Souvenir d’école – ( Susanne Derève) –

Une fleur de papier qu’on fixait à la toile
ou l’aile d’un moineau
le froissement du crépon sur la peau
la soie délicatement abandonnée
au point de colle
… un souvenir d’école
Et dans la cage de l’oiseau l’éblouissement du vol
vertige funambule l’éclipse des pinceaux
un frémissement d’ailes
le vert brillant des plumes
l’ocelle noire de deux yeux affolés
et sous le fin duvet le cœur désordonné
de l’oiseau
petit corps tiède entre mes mains
qui me disait la vie dans une histoire sans paroles
l’air de rien
Plus fine que la dentelle des cathédrales – (Susanne Derève )

photo RC
Tout près si près
plus proche que le silence
plus pure que la fine dentelle
des cathédrales
plus chatoyante que le jade ,
l’aigue-marine,
palpite dans un souffle ,
juste au dessus de l’eau ,
une aile immense
de libellule…
Hirondelle – Susanne Derève

l’hirondelle immobile – Salvador Dali
Hirondelle
Ton exil est-il ici
ou là-bas
Ton exil est-il chez moi
et le mien privé d’ailes
Hirondelle
Sonnet pour un piano abandonné – ( RC )
photo Romain Thiery: Requiem pour pianos 30, Pologne
Quelques décennies,
et la mélodie s’est effacée
parmi les miroirs voilés
et fenêtres obturées.
Qui nous jouera encore
les valses et mazurkas
dans le salon
de grand apparat ?
Le piano n’a pu s’envoler:
trop lourd de son aile noire
en retombant, un de ses pieds s’est cassé
comme ses rêves de liberté
se conjuguant au passé :
le grand piano aux dents brisées.
RC juin 2020
Novalis – O Mère, celui qui t’a vue
XIV
Sculpture Vierge à l’enfant, Musée Unterlinden Colmar
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O Mère, celui qui t’a vue
pour toujours échappe à l’Enfer.
Il souffre d’être loin de toi,
il t’aime d’amour éternel,
et le souvenir de tes grâces
donne des ailes à son âme. (…)
Tu sais, ô Reine bien-aimée,
que je suis à toi tout entier.
N’ai-je pas, depuis tant d’années,
joui de tes faveurs secrètes ?
A peine éclos à la lumière,
j’ai bu le lait de ton sein bienheureux.
Mille fois tu m’es apparue ;
je t’adorais d’un cœur d’enfant ;
ton Enfant me tendait ses mains
pour mieux me reconnaître un jour.
Tu souriais avec tendresse,
tu m’embrassais — instants divins !
Il est bien loin, ce paradis.
A présent, le chagrin m’accable.
J’ai longtemps erré, triste et las.
T’ai-je donc si fort offensée ?
Humble comme un enfant, je m’attache à ta robe :
éveille-moi de ce rêve angoissant.
Si l’enfant seul peut voir ta face
et compter sur ton sûr appui,
délivre-moi des liens de l’âge,
fais de moi ton petit enfant.
L’amour et la foi de l’enfance
Depuis cet âge d’or restent vivants en moi.
NOVALIS « Cantiques »
Charles Coutarel -Chat de nuit, charly gris
photo perso – Youpi en action
chat de nuit
charly-gris
comment J’écris
comment je souris
à cette image
passage
qui se reflète
en glaces
multi-faces
où je rigole
en multi-plans
noir et blanc
je m’envole
sur une aile
cœur-couleur
tête de piaf
ébouriffée
inspiration
profonde
mon chant
s’empli
charly-blanc
chat troublant
Lautréamont – Les Chants de Maldoror (30)

The Two Brothers – Kay Nielsen, from Grimm’s Fairy Tales: The seven-headed dragon came and breathed fire, setting all the grass ablaze…
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Tremdall a touché la main pour la dernière fois, à celui qui s’absente volontairement, toujours fuyant devant lui, toujours l’image de l’homme le poursuivant.
