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Articles tagués “abandon

C’est comme ça que ça se passe – ( RC )


C’est comme ça que tout passe

l’orage et puis l’éclaircie,
les ruines de l’abbaye
l’escalier de pierre
qui ne mène nulle part,

ça sent la boue et l’abandon,
les pierres en désordre
à côté de la moissonneuse,
un ange renversé au sourire cassé…

Les odeurs d’huile des tracteurs
encore tièdes de leur labeur,
sagement alignés dans les hangars.
On vient de rentrer la moisson,
juste avant la pluie battante .

Grise est la maison,
le silence est de mise :
et à travers les fenêtres
comme si c’était obligé
les images bleutées de la télé.

Les escargots traversent la cour,
quoi de plus normal après la pluie,
ils ne se sentent pas concernés.
Moi non plus d’ailleurs :
il est bientôt sept heures

Ah ! ça vient juste de sonner
dans un lointain clocher,
c’est comme ça que ça se passe,
les années aussi.

Rien n’a changé
depuis que je suis revenu
( juste le marronnier
que l’on a abattu )


Tristan Tzara – vide matelas


montage RC

Vide matelas
pour ne pas dormir
ni rire ni rêver
le froid aux entrailles
le fer dans la neige
brûlant dans la gorge

qu’avez-vous fait qu’avez-vous fait
des mains chaudes de tendresse
avez-vous perdu le ciel
dans la tête par le monde
dans la pierre dans le vent
l’amitié et le sourire
comme les chiens à l’abandon
comme des chiens


carcasse et abandon – ( RC )


photo Hans Proppe

Ce matin très lumineux,
cette route qui ne va plus nulle part,
un mur et cette carcasse d’un bâtiment blanc
et le vent qui secoue les buissons maigres,
souligne l’abandon sous un azur très pur
après un long détour.
Le soleil a tordu l’ancien climatiseur,
le temps a cuit les pierres,
la route défoncée s’éloigne dans la poussière .

( texte créé à partir de la photo jointe )

dec 2020


Ahmed Kalouaz – Hôtel du centre


Les nuits blanches 14230618332.jpg

Tu ne connais de la douleur
que l’abandon
les attentes,
le front posé contre une vitre.

Le téléphone
qui ne sonne
que dans ta tête,
la cigarette et ses réponses
définitives.

Lorsque tu marches dans la chambre
tes pas te disent
ce qu’est le silence.

extrait du recueil  » A mes oiseaux piaillant debout  »

 

voir  aussi  quelques  citations  de l’auteur…


James Sacré -Toit dans l’ombre (ou lampe) et le temps


 

Kandinsky The blue rider, 1903, Ernst Bührle Collection, Zür

Kandinsky – The blue rider

 

 

 

Un grand cheval emporte un pays , le village

( C’est au printemps , un arbre a grimpé son branchage

Au ciel )  ;  espace  : ah , oui les merveilleux nuages  !

Mais rien , que le vent , rien , le bleu du paysage .

Où bondir  ?  je ramasse un trèfle ,  des fourrages  ;

Ras de terre écorché , escargots , tussilages ,

Un cheval maigre y traîne un précaire attelage .

Où le printemps , les foins  ?  Où paraît quel visage  ?

Un arbre fait quel signe où rougit le village  ?

Je le regarde au loin , printemps fleuri , feuillages ,

Taupinière et chardons le soleil , cheval sage …

Et rien , que le vent rien , l’érosion d’un village .

 

 

 

 

 

Toit dans l’ombre (ou lampe) et le temps p 34

(à des poèmes d’Yves Bonnefoy)

ANCRITS  – Imprimeur Thierry Bouchard (Losne)

1982


Connais-tu la fin de l’histoire ? – ( RC )


Panorama 1.JPG

 

photos perso  montage  –   musée  archéologique  de Lisbonne

 

 

Connais-tu la fin de l’histoire,

puisqu’il en manque de grands morceaux ?

On peut toujours combler les manques,
en déduire des trajectoires,
en tout ce qui s’est perdu
dans la grande fosse de l’oubli .

Pour ceux qui vivent ici,
c’est au présent,
qu’ils cultivent leur jardin.
Leur origine s’est diluée
dans les générations.

