les grands ifs – ( RC )

ifs de la place de l’église d’Hurigny
—
Regrettes-tu de n’être
pas immortel ?
Où tu pourrais côtoyer peut-être
au milieu des cieux
les demi-dieux ,
les voir de près
si tu décollais de terre
si , aussi, tu t’élances
au-dessus des cyprès
et redoubles de patience –
Les grands ifs
puisent leur sang
dans la terre…
ils ont le temps
de balayer la lumière,
de leur tête verte.
Leur règne est végétatif ,
leur vie est ouverte
à tous les temps
tous les dehors.
Ils ont bien autre chose à faire
que de t’écouter,
toi qui voulais leur parler
depuis le cimetière
et te lamentes sur ton sort…
Il est vrai que ta vie n’est pas parée d’ailes,
et ne possède qu’un court avenir …
mais qu’y faire ?
Luis Cernuda – remords en costume de nuit

Un homme gris marche dans la rue de brouillard ;
Personne ne le devine. C’est un corps vide ;
Vide comme pampa, comme mer, comme vent,
Déserts d’amertume sous un ciel implacable.
C’est le temps passé, et ses ailes maintenant
trouvent parmi les ombres une force pâle ;
C’est le remords, qui de nuit, hésitant,
Secrètement approche une ombre insouciante.
Ne serrez pas cette main. Plein d’orgueil le lierre
S’élèvera recouvrant les troncs de l’hiver.
Invisible dans le calme l’homme gris marche.
N’entendez-vous pas les morts ? Mais la terre est sourde.
Remordimiento en traje de noche
Un hombre gris avanza por la calle de niebla;
No lo sospecha nadie. Es un cuerpo vacio;
Vado como pampa, como mar, como viento,
Desiertos tan amargos bajo un cielo implacable.
Es el tiempo pasado, y sus alas ahora
Entre la sombra encuentran una pdlida fuerza;
Es el remordimiento, que de noche, dudando,
En secreto aproxima su sombra descuidada.
No estrechéis esa mano. La yedra altivamente
Ascender a cubriendo los troncos del invierno.
Invisible en la calma el hombre gris camina.
i No sentis a los muertos? Mas la tierra esta sorda.
rêves anodins , amours chavirés ,impossibles à détacher – ( RC )

Un peu trop de souvenirs agglomérés,
rêves anodins , amours chavirés ,
impossibles à détacher :
de ceux qu’on ne raconte pas,
et qu’il est impossible
de rassembler en tas.
Ce sont des fils de mémoire,
qui tiennent tout ça
ficelé ensemble:
je n’ai pas encore trouvé moyen
de m’en détacher,
même avec les saisons nouvelles :
Encombré de leur présence,
comment ouvrir grand mes ailes ?
un combat silencieux entre pierres et racines – ( RC )

C’est un combat silencieux
entre pierres et racines,
étroitement enlacées :
elles puisent dans le sol
de quoi survivre
aux légendes du passé.
J’ai vu les débris
des colonnes renversées,
les temples envahis de lierre,
les oiseaux de pierre
qui ont perdu leurs ailes,
gardiens d’anciennes stèles…
Un sphinx vivant
me fixe de ses yeux verts:
l’éternité s’étend
jusqu’à une princesse d’Egypte:
( une chatte veille sur une crypte
à l’ombre des oliviers ),
et à mon propre nom
gravé sur une tombe
au destin inachevé .