Le juif errant se dit que, si le sceptre de la terre appartenait à la race des crocodiles, il ne fuirait pas ainsi. Tremdall, debout sur la vallée, a mis une main devant ses yeux, pour concentrer les rayons solaires, et rendre sa vue plus perçante, tandis que l’autre palpe le sein de l’espace, avec le bras horizontal et immobile.
Penché en avant, statue de l’amitié, il regarde avec des yeux, mystérieux comme la mer, grimper, sur la pente de la côte, les guêtres du voyageur, aidé de son bâton ferré. La terre semble manquer à ses pieds, et quand même il le voudrait, il ne pourrait retenir ses larmes et ses sentiments :
« Il est loin ; je vois sa silhouette cheminer sur un étroit sentier. Où s’en va-t-il, de ce pas pesant ? Il ne le sait lui-même… Cependant, je suis persuadé que je ne dors pas : qu’est-ce qui s’approche, et va à la rencontre de Maldoror ? Comme il est grand, le dragon… plus qu’un chêne !
On dirait que ses ailes blanchâtres, nouées par de fortes attaches, ont des nerfs d’acier, tant elles fendent l’air avec aisance. Son corps commence par un buste de tigre, et se termine par une longue queue de serpent.
Je n’étais pas habitué à voir ces choses. Qu’a-t-il donc sur le front ? J’y vois écrit, dans une langue symbolique, un mot que je ne puis déchiffrer. D’un dernier coup d’aile, il s’est transporté auprès de celui dont je connais le timbre de voix.
Il lui a dit : « Je t’attendais, et toi aussi. L’heure est arrivée ; me voilà. Lis, sur mon front, mon nom écrit en signes hiéroglyphiques. » Mais lui, à peine a-t-il vu venir l’ennemi, s’est changé en aigle immense, et se prépare au combat, en faisant claquer de contentement son bec recourbé, voulant dire par là qu’il se charge, à lui seul, de manger la partie postérieure du dragon.
Voyager dans vos paroles ( RC )

dessin: Celine Colombel
Mon souvenir ira voyager dans vos paroles
En possible accueil, c’est une trace ténue
Qu’en vous soigneusement , vous garderez émue
En une dernière escale, comme une aile frôle
Au plus sûr de votre cœur, ce sera une place.
Pour l’ ami aux paroles prodigues
Ayant peut-être égaré , le nom. Il navigue
Au milieu de l’esprit – rien ne l’embarrasse
C’est un homme vivant , qui part et s’élance
Comme un ciel d’orage sur les mâts
– L’homme le plus tenté par l’amour s’ébat
Et vents, poussent navires avec élégance…
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RC – 01-2012
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Thierry Metz – vers la bien-aimée
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Vers la bien-aimée
ce sera
toujours comme une aile
sans repos
une montée jour après jour
d’un visage à l’autre
parmi les nuages accrochés au talus
aux branches
pour chanter l’âme d’un petit bois
en prière sous le châle
avec un peu d’herbe
une feuille morte
comme une aile dans l’hiver
d’oiseau profane.
Thierry Metz, Le Drap déplié, L’Arrière-Pays, 1995, page 9.
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Luis Cernuda – La gloire du poète
La gloire du poète
Invocations (1934-1935)
La gloire du poète
Démon, ô toi mon frère, mon semblable,
Je t’ai vu pâlir, suspendu comme la lune du matin,
Caché sous un nuage dans le ciel,
Parmi les horribles montagnes,
Une flamme en guise de fleur derrière ta petite oreille tentatrice,
Et tu blasphémais plein d’un ignorant bonheur,
Pareil à un enfant quand il entonne sa prière,
Et tu te moquais, cruel, en contemplant ma lassitude de la terre.
Mais ce n’est pas à toi,
Mon amour devenu éternité,
À rire de ce rêve, de cette impuissance, de cette chute,
Car nous sommes étincelles d’un même feu
Et un même souffle nous a lancés sur les ondes ténébreuses
D’une étrange création, où les hommes
Se consument comme l’allumette en gravissant les pénibles années de leur vie.
