voir l'art autrement – en relation avec les textes

Italie

Alda Merini – dans les ombres du sommeil


gravure Gustave Doré ( de l’enfer de Dante )

Tu es entrée dans les ombres du sommeil
un jour
et tu y as reconnu mon visage exsangue
aligné aux autres sur l’aire du sacrifice.
avec la torche de ton savoir.

Tu as éclairé les ombres de l’enfer.
toi, mère immaculée et triste
pour qui les jours ont été
comme autant de fils
.


Sandro Penna – Lune de Décembre –


Adalbert Stifter, lever de lune (vers 1855)
Elle est si belle cette lune de décembre, 
Calme, elle regarde l'année s'éteindre.
Pendant que dans la plaine les trains s'essoufflent, 
elle seule sourit à ces feux si étranges.



Come è bella la luna di dicembre
che garda calma tramontare l'anno.
Mentre i treni si affanano si affanano 
a quei fuochi stranissimi ella soride.


Poésie/Poèmes

(1973)

Traduit de l’italien par

Pierre Lepori

Editions d’en bas


Mario Benedetti – des mots qui n’existent plus


montage RC

Combien de mots n’existent plus.
Le présent repas n’est pas la soupe.
L’eau qui reste ici n’est pas la mer.
Une aide c’est trop demander.
Il n’y a rien à vivre et il n’y a plus rien, sauf mourir, quand on m’enlève les mots .
Et pas de sauts à la corde, de mains qui ensemble se tiennent
, sourires, caresses, baisers.
Le lit de la maison est une lande imprononçable :le repos des mourants,
dans les spasmes agités, quand on sent que l’on vit encore.
Province d’Udine, Codroipo, le malade des deux poumons,
le pantalon trop large, le visage avec la peau sur les os,
le nez effilé , ce n’est pas quelque chose à raconter, ni les souvenirs.
Se savoir aride, se sentir aride…
Et je me dis, réalisez donc, n’ayez pas seulement vingt ans,
et une vie comme éternelle, pour juste me faire du mal.

( traduction « improbable de Google trad,  » au mot à mot modifiée pour que cela soit plus compréhensible. )

texte issu du site une nouvelle poésie italienne.


Paul Vincensini – Le poids de la vie


P E 04-montage  RC

Le poids de la vie en somme
C’est l’absence
Le silence
La solitude
Ce poids ne compte pas
N’a pas de poids
Et son symbole n’est pas le plomb
Mais le flocon de neige.

« Toujours et jamais », 1982.

U pesu di a vita

U pesu di a vita in calchi manera
Hè a mancanza
U silenziu
A sulitùdina
Issu pesu ùn conta
Un hà micca pesu
È u so sìmbulu ùn hè piombu
Ma u fioccu di nevi


Sandro Penna – De retour à la mer de mes vingt ans –


Léon Spilliaert – Digue à Ostende –
De retour à la mer de mes vingt ans,
au soir, je traversai les boulevards tièdes 
et je cherchais mes compagnons d’antan…

Je humais comme un loup déchainé
l’ombre chaude des maisons. Un parfum
vide et ancien me chassait vers la plage
grande ouverte sur la mer. Pour y trouver
l’amertume la plus claire et mon ombre
lunaire, figée sur ce parfum d’antan.

             * 
Quando tornai al mare di una volta,
nella sera fra i caldi viali
ricercavo i compagni di allora…

Come un lupo impazzito odoravo 
la calda ombra fra le case. L’odore
antico e vuoto mi cacciava all’ampia
spiaggia sul mare aperto. Lì trovavo
l’amarezza più chiara e la mia ombra
lunare ferma su l’antico odore.

              *

Sandro Penna

Poésie/Poèmes

(1973)

traduit de l’italien par

Pierre Lepori

Editions d’en bas


Enrico Testa – tenir à distance le peuple envahissant des merles


image transfo RC

sur le terre-plein de la voie ferrée
longeant le bois
les troncs des acacias
sont noirs après la pluie
comme des traits d’encre qui s’écartent.