RC- mai 2022
Georges Jean – dans le désordre des choses

Les fruits sur la prairie pourrissent
Les sentiers mènent aux étangs
Où le ciel ouvre sa pulpe
Les dernières roses construisent
Le réseau profond de la mort
Les maisons prennent dans leurs mains
Les personnages de la brume
Nous sommes dans la chair du temps
Les arbres noirs de la nuit
Les oiseaux gris dans le matin
Il semble que le soleil
Va déchirer ces voiles blancs
Ainsi dans le matin du temps
Les paroles simples se lèvent
Alors éclatent les ailes
Se fendent les rameaux
Saigne l’Orient
Et quelques mots dans le silence
Permettent d’entendre la danse
Et rêver de l’Océan
Pour les regards du dedans
Les pierres sont en gésine
Au cœur de la forêt proche
Là dans les sentiers de silex
Le plaisir bat comme le cœur
Voici les traces les sillages
Les filles des longs retours
Et dans l’ombre d’alentour
Les absents se sont levés
Et le jour ouvre nos lèvres
Et les mots entrent dans les choses.
–
extrait de « parcours immobile »
Yang Ermin – Ma rose –

Le ciel mélancolique a bonne mine Une apsara dotée de tous les pouvoirs Vole sous la bruine et le vent Son regard obstiné perce la brume rouge Colombe grise sur le plateau du Golan Dans la frénésie de l’été Elle déploie ses ailes nues à sa guise Elle regarde fixement tes yeux Me voilà confus et triste Je cherche les ailes qui s’envolent Et c’est ma rose que j’aperçois
La poésie des couleurs chez Yang Ermin PDF
Marie Laureillard –
Des anges suspendus par les pieds – ( RC )

—
Un tracé dans le ciel;
un lien entre les étoiles;
des figures dans l’espace…
- et la nuit nous observe
par les signes du zodiaque…
…. des anges trépassent.
Si j’en crois les manuscrits,
rien n’est dit
de la géométrie aléatoire
qui se dessine dans le noir.
On voit jusque dans les sourates
des anges pendus par les pieds.
Eux n’ont pas de stigmates:
mais nous les reconnaissons :
( ils ont trahi leur mission
en se rendant visibles
aux yeux d’un dieu
irascible ).
Fallait-il qu’ils rangent leurs ailes,
restent discrets
dans l’espace immatériel ,
étant tenus au secret
derrière les aurores boréales ?
exemptant l’humanité du mal.
Car c’est ce que leur reproche:
l’assemblée des dignitaires,
et de leurs proches…
il fallait des boucs émissaires,
les condamner
à une peine à perpétuité.
Dans leurs puits,
ils iront rejoindre la nuit,
méditer sur le mal
( là où il n’y a pas d’étoiles )
Langston Hughes – Accrochez-vous aux rêves

Accrochez-vous
aux rêves
parce que si les rêves meurent,
la vie est un oiseau aux ailes brisées
qui ne peut plus voler.
Accrochez-vous
aux
rêves
car lorsque les rêves disparaissent,
la vie est un champ désolé gelé par la neige.
Le musée dans la piscine – ( RC )

C’est un endroit curieux
( généralement le cas des musées
que l’on fréquente encore habillé )
où l’on voit des demi-dieux
interrompant leur mouvement ,
bien conscients du danger,
avant d’aller plonger
avec leur accoutrement
dans la piscine
évoquant de très loin
la mer qui se souvient
des marées ( et ici, piétine ).
C’est une eau stagnante
où personne ne se risque
car la vie se confisque
dans une mort lente .
Quelques émanations perfides
auxquelles on ne s’attendait guère
ont changé ces héros en pierre,
( à tout jamais rigides
semblerait-il, pour l’éternité ):
on ne s’attend pas à les voir courir
ou les voir s’enfuir ,
condamnés à l’immobilité .
Peut-être est-ce préférable
à un autre destin tragique:
ces personnages de l’antique
retournant en sable
ou bien des anges
à qui on aurait coupé les ailes,
transformés en statues de sel…
le Moïse de Michel-Ange
souffrant d’insomnies
soumis à rude épreuve
retrouvé au fond d’un fleuve
ou au large d’Alexandrie…
Alors, mieux vaut patienter
( contre mauvaise fortune, bon coeur )
sous l’oeil des connaisseurs
fréquentant le musée…
L’éternité est pour eux,
rien ne presse :
ils attendront que le charme disparaisse:
il faut voir le côté avantageux,
d’être quand même à l’abri,
rassemblés ici
dans cet endroit incongru
plutôt que d’errer dans les rues .