Ta chair comme la mienne
Désire après l’eau et le soleil le frôlement de l’ombre ;
Notre parole cherche
Le jeune homme semblable à la branche fleurie
Qui courbe la grâce de son arôme et de sa couleur dans l’air tiède de mai ;
Notre regard, la mer monotone et diverse,
Habitée par le cri des oiseaux tristes dans l’orage,
Notre main de beaux vers à livrer au mépris des hommes.
Les hommes, tu les connais, toi mon frère;
Vois-les comme ils redressent leur couronne invisible
Tandis qu’ils s’effacent dans l’ombre avec leurs femmes au bras,
Fardeau d’inconsciente suffisance,
Portant à distance respectueuse de leur poitrine,
Tels des prêtres catholiques la forme de leur triste dieu,
Les enfants engendrés en ces quelques minutes dérobées au sommeil,
Pour les vouer à la promiscuité dans les lourdes ténèbres conjugales
De leurs tanières, amoncelées les unes sur les autres.
Vois-les perdus dans la nature,
Comme ils dépérissent parmi les gracieux châtaigniers ou les platanes taciturnes,
Comme ils lèvent le menton avec mesquinerie,
En sentant une peur obscure leur mordre les talons ;
Vois-les comme ils désertent leur travail au septième jour autorisé,
Tandis que la caisse, le comptoir, la clinique, l’étude, le bureau officiel
Laissent passer l’air et sa rumeur silencieuse dans leur espace solitaire.
Écoute-les vomir d’interminables phrases
Aromatisées de facile violence,
Réclamant un abri pour l’enfant enchaîné sous le divin soleil,
Une boisson tiède, qui épargne de son velours
Le climat de leur gosier,
Que pourrait meurtrir le froid excessif de l’eau naturelle.
Écoute leurs préceptes de marbre
Sur l’utilité, la norme, le beau ;
Écoute-les dicter leur loi au monde, délimiter l’amour, fixer un canon à l’inexprimable
beauté,
Tout en charmant leurs sens de haut-parleurs délirants ;
Contemple leurs étranges cerveaux
Appliqués à dresser, fils après fils, un difficile château de sable
Qui d’un front livide et torve puisse nier la paix resplendissante des étoiles.
Tels sont, mon frère,
Les êtres auprès de qui je meurs solitaire,
Fantômes d’où surgira un jour
L’érudit solennel, oracle de ces mots, les miens, devant des élèves étrangers,
Gagnant ainsi la renommée,
Plus une petite maison de campagne dans les inquiétantes montagnes proches de la
capitale ;
Pendant que toi, caché sous la brume irisée,
Tu caresses les boucles de ta chevelure
Et contemples d’en haut, d’un air distrait,
ce monde sale où le poète étouffe.
Tu sais pourtant que ma voix est la tienne,
Que mon amour est le tien ;
Laisse, oh, laisse pour une longue nuit
Glisser ton corps chaud et obscur,
Léger comme un fouet,
Sous le mien, momie d’ennui enfouie dans une tombe anonyme,
Et que tes baisers, cette source intarissable,
Versent en moi la fièvre d’une passion à mort entre nous deux ;
Car je suis las du vain labeur des mots,
Comme l’enfant est las des doux petits cailloux
Qu’il jette dans le lac pour voir son calme frissonner
Et le reflet d’une grande aile mystérieuse.
Il est l’heure à présent, il est grand temps
Que tes mains cèdent à ma vie
L’amer poignard convoité du poète;
Que tu le plonges d’un seul coup précis
Dans cette poitrine sonore et vibrante, pareille à un luth,
Où la mort elle seule,
La mort elle seule,
Peut faire résonner la mélodie promise.