Pâques est désormais le papier d’argent,
poussiéreux et pâli,
des œufs, suspendus
aux branches des cerisiers.
Rubans qui miroitent dans le vent
et devraient tenir à distance
le peuple envahissant des merles

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . .(Pasqua di neve, Einaudi, 2008)

source « une autre poésie italienne »


P.P.Pasolini – De poésie, une vie était close


peinture – Geneviève Asse

« J’avais vingt ans, même pas –dix-huit,

dix-neuf…et déjà un siècle était passé

depuis que je vivais une vie entière

consumée à la douleur de penser

que je ne pourrais jamais donner mon amour,

sinon à ma main, ou à l’herbe des fossés,

au terreau d’une tombe sans surveillance…

Vingt ans et, avec son histoire humaine, avec son cycle

De poésie, une vie était close. »


Pier Paolo Pasolini – Les feuilles des sureaux –


Paul Cézanne – Côte du Galet à Pontoise –
Les feuilles des sureaux, qui sur les canaux 
sortent de leurs tièdes et rondes branches, 
parmi les filets rouge sang, parmi les balcons

jaunâtres et orangés que forment les joncs 
du Frioul, alignés en perspectives dépouillées 
sur le fond des crêtes dépouillées

ou en douces courbes le long des joyeuses 
pentes des berges... Les feuilles 
des peupliers arachnéens, amassés

sans un frisson en foules silencieuses
au fond des champs déserts de luzerne;
les feuilles des humbles aulnes, le long des mottes

asséchées où le froment lève ses ardentes petites plantes 
avec des tremblements déjà de bonheur; 
les feuilles de la mâche qui couvre, tiède,

]a levée de terre sur les tapisseries d’or des vignobles.

Poésie

1943-1970

nrf Gallimard


Cesare Pavèse – Rencontre


peinture Alan Lakin

Ces dures collines qui ont façonné mon corps
et qui ébranlent en lui autant de souvenirs,
m’ont fait entrevoir le prodige de cette femme
qui ne sait que je la vis sans réussir à la comprendre.

Un soir, je l’ai rencontrée : tache plus claire
sous les étoiles incertaines, dans la brume d’été.
Le parfum des collines flottait tout autour
plus profond que l’ombre et soudain une voix résonna
qu’on eût dit surgie de ces collines, voix plus nette
et plus âpre à la fois, une voix de saisons oubliées.

Quelquefois je la vois, elle vit devant mes yeux,
définie, immuable, tel un souvenir.
Jamais je n’ai pu la saisir : sa réalité
chaque fois m’échappe et m’emporte au loin.

Je ne sais si elle est belle. Elle est jeune entre les femmes :
lorsque je pense à elle, un lointain souvenir
d’une enfance vécue parmi ces collines, me surprend
tellement elle est jeune.

Elle ressemble au matin. Ses yeux me suggèrent
tous les ciels lointains de ces matins anciens.
Et son regard enferme un tenace dessein : la plus nette lumière
que sur ces collines l’aube ait jamais connue.

Je l’ai créée du fond de toutes les choses
qui me sont le plus chères sans réussir à la comprendre.

In Travailler fatigue, © Poésie/Gallimard, p.51


Giuseppe Penone – Verde del bosco –


Giuseppe Penone – vert du bois – 1983

Capturer Le vert de la forêt.

 

Parcourir d’un geste le vert de la forêt.

 

Frotter le vert du bois. 

 

Superposer le vert de la forêt à la forêt.

 

Imaginer l’épaisseur du vert de la forêt.

 

Travailler avec la splendeur, la consistance du vert de la forêt.

 

Consumer le vert de la forêt contre la forêt.

 

Refaire la forêt avec les verts de la forêt.

Giuseppe Penone, 1986 (Writings 1968-2008)

                                                                           ***

voir sur l’exposition  Sève et pensée – BnF Oct 2021/Janv 2022 :

  https://blog.kermorvan.fr/2021/11/04/__trashed/

Sève et pensée – Exposition BnF Oct 2021/Janv 2022
Frottage – détail








































L’oeuvre Sève et pensée ,déployée au centre de l’Exposition ( BnF  Oct 2021/Janv 2022) , comprend un texte continu, sans ponctuation, que Giuseppe Penone a écrit en 2018 (suite de réflexions sur son art, la sculpture, la peinture, le dessin ... le cycle de la vie et de la mort). 


et

rencontre avec l’artiste

 

 

 


Alda Merini – l’hystérique


Montage perso

J’ai aimé tendrement de très doux amants
sans que jamais ils n’en sachent rien.
Et sur eux j’ai tissé des toiles d’araignée
et je fus la proie de ma propre matière.
Il y avait en moi l’âme de la catin
de la sainte, de la sanguinaire et de l’hypocrite.
Beaucoup ont donné un nom
à ma façon de vivre
et je fus seulement une hystérique.


