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Articles tagués “Alzheimer

Petite mère (3) – ( Susanne Derève) –


Anna Ancher – Mère de l’artiste –

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Petite Mère qui fredonnes,
tu tiens entre tes bras une poupée de chiffons
et tu fredonnes

Vieille, si vieille tu es,
tu en oublies que tes bras m’ont bercée,
tu en oublies jusqu’à mon nom,

comme ces fleurs de givre
que la nuit a semées et que le jour défait,
tu en oublies les mots de la chanson

et le chant lui-même s’efface, petite Mère,
t’abandonne,

et c’est moi , à présent , qui doucement fredonne

.

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Petite mère (2) – (Susanne Derève) –



Le Chariot d’Alberto Giacometti photo retouchée –

 

 

Petite mère,

tu t’es promenée si longtemps dans le siècle

passé,  

dans celui-ci tu erres,

mince fantôme aux os de verre,

aux yeux clos,

vide comme l’hostie

que petite fille transie sous ta robe légère

 tu portais à ta bouche

dans la pénombre froide des églises,

rêvant à la lumière des chemins buissonniers,

aux routes blondes de l’enfance.

 

Toi qui n’es plus qu’un murmure ténu,

le siècle à peine né te rend à l’innocence.


Cees Nooteboom – Soir –


Henri Le Sidaner – Petite table sur la rivière au crépuscule (Nemours 1921)

                               en mémoire de Hugo Claus*
                                        

La chaise bleue sur la terrasse, café, soir,
l'euphorbe tendue vers des dieux absents,
nostalgique de la côte, tout n'est qu’alphabet
de désirs secrets, ceci est son
dernier visage avant le noir,

le voile dans sa tête. Il le sait,
elles disparaîtront, les formes des mots,
dans son calice ne laissant plus que lie,
les lignes désormais sans lien

qui jadis étaient des pensées,
ici ne viendra plus un mot
de vrai. Gravats de grammaire,
images bougées, sans pont,

du vent le bruit encore
mais plus le nom,
quelqu’un l'a dit
et la mort était sur la table,

valet lambin en attente
dans le couloir, au rire bête,
feuilletant son journal
aux échos de sens perdu.

Tout cela il le sait, l’euphorbe,
la chaise bleue, le café sur la terrasse,
le jour qui l’enveloppe avec lenteur et 
puis l’emporte à la nage,
animal débonnaire

avec sa proie.


* Hugo Claus (5/04/1929-19/03/2008) , écrivain, poète, dramaturge, scénariste et réalisateur belge d’expression néerlandaise était atteint d’une maladie d’Alzheimer.

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Le visage de l’œil
poèmes traduits du néerlandais par Philippe Noble
Actes sud


Petite mère – (Susanne Derève) –


Tal Coat – Vol d’oiseaux passant un reflet


Petite Mère
Les étourneaux  pépient dans le coeur du feuillage
mais tu ne les vois pas 
 
Plus légers qu’une plume, que l’aile d’un moineau 
tes souvenirs s’envolent 

C’est un dimanche nu que ta mémoire 
une plaine déserte un arbre  silencieux 
que n’égaie plus nul chant d’oiseau