Le canal Saint-Martin – ( Susanne Derève – René Chabrière)


.
extrait de : Le calendrier de l’avAnt et de l’Après (écritures communes ou en écho)
A l’ombre du chais silencieux – ( RC )
( réponse à Ivresse de Susanne Derève )

—
Faut-il se laisser emporter
par le drap du grand hiver,
et répondre à l’appel
du vin dans les caves
– qui tiendrait lieu de promesses – ?
Un peu de chaleur
tournant au fond des verres,
où se reflète le ciel.
A défaut des terres blondes de l’été
nous goûterons l’ivresse
à l’ombre du chais silencieux
quand le vin mûrit
sans se soucier des jours pluvieux :
offrande à l’oubli
des jours de l’automne
qui vient juste de trépasser.
Jamais le temps ne s’emprisonne
dans les fûts ombreux.
Nous sortirons chancelants
après avoir bu
le sang du soleil
resté quelque part
dans le vin vermeil :
que je goûterai dans tes mains
accoudé au bar,
chercherai le chemin
pour retrouver
l’or paresseux des jours
( car jamais l’amour
ne se laisse enfermer
dans une bouteille ),
ni les rêves épars,
que l’on imagine de neige,
ne seront pris au piège
de la fortune et du hasard,
en buvant à la santé
de ta nouvelle année…
Le jour passe sa ronde – ( RC )

montage RC
Le jour passe sa ronde,
et cherche sa géographie
sans l’écrire .
Une bulle viendrait crever
à la surface de la vie,
et voilà que ton sourire m’inonde.
Ce serait le clair-obscur des nuits,
où l’attente finit par trouver une issue.
C’est ainsi que je suis né
pour toi,
toi, qui portais le monde sur ton dos,.
Tu as délaissé ton passé,
la grisaille de l’enfance,
pour m’entraîner sur les chemins de l’avenir.
Ces chemins qui se sont ouverts,
avec nos pas,
précédant nos ombres.
Le jour passe sa ronde,
et nous l’avons suivi.
( un écho au texte de S Derève « géographie du silence » )
Ce que n’ont pas vu les oiseaux …SD+RC

–
Entre tilleul et cerisier,
J’ouvre une parenthèse:
mains, peau, émois, éveil, ….
Quelques éclats de soleil
nous caressent à notre insu.
Ce que les oiseaux ont vu,
je ne le dirai pas…
Dirai-je ce qu’ils n’ont pas vu :
la valse tendre de nos doigts
dans l’ombre du feuillage,
les étoffes froissées,
dansant,
ton corps léger , flottant dans l’air,
sous la lumière complice,
baignant le couvert de petites parcelles d’or
que tu n’as pas saisies.
C’est qu’ils n’ont pas surpris
la douce chanson du désir…
L’été s’est installé
dans un soupir…
–
SD-RC août 2020
Colombine en cygne – RC -(écho à SD )
–
Te souviens-tu de la place,
un jour de décembre,
avec la musique
et la lumière dansante
alors que les arbres
surpris,
se penchent pour mieux voir ?
–
La piste n’était pas de glace,
pourtant il faisait très froid,
sur l’air final du « lac des cygnes »…
Colombine d’apparat
tu portais le tutu blanc,
les bras ondoyants
et le chignon bas .
–
Des pointes à petits pas ,
suivant la musique de Tchaikovsky ,
( quelques entrechats ,
que tu voulais maladroits
juste au moment où la lumière décline ) :
–
c’était la mort du cygne ,
et je t’ai prise dans mes bras…
( on se demande pourquoi
les spectateurs applaudissent… )
–
voulaient-ils aussi
applaudir à ton supplice ?
–
un texte crée à la suite de celui de Susanne Derève ( qui suit )
—-
Un entre-deux
un entrechat
Avec des pointes à petits pas
et un tutu de ballerine
bras ondoyants et chignon bas
quand on dansait la mort
du cygne
je n’y étais que colombine
d’apparat
(mais la musique était divine)
SD
Cause commune – ( RC )
Nous faisons cause commune,
en nous tenant juste
à la jointure des textes.
Chacun en prend sa part
et navigue comme il l’entend
dans les paroles.
Ce sont les unes et les autres
qui se rejoignent,
se superposent, et conversent.
Les pages pourraient se tourner,
se plier, et même se lire à l’envers,
tu le sais bien .
En étant de l’autre coté …
si nous tirons chacun du nôtre,
la page s’étend comme on le désire,
sans jamais se rompre.