Je ne vois qu’une solution :
c’est ce que je pense et estime –
Pour que ces statues s’animent,
proposons l’absolution,
et que des génies
changent l’eau en vin
( ou plutôt en eau de vie…)
il faut aider son prochain,
faire que le sang
de nouveau circule,
que les dieux fassent des bulles,
ils nous en seront reconnaissants –
Le couple de pierre a perdu son ombrelle – ( RC )

Je ne sais depuis combien de temps
patientent ces gens
au sommet de la colline .
Ont-ils perdu leurs habits d’hermine
ainsi que leur ombrelle ?
Les voila changés en statues de sel,
ces deux amants
exposés au vent,
mais toujours aussi proches.
Leur visage de roche
par un sculpteur, immortalisé
en prolongeant leur baiser
en aplomb du précipice.
On pense à Philémon et Baucis
dont l’existence réelle
ne s’embarrasse pas d’ailes :
leurs branches enlacées ,
un face à face rapproché ,
où l’amour peut affronter
le passage des années, pour l’éternité.
Lutte avec l’ange – ( RC )
peinture: E Delacroix: lutte de Jacob avec l’Ange
–
j’ai oublié ce qui m’a poussé
à franchir les frontières :
juste le défilé des années
pour avancer de quelques pas
hésitants , sur les sentiers ombrageux :
( on dit qu’un ange veille sur moi
me construit peu à peu ,
me défie, vocifère )
comme il me provoque en duel ,
me confisque parfois la lumière :
> ma conscience alors se rebelle ;
ce que j’écris
est un chemin tracé
à l’encre de la nuit,
– je m’y suis engagé ;
Il y a le poème,
et puis il y a l’image :
je trouverai la même
sous un autre éclairage.
C’est je crois
d’une pareille nature
que l’ombre de la croix
sur l’écriture.
Je ne sais pas qui a gagné :
…. peut-être qu’habilement
le cimetière des idées,
est un sol jonché d’ossements:
où elles s’amoncellent …
– mais je suis toujours en vie,
bien que dépourvu d’ailes,
et chassé du paradis :
je n’avais pas le choix
avec , toujours cette lutte avec l’ange
tel que l’a peint Delacroix.
RC- août 2020
Mokhtar El Amraoui – sans valises
Sans valises
Quand les ailes se déploient,
Je me tais
Et écoute mon maître le pigeon.
Sans valises,
Sans mémoire,
Il décide de la portée de son clavier
Et ouvre, seul,
Les veines de la ville
Et ses cieux.
Vesna Parun – Ephèbe endormi
peinture: Botticelli: Arès & Aphrodite ( détail droit )
Sur la plage où l’ombre de la baie s’allonge
Il est couché tel une vigne en son clos,
Solitaire et tourné du côté des vagues.
Son visage est empreint d’une grâce grave,
Le vent de midi à ses traits se caresse,
Il est plus beau que branche de grenadier
Gorgée de pépiements d’oiseaux, et sa taille
Plus souple que l’ondulation d’un lézard.
.
Grises est la mer, le sable crisse.
Des ombres blondes s’étendent sur la vigne.
Dans le lointain des colonnes de ciel saillent.
L’orage maintenant vient battre la plage.
.
Et moi je tête l’odeur d’été qui croît
Et je bois le vin des plantes dénudées
Et j’emplis mon regard de ces mains qui luisent,
De ces flancs brillants et polis d’une écume
Ou se déplace l’huile des oliviers,
Moi, mes yeux apaisés reposant sur lui
Enveloppé par la vague, qui sommeille
Dans ce tonnerre lent et vieux comme agave,
Moi livrée au vol multiple des désirs,
Je me demande combien d’ailes ouvertes
Palpitent dans les creux bleutés et les monts
De ce corps si calme qu’il s’en va troubler
L’herbe solitaire et la mer en son verbe.
