Ahmed Mehaoudi – Le matin s’éveille

Le matin s’éveille sur un temps nuageux, les choses de la vie circulent banalement, et même dans un cadre urbain triste et monotone , la place Carnot dans son vert bouteille , son kiosque à musique, ses terrasses bondées de consommateurs , ce tout le monde qui chuchote , les furieux klaxons angoissants , la ville s’enfonce dans le jour chacun dans l’espoir de vivre mieux
…la ville pourtant est dépeuplée ,il y a comme un grand vide , un manque à faire pleurer , un sentiment qui ne s’avoue pas ,un sentiment qui n’a pas de mot , peut-on l’expliquer , lui donner un nom , inutile il est abstrait et il vous tient à la gorge , c’est beaucoup plus une envie de monter au ciel et de disparaître ,
à croire que plus personne ne respire en ville , que personne n’est vivant , et pourtant le bruit du monde vibre tout près comme un être qui ronfle dans la nuit ..
Ce matin, il y a comme un froissement de silence, une voix tremblante sans qu’elle se discerne d’une voix qui s’est tue ; je regarde cette tentative de pluie, elle ne vient pas,
j’y entends un murmure, peut-être une complainte, un petit chant doux,
je voudrais tant écouter, mais mon cœur est si fermé ce matin que je me sens étrangement absent de moi-même …
Est-ce donc çà l’amitié quand l’autre part et vous quitte à jamais ? Il n’y a pas de larmes , ni cri de détresse , un rien , un néant …
le matin s’éveille , sans lui qu’est-ce pour moi cette ville ,
un étonnant terrain vague où se confond des formes inconnues que je ne reconnais plus pourtant si familiers , des formes et des formes à l’infini jusqu’à la sortie du dernier virage …
Il me le disait , me le disait au grès de nos cafés et de nos vertiges littéraires , je m’en irai , quel vide vous aurez à vivre ,
ici où l’on m’avait confisqué mon bonheur , et où j’avais piteusement vécu ,
ici où je m’étais allongé dans la boue d’une insolente farce ,
comme quoi il n’y a rien de mieux que de se rendormir et de reporter ce réveil matinal à plus tard …je me recouvre de ma couverture , allons le rejoindre dans notre rêve…
Ahmed Mehaoudi – entre nous
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parfois
il y a des fois
j’ai l’air de sortir des égouts
rien de blanc à servir
ou me taire
ai-je su me taire un jour
il paraît
que se taire
est le privilège des rentiers
avoir l’or
comme divinité
les amis comme pantins
et les pâquerettes pour cirer ses pompes
moi pauvre bavard
à me planter a chaque éclaircie
suis-je rentier
à jeter mes mots par les fenêtres
en être tremper à l’os
les plier comme une torche
allumer en joie
le feu de l’ermite
parfois
il y a des fois
j’en veux à mes yeux
de ne pas voir
où remplir mes poches
il paraît
que le siècle est passé
pour changer le monde…
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Ahmed Mehaoudi – Dire aux choses qui passent
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te seras dans ses bras
tant de berceuses moisies
mais qu’hiver ou automne
essuient les larmes c’était jadis
que tu pleurais
jadis quand c’était de belles défaites de coeur
tu seras dans ses bras
ce que ne dit plus le temps
ni de ces rouges maisons où sifflait le merle
ni encore le blanc rossignol
levé tôt à vous chanter la complainte
ce rien dans ses bras
à poser la tête sur l’épaule qui veille
ces yeux noirs de soupirs
dans ses bras
à écouter la joie de l’aube blanchir le jour
et toi partir avant…
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A M
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Ahmed Mehaoudi – La fin d’une hirondelle

hirondelles à Ouessant
que ce nid pourtant d’hirondelle riait
en printemps
la main de l’homme le déchanta
le gâcha de son instant de fauve
et l’arbre où la branche brillait
est morte cette année
allez pleurer sur cette absence
à n’avoir pas garder intact le chant
l’inneffable douceur des toits
ou ce qui dolence au coeur
rafraichi tant d’épreuves
que ce nid ait disparu
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Ahmed Mehaoudi – mystère d’aimer…ou le printemps sans toi…
mystère d’aimer…ou le printemps sans toi…
que contiens-tu
en étant plus là toutes les fois
que m’oppresse ton ombre
que contiens-tu
après que le temps
n’est plus en toi ?
que tu tisses dans mon coeur
cette lente source de tristesse
que contiens-tu ?
si de ce soleil brut comme le monde
j’évapore tes soupirs absents
j’éventre la solitude
qu’elle m’ouvre à ton élan de me consoler
que contiens-tu cependant
si j’adhère
à ton plus beau sourire …
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Ahmed Mehaoudi – dire aux choses qui passent
te seras dans ses bras
tant de berceuses moisies
mais qu’hiver ou automne
essuient les larmes c’était jadis
que tu pleurais
jadis quand c’était de belles défaites de coeur
tu seras dans ses bras
ce que ne dis plus le temps
ni de ces rouges maisons où sifflait le merle
ni encore le blanc rossignol
levé tôt à vous chanter la complainte
ce rien dans ses bras
à poser la tête sur l’épaule qui veille
ces yeux noirs de soupirs
dans ses bras
à écouter la joie de l’aube blanchir le jour
et toi partir avant…
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Ahmed Mehaoudi – Où ira le soir ?
Ahmed Mehaoudi, poète algérien – dont j‘avais déjà publié » A ce désert », est l’auteur d’autres productions intéressantes qu’il nous donne à lire et dont je fais l’écho ici de son « où ira le soir »
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où ira ce soir
d’avoir si peu appris à comprendre les départs
de ces nids autrefois silencieux à la saison de paix
si peu vu dans le ciel ces éclairs de feu attendrir tes yeux
comme chercher dans les rêves l’insensé désir de se réveiller
où iras-tu ce soir
d’avoir déjà perdu le fil du chemin
la porte par où entre ton bonheur
si peu écouter que la nuit est parti loin
et toi
dors à l’endroit où ce soir tu apprendras
à regarder le jour
là se fait les mots …
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