Comme cette page,
pourrait-on dire que nos écrits
ont quelque chose d’élastique ?
–
RC – août 2018
————-
Côté ombre – ( échos de textes SD – RC )
( ces textes sont visibles dans la partie » ping-pong )
photo Jerry Uelsman
—
COTE OMBRE
J’ai fait les cent pas sur le parvis
côté ombre
À même le pavé
la gitane a suivi les lignes de ma main
mais elles étaient brouillées
De l’autre côté des pierres
Notre-Dame de la Mer
écrasée de soleil, déserte,
s’endormait
Dans le silence
d’un plein après-midi d’été
Non, tu ne viendras plus
mais j’attendrai le soir
J’attendrai les chanteurs,
le timbre des guitares
le son rauque et cassé de ces mélopées lentes
qui disent le départ
et le prix de l’errance
– la gitane dénoue les pans d’un fichu vert
un enfant fait la manche –
Demain j’irai revoir la mer
la mer et les étangs
la robe claire des chevaux
et l’éclat de corail des flamants
comme des perles ébouriffées
qu’aurait éparpillées le vent
sur l’eau
J’irai dire un adieu à Arles la romaine
Fouler aux pieds les Alyscamps
Comme Toulet au bord des tombes
Eprouver le poids du passé
Avant que le jour ne s’effondre
Et oublier
SD
C’est la faute des pierres .
Elles ont attendu si longtemps,
alignées au bord des allées,
que même les inscriptions,
se sont effacées
assistant, immobiles, à la fusion des jours:
peut-être n’avaient-elles
plus rien à dire et ont suivi
le chemin des montagnes altières,
un souvenir des Alpes lointaines .
Ses rochers se sont écartés
pour laisser passer le mistral .
Le vent est toujours là, où tu l’a laissé,
les flamants roses sont comme des fleurs
posées sur les étangs,
mais on ne sait pas si ce sont les mêmes,
ou d’autres générations venues
sur les étangs de Camargue .
Tu trouves toujours aux Saintes-Maries,
une gitane prête à te dire ton destin,
dans les lignes de la main .
Mais tu ne sais pas la reconnaître.
Et d’ailleurs, si tu lui confiais ta paume ,
elle trouverait ces lignes effacées.
Et ce seraient comme ces pierres,
qui ont attendu si longtemps,
qu’elles ont fini par s’éroder,
se dissoudre :
dans le liquide du temps,
et le poids du passé .
–
RC
Étaient-ce des perles ou des fleurs
déposées par le vent
Je restais les observer des heures
Ils quittaient l’eau parfois
abandonnant leur fragile élégance
pour prendre leur envol
Et lorsqu’ils déployaient leurs ailes
ce n’était pas tant la fulgurance
du corail que ces rémiges noires
qui signifiaient tout à coup leur puissance
Arles déchue Arles des pierres dissoutes
de langueur et d’oubli
les arènes sont vides
la roche friable sous mes doigts
– j’en garde
un peu de la poussière au creux des ongles-
sur les gradins il n’y aura pas d’ombre
Mais au-delà des murs, échappée du regard,
j’aperçois la douce respiration de la ville
le soleil fléchit contre les toits de tuiles
Le temps devient cet or liquide
sans passé ni présent
le temps a la lourdeur des pierres
immobiles
SD Février 2018
J’ai fait les cent pas sur le parvis
côté ombre,
et tu n’es pas venue.
J’ai pourtant attendu longtemps.
Peut-être je n’aurais pas dû
acheter des fleurs ce matin.
Elles courbent déjà la tête,
et désespèrent de te voir,
à mesure
que le soleil
grignote un peu plus de la place .
Mais je suis resté,
assis sur un banc, désoeuvré,
et du square me parviennent les cris des enfants.
Je me suis occupé à compter les pavés.
Il y en avait beaucoup sur la place
autour des maigres platanes
que l’on y avait plantés.
Beaucoup, mais pas tant,
que ces minutes qui n’en finissent pas.
Elles s’étirent en un long soupir.
L’après-midi s’est prolongé,
c’était l’été et la lumière s’est attardée
jusqu’à la fermeture des boutiques.
Non, tu ne viendras plus.
Je le sais maintenant,
et les fleurs sont fanées.
Mais je reviendrai demain.
Il y aura des musiciens
qui accompagneront mes pensées.
Celles qui disent les exils volontaires,
l’incertitude de l’errance ,
et les lueurs de l’espoir.