Edi Shukriu – Au-delà de soi-même
peinture Marsen Hartley
Au-delà de soi-même
Je m’élève de mes ailes au-dessus de moi je plonge
dans les ténèbres de l’enfer
puisant au fond des temps
je me rafraîchis me rassasie de sagesse
tandis que pourrissent les racines
les ronces et buissons demeurent à l’état sauvage
je m’égosille à perdre le souffle, roule de gros yeux.
je m’élève de mes ailes au-dessus de moi
comme si me prenait la folie du temps
Poème du silence
Une vaine pluie tombe au dehors
qui n’augmente ni ne réduit
l’inanité des choses impossibles
de ce bruit monocorde
nulle voix n’émerge ne résonne
maudit silence
c’est à moi que tu en veux.
est-il bien vrai que tout autre univers me demeure interdit
la perte de ce rêve irréalisable
peut aller au diable
au gré de ses tourbillons
la pluie tombe au dehors
et semble noircir le poème du silence.
Edi Shukriu est une auteure de nationalité albanaise
L’Ogre et l’hirondelle – (Susanne Derève)

Photomontage – René Chabrière
J’étais l’Ogre j’étais l’Ogre
petite hirondelle sous les toits
et tu te ceignais de nuages
à tire d’ailes
et je chaussais mes bottes de sept lieues
pour te rejoindre
par dessus les montagnes par-dessus les vallées
et les nuages t’emportaient
loin des montagnes et des vallées
petite hirondelle
à tire d’aile
Luis Aranha – L’aéroplane 25
Je voudrais être un as de l’aviation pour voler
Au-dessus de la ville de ma naissance !
Bien plus haut que les lamentos de bronze
Des cathédrales cataleptiques ;
Tout près de l’azur, montant presque au ciel
Loin des maisons qui diminuent
Loin, bien loin de ce sol d’asphalte…
Je voudrais planer au-dessus de la ville !…
Le moteur chanterait
Dans l’amphithéâtre lambrissé de bleu
Sa ronflante symphonie…
Oh! voler sans escales dans l’espace qui s’étire
Pour moi, seulement pour moi ;
Traversant les vents effrayés
Par mon audace ascensionnelle
Jusqu’où eux seuls sont parvenus !…
Tournoyer en altitude
Et d’une descente rapide
Tomber en tourbillon
Comme un oiseau blessé…
Faire de subites cabrioles
Des loopings fantastiques
Des sauts de la mort
Comme un athlète élastique en acier
L’âpre crissement du moteur…
Dans l’amphithéâtre tapissé de nuages Tambour…
Si un jour
Mon corps s’échappait de l’aéroplane
J’ouvrirais ardemment les bras
Pour le bleu plongeon dans le soir transparent…
Comme je serais pareil
À un ange au corps déployé
Ailes ouvertes, précipité
Vers la terre distante…
Fendant le ciel dans ma chute brusque
Rapide et précise,
Déchirant l’air en extase dans l’espace
Mon corps chanterait
En sifflant
La symphonie de la vitesse
Et je tomberais
Dans la ville parmi les bras ouverts…
Être aviateur pour voler bien haut !
Laisser rebondir le soir – ( RC )
Tu laisses rebondir le soir :
la harpe d’ombres
accompagne ceux
qui restent sur place .
Comme un rituel,
à la même heure, ou presque
avant que le jour ne grise,
et que le verger
fasse semblant d’oublier
la lumière solaire.
Les ombres s’allongent donc,
impudentes,
et voudraient traverser
les êtres, aussi .
Elles les questionnent
sur leur devenir .
( C’est que se poseraient
les flocons de la nuit,
– encore épars – )
dévalant la pente du jour
dont les empreintes digitales
se confondent avec les ailes
feutrées des oiseaux nocturnes ,
qui en ont fait leur domaine .