Les racines de l’arbre vont si loin,
et se ramifient tellement,
que les suivre se fait en pure perte.
Ce qu’il en émerge est la partie visible
de l’iceberg des siècles.

Pour en revenir à celui qui cultive son arpent,
le voila qui remonte au jour
des fragments de marbre.
Un voisin en a trouvé d’autres.

Ce sont des mains finement sculptées,
qui tiennent entre leurs doigts
de drôles d’objets,
mais il manque le corps
auxquel elles correspondent.

Sauras-tu me dire ce que signifient
ces lambeaux d’une mémoire
à jamais enfouie
sous une épaisseur de terre ?

Nous en avions oublié, même l’existence
dans le désastre de l’abandon des aubes .
Celles-ci ne nous ont pas vu naître.
Peut-être que le vieux faune endormi s’en souvient  .

S’il n’était pas de marbre,            >   il nous répondrait peut-être…


RC – juin 2018


Une île de douleur – ( RC )


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Une frêle île flottante,
une barque malmenée par les vagues
chargée jusqu’à ras bord
d’abandon et de douleur.

C’est  une partie de pays
mise en quarantaine,
qui espère un jour
retrouver la terre ferme.

Epuisée des orages,
abandonnée par le soleil,
à chaque jour son naufrage
une barque prisonnière du destin

Comme un oiseau dans sa cage
livré aux éléments,
c’est une île fragile
sur la route de l’exil

La route de l’inconnu
juste derrière l’horizon :
Empire de la douleur,
le ciel a perdu ses couleurs.

RC – oct 2016

d’après Louis Aragon   » Quarante »


Alejandra Pizarnik – Pleine de pénurie


image  - montage  perso

image – montage perso

« Tu es pleine de pénurie. Quand il pleut dans la chambre qu’on croyait pourtant sûre, quand le sol s’ouvre comme une gueule terrible… On dirait que tout ça a été créé pour toi : l’enfer d’Alejandra. Même si on n’est pas amoureux, parfois, au beau milieu de la solitude, ou d’un abandon lugubre, surgissent des désirs que les autres ont aussi : une main sur l’épaule, des paroles affectueuses…
Tu ne fais de mal à personne avec ces désirs. En fait, ils ne demandent aucun réel effort à la personne qui pourrait (et devrait) les exaucer.
Aussi, parfois, en fait, tous les jours, à toute heure, un geste tendre ne déplairait pas à l’animal blessé que tu es, un mot affectueux, un sourire esquissé, mais pour toi, pour toi toute seule, et qu’aucun être humain ne pourrait retenir, personne, puisque tu ne connais personne en particulier.
 
Voilà d’étranges idées, qui ne peuvent surgir qu’en pleine solitude, après une longue et assommante journée, durant laquelle un corps fatigué et sans objet est demeuré prostré.
 
Ce que j’écris, je dois l’écrire pour quelqu’un d’autre que moi, puisque je ne me parle pas, ne m’écris pas et que ça ne m’intéresse pas de le faire. Quoi ? Je serais jalouse de ce destinataire anonyme ?
Si j’écrivais pour moi et si j’étais en phase avec mon délire, je n’écrirais pas ; s’il y a bien une raison pour laquelle j’écris, c’est pour que quelqu’un me sauve de moi-même. »
30 juillet 1962, lundi – Journal 1959 – 1971 – Alejandra Pizarnik

Au sommeil, l’abandon (RC )


Dessin  P PicassoRésultat de recherche d'images pour "Pablo Picasso . Femme endormie 1952"

 

 

Au sommeil l’abandon

Les bras de Morphée

Seront-ils assez longs ?

 

Et, si c’est long, cet abandon

Si c’est vite, ce sommeil arrivé

Si c’est long, long la nuit

 

A te regarder dormir

Et puis peut-être rire

Au creux de tes rêves

 

Lovée dans tes courbes

Tu fais les plus beaux Modi

Epousant plis et plis

 

Courbes et volutes

Cheveux répandus

Pesanteur oubliée

 

Le rythme régulier

Du tiède qui , de souffle

Soulève ta poitrine

 

Le bras léger sur le mien

Où que tu sois dans l’oubli

Le temps d’aborder le jour

 

……..L’ absence…….