Demain, quand tu seras là
je te tiendrai par le bras,
et nous irons revoir la mer
La robe claire des chevaux ,
et ton regard aura l’éclat
de la nuit , où le jour commence à poindre…
Nous éviterons les paroles inutiles,
que le vent aurait éparpillées ;
tu te contenteras d’être là.
Et ce sera la joie,
quand tu reviendras
.. mettre un terme à l’incertitude…
RC
Tu étais là, sur le parvis
côté ombre
et je t’ai reconnu même avant de te voir
Tu attendais sur le vieux banc de pierre
avec cet air d’éternel enfant
– celui sans doute qui m’avait fait revenir
sur mes pas une dernière fois
en te cherchant-
– Notre Dame de la mer –
Qu’attendais-tu, indifférent
a ce qui t’entourait
au timbre des guitares
aux gamins qui mendiaient à même le pavé
Il m’a semblé qu’une gitane en robe noire
lisait les lignes de ta main
T’a-t-elle parlé de moi ?
Je sais que j’ai couru vers toi que j’ai crié
que tu m’as serrée dans tes bras
et je suis si légère, t’en souviens-tu,
que tu m’as fait tourner, tourner sans fin
jusqu’au vertige
Si haut qu’au-delà du fronton de l’église
j’ai vu le soleil basculer ricocher
dans tes yeux
La place en est soudain devenue trop étroite …
Il me fallait le ciel entier côté lumière,
Il me fallait la mer au-delà de ces digues
qui ferment l’horizon sous le pas des chevaux,
au-delà des étangs, au-delà des roseaux
lequel entrainait l’autre, le sais-tu ?
Il me semble que tu m’as portée jusqu’à la mer
en chuchotant à mon oreille des mots
que le vent étouffait
Ou bien était-ce le vent lui-même qui murmurait
Qu’importe je te retrouvais
SD
Est-ce un homme qui pleure ? – ( RC )
en « réponse » au texte précédent, de Susanne Derève
Est-ce un témoignage d’amour,
cette plume qui est
le marque page
de notre livre ?
Est-ce que nos vies
sont liées
par ce serment écrit ,
avec cette plume, justement ?
Mais les pages se sont tournées,
avec les années :
il n’y a plus
que les miettes du passé .
Si la tendresse se conjugue maintenant
à l’imparfait,
faut-il regretter d’avoir dit,
» je t’aimais ? «
J’ai connu d’autres chapitres ;
l’oiseau de l’amour
est revenu reprendre sa plume, et s’est envolé
mais je n’ai pas de regrets .
–
RC
Susanne Dereve – Offrande
nécropole rupestre – Abbaye de St Roman – Gard
De charogne ou de cendre le jour où Elle viendra
choisissez un bon bois de chêne, lisse au toucher, robuste et clair,
gardez-moi des vaines offrandes,
ces urnes que les us épandent en sombres paraboles abandonnées au vent,
aux rumeurs infécondes et sourdes du levant
et qu’un bras malhabile se devrait de répandre au-delà du silence
comme on boit le calice âcre de la souffrance
De charogne ou de cendre le jour où Elle viendra
choisissez un carré de terre,
de ce terreau qu’égrainera la pelle d’un ton clair
il faut du temps il faut des fleurs pour oublier
il faut ce marbre uni où poser des œillets
l’herme aux lueurs du soir est plus doux au malheur que ces brumes d’errance le vent a-t-il jamais séché les larmes de douleur
De cendre ou de poussière lorsque le temps viendra
choisissez un bon bois de chêne lisse au toucher, robuste et clair
et dans ce vieux pays de Rance enterrez-moi près de mon père.
–
suivi de ma « réponse »
Quel que soit le carré de terre,
que des pelles viendront blesser
la pierre ou le marbre,
l’ombre des cyprès,
les noeuds de leurs racines,
auprès de toi,
Quel que soit le vent,
qui répandra les cendres,
comme autant de paroles vaines,
et aussi les fleurs
qui meurent, de même,
dans leur vase,
Il y aura un temps pour oublier,
lorsque les mousses
auront reconquis la pierre gravée,
les pluies effacé les lettres :
– même la douleur
ne peut prétendre à l’éternité .
Que l’on enterre une princesse
avec ses bijoux,
et toutes ses parures,
ne la fait pas voyager plus vite
sur le bateau
de l’au-delà…
Ce qu’il en reste
après quelques siècles :
> quelques offrandes,
et des os blanchis
ne nous rendent pas sa parole
et le ton de sa voix.