Alda Merini – la notte


 

Heesang Lee    Desolation.jpg

La chose la plus magnifique est la nuit

quand tombent les dernières épouvantes

et que l’âme se lance à l’aventure.

Lui se tait en ton sein

comme résorbé par le sang

qui prend enfin la couleur de Dieu

et toi tu pries pour qu’il se taise à jamais

pour ne pas l’entendre telle une plénitude fixe

jusqu’à l’intérieur des murs.

La cosa più superba è la notte

quando cadono gli ultimi spaventi

e l’anima si getta all’avventura.

Lui tace nel tuo grembo

come riassorbito dal sangue

che finalmente si colora di Dio

e tu preghi che taccia per sempre

per non sentirlo come un rigoglio fisso

fin dentro le pareti.


Lucio Mariani – Echec et mat


11 septembre 2001

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Je suis né à Rockaway, non loin de Brooklyn, sur un morceau de terre qui ressemble à un grand doigt pointé vers l’Atlantique.

Je ne me souviens pas qu’une femme ait entouré d’amour mon enfance et mes premiers émerveillements.

Mais c’était beau de grandir derrière une haie, avec l’océan dans les yeux chaque jour,  aussi beau que de débusquer dans le visage italien de mon père   un orgueil mal dissimulé, le jour où je revins à la maison avec mon premier salaire de comptable.

Il voulut faire une partie d’échecs, et le temps de fumer deux cigarettes, lui coup de la tour, un coup de la reine,

Il se laissa battre sans appel. Il en tira la conclusion qu’ il me fallait toujours prendre garde aux tours, « Dangereuses », avait dit mon vieux d’un air grave et moi, souriant,

Je me souvenais de son propos en ce mardi 11 septembre,  tandis que je me hâtais de rejoindre mon bureau à Manhattan.

Et je peux reconnaître le bien-fondé de son conseil maintenant que je suis poussière dispersée par un éclair obscène, poudre abandonnée parmi d’autres poudres, matière décomposée sous un trottoir détruit,          près d’une feuille où mon père ne pourra jamais me trouver,                                   ne serait-ce que pour tenir cette main avec laquelle je jouais aux échecs.

J’étais de Rockaway                     Et je n’ai connu ni l’amour ni le réconfort des femmes : qu’une femme vienne, maintenant, et qu’elle demande aux iris blancs de fleurir au milieu de mon nom disparu, effacé.


Alda Merini – en contact avec la chair du monde


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sculpture – Musée Gulbenkian – Lisbonne

 

J’aime les gens qui savent écouter le vent sur leur peau,

sentir les odeurs des choses, en capturer l’âme.

Ceux qui ont la chair en contact avec la chair du monde.

Parce que, là, il y a de la vérité, il y a de la sensibilité,

parce que, là, il y a encore de l’amour « . –

 

 


Alda Merini – née le vingt-et-un au printemps


 

 

peinture  D Rossetti –   détail – Proserpine

 

Je suis née le vingt-et-un au printemps
mais je ne savais pas que naître folle,
ouvrir les mottes
pouvait déchaîner la tempête.

Ainsi Proserpine légère
voit pleuvoir sur les herbes,
sur les gros épis gentils
et pleure toujours le soir.

C’est peut-être sa prière.

 

 

 (de Vuoto d’amore, Il volume del canto)


Erri de Luca – la brebis brune


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photo denvedarvro  ( écomusée  du musée de Rennes )

 

 

La brebis brune

Est la première agressée par l’éclair et le loup,
le tour de mauvaise chance qui gâte la couleur uniforme
du blanc troupeau.
Le jour la chasse, la nuit l’accueille
dans le noir térébenthine qui dissout couleurs et contours
et fait qu’elle ressemble aux autres.
La nuit est plus juste que le jour.
Face au danger le cri le plus limpide est le sien,
sur la glace de l’aube c’est elle qui marque la trace.
Où passent les confins, elle seule longe la haie de mures
Qui fait frontière à la vie frénétique, féroce, qui ne donne répit.

La pecora bruna

È la prima aggredita dal lampo e dal lupo,
lo scherzo di mala fortuna che guasta il colore uniforme
del bianco di gregge.
Il giorno la scaccia, la notte l’accoglie
nel buio d’acqua ragia che scioglie colore e contorno
e fa che assomigli alle altre.
La notte è più giusta del giorno.
In faccia al pericolo il grido più limpido è il suo,
sul ghiaccio dell’ alba la traccia è battuta da lei.
Dove corre il confine, lei sola rasenta la siepe di more,
e chi si è smarrito si tiene al di qua della pecora bruna,
che fa da frontiera alla vita veloce, feroce, che tregua non dà.

