Alejandra Pizarnik – Parfois, dans la nuit
sculptures Henri Laurens
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L’amour dessine dans mes yeux le corps convoité
comme un lanceur de couteaux
tatouant sur le mur avec crainte et adresse
la nudité immobile de celle qu’il aime.
Ainsi, dans l’ombre, fragments de ceux que j’ai aimé,
lubriques visages adolescents,
parmi eux je suis un autre fantôme.
Parfois, dans la nuit,
ils m’ont dit que mon cœur n’existait pas.
mais j’écoute les chansons ambiguës
d’un pays dévasté par les pluies.
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Pierre Reverdy – Cette émotion appelée poésie
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» — Les vrais poètes ne peuvent prouver la poésie qu’en poétisant, si je puis dire.
Pour moi, à qui certains prestigieux moyens n’ont pas été très libéralement départis, je suis bien obligé de m’y prendre autrement.
On a souvent dit et répété que la poésie, comme la beauté, était en tout et qu’il suffisait de savoir l’y trouver.
Eh bien non, ce n’est pas du tout mon avis. Tout au plus accorderai-je que la poésie n’étant au contraire nulle part, il s’agit précisément de la mettre là où elle aura le plus de chance de pouvoir subsister.
— Mais aussi, qu’une fois admise la nécessité où l’homme s’est trouvé de la mettre au monde afin de mieux pouvoir supporter la réalité qui, telle qu’elle est, n’est pas toujours très complaisamment à notre portée, la poésie n’a pas besoin pour aller à son but de tel ou tel véhicule particulier.
Il n’y a pas de mots plus poétiques que d’autres. Car la poésie n’est pas plus dans les mots que dans le coucher du soleil ou l’épanouissement splendide de l’aurore — pas plus dans la tristesse que dans la joie.
Il n’y a pas de mots plus poétiques que d’autres. Car la poésie n’est pas plus dans les mots que dans le coucher du soleil ou l’épanouissement splendide de l’aurore — pas plus dans la tristesse que dans la joie.
Car la poésie n’est pas plus dans les mots que dans le coucher du soleil ou l’épanouissement splendide de l’aurore — pas plus dans la tristesse que dans la joie.
Elle est dans ce que deviennent les mots atteignant l’âme humaine, quand ils ont transformé le coucher du soleil ou l’aurore, la tristesse ou la joie.
Elle est dans cette transmutation opérée sur les choses par la vertu des mots et les réactions qu’ils ont les uns sur les autres dans leurs arrangements — se répercutant dans l’esprit et la sensibilité.
Ce n’est pas la matière dont la flèche est faite qui la fait voler — qu’importe le bois ou l’acier — mais sa forme, la façon dont elle est taillée et équilibrée qui font qu’elle va au but et pénètre et, bien entendu aussi, la force et l’adresse de l’archer.
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Pierre Reverdy, – Cette émotion appelée poésie
Passage de l’ange ( RC )

peinture P Gauguin, – détail – » D’où venons-nous, que sommes nous, où allons nous ? »
peinture – partie centrale » D’où venons-nous,que sommes nous, où allons nous ? » 1897
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Comme on dit, sur terre,
– Au creux d’un silence,
passe l’ange ( un mystère),
Lui, sans bruit, danse..
On ne le voit pas,
Seuls ses cheveux ( d’ange ),
S’agitent ici-bas,
Si ma tête penche,
Je sens, assis sur le vent,
Ses ailes qui me dépassent,
Et l’ange, ( ou ce revenant ),
– Grand bien me fasse –
Semblait chercher son chemin,
> Ce qui me fait marrer…
Que ces êtres de lieux lointains,
Puissent ainsi s’égarer —–
Si loin des dieux et déesses,
Au terme d’un long voyage,
Seul ( panne de GPS ) ,
descendu de son nuage.
C’est parce que c’était dimanche,
Et, que, poursuivant un diable fourchu,
Au long cours d’une météo peu étanche,
Vit aussi cette sorcière aux doigts crochus,
Perforant d’un coup de roulette russe,
A cheval sur son vieux balai,
Un vieux cumulo-nimbus
Ce qui ne fut pas sans effets…
Perdant l’appui de l’arc-en-ciel,
… pour le pique-nique ( c’était fichu),
Notre ange en oublie de fixer ses ailes,
Et se trouve à errer parmi nous, ainsi déchu…
Ou, peut-être objet d’un malaise,
> C’est une supposition,
Une possibilité, une hypothèse…
Mais , qui pose question…
Ou alors, c’est mon ange gardien,
< Qui veut mieux me connaître,
Me parler, dialogue ouvert, établir des liens,
Lui, qui m’a vu naître…
Ou encore, ange égaré, peut-être
Cherches tu la bonne adresse,
La bonne porte, la bonne fenêtre,
D’une âme en détresse ?
> Quelqu’un d’un peu fou,
lui demandant « D’où venons-nous ?
– Qui sommes-nous ?
– Où allons-nous ? »
Mais – que prend-t-il donc aux humains,
De poser des questions embarrassantes,
S’il ne leur suffit pas de lire les lignes de la main ?
Et , sans réponse satisfaisante…
Peut-être la raison de sa présence,
Ici, dans les odeurs de poisson frit,
Dans ce bas monde, le don de sa confiance,
Apparaît , aussi, sous un ciel chargé ,et gris…
Déposant sur la terre,
Un parfum subtil qui l’entoure
D’une traînée d’étoiles, de lumières
Et de l’ombre, redit un peu le jour.
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RC – 24 juin 2013
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peinture: Paul Gauguin: lutte de Jacob avec l’ange 1888