A se dissoudre complètement
dans l’infini,
c’est encore modestie :
– On pourra dire « elle a été » -,
mais le temps du souvenir,
se porte seulement dans le coeur des vivants .
–
RC
:
Jacques Ancet – N’importe où
Installation : United Visual Artists
—
N’importe où une salle d’attente
par exemple les chaises rangées
le froissement des pages l’ennui
sur les visages ou n’importe quand
la porte s’ouvre grince se referme
celui qui entre dit messieurs-dames
bonjour les yeux se lèvent se baissent
on pense que c’est peut-être là
tout près on ne sait pas ce que c’est
*
Là aussi devant le soir qui tombe
collines bleues brume etc
les mots peu à peu deviennent sombres
on croit deviner que c’est à cause
de ce qui s’en va du noir qui vient
pourtant c’est autre chose la lampe
fait de l’ombre les murs se resserrent
on écoute le bruit de la voix
elle s’approche on la reconnaît
N’importe où – 1998
Jusqu’au silence blanc – ( RC )

photo: studio16mmjackinthebooks
–
Les pages jaunies des hiers,
Ont gardé la mémoire,
Intacte.
Les rives ont beau être lointaines,
Elles s’inscrivent,
Sans frontière
Au pays où le présent
ne faisait aucun doute.
Peut-on dire qu’il dérive ?
Qu’il sombrera dans l’oubli,
ou la brume,
qui, avec le lointain,
recouvre toute chose ?
Ce sont plutôt les hiers,
qui s’étiolent en notre mémoire,
comme les rides,
creusant un peu plus nos corps,
Jusqu’au silence blanc.
–
RC- dec 2014
d’après un texte d’Isabelle Debiève » Présent désarticulé «
De l’image, son retour permanent – ( RC )

sculpture: La Dame d’ Elche, Huerto del Cura, Elche, Espagne
–
Ce texte est une variation » réponse », sur celui de Jean Malrieu ( qui suit )
–
—
D’avril à novembre,
De Novembre à avril,
Je tisse à l’endroit, à l’envers,
Des mailles pour que je contourne l’hiver .
J’écris toujours, à la lumière de tes feux :
Et ceux-ci sont un don.
Une présence faisant s’ouvrir mes yeux,
Même aveuglé par la pluie fine des jours .
Ceux ci passent et, même changeants,
Sont un retour permanent .
Et si les sillons du temps,
Laissent leur empreinte sur ma peau…
Ton image est un miroir,
Suspendu quelque part,
Impalpable et lisse,
Au delà du tain .
Chaque chose est nouvelle,
Et toi, vivante, au défilé des heures.
–
RC – nov 2014
—
.
Je suis devant toi comme un enfant,
plein de pluie et de ravage,
ai cour d’un automne de silence
comme au centre d’une place assiégée
par l’herbe brûlée.
Je t’écris pour alléger le temps.
Cette page que je griffonne est un miroir.
D’elle va surgir un destin inattendu.
Car ma lutte contre le temps est ancienne.
J’écris toujours la même chose :
elle est nouvelle.
Que je lise à l’envers, à l’endroit,
l’inquiétude est éclairée
Je n’y peux rien.
Les années passent, me révèlent.
Mon visage s’affirme sous la pluie fine des jours
qui vient vers nous sur ses milliers, de pas agiles.
J’écris pour être avec toi
dans la paille douce et chaude de la vie.
Jean Malrieu
Nuit carmine ( RC ) – « réponse à Lamber Sav »

sculpture : Athar Jaber
Fleurs de sang,
Je ne vous connais ,
Sous la peau, – sous ta peau
Que lorsque s’ouvre,
Le tranchant d’une blessure…
J’entrevois le sommet d’une vague
Et parfois aussi son bruit .
Mon souffle a l’inflexion de la nuit,
Et cette nuit carmine,
Je la porte en toi.
Se suspendre aux nuages,
Est une méprise,
Les couleurs et lavis,
Ne sont intenses
Qu’au fond de toi-même,
La vie s’y propulse,
De corps à coeur,
Et si tu soupires,
Contre le corps dressé
De l’arbre,
Pense que ses veines,
Sont semblables aux tiennes,
Et avant que d’une frêle pousse,
Ne se dresse de fières colonnes,
Combien d’années de sève,
Il faut,
Pour que la colère et la tristesse,
S’apaise et se rassure,
Comme aussi, le temps s’apprivoise,
Et que je me fonde en ton feuillage.
