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Articles tagués “âme

J’attendrai que la lune se lève au-dessus du pont rouge – ( RC )


nuit sur le pont du lac Hoan

Est-il vrai que les gouttes de rosée
tombent des yeux de la nuit ? *
Alors j’attendrai que la lune se lève
au-dessus du pont rouge
et qu’elle me sourie,
flottant dans le reflet de la rivière,
alors que les feuilles s’enfuient
pour emprunter ton âme aux nuages…

*(deux vers empruntés à Rabindranath Tagore )


variation sur texte de
Lambert Savigneux

Si tu me demandes où je veux être
Avec toi sous la Lune
Je t’attends sur le pont rouge
Une larme a coulé de la Lune
Le pont rouge est une bouche
Veut-il manger la Lune ?
Sous les arches il y a une barque
L’eau et les fleurs et ton sourire
La lumière de la Lune
Inonde sur la rivière
sur le vieux pont
Nous regardons les feuilles passer.


Christophe Condello – âme


peinture – Helen Frankenthaler

Fille je suis fille
d’un homme d’une autre saison
feu je suis feu
de l’éclair et de l’univers
belle je suis belle
dans le don et le pardon
femme je suis femme
de pensées et d’évasion
flamme je suis flamme
de plaisirs et de passions

âme je suis âme
du présent et de l’horizon
âme je suis âme
âme je suis âme

mère je suis mère
de nos bases, nos fondations
fière je suis fière
de l’homme que tu peux devenir
cœur je suis cœur
du passé et de l’avenir
promesse je suis promise
sans ombre et sans trahison
forte je suis forte
de caresses et de tendresse

âme je suis âme
du présent et de l’horizon
âme je suis âme
âme je suis âme

sœur je suis sœur
de la terre et de la mer
racine je suis racine
de l’harmonie, de la vie
lumière je suis lumière
de nos clartés, nos voluptés
pleurs je suis pleurs
sur nos plaies, perles de rosée
amour je suis amour
le flux et reflux des marées

âme je suis âme
du présent et de l’horizon
âme je suis âme
âme je suis âme

femme je suis femme
debout, sans compromission

âme je suis âme
du présent et de l’horizon
âme je suis âme
du présent et de l’horizon

voir l’abondant site poétique de Christophe Condello où il met en lumière beaucoup de poètes connus ou moins connus ( en particulier celui de son pays, le Québec )


Sylvie Fabre-G – Ceux qui doivent grandir


Promenez-vous dans le musée Sorolla
peinture J Sorolla – mes enfants – 1904

Ceux qui doivent grandir nous entraînent
à mi-chemin d’amour et de douleur,
quelle félicité obscure, la vie !
Naissent, viennent et s’en vont les enfants
ici, là-bas,
visages déchirants du lointain.
Comme l’on sent à leur suite
le corps à l’âme fondu
et les générations nomades
et le désir et la mort transmis,
pas assez prié peut-être,
sans le savoir toujours les mères prient
mais dans le vol assuré des alouettes,
il y a départ
et l’issue manque pour le retour.


Valeriu Stancu – Dans le violet de l’ombre –


Hans-Hartung-T-1964-R8-12

.

Seul un cri a été
emprisonné dans les épines

juste un pas,
la blessure d’un seul pas
vers l’abîme de mon propre être

juste un reflet
enveloppé dans le violet de l’ombre

seulement une âme
pour la souffrance

juste la charge d’un vol
pour l’aiguille des minutes de l’aile

juste un verset
que je n’ai pas encore écrit

un seul mort
un seul mort….

.

. Festival international de poésie de Medellin 2021

Valeriu Stancu est  né à Iasi, en Roumanie, le 27 août 1950. Il est poète, conteur, essayiste, traducteur, journaliste et enseignant. Diplômé de l’Université Alexandru Ioan Cuza, il s’est spécialisé en Littérature à la Faculté des Arts. Il est membre de l’Union des écrivains et traducteurs et de la Société des journalistes en Roumanie. Depuis 1997, il est directeur de la maison d’édition Crónica et rédacteur en chef de la revue littéraire du même nom. Son travail a été traduit dans une vingtaine de langues et a remporté de nombreux prix importants.


