Jean-Claude Pirotte – la dame et le dentiste (extrait )
en revanche il est vrai
que les poèmes philosophiques
ont bonne mine et que
le poète couronné
par une calvitie précoce
est nourri de soupe à l’oignon
de fromage de tête et de
cervelle d’agneau (mystique)
c’est un auteur qui ne répond jamais
au téléphone et qui dort
d’un œil de chat jusqu’à midi
or le poète va chez le dentiste il montre sa dent au dentiste elle est joliment emballée dans du papier de soie
le dentiste dit : je vois ce n’est rien mais tout de même deux précautions valent mieux qu’une nous allons procéder à la petite radiographie de contrôle est-ce douloureux ? non ce n’est pas douloureux posez-vous là tenez la dent bien droite et serrez fort voilà c’est fait, merci dit le poète de rien dit le dentiste combien je vous dois ? revenez la semaine prochaine avec votre dent on verra
Vagues de laine – ( RC )
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C’est un troupeau dans un enclos en pente ;
Il se gorge de l’herbe grasse,
– un corps solidaire à têtes multiples –
dont la masse dissimule
ce qui reste de sol.
A les voir moutonner, se presser en vagues
de laine à palper du regard,
à défaut des doigts,
dans la tiédeur confuse
ondulée par le soleil .
Lui, rebondirait sur ces îles.
Elles se séparent et gravissent ensemble la pente ;
elles se suivent, et dessinent en beige clair
le tracé du chemin , laissant sur place
les têtes de rochers, nues .
Brebis et bêlements se déplaçant aussi.
( J’aurais voulu plonger dans leur manteau blanc,
les boucles autour des doigts,
connaître de mes paumes
le museau fébrile de l’agneau ).
Mais du troupeau, maintenant hors de vue,
stationné, peureux, sur une autre pente.
Il n’est resté, quelques instants plus tard,
qu’un enclos désert,
derrière les mailles de son grillage .
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RC – nov 2015
Yahia Lababidi – A quoi rêvent les animaux ?
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A quoi rêvent les animaux ?
Est-ce qu’ils rêvent de vies passées et de rêves non vécus
indiciblement humains ou incroyablement bestiaux ?
Ont-ils du mal à attraper dans leur sommeil
ce qui est trop glissant pour les doigts de la journée ?
Est-ce que leurs subtiles allusions nocturnes peuvent éclairer leurs heures sans rêves ?
Sont-ils hantés par les spectres de regret
visitent-ils leurs morts dans une somnolente gratitude ?
Ou sont-ils revisités par leurs crimes
transcrits en hiéroglyphes alléchants ?
Ont-ils retracé les grandes lignes de leurs blessures
ou le rêve d’une mutation, à la place ?
Ont-ils tiré sur des noeuds obstinés
de désirs inassimilables et de disputes contrariées ?
Y at-il de l’émoi, des bouleversements, ou de la rébellion
qu’ils éprouvent contre leur personne ou leur destin ?
Sont-ils libérés de forces et faiblesses particulières
au cheval, au cerf, à l’oiseau, à la chèvre, au serpent, à l’agneau ou au lion ?
Sont-ils jamais ni animaux, ni humains
mais créature et être ?
Ont-ils des moments sacrés de compréhension de leur entité dans leur essence même ?
Est-ce se rendent compte,d’une existence plus complète
soulagée du fardeau de la veille ?
Est-ce qu’ils soupçonnent, avec les poètes, que tout ce que nous voyons ou en a la ressemblance n’est qu’un rêve dans un rêve ?
Ou est-ce simplement une petite mort
un petit goût de néant, qui se rassemble dans leur bouche ?
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What do animals dream?
Do they dream of past lives and unlived dreams
unspeakably human or unimaginably bestial?
Do they struggle to catch in their slumber
what is too slippery for the fingers of day?
Are there subtle nocturnal intimations
to illuminate their undreaming hours?
Are they haunted by specters of regret
do they visit their dead in drowsy gratitude?
Or are they revisited by their crimes
transcribed in tantalizing hieroglyphs?
Do they retrace the outline of their wounds
or dream of transformation, instead?
Do they tug at obstinate knots
of inassimilable longings and thwarted strivings?
Are there agitations, upheavals, or mutinies
against their perceived selves or fate?
Are they free of strengths and weaknesses peculiar
to horse, deer, bird, goat, snake, lamb or lion?
Are they ever neither animal nor human
but creature and Being?
Do they have holy moments of understanding
in the very essence of their entity?
Do they experience their existence more fully
relieved of the burden of wakefulness?
Do they suspect, with poets, that all we see or seem
is but a dream within a dream?
Or is it merely a small dying
a little taste of nothingness that gathers in their mouths?
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Yahia Lababidi is the author of a collection of aphorisms, Signposts to Elsewhere (Jane Street Press) selected for ‘Books of the Year, 2008′ by The Independent (UK) and the critically-acclaimed essay collection, Trial by Ink: From Nietzsche to Belly Dancing. His latest work is the new poetry collection, Fever Dreams.
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texte traduit par mes soins…
on peut trouver bien d’autres textes intéressants en langue anglaise, et parfois la langue d’origine, sur le site the thepoetry
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