> Aussi à y disparaître.
–
RC – 12 août 2013
–
incitation: Lamber Sav, avec « appréhension »
appréhension
sans métaphore écrasé par la chaleur
au bout du chemin
voyant les vaches dévaler dans le pré
assis sur une fourmilière
le moi bouillonne et se perd
la méditation
en wanderer
désasphyxie
ce serait de se fondre en feuillage
reprendre le chant de l’oiseau
dans l’air les nuées de mouches
se suspendre au nuage
est une méprise
se délave aux orages
tumulte
défiance
en somme
émettre les épingles des pins
en petits tas où poser la tête
aux herbes sèchent les fleurs
vice aux écorces et au sang
sans l’écrire
forcer son souffle
prévoir
aspirer
un poème
apaise et assure
le halètement du pouls contrarié
les couleurs et le lavis
les lignes foncées
la trachée de l’aorte
sont ce des tâches ces ports du rythme ?
tout et voir est affaire de respiration
mise à distance de ce qui est méprisable
la colère et la tristesse
sont dans le paysage
l’homme contre le tronc soupire
il aspire à disparaître
Getsuju
–
Le ciel s’appuie sur nos épaules ( RC )
Réponse au post de Tikopia…
Si le ciel s’appuie sur nos épaules,
Alors, les mondes lointains, nous enveloppent
Les comètes nous montrent du doigt,
Et se rient de la pesanteur qui nous confine
La poussière des étoiles nous accorde un peu
de lumière, enfin, celles qui n’ont pas choisi la voie
du noir.
–
Marie-Ange Sébasti – Redresser les Méandres — suivi de ma « réponse »

photo: Anne Heine
Souvent, je tentais de redresser les méandres, d’élargir les défilés, de faire de ce passage une belle ligne droite entre des vignes bleues.
Mais ne fallait-il pas d’abord s’entendre avec la falaise, abandonner un instant la vallée pour s’engouffrer dans l’étroite cheminée, escalader tous les vertiges jusqu’aux confins des gris établir bientôt un nouveau cadastre, mesurer de très haut des parcelles discrètes, de longues propriétés littorales, les audacieux aplats des champs les écarts qui n’échappent jamais au feu ?
Sans mentir, je pouvais encore évaluer le périmètre du patchwork des rêves, déceler leurs accolades et leurs brouilles,
me détourner longtemps aussi de ce territoire morcelé en remplaçant tous les murs mitoyens par des lignes de fuites.
Pourtant, malgré la faille, le bleu toujours,s’instaurait, me rattrapait.
Marie-Ange Sébasti
—-
Elevé dans les airs, la prose du territoire distribue des lignes,des passages,
là où les failles sur place, imposent des détours.
Escalader tous les vertiges, peut-être ,mais au grand effort de laisser derrière soi la pesanteur, celle des roches et de son propre corps.
J’ai aimé la cartographie, comme un dessin aimable, qui s’étale, fantaisie de patchwork des bois gris, et parcelles arables. La limite imposée par la falaise, permet de distribuer quelques accès rares, lorsqu’un affaissement rend le chemin possible.
Oui, bien sûr, réconcilier les deux bords des espaces, en tirant droit, le fil de la rivière, et gommer les méandres.
( Si la terre était à modeler.)
Mais elle est matière, mais elle colle aux bottes, mais elle transpire les mousses, et se charge de buis et de chênes centenaires….
Mais elle est corps,lourde,brune, grise, fauve, justement comme un animal endormi, étalé là, entre les rocs…
Elle domine,…ravagée d’érosion, ou portée en tectoniques, striée de ruisseaux, cherchant la pente la plus rapide…
Inerte, même bousculée de puissants tracteurs , mais vivante, à l’assaut du printemps.
Les hauts plateaux sont reliés, aux vallées par leurs différences, justement,– leurs accolades et leurs brouilles, –, pourtant elles se réconcilient avec leurs passages,
…de toute façon, il faut vivre avec ce qui est… les murailles à contourner , en lieu et place de lignes de fuite sans consistance, les parcelles exigües, suivant si possible le parcours du soleil…
qui ne doivent rien aux lignes tracées sur le papier,mais à l’effort des hommes , pour se marier au mieux aux pentes, et extraire de quoi y survivre.