———-

traduction par Antonio Silvestrone : voir son site 


Maurizio Cucchi – Vies particulaires (extrait)


 

 

coulee-aux-acieries

           Raymond Rochette –  coulée aux aciéries

 

 

Faisons en sorte cependant
que tout devienne doux,
intime, familier, affable,
même dans les gestes du crève-cœur

 

Cela te dérangeait cette ferveur bruyante
de l’atelier, ce grand désordre de fer en barre, en coins, en tôles,
réservoirs, axes, engrenages, manivelles,
marmites surtout, et combinaisons d’ouvriers
jeunes, sales de suie et de plâtre
et les montagnes de débris rouillés.

 

Si tu avais vu au contraire, comme dans l ‘album
d’images, la noblesse du fer
jeune, éblouissant. Le fer rouge
de feu ou blanc incandescent, le fer
noir froid, et un goût fort
(le fer, une odeur âpre
de fer…

 

 

Vies particulaires 
traduction Bernard Vanel 
le bousquet-labarthe éditions 

Maria Grazia CALANDRONE – Chanson


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                Odilon Redon ( Tête d’enfant avec fleurs)

 

Je chante pour que tu reviennes

quand je chante

je chante pour que tu traverses tous les jours

des milliers de solitudes

pour essuyer mes larmes.

 

Mais j’ai honte de te demander tant

et je cesse mon chant.

 

Je chante et je suis léger

comme une fleur de tilleul

je chante et je m’assieds vraiment

là où je m’étonne :

 

au début du monde

 

il y a l’ombre blanche des premières roses

qui ne sont plus amères

parce que je chante et je te vois revenir

comme reviennent les choses sur le rivage :

sans passé,

avec la poitrine lavée

par la mer.

 

Voilà !,

 

tu montes les escaliers comme un petit garçon

qui fait tomber de ses cils une couronne de sel,

donne deux coups d’index

à la porte, s’agenouille

à la hâte, en hâte

dit : « Viens !,

je t’emmène à la mer » et me sourit, de sa stature

de grésil et de roses, de sa gaze d’âme sauvée

des petites choses.

 

Par sa bouche blanche le monde rit

et rient les choses

transparentes du ciel

si, en se tournant à peine

par pudeur, il dit : « Tu vois, je n’ai plus peur »

 

comme en parlant à une ombre évaporée

dans l’innocence

 

calme des genêts, à un souffle de roses

envolé par les fenêtres

ouvertes

jusqu’aux fondations.

 

Ainsi tu me laisses à découvert privé

de poids. Et alors je chante

d’être assis

dans le vif, tout l’amour privé,

pour que ne s’arrête pas

 

la présence parfaite

de qui n’a pas de poids

 

mais c’est sans volonté, sans décombres, sans l’avènement

de la matière

la poussière seule tend à la lumière.

 

 

       Canzone 

 

Canto perché ritorni

quando canto

canto perché attraversi tutti i giorni

miglia di solitudine

per asciugarmi il pianto.

 

Ma ho vergogna di chiederti tanto

e smetto il canto.

 

Canto e sono leggero

come un fiore di tiglio

canto e siedo davvero

dove mi meraviglio:

 

all’inizio del mondo

 

c’è l’ombra bianca delle prime rose

che non sono più amare

perché canto e ti vedo tornare

come tornano a riva le cose:

 senza passato,

con il petto lavato

dal mare.

 

Ecco !,

 

sali le scale come un ragazzino

che scrolla dalle ciglia una corona di sale,

dà due beccate d’indice

alla porta, s’inginocchia

in fretta, in fretta

dice: “Vieni !,

ti porto al mare” e mi sorride, dalla sua statura

di nevischio e di rose, dalla sua garza d’anima salvata

dalle piccole cose.

 

Dalla sua bocca bianca ride il mondo

e ridono le cose

trasparenti del cielo

se, girandosi appena

per pudore, dice: “Lo vedi, non ho più paura”

 

come parlando a un’ombra evaporata

 nell’innocenza

calma delle ginestre, a un fiatare di rose

andato via per le finestre

aperte

fino alle fondamenta.

 

Cosi mi lasci nell’aperto privo

di peso. E allora canto

lo stare seduti

nel vivo, tutto l’amore privo,

che non smetta

 

la presenza perfetta

di chi non pesa

ma è senza volontà, senza maceria, senza l’avvenimento

della materia

è solo polvere che tende alla luce.

