Fleur anachronique – ( RC )

photo RC jardin des orchidées – Singapour 2022
Fleur anachronique,
c’est fini, l’été
les moussons du Pacifique,
les lointains égarés
où les jardins botaniques
seront là à t’attendre…
Il faudra te contenter
du jardin des orchidées,
des fleurs de gingembre.
On y croise quelques filles,
à l’abri d’une voûte de verre
qui se font tirer le portrait
comme aux Champs Elysées
légèrement en retrait
sur le fond vert.
Elles rêvent de vrais alizés,
de paysages extraordinaires
des plus esthétiques
par-delà les frontières,
et pensent à leur retour
à Singapour
pour que leurs rêves d’avenir
deviennent réalité :
roses de plaisir
dans les endroits exotiques
elles te feront parvenir
comme tu l’espères
ces fleurs anachroniques
de l’autre bout de la terre…
Journal d’un voyage, quand je tourne les pages – ( RC )

photo Virginie Gautier
Journal d’un voyage,
des deux pieds dans le sable – ,
( mais le soleil n’est pas le même
quand je tourne la page ):
je ne suis plus capable
d’en faire un poème,
parce que je ne suis plus là
pour te raconter le vent tiède
précédant l’orage :
deux mois ont passé déjà …
….Non, ce n’est pas de Suède
que je rapporte les images…
imagine plutôt la jungle proche:
elle s’accroche sur la moindre roche
et la photo n’en montre rien ;
pas un coquillage,
pas de varan pour témoin
dont je guetterais l’approche:
C’est par hasard, que j’ai trouvé égaré
un morceau de corail, et un tout petit bénitier,
au fond de ma poche !
–
voir « suite malaise » de Susanne

Laetitia Lisa – aux lignes de fuite

photo Benjamin Hilts
d’abord
la lumière s’était parée de tout son or
pour le déposer sur le feuillage
l’herbe elle-même
semblait animée d’une autre vibration
passant de la lumière crue de novembre
à celle de la chaleur elle-même
puis le soleil a disparu
entièrement
derrière les montagnes
que le ciel avait teintées d’un bleu gris tendre
laissant juste au-dessus d’elles
une portion de rouge orangé flamboyant
en remontant plus haut dans le ciel
une barre de nuages
découpée dans le même bleu
faisait écho aux montagnes
suspendue entre rien et tout
on avançait dans le paysage
dont on ne percevait plus les reliefs
tout baigné qu’il était
dans des tonalités de gris de Payne
dans l’alignement des lignes de fuite
de grands arbres
dont je connais l’image
mais pas le nom
se détachaient du ciel
resté étrangement lumineux
leur tronc semblant interminable
comme grandi par la nuit
leurs branches nues
s’élançaient vers les premières étoiles
et leurs rameaux tissaient vers elles
tout un réseau de dentelles et de velours
d’un noir profond
ils semblaient être la porte vers un autre monde
au matin duquel
ils relèveraient leurs filets
Corinne Freygefond – le féminin

Ma gorge avale un cortège De bagages vides Portés par des femmes Toutes de noir vêtues Je devine en strates La voix de celle Par qui la vie m’a été donnée Je l’entends crier en moi-même Un cri Privé de matière Hérité du silence séculaire Je voudrais donner ma bouche A un arbre un oiseau une pierre issu du site de l'auteure
Thierry Roquet – plus de mystère

tu te regardes dans la glace
tu grimaces
tu n’aimes pas ton reflet
moi je l’aime bien
tu penses que c’est le reflet de quelqu’un d’autre
qui appartiendrait au passé
d’une autre vie
et dont tu souhaiterais effacer
le souvenir
-ce n’est pas possible
alors tu penses que c’est le reflet de quelqu’un
qui vieillit trop vite sans
prendre vraiment part à la vie
-de quelle vie tu parles ?
alors tu éteins la lumière de la salle de bain
et comme la nuit est particulièrement sombre
tu distingues à peine à présent
ton reflet et le mien
et tu m’embrasses
-je nous trouve beaucoup plus mystérieux comme ça
Le jour passe sa ronde – ( RC )

montage RC
Le jour passe sa ronde,
et cherche sa géographie
sans l’écrire .
