Philippe Delaveau – Instants d’éternité faillible
Ignorant que tes hautes étoiles
avaient tremblé leur dû.
Pas un autre sanglot. Pas une brise
pour effleurer les branches,
susciter la présence des prés et des collines.
Avec courage tes lampes dans la tempête
auront lutté comme là-bas hublots et feux
du vaisseau qui oscille, se couche et sombre
fort de sa morgue et de ses cheminées.
Maintenant si je me tourne vers l’arrière
c’est pour te voir périr dans le brouillard
avec ma vie, sans un reproche.
J’aimais ces maisons qui m’ont quitté
et ces vignes qui tordaient les poignets
maigres de la douleur. La hache
qui tout à coup tranche le nœud de cordes
est plus aiguë que le croc du lion.
Aussi intraitable fut à l’entrée du désert Alexandre,
qui ignorait doute et détresse. Mais mon empire,
je le construis en soustrayant, en dispersant
les ombres et les morts.
Bientôt j’ausculterai les lignes
gravées sur la cire des paumes
pour réfuter l’arrêt sévère des destins.
Rivières et forêts, vitraux et pierres,
écoles et maisons, les sons ancrés aux souvenirs
avaient donné très tôt l’exemple.
Les oiseaux libres nous quittent dès l’automne
pour de lointains soleils que rien ne saurait abolir.
Seuls les visages sont restés dans le cadre des noms
– des cadres propres, certes, mais sans dorure.
(Infinis brefs avec leurs ombres).
Aron Kibedi – beauté nue vérité nue ( d’être mot )
beauté nue vérité nue pauvreté image des excès rebelles opiniâtres
corps faux-semblant faux-semblant de l’esprit de l’existence images
hypostases du nom précis de falsification des images débauche
monotones des manuels utiles et des pronoms il est question de noms
prénoms dans l’ordre la harpe de David le coursier du grand Alexandre
les soldats de la liberté devant le peloton d’exécution
le domestique déchiffre une lettre la cornue détrousse l’énigme
le copiste a pour vie le silence la figure est belle mais plus encore
l’infigurable pourvoit les jours sous le nom dissimule la beauté sa misère
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