–
RC – juin 2017
Ile Eniger – Des jours et des nuits
photo: Sebastiao Salgado » genesis »
J’ai déchiré des pans entiers du ciel trop bleu, trop confiant, trop indécis.
J’ai gardé quelques livres, un vieux rêve, deux poignées de sable,
une ou deux pommes vertes, de l’eau entre les doigts,
de la musique sur un fil d’horizon ou de violon.
On n’entend plus mes pleurs d’animal ni mes pas qui raclent le sol.
De loin, on me fait quelques signes.
Dessous, la rivière grande, la rivière gronde.
Des veines d’eau gonflées charrient les passés.
Dessus, le plafond trimballe ses nuées bâtardes.
Des jours et des nuits se disputent l’espace.
Il y a sans doute un accord possible.
Autour, des choses à prendre ou à laisser.
Et le souffle porté, supporté, emporté.
Loin de la mesure des hommes.
J’ai vacillé et tenu bon.
Je me suis bricolé des ailes pour faire danser mes espadrilles.
J’ai tenté d’aimer et la lumière qui va avec.
Un escalier vers l’infini ( RC )
Installation : David McCracken
-
Je ne sais combien de marches il faut
pour gravir l’infini.
On dira qu’il y a le temps,
puisqu’on nous a promis
l’accès au paradis :
Il y a une contrepartie :
On ne peut y accéder qu’après
avoir laissé son corps
au magasin des antiquités ,
ceci dit on est beaucoup plus léger
et on ne compte plus ses efforts
pour emprunter l’escalier
qui a necessité d’abord
je ne sais combien
de menuisiers.
Au début on est très nombreux
à vouloir accéder à l’infini
que certains appellent
le Royaume des cieux
mais certains s’impatientent
ils trouvent la progression trop lente
– ( étant pris de doute
sur la destination de la route ,
et pourquoi cette pente ).
Bien entendu pour accéder au ciel
il faut penser à l’essentiel,
non pas au monotone :
et comme pas mal abandonnent
– ont-ils perdu la foi ?
– pourtant ils ne portent pas de croix !
Toujours est-il que , sur les inscrits
les candidats se raréfient,
c’est ce qui explique,
en toute logique
que l’escalier se rétrécit .
La progression est plus facile,
quand la population est divisée par mille,
– où sont passés les autres encore
– ça je l’ignore
car ils ne visent pas le haut.
-
Comme dans les jeux vidéo
ils sont bloqués au niveau inférieur
et pour leur plus grand malheur
ne disposent pas de vie de rechange,
de quelque astuce ou ficelle
( ni de l’aide des anges
qui ne prêtent pas leurs ailes ).
Et puis — est-ce une vision d’optique,
correspondant aux mathématiques :
les côtés de l’escalier
sont difficiles à mesurer :
la vie éternelle
ne tient pas compte des parallèles :
ne vous inquiétez pas pour autant:
comme je l’ai dit : vous avez tout votre temps
déjà vous avez dépassé les nuages
vous êtes sur le bon chemin
à cheval sur votre destin
n’oubliez pas vos prières,
ne croyez pas aux chimères
ne regardez pas en bas
– Attention au vertige !
Progressez comme ça :
c’est déjà un prodige
d’avoir quitté la terre
Comment, vous ne voyez toujours rien ?
Ah , mais tous les paroissiens
qui entreprennent ce voyage
clés en mains
ne peuvent tirer avantage
de rencontrer les saints
enfin pas tout de suite :
la visite, certes, ….est gratuite,
mais de ce belvédère
il est difficile de voir St Pierre :
Ce n’est pas un défaut de vision,
mais cela doit beaucoup aux conditions
atmosphériques : même avec un guide
c’est encore Dieu qui décide,
et ses desseins son impénétrables…
Comment ça, c’est discutable ?