Une bulle viendrait crever
à la surface de la vie,
et voilà que ton sourire m’inonde.
Ce serait le clair-obscur des nuits,
où l’attente finit par trouver une issue.
C’est ainsi que je suis né
pour toi,
toi, qui portais le monde sur ton dos,.
Tu as délaissé ton passé,
la grisaille de l’enfance,
pour m’entraîner sur les chemins de l’avenir.
Ces chemins qui se sont ouverts,
avec nos pas,
précédant nos ombres.
Le jour passe sa ronde,
et nous l’avons suivi.
( un écho au texte de S Derève « géographie du silence » )
la fuite éperdue du langage – ( RC )

Ici ce sont des mots
accrochés aux poteaux.
Ils balbutient,
aux orgues du couchant,
et peut-être que le concertiste
a pris les devants
avec mille et une variations,
du cor nu
qui délaisse les bois
pour résonner, ingénu
sous d’autres climats
d’autres lois .
Et ce sont celles de la ville
qui indiquent au passage
la fuite éperdue du langage
emporté par la symphonie urbaine.
Lire ce récit comme une partition
serait bien chose vaine :
Jusqu’aujourd’hui on n’a jamais pu
en faire un poème
à portée de rue :
un cor nu
n’est pas ce corps nu
allongé sur un piano
qui tenterait de lire les mots
accrochés aux poteaux.
Quelques notes de piano au fond de la bassine – ( RC )
C’est un triste matin
dans un Paris déserté
où l’on s’imagine voyager
au-delà des toits de zinc:
un de ces longs jours d’hiver
si pluvieux
qu’on ne peut espérer mieux
que les pensées d’hier
Elles nous jouent cet air
la chanson perpétuelle
de l’eau qui ruisselle:
la chanson de la gouttière
( quelques notes de piano
au fond de la bassine … )
une chanson citadine
à défaut de concerto .
–
RC – mars 2020
–
à partir d’un texte de Susanne Derève: » Ce pourrait être »
Une note
je dirais de piano
Un toit de zinc
l’eau
Ce pourrait être la mer
la mer n’est jamais loin
Ce pourrait être un air
de flûte
un concerto en ut
Ce n’est que la gouttière
à l’angle du perron
par un matin d’hiver
pluvieux
pluvieux
pluvieux
qui chante la triste chanson
des adieux
Colombine en cygne – RC -(écho à SD )
–
Te souviens-tu de la place,
un jour de décembre,
avec la musique
et la lumière dansante
alors que les arbres
surpris,
se penchent pour mieux voir ?
–
La piste n’était pas de glace,
pourtant il faisait très froid,
sur l’air final du « lac des cygnes »…
Colombine d’apparat
tu portais le tutu blanc,
les bras ondoyants
et le chignon bas .
–
Des pointes à petits pas ,
suivant la musique de Tchaikovsky ,
( quelques entrechats ,
que tu voulais maladroits
juste au moment où la lumière décline ) :
–
c’était la mort du cygne ,
et je t’ai prise dans mes bras…
( on se demande pourquoi
les spectateurs applaudissent… )
–
voulaient-ils aussi
applaudir à ton supplice ?
–
un texte crée à la suite de celui de Susanne Derève ( qui suit )
—-
Un entre-deux
un entrechat
Avec des pointes à petits pas
et un tutu de ballerine
bras ondoyants et chignon bas
quand on dansait la mort
du cygne
je n’y étais que colombine
d’apparat
(mais la musique était divine)
SD
Martine Cros – La tentation du vent
Je vais ce crépuscule tenté par un bain de mer qui vient s’abreuver aux calanques tyriennes, aux rosées des paysages ; je lape l’or aux hanches des falaises qui sombrent dans l’eau mate ; l’évocation de cette union ancestrale gorge mon courage de royaumes d’amour que la nuit entretient
je plonge
Prendre soir
et j’emporte sous ma cape ces senteurs sensuelles de bois que l’on râpe, ces muscs noirs que le zénith éclot à même le rocher ; j’ai pris soin de les cueillir à chacune de mes essoufflées ; puis je range les activités humaines qui peuplent ces vallées virginales que l’enfer souille de ses simonies avant de retrouver
l’onirique ouvrage
nouer la nuit
Je sombre
….