 

Je veux te regarder dormir

RC –      novembre 2010


Eugene Durif – l’étreinte, le temps – 10


photo perso: Theatre Marigny Paris  2010

photo & montage  perso:   Theatre Marigny Paris 2010

 

 

Nous ne faisions que nous éloigner,

les étoiles dans le bleu,

prises comme d un tremblement,

et nos mains de glace.

Marchant,

allant, cela suspendu,

cela de nos gestes qui aurait fait de chaque parole une étreinte.

Les bois morts frappés de foudre

(le chemin du remembrement)

signes d abandon.

 


Ce qui résiste et pique ( RC)


photo: olivier en feu. Conflit Israelo-palestinien  provenance info-palestine.net

Ainsi ,     contre les plantes domestiques
               Rebelles , résistent et piquent,
Orties, pierres de chemin, aubépines insolentes 
Nous attendent, comme une plaisanterie ironique

Font de leur domaine une forteresse lente
           Qui dérange  l'aimable...
Et s'incruste , en années durables
Diluées de l'abandon.

On ne sait rien,  d'un détour  de chemin
Et puis,        on progresse par  étapes
Encore  sains  et saufs,     pour  dire,
En miroirs de limpides -   flaques

Des orages  qui bourgeonnent,
Et les fleurs combattant , corolles
Force boutons, au bal des abeilles
Les orties  se liguent, et sont barrière

Ronces  s'enchevêtrent, en habillant
La carcasse d'une vieille  auto, 
Qui a arrêté,  ici même  son parcours
Au bord ce qui  fut cultures,

Et vallées  riantes,
De blés, bordés  d'oliviers
                 Incendiés -  C'était un été, naguère
                               Avant la guerre...

RC -  24 septembre 2012



-

Nelly Sachs – la rue des douleurs



 

 

Et tu as traversé la mort


comme en la neige l’oiseau


toujours noir scellant l’issue…


Le temps a dégluti


les adieux que tu lui offris


jusqu’à l’extrême abandon


au bout de tes doigts


Nuit d’yeux


S’immatérialiser


Ellipse, l’air a baigné


la rue des douleurs…


Nelly Sachs


Ivan Blatny – Quatrième


installation: Anselm Kiefer Grand Palais

 

 

 

 

Nouvelle  parution en hommage  à cet  auteur  tchèque,  dont  l’ambiance  est celle  de la fin de 2è guerre mondiale…

 

 

 

Quatrième

à Frantiek Halas

 

Un abandon sans borne, épaisse poussière,
Reposait sur les poutres et sur les pierres,
Un abandon sans borne, le jour baissait.
Un abandon sans borne, épaisse poussière,
Reposait sur les poutres et sur les pierres,
Un abandon sans borne, le jour baissait.
De rares flocons d’une neige maussade
Cinglaient les visages serrés dans les tramways,
En ville à nouveau grondait la canonnade.

 

Un abandon sans borne, poussière, friable,
Reposait sur les livres et sur la table,
Un abandon sans borne, le jour baissait.
Un abandon sans borne, poussière, friable,
Reposait sur les livres et sur la table,
Un abandon sans borne, le jour baissait.
La porte d’un immeuble, comme si souvent,
Livrait passage à un promeneur nocturne, lent,
– Et la neige lui cinglait le dos, en capilotade.

Page ouverte où écrivaient la fatigue, la peur et la
guerre,
Se tapissant dans les poutres et dans les pierres,
Un abandon sans borne, le jour baissait.

Page ouverte où écrivaient la fatigue, la peur et la
guerre,
Se tapissant dans les poutres et dans les pierres,
Un abandon sans borne, le jour baissait.
Et les visages serrés vie contre vie
N’y faisaient plus qu’un, point infime,
Tandis qu’en ville grondait la canonnade.

11 mars 1945

(traduction Erika Abrams, Éditions Orphée La Différence)

 

voir  mon article  sur  « les lieux »,

 

et celui de gazou

Anselm Kiefer - Grand Palais