Si vous avez une réclamation à faire
après votre grimpette
adressez-vous au secrétaire
qui examinera votre requête…
–
RC – janv 2017
Des soleils se sont effacés – ( RC )
Tu navigues en terre lointaine.
Des soleils se sont effacés.
Ils ont sombré derrière des rideaux de fumée.
C’est ce que rapportent les oiseaux
qui ne connaissent pas de frontières.
On ne leur a pas encore coupé les ailes.
–
RC – juin 2016
–
en hommage au poète irakien Salah Al Hamdani et plus particulièrement son ouvrage « Rebatir les jours »
Ange empêché – ( RC )
peinture: Odilon Redon ( l’ange déchu )
L’ange s’est , d’un coup de prière
Déplacé du vitrail,
Accompagnant de rayons,
Les âmes sombres,
Là où la lumière renonce,
A aller plus loin….
Car la porte du ciel était close,
Sur ce qui suinte,
Davantage que les larmes,
– celle des cierges –
Vite figées comme ce qui transpire
Des confessionnaux.
L’ange assistant aux offices,
Aux cérémonies,et rites
N’émit pas d’opinion,
Sur ce qui est factice
Dans la religion,
Et sa pratique hypocrite,
La crainte des démons,
La morale et ses sermons,
Contrition et pénitence…
Malgré une infinie patience,
Finit par abdiquer,
Et, de guerre lasse,
–
Voulut reprendre sa place,
En laissant à d’autres,
La lourde tâche
De laver les péchés
– et autres tâches-
méritant l’absolution,
celles dont les prêtres s’acquittent,
avec l’habitude,
qui sied à leur profession.
Notre ange fut pourtant empêché,
De rejoindre dans l’air pur,
( peint d’un traditionnel azur ),
Les autres figurant
Un saint Sacrement,
porté dans les airs,
dessiné sur le verre…
Le vitrail étant fêlé,
Peut-être par un jour de tempête ,
Ou bien une figure ailée,
L’ayant heurté de la tête
On avait remplacé,
Le morceau cassé …
La fenêtre maintenant fermée,
Avec du verre armé,( anti-reflets )
Ne permet plus de voir,
La couleur de l’espoir,
Même à l’aide d’un chapelet.
Ne pouvant contempler le ciel,
L’ange , sur terre enfermé,
Est maintenu prisonnier,
Comme lorsque le gel
Empêche, de nuit comme de jour,
A la vie, de suivre son cours…
Ainsi suspendue
A la morte saison,
Qu’elle sangle et ficelle ;
Ayant comme Icare, perdu ses ailes,
Et avec elles, la raison,
Il fut, avec les hommes, confondu…
Peut-être est-il des nôtres :
– On ne sait rien de lui …
Peut-être hante-t-il
les lieux, la nuit,
avec une sébile
En appelant aux apôtres
et autres saints :
Ceux qui sont envoyés ici-bas
Dans le plus grand anonymat,
et que rien ne distingue des humains :
C’est sans doute chez eux qu’il faut chercher
( dans les âmes grises,
plutôt que les églises ).
On dit que l’ange y est caché,
Ou bien, derrière les esprits, pacifiés..
Préférables à ceux qu’on a crucifiés …
–
RC – juin 2015
photo ci-dessous : Lady Schnaps
Georges Bataille – L’Archangélique – 01
– dessin – Georges Bataille « sans titre pour « soleil Vitré »
Rafales d’ailes, mains négatives – ( RC )
–
Rafales d’ailes, froissant les airs.
Aquarelle délavée où serpente une fumée…
Un instant fugitif, promis à l’oubli.
Une peinture dans l’obscur,
L’intimité close, de la grotte,
Des chevaux superposés, galopent .
Les millénaires s’entassent .
La mouvance des airs,
passe en surfaces.
Une peinture dans l’obscur,
Et le geste de l’homme, déposé ,
Celui marquant la présence.
Message des mains négatives,
Empreintes,
Charbons de bois.
