voir l'art autrement – en relation avec les textes

Nos étourneaux

les textes  de Susanne  Derève

« les étourneaux de passage »

Ils sont passés tôt ce matin
nuée vivante
dans le ciel

un froissement d’ailes
le frou frou d’une robe soyeuse
et le sol blanc de gel

le crissement du grattoir
sur la vitre
le moteur qui crache

onglet les mains bleuies les mains froides
la buée que fait le souffle clair
dans le fil coupant du matin

et cette aile mouvante qui voile
le soleil vibrante et noire
comme l’orage

emportez-moi
grands oiseaux migrateurs
étourneaux de passage


« étourdi étourneau »

Parle-moi de l’absence
étourdi étourneau cherchant son nid
de l’oiseau sur la branche
pépiant la petite musique du silence
la chanson de Prévert
celle de l’orgue de Barbarie
qu’on garde devers soi en exhibant aux autres
sa face des jours contrits

on y colle un sourire de commande
comme on irait payer l’amende
à la pervenche
en rêvant à l’oiseau sur la branche
qui pépie

l’oiseau à quoi peut-il rêver l’oiseau
à rebâtir un nid
en picorant par-là par-ci
une brindille ou un rameau
un bout de ficelle vert de gris

mais suffit qu’on le serre qu’on l’approche
un peu trop se fait la belle
l’étourneau

 


( et les miens )

 


« nuage des oiseaux »

Ils sont si nombreux,
ceux qui rêvent de l’ailleurs,
et qui forment ces volutes
capricieuses.

On dirait qu’ils sont le vent,
suivant d’un seul mouvement
un ordre venu d’on ne sait où:
cette armée pacifique
d’étourneaux en nuage .

Ce ballet magique
suit l’avancée de l’automne,
obscurcissant un instant
horizon et collines :

une foule dense s’élance
toute élégance
entre ciel et silence
et rien ne retient tous ces rêveurs
ni l’air refroidi , ni la pesanteur.

 

« étourneaux  d’Uzès »

 

Les premières pluies sérieuses, ont vidé la place,

Seules les arcades, celles que l’on nomme « couverts »,

Sont encore illuminées ce soir,

Et   les visiteurs sont rares,

Dans les rues d’Uzès.

Dans la grande place aux couverts,

Les platanes sont comme candélabres,

A leur pied, les feuilles roussies,   balbutient,

Un souvenir d’été,

Sous un ciel indigo.

Le voisinage des boulevards,

Se courbe dans une voûte,

Sous la coupole des branches,

Prêts pour un futur ailleurs  .

Des milliers d’étourneaux              tissent,

De leur bruissement,

Une étoffe impalpable,

Suspendue dans les arbres,

Et     au baiser de l’automne.

RC – oct  2013