foudroyé par son propre orage
Qui s’écroule sur le carreau
Couché dans son plus beau tableau
Et l’orage s’en va calmé indifférent
En roulant devant lui ses grands tonneaux de sang
L’éblouissant orage du génie de Vincent
Et Vincent reste là dormant rêvant râlant
Et le soleil au-dessus du bordel
Comme une orange folle dans un désert sans nom
Le soleil sur Arles
En hurlant tourne en rond.
Jacques PRÉVERT « Paroles »
C’est le vent d’été … – ( RC )
peinture : Alexander Brook
C’est le vent d’été
qui a couché les blés ,
un silence s’est fait parmi les bruits :
c’est bientôt la pluie
qui va nourrir la terre,
celle qui désaltère,
et que l’on attend
depuis si longtemps :
Pendant que le ciel oscille :
l’orage plante ses faucilles
concentre ses flèches
rebondit sur la terre sèche.
Il éparpille les jours torrides,
remplit les poitrines vides,
gonfle les ruisseaux,
cherche dans les rocs des échos,
qu’il trouve jusque dans ta voix :
cette soif insatiable que rien ne combat :
la vie est revenue d’une longue absence
Elle remercie la providence,
envisage un nouvel avenir :
je vois tes seins s’épanouir,
l’herbe reverdir,
et le désert refleurir…
J’ai beaucoup appris de tes paysages,
de l’attente et des passages,
des courbes de tendresse
où le temps paresse
de tes frissons secrets
et des lits défaits
où se courbe la rivière,
où se love la lumière :
Après l’orage et le calme revenu,
au silence dévêtu,
la chair embrasée,
enfin apaisée…
–
RC – avr 2019
Alain Paire – le miroir de l’absente
... J’ai souvent regardé La Mort de la Vierge,
les grandes palmes sombres de l’Ange de Mantegna,
l’écume d’un chemin nacré parmi les eaux de la lagune.
Peut-être n’était-ce pas ce tableau que je contemplais.
Mais plutôt, dissipant lentement les ombres du labyrinthe,
sans envers ni lointains, sans même l’espace d’une voix ,
le miroir de l’absente qui appelle encore, et
qui revient près de nous.
au début de la rue de la Nuit – ( RC )
sculpture: Colleen Madamombe, 1964-2009 (Zimbabwe )
Je me suis assis
au début de la rue de la Nuit,
le coeur sombre
ne sachant que faire de mes mains.
Je devais attendre sans le savoir
que se fende
la Montagne Noire,
ou retrouver le chemin clair
de pierres lisses
bordé du dessin des lys .
J’ai cru en apercevoir le contour,
apparu de façon brève,
au petit jour .
Les oiseaux blancs auraient pu être mon guide,
mais l’orage a été le plus rapide .
Assis au début d’un rêve nocturne,
toujours perdu dans les brumes…
–
RC – aout 2018
Ludovic Degroote – la digue
peinture : La chapelle sur la digue à Collioure – Henri Jean Guillaume Martin
Pas de bout, pas aux choses, pas à soi,
peut-être pour ça qu’on va sur la digue,
on regarde la mer, les falaises, les villas,
à la fin on revient, on attend de recommencer,
au milieu de la vie qui passe.
La digue ça ne mène nulle part, ça n’engage à rien,
on regarde la mer, et puis on s’en va ;
les yeux naturellement sont portés là plus qu’aux villas ;
où il n’y a rien l’œil ne tombe pas, ça nous laisse d’abord à nous-même.
Les choses souvent on croit qu’elles sont là pour nous,
qu’on a d’elles une mémoire, un regard
– on est séparé de tout, les choses tiennent sans nous,
c’est pour ça qu’elles n’ont pas de bout.
–
On passe, on marche, on avance,
moments posés les uns près des autres,
on ne s’en rend pas forcément compte,
les pensées naissent et meurent,
elles glissent sans qu’on soit toujours là,
ou bien c’est nous qui glissons, à côté,
ou bien non, ça se fait comme ça, en dérive.
–
Sous le ciel, neutre, froid, calme,
durant dans le silence,
comme s’il ne restait plus qu’une enveloppe.
On sait que c’est là, évoluant entre la gorge et l’estomac,
ça bouche ce qui à l’intérieur demande à respirer.
Ça n’empêche pas de vivre, ça donne juste un goût aux choses,
on finit même par croire qu’on s’y fait.
Pas de sens pour faire la digue,
on commence n’importe où, pas de fin,
on en fait des bouts, des pans,
tout y paraît sans histoire, sans mémoire,
disloqué comme les choses sont en nous,
avec de grands pans de vide séparés comme des digues.
Les paysages sont intérieurs.
On ne connaît pas la souffrance des autres,
on se contente de soi.