Luis Cernuda
(Traductions inédites de Jacques Ancet)

photo: Matt Black travailleurs immigrés Fresno, California
André Laude – si j’écris
si j’écris c’est pour que ma voix vous parvienne
voix de chaux et sang voix d’ailes et de fureurs
goutte de soleil ou d’ombre dans laquelle palpitent nos sentiments
si j’écris c’est pour que ma voix vous arrache
au grabat des solitaires, aux cauchemars des murs
aux durs travaux des mains nageant dans la lumière jaune du désespoir
si j’écris c’est pour que ma voix où roulent souvent des torrents de blessures
s’enracine dans vos paumes vivantes, couvre les poitrines d’une fraîcheur de jardin
balaie dans les villes les fantômes sans progéniture
si j’écris c’est pour que ma voix d’un bond d’amour
atteigne les visages détruits par la longue peine le sel de la fatigue
c’est pour mieux frapper l’ennemi qui a plusieurs noms.
André Laude, Comme une blessure rapprochée du soleil, La pensée sauvage, 1979
–
Papillon ( RC)
Au bonheur éphémère
Le papillon s’est envolé
Il a laissé aux vents, à l’amer
Sa chrysalide, abandonnée..
RC 22 octobre 2011
Auquel je joins une « variation libre »
mais assez proche tout de même…
du texte de la chanson de Jimi Hendrix « Little Wing », dont j’ai trouvé une belle version acoustique… je recommande aussi celle du bassiste Jonas Hellborg, qui figure dans son album « elegant punk »…
Vole, petite aile…
Marchant au travers des nuages
Avec l’esprit fantasque
Qui librement. Court avec
Papillons, zèbres et rayons de lune
Des contes de fée
Il est une seule chose à laquelle elle pense…
C’est chevaucher le vent
Quand je suis triste, elle vient vers moi
Qu’avec mille sourires elle me donne gracieusement
Tout va bien, elle me dit,
Tout va pour le mieux
Prends de moi, tout ce que tu veux tout
Et
Vole, petite aile
–
Corps fleur, une rose (RC)
–
Si c’est une toile blanche
Qui attend en silence
Que le pinceau s’élance
Au dessin de tes hanches
Alors sur ce modèle
Corps et délits
Je le forme et le plie
Et pourrais ajouter des ailes
En appelle « l’inspiration »
Le bras, je vais le déplacer
La main, je vais l’effacer
Et puis , varier la position
–
Tes courbes opposées
Enlacées de lumière
Sans plus de frontières
Allonges , du corps reposé
Modelée de sculpture
Mon geste te compose
Corps fleur, une rose
De créature, nouvelle parure
Et c’est ainsi que tu nais
Calligraphie, déliés et pleins
Arabesques de tes seins,
Sur la page du carnet …
–
Rabah Belamri – l’olivier boit son ombre – 05
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tu as surgi des blés dans ma rocaille tu as marché
est-ce mon image
une ancienne douleur de nuit
ce rêve au visage cloué
j’ai suivi tes pas et la route n’était plus qu’une planche
un cri d’enfant un battement d’ailes dans la cour
sur la terrasse le café et la galette du matin consolent
un ange rescapé de la nuit
voir aussi l’hommage de Rabah B à Abdelmadjid Kaouah , dans https://ecritscrisdotcom.wordpress.com/2012/03/28/rabah-belamri-poesie-mise-a-nu/
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Rabah Belamri – l’olivier boit son ombre – 04
à Claude Krul-Attinger et à Zakarya Tamer
l’enfant rit toi qui appelles la mer
tu sais son cœur est un oiseau qui se balance
entre la tendresse des mots une aile bleue
une aile verte la rose et l’étoile l’accompagnent
l’enfant rit son ombre danse
mais un jour le roi de l’étendard noir décrète
le rire blasphématoire
on frappe le poème le cœur éclate en gerbes de soleil
l’oiseau s’envole le rire de l’enfant dans la gorge
sur l’herbe danse toujours une ombre d’étoile et de rose