 

Rome, 30 septembre 2010

Poème extrait de Le Bien moral, 2012.

Traduits par Claire Pellissier


Maria Luisa VEZZALI- yeux (occhi)


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LE BA DANG, « Yeux », 2006 

 

 

                  Yeux

 

qui ont papillonné

en moi comme des ailes sous-marines

 

qui ont vu le rouge pour la première fois

sans mot pour pouvoir le décrire

 

qui sont passés de la cécité à la vue

 non l’inverse comme c’est inévitable

 

qui m’ont distinguée parmi les ombres

comme une fenêtre

 

qui cristallisent la lumière

dans le sérieux du jeu

 

qui savent se faire pierre, de tourbillon

de miroir

 

fermés dans le sommeil comme une friandise

à sucer

 

ouverts au jour

comme une main

 

qui chaque jour semblent s’enrichir d’années

pour ensuite redevenir rosée

 

et bien que j’essaie  –  et dieu sait

que j’essaie  –  je ne peux imaginer

 

pourtant j’ai imaginé juste assez

pour les évoquer à l’argile humide

 

du monde

 

 

 

               Occhi

 

che hanno sbattuto

come ali sottomarine dentro di me

 

che hanno visto il rosso per la prima volta

senza parole per poterlo descrivere

 

che hanno avanzato dalla cecità alla visone

non viceversa come inevitabile

 

che tra le ombre mi hanno distinta

come una finestra

 

che cristallizzano la luce

nella serietà del gioco

 

che sanno farsi pietra, di vortice

di specchio

 

chiusi nel sonno come un dolce

da succhiare

 

aperti al giorno

come una mano

 

che ogni giorno paiono crescere anni

per poi tornare rugiada

 

che per quanto provi  –  e dio sa

come provo  –  non posso immaginare

 

pure ho immaginato quanto bastava

per evocarli all’ argilla umida

 

del mondo

 

 

 

Maria Luisa VEZZALI

Matrices du soleil ébranlées
Extrait de la mini-série Explosions
Poèmes extraits de ligne mère
Traduits par Claire Pellissier


Alda Merini – vide d’amour


 

Francisco de Zurbarán, 1598-1664, Sainte Ursule, c. 1650, musée des Beaux-Arts de Strasbourg  extr.jpg

détail de peinture    Sainte Ursule, c. 1650                Zurbaran

 

 

de Vuoto d’amore,

J’ai aimé tendrement de très doux amants
sans que jamais ils n’en sachent rien.
Et sur eux j’ai tissé des toiles d’araignée
et je fus la proie de ma propre matière.
Il y avait en moi l’âme de la catin
de la sainte de la sanguinaire et de l’hypocrite.
Beaucoup ont donné un nom à ma façon de vivre
et je fus seulement une hystérique.


Mario Luzi – Que de vie !



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détail d’une peinture de Frida Kahlo
.

« Que de vie ! »
une voix aiguë d’enfant s’élève
là où une foule d’oiseaux
arrachés à leur gazouillement
de branche en branche
s’enfuit dans l’effeuillement du bois
sous le froid contre jour,
trace un sillage de plumes et de cris,
abandonne les phrases brisées
d’un discours qui achoppe, fête
et fuite, tandis que des hommes à l’affût
en préparent le massacre ;
“que de vie !” répètent des derniers,
ces plus lumineux battements d’ailes
sur toute la broussaille entre mer et marais […]

car on ne perçoit jamais la vie
si fort qu’au moment de sa perte.

Mario Luzi, « Du fond des campagnes », L’Incessante Origine, Flammarion, 1985, pp. 112-115.
.

.


Patrizia Valduga – Cette neige


photo Luis Fernandez – Toronto

 

XVI.

Sur le blanc du givre en lents flocons

se perd un peu de neige silencieuse,

tu avais une ombre noire au front,    

chaque jour t’enlevait quelque chose…

Il fait si froid, je couvre tes jambes

tu suis ton ombre mystérieuse,

ce papillon noir vif t’afflige

tu ne l’as même pas vue, cette neige.

 

 

Cet écrit est issu  du beau site   » une  autre poésie  Italienne »


Giuseppe Penone – Déchiffrant la culture du toucher


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Sur le bout de la langue, sur le bout des doigts, qui, rassemblés sont les pattes de la bête qui m’entraîne dans l’univers de l’alphabet, en déchiffrant la culture du toucher contenue dans la forêt des images, présente dans la réalité des arbres qui jalonnent le temps de l’histoire dans l’espoir de mettre de l’ordre dans la vie des hommes.