–
En lien avec « feuilleter le recueil des causses »

la Sure — falaises Nord du Vercors (Vercors Nord, Engins, Isère – photographe non précisé site http://www.sentier-nature.com/
et (rappel) cet excellent écrit de Pierre Bergounioux, qui affirme que « le monde existe »…
–
Les pensées qui tanguent ( RC )
–
Les pensées qui tanguent s’entremêlent de rêves;
Ce que tu écris, – les échos de sève –
Portées de musique et les mots défilent
en constructions fragiles,
tendues en liens de dentelles,
comme deux plantes s’emmêlent…
Je ne sais distinguer de qui se débride,
De tes fièvres rouges ou paroles limpides,
Des mots jetés et paroles farouches…
A chaque arbre, ses racines, sa souche…
Les plantes en symbiose sont en voisinage,
Et cohabitent sans se faire ombrage.
L’une , de l’autre ose aller plus loin
Vers la lumière, c’est donc un besoin
Toujours renouvelé
De la parole descellée,
A partager la soie et le satin,
Pour les draps étendus de beaux lendemains.
—
en dialogue avec Phedrienne…
Le ruban de tes pensées m’obsède,
Déroulant ses volutes de neurones entêtants,
Passant, galonné de dentelles,
Ou crocheté de fièvres rouges,
Où flamboie la connectique
De tes contradictions majeures…..
J’y surnage, brassant de mes idées farouches
Ton alternatif courant,
Tanguant de satin en soie saumonée,
De coton dur en voile satiné,
Craignant de déchirer au tranchant de mes synapses
L’organza trouble de tes chimères osées…
Le ruban de tes pensées m’enlace,
Noue de ses ligatures serrées,
Un bout de mon cœur oppressé,
Liane mes caprices débridés,
Et dans cet entrelacement sauvage,
Douceur et rudesse mêlées,
Se tisse un dialogue endiablé !
voir son « Ruban »…
–
Le bruit dans mes tempes ( RC )

peinture: Odilon Redon. Le coquillage
–
Le bruit et le sang
Pénètrent dans mes tempes,
Et l’âme éclatée,
Tourbillonne sur elle-même,
Prisonnière de mon Je,
Tête et corps assemblés,
En bonne logique,
Et pourtant séparés.
Ce n’est pas par la distance,
Mais la terre qui parle
A travers nous,
De l’antre et de l’arche.
L’oeil du silence
Et pourtant le bruit
Des désirs qui se heurtent
Aux mémoires sensibles.
L’océan des plaines douces
Aux tensions secrètes,
Le ventre coquille,
Qui boit mes émotions.
Et comme les silex
Qui se heurtent
Les bouquets d’étincelles,
-nous engendrons nos ciels –
Dans un voyage
Aux lointains d’écume
Où il n’est pas besoin de paroles,
Pour s’entendre en échos….
–
RC – 4 mars 2013
Danse des lucioles ( RC )

-Il faut bien le dire,
Tu m’as aidé à ôter la robe
Celle des nuages, recouvrant les étoiles
Et dans la nuit scintillante; qui m’attendait
S’échangent les avions d’argent
Vers les destinations lointaines
Peut-être celles des bonheurs partagés
Et la danse des points dans le sombre,
Celle des lucioles
S’appuie sur les traits fugaces
Des comètes, dessinant à la lumière
Sans les craies, sur la tableau d’ardoise de la nuit.
Et tu rassembles aussi les clins d’oeil,
Des lucioles,— la danse des anges,
Avec le pont des heures couchées
Sans les ballerines, avec la forme de ton sourire
En équilibre, quelque part – ballon léger
Au dessus,corsage transparent, de mon sommeil….
RC – 03 mars 2013
—
inspiré du texte de Colette Fournier,( Phedrienne ) ci dessous, …………..et visible sur http://colettefournier.com/2013/01/27/5-heures-du-matin/
–
J’ai parcouru la nuit à grandes enjambées
Franchi le pont des heures couchées
La nuit est amicale, elle sourit à la vie
Cachée sous les étoiles, et puis,
Elle a une allure folle dans sa robe ajustée
Son corset bleu marine et ses douces ballerines
Je l’ai suivi marchant à pas silencieux
Sur ses traces fuyantes de danseuse invisible
Et me voilà debout sur une crête noire
Un si drôle de perchoir, où je ne pense plus
Mais laisse traverser les comètes en goguette
Quelques anges déchus aux ailes harassées
Moi je suis sans fatigues, mais aussi sans idées
Une tête noctambule, ballon hydrogéné
Qui implosera peut-être en laissant dériver
Une petite luciole espiègle et inspirée !