- —–la suite est visible chez les « cosaques des frontières »
Mouvement perpétuel – ( RC )
image: Thibault Balahy
La mort est toujours là
et m’accompagne,
sans que j’y prête attention.
Je la fais voyager avec moi,
regarder par mes yeux.
Elle ne vient pas vers moi,
c’est moi qui vais vers elle.
Je me dilue dans mon propre reflet
et finis par m’y perdre.
N’allez pas m’y chercher.
Dans le ciel gris
un oiseau en a remplacé un autre.
Rien ne les différencie.
Deux gouttes d’eau dans l’air,
qui a fléchi.
Celui qui est tombé
pour ne plus se relever,
a rejoint les bois couchés,
et la boue à côté des marais,
– empreinte éphémère -.
C’est un mouvement perpétuel
à la mort , à la vie.
L’un passe d’un état à un autre.
Un arbre se déracine
sous la poussée du vent.
Une pousse impatiente prend sa place
hâtive de connaître elle aussi la pluie,
les saisons et la solitude des soirs:
tout se côtoie sans que l’on puisse
séparer la vie de son reflet inversé .
inspiration: les carnets de Gabrielle Segal
Susanne Dereve – Offrande
nécropole rupestre – Abbaye de St Roman – Gard
De charogne ou de cendre le jour où Elle viendra
choisissez un bon bois de chêne, lisse au toucher, robuste et clair,
gardez-moi des vaines offrandes,
ces urnes que les us épandent en sombres paraboles abandonnées au vent,
aux rumeurs infécondes et sourdes du levant
et qu’un bras malhabile se devrait de répandre au-delà du silence
comme on boit le calice âcre de la souffrance
De charogne ou de cendre le jour où Elle viendra
choisissez un carré de terre,
de ce terreau qu’égrainera la pelle d’un ton clair
il faut du temps il faut des fleurs pour oublier
il faut ce marbre uni où poser des œillets
l’herme aux lueurs du soir est plus doux au malheur que ces brumes d’errance le vent a-t-il jamais séché les larmes de douleur
De cendre ou de poussière lorsque le temps viendra
choisissez un bon bois de chêne lisse au toucher, robuste et clair
et dans ce vieux pays de Rance enterrez-moi près de mon père.
–
suivi de ma « réponse »
Quel que soit le carré de terre,
que des pelles viendront blesser
la pierre ou le marbre,
l’ombre des cyprès,
les noeuds de leurs racines,
auprès de toi,
Quel que soit le vent,
qui répandra les cendres,
comme autant de paroles vaines,
et aussi les fleurs
qui meurent, de même,
dans leur vase,
Il y aura un temps pour oublier,
lorsque les mousses
auront reconquis la pierre gravée,
les pluies effacé les lettres :
– même la douleur
ne peut prétendre à l’éternité .
Que l’on enterre une princesse
avec ses bijoux,
et toutes ses parures,
ne la fait pas voyager plus vite
sur le bateau
de l’au-delà…
Ce qu’il en reste
après quelques siècles :
> quelques offrandes,
et des os blanchis
ne nous rendent pas sa parole
et le ton de sa voix.
A se dissoudre complètement
dans l’infini,
c’est encore modestie :
– On pourra dire « elle a été » -,
mais le temps du souvenir,
se porte seulement dans le coeur des vivants .
–
RC
:
Astrid Waliszek – clac
visuel: Omer Parent
tes veines, vivantes et bleues dansent une sarabande effrénée
sur le dessus de ta main. La terre tremble, dis-tu.