Ce qui rend lourdes les choses s’est perdu au fond
et ne pèse plus.
Demeure le poids de notre présence face au monde,
ce qu’on pèse soi-même sur ses propres épaules.
Peu d’étale des choses, de transparence entre elles,
rien qui tienne hors de notre regard,
la digue on la fait hors de tout, ça n’est qu’au-dedans
que les choses apparaissent, par pans, par bouts,
et c’est de là qu’on les croit isolées,
alors que les espaces ne sont disloqués qu’en nous.
–
C’est la mer à gauche quand on va à la Pointe aux oies,
à droite ce sont les cabines, les villas, les immeubles récents,
et puis aussi le Grand Hôtel,
les choses, ça arrive, on ne les voit plus,
on croit les savoir par cœur,
on n’écoute plus rien.
–
–
[La Digue, Draguignan, éd. Unes, 1995, p. 7-10]
Abdelkebir Khatibi – Dédicace à l’année qui vient
extrait du recueil » Dédicace à l’année qui vient »
peinture D G Rossetti – Matin musique – 1864
La blonde d’antan
Et la rousse d’autrefois
Tant de belles ténébreuses
Pour mes jours ensoleillés
Aux quatre points cardinaux
Chaque saison les étrenne
De quelques rayons de miel
Et chaque anniversaire
Renouvelle ma grande promesse
Oublier ce qui s’oublie
Et aimer ce qui se perpétue
Sur le cadran du Paradigme :
Pensée du jour retour de la nuit
Je ne sais
Si le partage d’un secret
Tresse
Comme un tapis déroulé
La posture du corps
Je ne sais doublement
Mais je sens le transport
D’un regard à l’autre
M’accordes-tu
Le rite de ta grâce ?
L’émerveillement du Nom ?
Leur procession ?
Lucie Taïeb – s’éveiller
Edward Munch – nuit à St Cloud
en Normandie s’éveiller la nuit ne pas être éveillé ne pas savoir se réveiller
seul, dans un lit différent dans une configuration différente des ombres et du noir et
d’une voix qu’on ne se connaît pas dire dans la nuit au corps qui devrait être là
« j’ai peur » puis frôler du dos de la main non ce corps ami mais le mur et
reconnaître le crépi savoir, alors, quel est ce lit et pourquoi seul
se rendormir.
Alda Merini – née le vingt-et-un au printemps
peinture D Rossetti – détail – Proserpine
Je suis née le vingt-et-un au printemps
mais je ne savais pas que naître folle,
ouvrir les mottes
pouvait déchaîner la tempête.
Ainsi Proserpine légère
voit pleuvoir sur les herbes,
sur les gros épis gentils
et pleure toujours le soir.
C’est peut-être sa prière.
(de Vuoto d’amore, Il volume del canto)
Alain Paire – le miroir de l’absente
… J’ai souvent regardé La Mort de la Vierge,
les grandes palmes sombres de l’Ange de Mantegna,
l’écume d’un chemin nacré parmi les eaux de la lagune.
Peut-être n’était-ce pas ce tableau que je contemplais.
Mais plutôt, dissipant lentement les ombres du labyrinthe,
sans envers ni lointains, sans même l’espace d’une voix ,
le miroir de l’absente qui appelle encore, [
qui revient près de nous.
extrait du recueil » la maison silencieuse «
Ahmed Kalouaz – sur le livre de la mer
peinture Richard Diebenkorn – Ocean Park 1984
Sur le livre de la mer
il y a des surprises
sorties de la beauté des verbes.
Il y a
l’écriture du toucher,
la consonne de langue,
l’encrier de salive
où les plumes sont d’oie.
Il y a
l’écriture des corps
faite de mots nouveaux,
des langues de voyelle
pour des lettres
qui ne partent jamais.
Shakespeare – chaque saison
la neige nouvelle Edward Munch 1906
A Noël, je n’ai plus envie de rose
que je ne voudrais de neige
au printemps .
J’aime chaque saison pour ce qu’elle m’apporte .
une forme douce et un sourire – ( RC )
peinture: Jeremy Annear
J’ai commencé
par une forme douce et indéfinie,
un peu ovale, mais sans bords,
que j’ai remplie d’un sourire
que je ne peux décrire.
Un sourire,
dont tu es l’ombre portée ,
qui s’étend lentement,
sans avoir de centre.
La couleur est apparue,
lente et dense
mais semblant sourdre de l’intérieur.
Il est difficile de l’expliquer
et encore d’en transmettre une image,
que l’oeil pourrait saisir.
Il suffit de se laisser envahir par sa présence,
s’en laisser traverser,
( enfin s’éprendre de ce désir,
qu’on ne peut même pas qualifier ) .
Julio Ramon Ribeyro – premier mai gris
Premier mai gris, triste. Ville morte.