–
RC – mai 2015
Rythme, lignes, thème et variations – ( RC )
peinture H Matisse
Une pulsation persiste,
malgré soi.
C’est un motif répétitif,
comme celle de ces frises
Sur le fronton des temples grecs,
mais qui s’offre quelques détours .
Le battement d’un coeur
Que l’on oublie,
Une basse continue
sur laquelle la trame
de la symphonie concertante
prend tout son appui.
Un rythme régulier,
qui se fond dans l’arrière-plan,
– métronome contrebasse,
soutenant la cantate,
dont on devinera le centre
en tendant mieux l’oreille.
Un ange parcourt les firmaments,
on peut suivre son échappée,
( pas le froissement des ailes ) ,
qui pourtant décrit
l’envolée de ses courbes,
Elles s’appuient sur le ciel .
Ainsi les arabesques
dessinées dans la couleur,
ou les spirales enroulées,
jouent chacune de leur accord,
avec l’évidence d’une danse
dans les tableaux de Matisse.
Le temps est une aire indéfinie,
qui s’étend sur la toile :
points et surfaces
relient les lignes entre elles….
Thème, fugue et variations,
Mélodie et contrepoint.
Vois comme le coeur
est, lui-aussi, une musique !
Son battement
est celui d’un tempo,
transformé en courant,
en cascades:
Le flux d’un ruisseau,
inscrit ,
en lettres invisibles,
sur chaque page,
de la partition , son rythme
se combine aux autres:
Une grande portée,
la mesure de la vie :
Une passacaille où le sang
donne le sens:
Celui qui permet de mieux respirer
la couleur des choses.
–
RC- juin 2015
Papiers-pleins , pensées plates – ( RC )
—
Il y avait sur le mur,
Plein d’ailes portées par le papier.
Oiseaux et papillons se multipliant
Identiques … – papiers pleins
– Conséquence d’anciennes générations,
Jungle de gestations d’encre.
Ils ont même voulu,
De l’épaisseur plate de leurs pensées
Sauter le pas, jusqu’au plafond
– ( ce ciel leur tendait l’espace )
Et camoufler innocemment,
Tout ce qui faisait obstacle .
Mais il est difficile d’aller
Jusque dans les recoins.
L’ombre ne souhaitant pas trahir ses meubles .
L’idéal aurait été que tout fut plat,
Et même notre corps ,
Notre cerveau, se mettant à penser plat :
( optimisation d’espace ) .
L’illusion serait parfaite
Nous allons peupler un décor,
Et l’être aussi .
Voilà donc , cette pensée plate :
Livrée , prête à encoller…
…. Lés alignés , de décors des corps .
–
RC – nov 2014
–
Pierre Reverdy – chemin tournant
Il y a un terrible gris de poussière dans le temps
Un vent du sud avec de fortes ailes
Les échos sourds de l’eau dans le soir chavirant
Et dans la nuit mouillée qui jaillit du tournant
des voix rugueuses qui se plaignent
Un goût de cendre sur la langue
Un bruit d’orgue dans les sentiers
Le navire du coeur qui tangue
Tous les désastres du métier
Quand les feux du désert s’éteignent un à un
Quand les yeux sont mouillés comme des
brins d’herbe
Quand la rosée descend les pieds nus sur les feuilles
Le matin à peine levé
Il y a quelqu’un qui cherche
Une adresse perdue dans le chemin caché
Les astres dérouillés et les fleurs dégringolent
A travers les branches cassées
Et le ruisseau obscur essuie ses lèvres molles à peine décollées
Quand le pas du marcheur sur le cadran qui compte
règle le mouvement et pousse l’horizon
Tous les cris sont passés tous les temps se rencontrent
Et moi je marche au ciel les yeux dans les rayons
Il y a du bruit pour rien et des noms dans ma tête
Des visages vivants
Tout ce qui s’est passé au monde
Et cette fête
Où j’ai perdu mon temps
Pierre Reverdy, Sources du vent, Poésie/Gallimard