à bousculer les nuages à chercher la chaleur
nous avons oublié l’heure celle de l’au revoir
– non, pas adieu et voilà, c’est ici,
c’est maintenant couvre-toi,
ne prends pas froid tu ne reviendras pas,
c’est là c’est maintenant qu’il faut partir
les nuages se disséminent un froid soleil pâle se lève,
une portière de voiture claque
c’est un adieu, nous le savons tous deux
des pas résonnent sur le pavé rien n’a changé,
rien ne change jamais des portes se ferment,
d’autres s’ouvrent s’en va,
s’en vient l’amour – la ville dort
–
12 février 2012
Sylvie Durbec – Notes pour mon père
Une pluie parfumée à mes pieds:
Une infime parcelle- comme une découpe du ciel – ( RC )
–
A l’extrème limite de la conscience,
une bouche balbutie,
sur une surface horizontale..
une couche de glace,
dont on ne sait encore l’épaisseur,
mais bousculée par les courants de l’intime,
d’une profondeur insondable.
–
J’imagine le violoncelle de Yoyo-Ma,
Jouant Bach, sur une pellicule de glace,
la pique s’enfonçant peu à peu,
à chaque coup d’archet,
pour retrouver,
une fois la suite achevée,
l’essence même de la musique.
–
Et , de même la page d’écriture,
Qui se révèle :
une façon de communiquer son sang
à l’encre :
une mémoire magnétique,
venant de régions inconnues
avant que celle-ci ne fige .
–
Bien sûr, on peut rester
la plume en suspens,
au point de laisser les oiseaux
dessiner, écrire à notre place,
le geste immobilisé,
pour des récits qui resteront
à jamais non écrits …
–
Faut-il se révéler à soi-même,
Et remonter du lac,
sous nos pieds,
un seau d’eau glacée
dans laquelle nous mirer ?
Reflétant aussi les oiseaux ,
et l’encre transparente du silence …
–
De toute façon,
ce qui est puisé,
n’est qu’une infime parcelle,
comme le serait la découpe du ciel,
visible dans le seau,
mais il contient une voix,
avant d’être naufragée, gelée …
–
la nôtre .
_
RC- sept 2015
( variation sur un texte de Michèle Dujardin, tiré de « Abadôn » elle-même évoquant Henri Thomas avec cet extrait : « Je n’ai le goût de rien exprimer, si ce n’est ce noyau d’obscurité tenace qui est mon être même, ma substance morale et poétique. »
Henri Thomas )
M2L – L’absence
photographe non identifié
Absence
Jardin fermé
Sur la terre inclinée
une amie suit
le mouvement de l’air.
Seul l’oiseau chante
le retour du jasmin
à l’horizon
du Soleil sur la terre.
Absence
senteur d’Orient
Au matin qui s’enfuit
les fleurs fanées
épousent le chagrin
d’un jardin oublié.
Le ciel ruisselle
mais les perles de pluie
ne valent pas
la douceur d’une main.
ValentineMoon – Le chemin dans la forêt

–
à chaque fois: la vie étrécie.
Monique L -Monolithes irrespectueux
un texte de Monique L, extrait de son blog poétique et pictural:
-La fleur et la pierre participent du même monde et pourtant elles ne sont pas du même genre. Au final, la pierre – toujours hors de portée- même lorsqu’elle s’éboule, écrasera toujours la fleur.
La fleur a vécu d’autres saisons, elle le sait. Elle ne comprend pas tout cela.
La pierre larmoyante de pluie ou d’humble rosée reste une pierre. La pierre roule à sa seule convenance , elle écrase sans façon. Que lui importe, elle est pierre, elle est fière et altière. La pierre s’érige au-dessus du lot commun , elle le clame dans l’azur à tous les dieux et elle se renie ( comme tout ce qui clame) sans vergogne dans les bassesses de ses dégringolades.La pierre se targue d’éthique mais elle méprise Sisyphe et offense le brin d’herbe . La pierre passe sans égards,dans un grand éclat de rire, elle plie et abaisse la fleur. La pierre est sourde ou aveugle ou muette ou trop sûre d’elle.
