Louis Guillaume – Gentille abeille

Une abeille sur la main
Qui vient apporter du miel,
Une abeille du matin
Qui remplit son escarcelle,
Une abeille bien gentille
Qui pique mieux qu’une aiguille,
Une abeille qui travaille
Pour les garçons et les filles,
Une abeille cueille au ciel
Une goutte de soleil !
Louis GUILLAUME
« Au Jardin de la Licorne » (Delachaux et Niestlé)
Théo Léger – les dieux

Les beaux, les nobles, ce sont eux sans nul doute
qui nous donnèrent le feu et la rapide roue au caisson du char.
Le globe qui traverse en volant la Neige et l’Avril,
à l’Homme et à l’Abeille ils l’ont donné.
Sur le rivage de la mer des Ténèbres où. la Terre se noie
ils édifièrent leur palais. La demeure, ils la bâtirent
dans la flamme et le sifflement des vipères
pour que dansent la danse des masques, les sauvages.
Ils donnent mesure au Temps aérien, ils font rouler les soleils
mais ils ne savent rien des puissants ateliers
enclos dans la goutte de rosée aux ramures de l’Arbre de Mai
qui forgent sans répit la création du Monde.
(Théo Léger- 1960)
Une reine recluse – ( RC )
C’est l’image d’une femme,
une reine recluse
derrière de hautes murailles,
Elle sait n’avoir pour horizon
derrière sa fenêtre
que des forêts et des collines
qui se prolongent à l’infini.
Parfois elle voit, comme un signe,
un oiseau s’approcher de l’ouverture,
pour s’éloigner aussitôt
comme un rêve
qu’on ne peut jamais saisir.
Ce peut être une abeille égarée,
– dit-elle – qui chante et puis s ‘envole.
Ce sont peut-être comme mes pensées:
une gloire d’or et de lumière
qui fait le miel de l’insecte ,
et le mien .
Hélas, je suis prisonnière
et ce que j’écris
est ce miel inutile
qui ne fait que prolonger
les journées qui s’enfuient:
ainsi, j’enferme la lumière dans la nuit.
note:
« La Gloire est une abeille/Elle Chante –/ Elle pique –/ Et, hélas, elle s’envole »
« Des pensées qui seront d’or et de lumière »
sont des extraits d’écrits d’Emily Dickinson.
Jean-Michel Bongiraud – abeilles
animation Joel Remy – à partir du détail d’une peinture de G De Chirico
—
La transfusion des spirales est aléatoire
Et les mathématiques sont un chef-d’œuvre hypnotisant.
Tout jargon contredit l’univers et les sens.
Ce qui se cristallise sur mon palais
Ces miroirs qui ne parlent pas
La face contre l’écorce nul ne règle le compas !
Je dis une histoire une source mal écoulée
Un feu qui s’éteint au fond de nous.
L’abeille a-t-elle un buste semblable au mien ?
L’aube ne sera jamais nouvelle
Et les hommes ont rempli leur brouette de machines
.
Je lance un ultime pavé.
Un cerceau au loin tombe dans le ravin.
Alain Borne – Étonner l’espace
On avait fauché dans les fleurs hautes et les herbes une tranchée où marchèrent les enfants, vêtus de blanc, agitant les encensoirs.
Les encensoirs touchaient un coquelicot, le fanaient, puis, revenant, couraient sus à une abeille, à un bourdon, touchaient un œillet des champs, repartaient en sens inverse effleurer une tige. Tant d’odeurs se mêlaient, du sol, du foin frais, des fleurs, de l’encens, du soleil.
De loin le cortège étincelait et fumait, surhumain, floraison en marche, passagère, silencieuse.
Un ogre aurait pu, aurait dû, égorger ces enfants, livrer leur sang exprès ; teindre la terre, étonner l’espace d’un grand crime. Pas d’ogre.
Mais un Dieu, très lent, cruel, hagard, décidé, écrasant ses vendanges, souillant ses sources, plein de sommeil et d’envie.
Il laissa fondre le cortège, sa pestilence aux aguets, bien sûr de vaincre.
Alain BORNE « Demain la nuit sera parfaite »(éd. Rougerie)
Jean Vasca – Juste une idée blonde