—
Horatu, traduction du mot luciole en japonais, est un astre qui vole au bord de l’eau et annonce l’été aux japonais. Deux sortes de lucioles différentes par leur « style de vie » : le genji-botaru (12 à 18 mm) qui vit au bord de l’eau douce et le heike-botaru (8 à 10 mm) qui préfère les rizières et les eaux stagnantes, se nourrissent de colimaçons. Elles font partie des espèces aquatiques au stade larvaire parmi les dix répertoriées dans le monde, ce qui semble normal étant donné la géographie du Japon et des iles environnantes.
Brigitte Tosi – Et si tout disparaissait ( suivi de ma « réponse » )
–
Et si tout disparaissait
La sève de nos arbres
Celle de nos vies
Les traces de nos pas
Les flocons de poussière
Le trop plein du regard
Le silence du ciel
L’ombre des lumières
Prolongeant nos fenêtres
Le poids de nos enfants
Endormis sur nos joues
Si rien ne profilait
Notre horizon muet
Qu’adviendrait-il du mot
De la beauté du monde
Tendus haut par les mains
Du poète tremblant ?
B T. 19 juillet 201
—
Si rien ne profilait
A l’ horizon muet
Les mains du poète
Modéleraient le monde
Et des flocons de poussière
Recréerait, de lumière
La beauté du monde,
Un nouveau chemin,
Et les premiers pas
Inventés des enfants
Que nous sommes.
RC – 25 novembre 2012
Aïcha Bouabaci – Visages d’ombre

peinture; Modigliani; portrait de Juan Gris
VISAGES D’OMBRE
Quand d’un être longtemps
Le sourire demeure
Et qu’il vous accueille
Pudique
Au seuil de sa maison
Par delà le silence
Au delà de l’absence
C’est que ni ici ni ailleurs
Par delà les saisons
Au delà du temps
Nulle part il ne meurt
AICHA BOUABACI
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La joie ( Ile Eniger) – Pluie d’été ( RC )
A partir du beau texte de Ile Eniger, ( le premier), j’ai écrit le second…
La joie
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Le pain brûlé des terres
La lumière en bras de ruisseaux
La perfusion du jour sur les heures de nuit
Les veines au cou de la montagne
Les vignes lourdes de vin vert
Le ciel marine à force de brasure
Les oursins de lavandes dans l’océan des champs
Les fenêtres ouvertes pour reprendre leur souffle
Et les rideaux fleuris
Les pas derrière la porte
La présence
La vie pleine forge
La centaine des blés pour un seul coquelicot
Le rouge du soleil en face
La joie
Légère comme une espadrille.
Copyright © Ile Eniger
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pluie d’été
Légère comme une espadrille
Le pas suspendu
Au dessus des brumes
Elle flirte avec les dunes
Et se saisit des montagnes
Pour en faire des chapeaux
Qu’elle repose,de biais
Dans l’océan des champs
Si bien peignés de blés
Et qu’elle va visiter
Lorsque le ciel caresse le sol
Encore chaud de l’hier,
Et d’une fin d’été
Aux parfums de lavande
Et de la terre mouillée.
RC – 11 septembre 2012
en rapport avec la photographie voir aussi cet article
Copyright © R Chabriere
Océan – mer – terre, destin d’une embrassade ( RC )
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Océan – mer – terre, destin d’une embrassade
Vogue le destin d’une embrassade,
étreinte et baiser humide de l’eau au sable
la fin de quelque chose, le début d’un autre
s’évanouit la terre ferme, pour le choix du liquide,
une masse matière qui vit de ses soubresauts
l’histoire de tant de marins qui s’y sont fié, en espérant voir un jour la ligne dorée d’un continent lointain, ou, gagnant leur vie au milieu des embruns salés, pour rapporter une manne vivante dans les filets, mais toujours en équilibre, sur l’instable, à portée des caprices de l’écume et du noir des abysses,
peu se sont attardés, à convoquer la couleur bleue, comme celle d’un paradis uni et tranquille…
Et partir en croisière, pour le souvenir dans la mémoire, des ports ensoleillés.
Il y régnait surtout l’odeur tenace des huiles et
Des poissons séchés , à la musique des filins qui claquent sur les voiles, et le concert des mouettes…
L’océan, suit la lente rotondité de la terre, il la cache ,l’obture, et remplit ses failles, antre des mollusques et des mâchoires des prédateurs qui s’y sont fait leur empire…
de l’autre coté des courants l’océan a l’odeur femelle, et ne révèle ses mystères qu’en surface.