La fleur et l’herbe le savent, impuissantes, toujours vivantes. Elles ne comprennent rien à tout cela.
Rêves d’Amérique – ( RC )
–
C’est une image que colporte le rêve :
C’est toujours mieux ailleurs,
Alors…
Tu as rêvé de l’Amérique,
Comme tant d’autres ,
parcourant les mythes,
et celui, bien entretenu,
de la géante de cuivre,
portant haut la flamme, et ceinte,
Comme pourraient l’être ceux qui s’en réclament,
D’une bannière aux multiples étoiles,
Etoiles blanches sur un bleu profond,
parfaitement alignées,
comme les tombes, dans les cimetières de la liberté,
des soldats ( américains, justement).
« America, America » d’Elia Kazan,
révèle le parcours de l’immigrant,
prêt à affronter tous les obstacles,
pour réaliser son rêve, qui coïncide aussi
à la perte de son identité,
parti pour un voyage sans retour.
Vivant de l’intérieur la sensation de déracinement
malgré son désir d’appartenance .
Les hommes qu’on croise,
n’ont plus le visage des conquérants.
Seul le commerce porte à le croire :
Ils ont les paupières lourdes ;
Ils ont englouti leur passé,
Et n’ignorent plus que ,
sur la bannière,
Les bandes rouges peuvent être aussi,
Un chemin de sang,
Comme l’a été celui de millions d’hommes,
Importés comme esclaves,
Il n’y a pas si longtemps.
Tu as rêvé d’Amérique,
Mais les étoiles ont pâli,
Et le ciel est sale.
La liberté tant vantée,
( surtout celle de faire de l’argent, )
Se mesure à leur poids de dollars
Où rivalisent ceux qui ont réussi.
C’est une partie de l’Amérique qui fanfaronne,
qui joue de sa sur-puissance,
et va guerroyer au Viet-Nam, ou ailleurs.
Mais il y a l’autre côté, qui étend ses bras de pieuvre
Le côté plus obscur, celui
des « raisins de la colère »,
Celui des hommes meurtris,
Dont on ne parle pas .
Eux connaissent l’Amérique de l’intérieur,
Et leur destin empêché les enfonce
dans la catégorie des « loosers » :
Leurs songes ne sont pas les mêmes… ;
Les étoiles se sont changées en pluie de larmes…
—
Ainsi , tu ne rêves plus d’Amérique ?
–
RC – juill 2015
David Ponce – Double Je
![]() |
Médaille bicéphale : Pile efface et face épile, En duo, dos à dos. Clignotent recto verso, Disjoints mais réunis Chaque jour la pièce est lancée !
— On peut lire les textes de David Ponce, sur son site » Plan sans cible », comportant un dialogue très réussi entre textes et photographie.. |
Lambert Savigneux – Nuit
Nuit
by Lam – dans ses « feuillets pouvant servir à la poésie )
–
Je pourrai comme un sanglier mourir là dans mon sang
les arbustes et les fleurs tâchés de mes poèmes
les étoiles étrangères et la lune compatissante
nuit sans que rien ne te trouble toi qui ne me lit pas
–
François Corvol – Langue
–
Les paroles persistaient et mes yeux, certainement moins
dans le vague, s’étaient repositionnés dans les siens, semblables
aux oiseaux qui vont, pour une raison que j’ignore
se poser sur un fil électrique au-dessus de ma tête
puis observent, gazouillent, manifestent leur présence
avant que le désir de se mouvoir n’émerge à nouveau.
Ils sont pressés de retourner librement dans le ciel.
Décontraction du château intérieur, fluctuations sereines et solides
des joies du dedans, lesquelles, s’exilant du royaume
laissaient échapper un rire innocent et sincère
attiré à soi comme un enfant qu’on extrait de son instinct de fuite.
Ceci ne m’importait guère
étant son visage caché, le langage secret que seul j’honorais
par lequel je m’évadais, avec l’espoir qu’elle me suive
et se détache d’elle-même.
