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Francis Ponge – Le feu


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(…) LE FEU n’est que la singerie ici-bas du soleil.
Sa représentation, accrue en intensité
et en grimaces,
réduite quant à l’espace et au temps.  
 

Le feu, comme le singe, est un virtuose.
Il s’accroche et gesticule dans les branches.

Mais le spectacle en est rapide. Et l’acteur ne survit pas longtemps
à son théâtre,
qui s’écroule brusquement en cendres
un instant seulement avant le dernier geste,
le dernier cri. (…)

F P :Le soleil toupie à fouetter, III » in « Pièces


A tous ces mots, leur peine, leur joie … ( RC )


Typographie #4 : compositions et graphisme ! | Blog du Webdesign:

image: provenance                le blog du web design

 

 

A tous ces mots leur peine,
leur joie, leur vie propre,
et leur coeur battant, même
s’ils sont issus de catalogues d’objets rutilants,
d’anciens grimoires,
souvent cachés derrière des double-sens,
comme protégés par une carapace.

On peut en dénicher en haut des armoires,
dans de lourdes encyclopédies,
… parfois ils s’usent, en désuétude,
si on les prononce plus,
inarticulés.

On peut aller en chercher sous des pierres,
coincés dans des pages jaunies,
ou bien          après une ascension lente,
après l’obstacle d’une pente raide,
portant leur vérité, opaques ou ayant la transparence
d’un cristal de roche ,
gagnés après de lents et patients efforts.

Ils migrent doucement    selon les siècles,
les usages et les modes,
méritent une interprétation,
une traduction,
 — ainsi le bétail suivant les drailles
de transhumance.

S’ils sont à priori      inertes      par nature,
c’est leur association,
comme l’addition de produits chimiques,
qui les rend actifs, porteurs d’émotions,
voire virulents .

Corrosifs, avec la couleur qu’on leur donne,
gonflés d’ intentions allusives ou tendres,
parfois sordides et boueux,
déclamatoires               en longues suites,
officiels               dans de rigides discours,
 démonstrations scientifiques irréfutables.

Si les murs ont des oreilles,
dès qu’ils sont lâchés, ils peuvent,
comme le dit Hugo,       semer la discorde et la haine,
comme de mauvaises graines,
trouvant toujours          à s’accrocher quelque part,
crevant même          le goudron épais des trottoirs.

Comme ils sont prononcés,
ajoute une saveur,
douce ou courroucée  ,
sucrée ou épicée  ,
empruntant la voix parlée,
l’envol         de celle de l’acteur,
jusqu’au réceptacle de l’oreille,
généralement       prête à les accueillir.

Plus aériens               dans ce qu’on nomme poétique ,
ils se chargent d’images,      et permettent à l’esprit
d’envisager           des raccourcis vers l’improbable,
dansant en quelque sorte                        tous seuls…
libérés des contraintes d’ organisation rationnelle,

celui qui les emploie,                  n’en fait qu’à leur fête,
les dissout,                             les recompose à sa guise,
jusqu’à en multiplier les sens
dessine leur aube,                        leur solstice,
et les pare d’ombres,
parfois fantômatiques.

Tout le monde les utilise,
certains              portent un cosmos,
une signification inconnue,
qui a été pensée par d’autres,
sans qu’on puisse  en connaître    l’origine exacte,
même avec le scalpel étymologique ;
>           peu se révoltent .

Je les laisse courir
          au gré de ma plume,
et tout le temps avec bienveillance….
on dirait même        qu’ils choisissent
de s’ordonner
tous seuls,          en ébullition,
association spontanée.

Peut-être            qu’ils me traversent
à la façon de cellules sanguines,
alimentant les pensées,
et sachant s’en détacher,
le moment venu,
–       pour fomenter un texte      -,
( dont je ne suis pas sûr d’en être le seul auteur….)


RC – janv 2016


L’acteur a disparu, dans un tourbillon – ( RC )


peinture: M Prendergast

peinture: M Prendergast

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est une vue qui suggère la chute .
Cela pèse, un désir qui grandit
Mèle le sentiment de vertige,
Et l’attirance des couleurs .

Bien entendu, quand on les pose sur la toile,
On ne s’en rend pas compte tout de suite  .
C’est un état de veille,
Où l’ extérieur n’émeut plus.

La respiration manque.
C’est sur le fil du labeur ,
Que se construit l’ équilibre.
Toujours précaire.

En fait              le peintre a franchi le bord.
Le bord du vide,        … depuis longtemps
Un sommeil éveillé,
Empêche qu’il chute   .

Et d’ailleurs ,        sa vue n’emprunte pas
Les chemins de ses yeux ,
Comme si quelqu’un voyait à travers lui,
Et lui guidait la main.

L’inconscience parle,
Regarde        à sa  place,
Déplace        ses  gestes,
Maintient suspendu,    son souffle  .

Quand le vertige se dissipe,
Le corps se recompose,
Traverse son écran d’âme ,
Il retombe sur ses pieds.

Ne se souvient plus du vide,
S’il s’est envolé, ou a chuté…
Il regarde la toile .
Elle est achevée …

Il ne peut dire qu’il l’a rêvée,
La matière de la peinture en témoigne.
Elle colle encore aux  doigts .
Cà sent la térébenthine.

Le regard  s’ouvre,
Et avec, parfois le doute….
Comment pourrait-il avouer,
– » Ce qu’on voit n’est pas de moi ?