On y sait des coraux, des épaves, des algues et méduses, et peut-être des sirènes…
Mais aussi la mémoire des conflits terrestres, des navires coulés, avec leur cargaison, d’hommes et de matériel, le rêve des contrebandiers,, les galions d’or, la vaisselle fine, les amphores pleines de vin d’Italie…
Les boules tueuses des mines, guettant les cachalots métalliques…
Les supports des îles, en stratégie qu’on se dispute, en invasions alternées : Chypre, la Crète,Hawaï et
plus récemment les Malouines…
On y soupçonne les courants obstinés, prolongation des fleuves et rivières, en fantasmant sur la dérive des continents, les migrations parallèles aux oiseaux, des bancs serrés de poissons voyageurs…
On en rêve dans sa chambre, pour voyager en romans, , dans une épaisseur liquide à vingt-mille lieues de Jules Verne, puis aux légendes grecques.
Le raffiot de la rêverie, n’a changé d’échelle que depuis la vue aérienne, avec laquelle les vagues les plus déchaînées, ne semblent qu’un vague frisottis décoratif…
Qu’en serait-il de l’effet de tsunami « pris sur le fait » ?
une onde circulaire, s’étendant comme
lorsqu’on jette un caillou dans l’eau, suivi d’une autre, puis semblant se calmer, alors que des murs d’eau viendraient,
quelques heures plus tard, rejeter violemment les chalutiers, et bateaux de plaisance au milieu des falaises et forêts…
La soupe salée, vécue du bord des côtes dévastées prenant soudain un goût de l’amer, bien éloigné
de l’aspect paisible qu’on suppose à la mer.
…..Sans l’apostrophe…
RC – 14 juillet 2012

peinture: William Turner
La route tracée de pluie ( RC )
La route tracée de pluie
Ta route est tracée de pluie et de soleil
Les ombres s’y allongent et s’y diluent
Dans une perspective incertaine
Les allers et retours, et croisées de chemin
Offrent en raccourcis leurs ornières et leurs dos d’âne
Les reflets des orages dans les flaques
Et celui de ta vie, qui mène comme elle l’entend
Son petit bonhomme de chemin
Et croise souvent le mien.
C’est à croire que la carte est écrite,
Qu’il est des rencontres fortuites,
Ou presque, qui nous retrouveront à l’abri
Aux petits bars de la côte, les odeurs de soupe
de chou-fleur et les fish ‘n chips,
Alors que la mer s’est suspendue,
Un instant de repos en paysage
Et la lumière au fond de toi
Qui me guide souvent, d’entre les nuages…
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18 juin 2012
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auquel de nouveau Lutin fait écho avec
C’est douloureux et tendre à la fois
la route tracée de pluie
le silence des corps interdits
pliant leur ombre en désespoir
Comme il est doux de traverser les lieux solitaires
dans le dos des marches
descendre le long fil de l’oubli
refusant de dormir
le soir tendu comme l’orage
Il manque la longévité des heures
cogne le cœur
un jour le ciel s’arrêtera de pleurer
creusant la mer de sel
aux couleurs d’un champ de neige
Entre-temps les cheveux poussent
fleurs aquatiques dans les flaques d’eau
la mort n’éteint pas les lumières
glissent nos yeux dedans
les mains retenues
lutine – 19-06-2012
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Enigme – présence (RC)

peinture; portrait de Bianca Maria Visconti par Masolino
Il y a des passages si doux
Qu’un sourire sur ton visage
Il y a des portes qui jamais ne grincent
A la fugue de tes silences
Il y a le parcours de ton énigme
Qui ne répond à aucune question
Il y a tes mains sur mon visage
Qui dessinent des partages
Il y a ta présence, qui, même dans l’absence
Fait oublier tous mes fardeaux.
RC 30- mai 2012
( complété par Lutin)… aujourd’hui…
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Il y a tes silences
aussi longs qu’un regard
et ta bouche qui en dit long
lorsque ta langue humecte mes lèvres
Il y a tes mains
comme la vague happe le sable
tes bras qui me portent sur la grève
c’est une tempête de mots ces instants là
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-Merci bien, B, j’aime bien, comme tu le sais le procédé ‘ping-pong »… d’ailleurs je l’ai classé dans cette catégorie