Camille Lysière – L’homme dessiné
Parmi les nombreuses publications de Camille,
J’ai choisi , avec son autorisation » l’homme dessiné », que l’on peut retrouver sur son blog…
Cœur de nuit.
Mon Homme-dessiné étendu sur le ventre, un bras tombe du lit, le dos de la main posé sur le parquet.
Il a fermé les yeux, il respire lentement, et sourit de temps en temps au gré de ses pensées. La lumière est douce et les draps sont froissés.
Les bruits du dehors nous parviennent seulement, nos halètements se sont enfin calmés. Il m’a prise comme j’aime, il m’a bercée, rudoyée, il m’a fait naître de ses mains, me transformant dans la même heure en catin, en princesse, en souillon, en sœur, en diamant palpitant.
Toutes les femmes en moi qu’il explore et visite, qu’il va chercher à coups de regards et de reins. Ou qu’il crée, peut-être, je n’en sais rien.
Je caresse ses fesses, rebondies, soyeuses, blanches. Seule surface épargnée de son anatomie. Mon Homme-dessiné a dressé sur sa peau la carte de sa vie, l’histoire de ses cris. Je les caresse du bout du doigt, je les embrasse, je les cajole. Je les envie. Collées à lui. A jamais ses alliées. Soudées.
Du bout du doigt je parcours des volutes, des arabesques, des pétales de lys, des angles saillants, des chemins de lettres aux tracés étonnants. Il m’explique chacun, des noms curieux, exotiques et charmants, des chemins tortueux, des désespoirs en noir et gris. Il me parle de lui.
J’écoute, fascinée, son parcours meurtri, et aussi ses espoirs, ses envies, ses forces, ses fragilités, son mépris, son respect. Mon Homme-dessiné se tourne sur le dos, me présente son ventre, tout aussi décoré. Ses tétons rosés sont percés de deux anneaux d’argent, je les chahute du bout de la langue, je les suçote et les tire un peu entre mes dents.
Il rit, t’as pas fini, canaille ?
Je me pose sur lui, il est chaud, il est grand. Mon Homme-dessiné aime fermer sur moi ses deux bras colorés. Sur celui qui enserre mon épaule, une femme sirène que je ne peux jalouser, qui pourtant passe sa vie au chaud tout contre lui. Un étrange serpent, son œil au ras du mien quand je pose la joue contre ce large torse. Et puis les trois singes de la sagesse, assis sur sa clavicule.
Pour être heureux, ma princesse, ne pas tout entendre, ne pas tout voir, savoir se taire… Et tu es heureux, toi ? Il ne dit rien, il me serre un peu plus, il caresse mes cheveux. Je ne sais pas, je suis bien, là, parle-moi, encore, encore, parle-moi, je veux ta voix.
Cœur de nuit, cœur de vie. Mon Homme-dessiné au matin va partir. Tracer d’autres sentiers, mener d’autres combats, me revenir parfois, blessé ou triomphant.
Mon Homme-dessiné, troublé, troublant.
Allegra Sérendipité – Vesper
Vesper
Comme des milliers de bougies allumées
Le ciel du soir est étoilé
Parmi tous ces points dorés
Il n’est qu’une flamme à aimer.
Dès cinq heures elle est là
Suivie par d’autres, qui pas à pas,
Jalouses comme des sirènes
S’agglutinent aux voilées siciliennes
N’est-il pas vrai qu’elle laisse un gout amer
Cette étoile que l’on nomme Vesper
Un certain James pense tout autre
Une fois goûtée on ne veut rien d’autre
Ma vie à cette heure cardinale
Irradie comme ce chant vespéral
Hymne enchaîné d’un verset mystique
Salué d’un Magnificat Liturgique
Mais la lecture de leurs filantes capitules
Me laissent telle un rameau d’Aspérules
Alanguie dans mon lit de plumes
Insomnies et chevauchées de runes
Ô nuit illuminée, pose magnifique
Sur mes lèvres ce sourire chimérique
Car au matin de ce moment magique
J’ouvre des yeux d’amnésique.