photo Janet Strayer
« Juste une idée blonde, une abeille
qui butinerait le soleil dans la tête
des gens qui passent quand tout grince,
quand tout grimace…
Juste un peu de chaleur humaine. »
Jean Vasca
Bernard Noël – Grand arbre blanc
Grand arbre blanc
à l’Orient vieilli
la ruche est morte
le ciel n’est plus que cire sèche
sous la paille noircie
l’or s’est couvert de mousse
les dieux mourants
ont mangé leur regard
puis la clef
il a fait froid
il a fait froid
et sur le temps droit comme un j
un œil rond a gelé
grand arbre
nous n’avons plus de branches
ni de Levant ni de Couchant
le sommeil s’est tué à l’Ouest
avec l’idée de jour grand arbre
nous voici verticaux sous l’étoile
et la beauté nous a blanchis
mais si creuse est la nuit
que l’on voudrait grandir
grandir
jusqu’à remplir ce regard
sans paupière grand arbre
l’espace est rond
et nous sommes
Nord-Sud
l’éventail replié des saisons
le cri sans bouche
la pile de vertèbres grand arbre
le temps n’a plus de feuilles
la mort a mis un baiser blanc
sur chaque souvenir
mais notre chair
est aussi pierre qui pousse
et sève de la roue
grand arbre
l’ombre a séché au pied du sel
l’écorce n’a plus d’âge
et notre cour est nu
grand arbre
l’œil est sur notre front
nous avons mangé la mousse
et jeté l’or pourtant
le chant des signes
ranime au fond de l’air
d’atroces armes blanches qui tue
qui parle le sang
le sang n’est que sens de l’absence
et il fait froid grand arbre
il fait froid
et c’est la vanité du vent
morte l’abeille
sa pensée nous fait ruche
les mots
les mots déjà
butinent dans la gorge
grand arbre
blanc debout
nos feuilles sont dedans
et la mort nous lèche
est la seule bouche du savoir
*
.Bernard Noël
–
Lambert Savigneux – Trace du rêve
Trace du rêve
e muet
s’efface l’ourlet
articulation inusitée ces sons en disent long
qui entend le vent
qui entend l’inaudible sous les branches des voyages
ploie la masse se fait sentir
sont-ce consonnes cette alliance ce lien
nécessaire pesanteur arrime
les masses dans le mot écrase rythme l’air
sinusoïdale longe sans fin la bave de la chenille empilement cataracte des anneaux
l’homme immergé saisit des bribes et articule se remémore
forme dans la bouche l’aspect fulgurant du monde ce qu’il en sait
mouche termite abeille points de repère et traces voyance le journal du Rêve est la mémoire de l’infini que le geste termine reprend atermoiement du vivre
goutte sur le sable temps que la bouche expulse que cueille la main
Jean Sénac – chardon de douleur
–
Au fond de chaque amour des cancrelats sommeillent.
Sont-ce des cancrelats, mon coeur, ou des abeilles ?
Et lentement, tandis qu’en amande les yeux
S’éternisent, dans le désir, le bruit soigneux
De la noire légion dévore nos oreilles.
Rien n’y fait, nos soupirs ni nos gémissements
Ni le lin délirant dont nous vêtons nos contes,
Rien, et quand la beauté nous attache et nous ment
Les cancrelats sont là qui nous troublent et montent
Avec notre bonheur et son double, la honte.[…]
Si chanter mon amour c’est aimer ma patrie,
Je suis un combattant qui ne se renie pas.
Je porte au coeur son nom comme un bouquet d’orties,
Je partage son lit et marche de son pas.
Sur les plages l’été camoufle la misère,
Et tant d’estomacs creux que le soleil bronza
Dans la ville le soir entrelace au lierre
Le chardon de douleur, cet unique repas. […]
–
Claude Esteban – J’aime une abeille, est-ce trop ?

peinture: James Gasparilla, visible chez gasparilla-arts.com
—
J’aime une abeille, est-ce trop, j’écoute
le bruit d’un pétale qui tombe
faut-il que je demande à genoux
qu’on me pardonne
vous dormez, vous les maîtres
du ciel
que le malheur d’un homme soit
plus grand que lui, que
vous importe, l’immobile
a ses lois, dormez, dormez très loin
de nous, qu’une abeille me guide, ce pétale
qui tombe, qui va pourrir.
—
Claude Esteban, Sur la dernière lande . Morceaux de ciel, presque rien, Gallimard
Augusto Lunel – Chant 6
CHANT VI
Vie en elle-même consumée
et jamais consommée,
mort perpétuelle,
mort brisée d’abeilles,
alouette cachée dans son chant,
colibri caché dans son vol,
danseuse sur des aiguilles sonores,
aux pieds de langues avides,
aux jupons que le vent soulève
sur le Pacifique,
aux champs de blé qui bercent l’aube,
tes mouvements sont un vase
qui contient le vol des oiseaux,
ton saut, la bise immobile,
tes cheveux, la tempête,
ton coeur, le mien.
Faite femme,
chaussée de pluie,
habillée de précipices
ou d’un éclair qui tourne sur lui-même,
tu ajoutes ta voix à la source,
tes mains au matin,
ta poitrine à la lune,
ton dos à la rivière,
… tes épaules
à la caresse de la lumière sur la peau nue,
tes cuisses à la clarté du fruit dans la bouche,
ton sexe, comme un baiser,
à l’aurore au parfum rosé,
ton désir à la voracité
de l’éclair sur la nuit.
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de ce poète péruvien, peu connu chez nous,
j’avais déja publié le chant 1 » de soleil à soleil »