Des rues et des rues parcourues parcourue avant de trouver une boutique ouverte où acheter une douzaine d’œufs.
Quelques habitants du quartier reviennent avec leur baguette de pain,
trouvée on Dieu sait où.
Place Falguière, je vois un escargot qui traverse péniblement la chaussée.
Il est au beau milieu, et ne s’est pas encore fait écraser par une auto.
La circulation est presque nulle, mais de temps en temps passe un véhicule.
Est-ce que l’escargot le sait?
L’escargot ne sait même pas que c’est aujourd’hui le premier mai.
C’est pourquoi – pas avec la main, car ce qui est visqueux me répugne –
je le prends dans mon mouchoir et le porte jusqu’au trottoir.
il est certain que là, il ne se fera pas écraser par une auto,
mais peut-être bien par un prolétaire.
De toute façon, ses minutes sont comptées.
Où donc voulait-il aller, le pauvre? Qui l’attendait?
Que tramait-il dans sa petite cervelle ?
Petit animal désemparé, comme toi, comme moi, comme tout le monde.
Herberto Helder – De Mundo 02
peinture: Evert Lundquist – nat morte 1950
Une cuillère débordante d’huile d’olive
une main tremble à passer
le fil qui partage le monde :
cuillères de feu :
leur reflet calcine paupières et pupilles
– cuillères rasant les braises en équilibre
sous les abîmes d’atomes
des jours.
Parce qu’il doit mourir
dans le sommeil tombe l’eau froide, et elle bout,
dans le sommeil l’eau devient calcaire et froide
ah cette brusque montée de fièvre,
les images insensées.
Le pelage noir des mères suinte sur ce visage d’enfant
qui se détourne.
Seul lui peut ainsi se détourner si longtemps
en dormant,
enfant qui s’étire
Cherchez-moi un nom pour la mémoire
une harmonie sonore
que l’on puisse écrire sans se dévoiler
un nom pour mourir.
Parce que l’enfant traverse tout
et va se heurter au centre même
de lui-même.
…et puis plus aucun n’ose parler, et
chaque chose devient acte
au-dessus de chaque chose, et tout ce
qui est visible bouscule un territoire invisible.
Rendu à la vie – et par cette parole minimale
apparaît alors un presque rien
qui arraché de la feuille et à
l’écriture maladroite semble
la surface imposante de Dieu, c’est ainsi
que tu es rendu à la vie, toi
qui juste un moment avant étais mort.
un pont entre tes paroles – ( RC )
détail d’une peinture de Botticielli (Vénus et Mars )
J’ai entendu la mer
dans la conque marine.
Et dans le ressac,
m’est parvenue ta voix,
dans le silence qui se retire,
suivant la marée basse.
Il y a du silence en toute chose,
et c’est un pont entre tes paroles.
Elles se poursuivent dans le temps,
et l’émotion tinte de leur écho.
C’est une voix sereine
qui rend sa grâce
au sourire d’un enfant,
auquel tu redonnes le souffle.
Je t’ai écoutée,
comme le ressac,
dans la conque marine.
Leon Felipe – Don Quichotte est un poète prométhéen – 2
peinture Serge Plagnol
Le Poète Prométhéen apparaît toujours dans l’Histoire comme un personnage imaginaire… mais l’imaginaire prométhéen gagne du réel… et la réalité domestique… se perd dans les ombres de l’Histoire.
Les rêves des hommes fabriquent l’Histoire… Les rêves sont la semence de la réalité de demain et ils fleurissent quand le sang les arrose et les féconde…
L’Histoire… est sang et rêves.
Et il arrive que le rêve se fait chair et la chair rêve.
Le Poète prométhéen s’échappe des ombres de la Mythologie… de l’imagination infantile des hommes, des livres sacrés… et de la maison même de Dieu… Et le Verbe… se fait chair…
Chair et symbole…
Pentthi Holappa – les navires naufragés
peinture: Katheryn Holt naufrage
LES NAVIRES NAUFRAGÉS
Il n’y a pas d’abri contre la douleur, ni sous une cuirasse
ni dans le ventre de la mère. Y en aurait-il dans une
urne funéraire?
Prends garde aux nuits de pleine lune, quand la mer
reflète
les lumières de la ville !
Le ciel pourrait s’effondrer sur tes épaules.
Ta foi fragile dans les anges du ciel pourrait
se briser, si tu les voyais cueillir sur les récifs
les brassées d’or
des navires naufragés.
Tu te mettrais à pleurer, après l’esquisse d’un sourire.
L’homme est un enfant, qui même sous les coups n’apprend pas
que les miracles s’effacent dès qu’on les
contemple.
Ceci
n’est pas le pire malheur, mais plutôt de rester
au port
quand les anges déroutent les bateaux vers les hauts-
fonds.