 

Giuseppe Penone, est l’artiste italien connu pour  ses installations,  souvent  prenant l’arbre  comme « motif »  réel, dans lequel il sculpte et révèle  le départ des branches  anciennes…


Jean Soldini – Locus Solus


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Je me tenais immobile
dans un minuscule pré ovale
locus solus bordé de fleurs.
Les abeilles vibraient
tout près de mon corps,
comme si je n’existais pas,
enveloppé du parfum chaud de l’herbe et des fleurs
du bourdonnement qui les couvrait,
les découvrait puis les recouvrait.
Je me tenais
ostensiblement introuvable :
les yeux fermés
le dos collé au sol
les jambes croisant des trajectoires champêtres.

  •  de   » Tenere il passo, LietoColle 2014″

( » Locus solus » peut être  trouvé, avec d’autres  du même  auteur,  sur  le site  d’  une  autre poésie italienne » )


Matera – Basilicate – ( RC )


vue partielle     ( bas de la ville de Matera, province de Basilicate, Italie du sud )

 

Une ville subsiste,
en équilibre  sur le bord  de la falaise.
Elle  s’est agrippée à son passé,
en continuant nonchalamment

à arborer sa présence
de ses dalles posées là,
et qui demeurent.

La nécropole creusée dans le roc,
– une plateforme  toujours nue –
et dont on a rempli les creux,

( conservant la forme humaine ),
avec du ciment ,
– pour des raisons pratiques  –

Les herbes  sèches, secouées par le vent,
se défendent  du pittoresque
et de l’admiration vulgaire

d’un décorum importé,
comme pourrait l’être
l’alignement  de bacs à fleurs.

Elles, ne pouvant subsister
que grâce à un terreau,
ou un sol, qu’on ne trouve pas ici.

Certes les visiteurs  sont les bienvenus,
mais la vie continue,
sans sacrifier  aux  dieux  du tourisme .

Le cirque  de pierres en équilibre,
Creusé  d’alvéoles,
s’ouvre à un ciel  d’éternité .

Plus haut, c’est  toujours l’animation:
les klaxons,  le bourdon des scooters,
particulièrement les jours de marché .

A heures  régulières,
les cloches des églises, s’emballent
se faisant  écho les unes aux  autres.


RC –  juin 2015

 


Aria – ( Comme un air d’Italie ) – ( RC )


peinture: B Gozzoli – détail-

 

 

 

C’est en franchissant les portes  des jardins,
que la vue se porte, sur les collines.
Elles se dandinent, dans une  robe chamarrée  d’ors.

On y trouve  des villages  à mi-pente
Où les maisons  s’épaulent  de leurs lignes.
Les cyprès forment une  couronne, sur les lignes  de crète.
Ce serait une  lumière, comme  celle que peint Botticielli ;

La transparence diaphane  de l’air, et le vent léger soulève les voiles de la Vénus,
La caresse du regard enchante même les parterres  de fleurs .
Les mains  se tendent  et les  bras  s’arquent en chorégraphie.

Les cloches  se répondent  de vallée en vallée .
La terre ne serait pas  comme on la voit ailleurs : blonde ou brune,
Nourrie à la tiédeur  solaire,

Presque  nourriture  à son tour ,
Elle en a le parfum, et son pesant de couleur
Qu’on retrouve  dans la robe des vins ,
Alignées dans les trattoria.

Les linges sont oriflammes en travers des rues ;
On a l’impression d’entrer de plain pied dans un tableau …
La langue italienne  est une porte ouverte  sur  sa  chanson.

Napoli ,Italy

photo Robert Schrader

photo:              Edmondo Senatore – atmosphère toscane

RC –  mai 2015

 


Astrid Waliszek – bois, bois cette coupe


Peinture : H Daumier
bois, bois cette coupe de vin d’Italie
mange, mange ce trésor odorant, douceur des collines de Fiesole
modèle l’argile de cette bouche de tes lèvres, regarde sur la joue
l’ombre de ces cils embrasse cette crevasse si rouge ouverte
sur la peau de ton âme encore une fois, encore un instant,
avant que la vie te quitte, avant avant que l’illusion t’oublie
avant que cette lune te broie avant que le sang de tes mots te noie
– 2012