–
Camille Lysière – L’homme dessiné
L’homme-dessiné
Cœur de nuit.
Mon Homme-dessiné étendu sur le ventre, un bras tombe du lit, le dos de la main posé sur le parquet. Il a fermé les yeux, il respire lentement, et sourit de temps en temps au gré de ses pensées. La lumière est douce et les draps sont froissés.
Les bruits du dehors nous parviennent seulement, nos halètements se sont enfin calmés. Il m’a prise comme j’aime, il m’a bercée, rudoyée, il m’a fait naître de ses mains, me transformant dans la même heure en catin, en princesse, en souillon, en sœur, en diamant palpitant.
Toutes les femmes en moi qu’il explore et visite, qu’il va chercher à coups de regards et de reins. Ou qu’il crée, peut-être, je n’en sais rien.
Je caresse ses fesses, rebondies, soyeuses, blanches. Seule surface épargnée de son anatomie. Mon Homme-dessiné a dressé sur sa peau la carte de sa vie, l’histoire de ses cris.
Je les caresse du bout du doigt, je les embrasse, je les cajole. Je les envie. Collées à lui. A jamais ses alliées. Soudées.
Du bout du doigt je parcours des volutes, des arabesques, des pétales de lys, des angles saillants, des chemins de lettres aux tracés étonnants. Il m’explique chacun, des noms curieux, exotiques et charmants, des chemins tortueux, des désespoirs en noir et gris. Il me parle de lui.
J’écoute, fascinée, son parcours meurtri, et aussi ses espoirs, ses envies, ses forces, ses fragilités, son mépris, son respect. Mon Homme-dessiné se tourne sur le dos, me présente son ventre, tout aussi décoré. Ses tétons rosés sont percés de deux anneaux d’argent, je les chahute du bout de la langue, je les suçote et les tire un peu entre mes dents. Il rit, t’as pas fini, canaille ? Je me pose sur lui, il est chaud, il est grand. Mon Homme-dessiné aime fermer sur moi ses deux bras colorés.
Sur celui qui enserre mon épaule, une femme sirène que je ne peux jalouser, qui pourtant passe sa vie au chaud tout contre lui. Un étrange serpent, son œil au ras du mien quand je pose la joue contre ce large torse. Et puis les trois singes de la sagesse, assis sur sa clavicule. Pour être heureux, ma princesse, ne pas tout entendre, ne pas tout voir, savoir se taire…
Et tu es heureux, toi ? Il ne dit rien, il me serre un peu plus, il caresse mes cheveux. Je ne sais pas, je suis bien, là, parle-moi, encore, encore, parle-moi, je veux ta voix.
Cœur de nuit, cœur de vie. Mon Homme-dessiné au matin va partir. Tracer d’autres sentiers, mener d’autres combats, me revenir parfois, blessé ou triomphant.
Mon Homme-dessiné, troublé, troublant.
–
Ce texte est extrait du blog de Camille Lysière
–
Arthémisia – Chronique d’un autre monde
Le soleil tomba tôt dans le puits.
Les trois lunes apparurent, roses, à l’horizon, derrière l’usine de verre.
Depuis la révolution des orbes célestes ¹, les formes et les couleurs avaient beaucoup changé.
C’était heureux.
Désormais, la bouche des femmes avait des saveurs de coquelicot, et, les mains des hommes, lisses comme la mer, étaient devenues aimantes.
Ils se cueillaient et alimentaient l’usine de leurs caresses.
Dans les jardins de lait, couraient des enfants blonds, qui, le soir venu, décrochaient les lunes et les roulaient par terre en y semant des fleurs.
Puis, à l’heure du sommeil, les mères rangeaient les lunes dans le ciel, embrassaient leurs enfants, et se fardaient la bouche pour leur amant.
Le clocher sonna dix fois. C’était l’instant de quiétude. Chacun pouvait garder les yeux ouverts sans souffrir.
¹ Oeuvre de Nicolas COPERNIC
© Arthémisia – oct 2011 visible sur son site corpsetame.