Je n’ai que  disposé des couleurs,
« dans un certain ordre assemblées » « ….. ,
D’avoir déclenché une action  .
–  Il se remémore la chimie,

Les produits mis en contact,
Neutres, se cotoyant dans le récipient…
Il fallait un catalyseur
Pour que la réaction commence… –

«  Je ne l’ai pas contrôlée…
Comme l’apprenti sorcier…
Veuillez m’excuser…
– Chacun peut commenter

… Si cette œuvre, est la mienne
Elle m’échappe encore…
J’ai connu ce privilège
D’en être le premier spectateur…

L’acteur a disparu dans un tourbillon,
J’ai rendez-vous avec lui…
Dans un jour, dans un an   … ?

Pour la prochaine toile… »

RC  –  sept  2014


Nous sommes sans doute sortis de leur esprit – ( RC )


création perso - à partir  de logiciel 3D

création perso – à partir de logiciel 3D

Une existence tourbillonne,
Et se tourne sur elle même,

En trajectoires,
Elles semblent diverger,
Mais restent parallèles,

Si habiter son propre corps,
Renvoit à plusieurs,

Et qu’il est difficile
De s’y retrouver,

De s’y réfléchir, même,
Comme penché sur un miroir,
Donnant un tout autre aspect,

Selon l’éclairage,
Le lieu,
Et le temps, habités.

Le défilé des images,
Penchées sur le passé,

Peut revenir sans cesse,
Si on le souhaite.

Il suffit de revenir
Quelques séquences en arrière,
Ou montrer le film à l’envers.

Les trajectoires parallèles,
Sont-elles les mêmes,

A travers des personnes semblables
Habitées par leur rôle ?

Chacun s’habille de la peau
De l’être qu’il incarne,
Conduit son propre fil,

Et arrive à se confondre,
Au coeur même de sa vie,
Avec le jeu, qui le poursuit.

Courts-circuits des apparences,
Echanges des existences,
Comédie et faux-semblants

A l’aspect changeant, caméléon,
Selon les habits,
Que l’acteur  aura revêtus,

Le récit est mené,
Et s’interprète,
Tortueux,         et          modifié,

Avec             la passion,
Elle-même mise en scène…

Superposant la fiction,
Et le drame,
Auquel on aura survécu…

Comme la vie traversière,
Parcourue de réminiscences,
Avec le part des choses,

Où se superposent,
Le jeu du comédien,
Grandiloquent,

Et celui de l’histoire personnelle,
Que l’on perçoit, translucide,

Du corps, et des années ,
Reconduites,
Où –             le présent est aussi le passé.

Les cartes                                 se rebattent,
Et apparaissent dans un ordre différent,
Mais                                   ce sont les mêmes.

Si les frontières s’abolissent,
Entre le vécu et l’imaginaire,

Quand l’aujourd’hui,
Se dilue dans les transparences,
De ce qui fut…

Si ce qui a été n’est pas le pur produit,
De ce qu’on  a rêvé,

Partageant encore, divers rôles.
Inventés par d’autres.

Les auteurs inventant constamment,
De nouvelles créatures,
Pour les besoins du récit.

Nous sommes sans doute,
Sortis de leur esprit

– encore que
Nous n’en soyons pas si sûrs,

Et on se croise soi-même
Aux détours de leur mémoire…

Et de la nôtre

RC – 10 décembre 2013
.

( en pensant à la pièce de Pirandello   » six personnages  en quête  d’auteur « 

…  et au film de David Lynch  » Inland Empire »


Jean-Marc La Frenière – Difficile


peinture: Sean Scully 2002 –mur de mer  ( commme quoi  tout  n’est pas blanc ou noir..)

Après mon post  « facile »… , voila  l’inverse

Difficile

Difficile d’aimer l’homme en treillis de combat, la fillette en poupée, le môme qui fait l’homme. Difficile d’aimer l’homme quand il compte ses sous, tuant l’air qu’il respire, saccageant la forêt, affamant l’océan, mettant l’espace en carte et l’espérance en berne.

Difficile d’aimer l’homme quand il lance des pierres au lieu de caresser, transformant la terre des ancêtres en cimetière d’autos, l’œuf de Colomb en grippe aviaire, l’herbe folle en vache folle et les bonhommes de neige en oxyde de carbone.

Difficile d’aimer la femme grimpant l’échelle sociale sur la hauteur des talons et l’échelle d’un bas, transformant la caresse en argent, le cœur qui pique en château de cartes et le sexe en tirelire.

Difficile d’aimer l’acteur quand il renie Gauvreau pour jouer le bleuet dans un bol de céréales, le peintre quand il peint avec un signe de piastre. Difficile d’aimer Dieu transformant l’air en or, la prière en pétrole, la sourate en diktat, l’espérance en djihad, la caresse en enfer, le visage en burqua, le missel en mitraille et la marelle en roulette russe. Le temps se perd dans le zapping, l’espace dans le zoom.

La force de la poésie est dans sa liberté. Elle préfère les faux pas aux bêlements des foules. Enfant impitoyable, sa rectitude se tient debout entre ses lignes, loin des lignes de parti, des lignes éditoriales, des lignes de montage, des lignes blanches et des colonnes de chiffres. L’âme est trop grande pour le corps. Le ciel doit descendre manger les pissenlits par la racine.