Ibn Zaydùn – fidélité


phpoto : l’homme à la rose ( 1967 )

photo Roland Michaud 1967 – l’homme à la rose- Afghanistan

Je t’ai évoqué à Az-Zahrâ avec ardeur,
Le ciel était bleu, et la terre
Toute de splendeur vêtue.
Au crépuscule le zéphyr était doux,
Et s’accordait à l’âme,
Comme si, par compassion,
Il s’apitoyait sur mon sort.
Le verger de rosée souriait
Comme s’il portait des perles

Un jour comme tant d’autres de nos jours de plaisirs écoulés,
Nous veillâmes comme des voleurs,
Quand le temps s’assoupit,
Nous jouissions de ce qui séduit l’œil dans les fleurs,
La rosée les inondait jusqu’à les faire frémir sur leurs tiges.
Si ses yeux savaient mon insomnie,
Ils pleureraient sur ce qui m’affecte,
Et les larmes auraient brillé et se seraient écoulées.
Fleurs qui étincelèrent au temps de l’éclosion,
Accordant au matin la radieuse clarté des yeux.
Dans la nuit s’exhalent les senteurs du nénuphar assoupi
Qui dessillent, de l’aube, les paupières.

Tout dans la nature éveille
Le souvenir de notre passion
Au point que le cœur en est oppressé.
Que Dieu fasse que votre souvenir ne s’absente
Ni ne s’envole sur les ailes palpitantes des passions.
Si la brise de l’aube voulait porter mon fardeau,
Quand elle répand son souffle
Elle aurait conduit à vous un jeune homme
Que les coups du malheur ont fait dépérir.
Si un jour exauçait le désir de nos retrouvailles,
Il serait de tous le plus généreux.

Ô femme précieuse, sublime,
Toute pétrie de lumière,
L’aimée de mon âme tu serais
Si je te cueillais comme les amants la rose.
La tendresse était l’aire d’intimité
Que, librement, nous avons longtemps parcourue.
Aujourd’hui je chante, de votre règne, le passé révolu.
Dans l’oubli vous avez enfoui mon souvenir,
Mais l’amour de vous ne m’a pas déserté.

extrait du recueil paru chez  » Orphée » ed la Différence.

c’est un auteur qui a vécu au 10 è siècle


A qui l’on prête son âme … – ( RC )


Cours et stages de sculpture modelage

Il a prêté son âme à son corps,
et d’une masse inerte,
a favorisé son essor..

De la fraîcheur de la courbe des jambes
à celle de la poitrine,
il n’y a qu’un cercle qui les rejoint,
presque clos.

Il a enfoncé ses doigts
dans la lumière,
et la tension des muscles,
dociles comme le sont
ses épaules et sa cambrure.

Il appuie sur la bouche,
et la modèle avec une spatule,
et la voila qui sourit
de son visage de glaise !

Il faudra bien la lester
d’un lourd socle aux pieds,
pour qu’elle reste à sa place.

Elle ne s’en plaindra pas .


Jules Supervielle – Anges de marbre et de peinture


court extrait de  « Grenade »

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Anges de marbre et de peinture
Au vol roman ou renaissant,
Vierge au sourire diligent
Qui cherche l’âme sous la bure.


Alda Merini – la notte


 

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La chose la plus magnifique est la nuit

quand tombent les dernières épouvantes

et que l’âme se lance à l’aventure.

Lui se tait en ton sein

comme résorbé par le sang

qui prend enfin la couleur de Dieu

et toi tu pries pour qu’il se taise à jamais

pour ne pas l’entendre telle une plénitude fixe

jusqu’à l’intérieur des murs.

La cosa più superba è la notte

quando cadono gli ultimi spaventi

e l’anima si getta all’avventura.

Lui tace nel tuo grembo

come riassorbito dal sangue

che finalmente si colora di Dio

e tu preghi che taccia per sempre

per non sentirlo come un rigoglio fisso

fin dentro le pareti.


Quelque chose d’indéfinissable – ( RC )


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                   Il y a quelque chose d’indéfinissable,

lorsque ta voix s’empare des mots
et les projette,             haut dans le ciel,
un ciel
qui ne semble être fait    que pour toi.

Et les voilà qui redescendent doucement,
      – ainsi ces graines de pissenlit, légères,
               celles en forme de parachute –
qui s’allient avec le vent    pour se poser
                        comme des fleurs de neige.

Lorsque se forgent des lignes,
      chaque flocon trouve sa place,
      rejoignant leurs semblables
portés par une onde calme
naissant en toi.

        Il y a quelque chose d’indéfinissable,
une évidence qui s’offre
comme les notes dessinent le chant
         ravissant l’oreille de celui,
               prêt à les entendre .

       C’est un cadeau que l’on reçoit,
évident comme l’accord
entre le silence et la musique,
         émanation discrète
         du corps et de l’âme .

         Le poème est une constellation,
et les mots,  des étoiles
qu’un fil invisible relie :
     toi seule en maîtrise ces atomes,
                qui restent insaisissables .

 


RC – mai 2019


Din Mehmeti – Naissance


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peinture: étude de nuages – John Constable

 
Les nuages se donnent la charge,
tels une armée d’enragés.
D’en haut et d’en bas
descendent ou montent des monstres
de tous âges.
Les cloches se brisent quand divorcent les idéaux.
Mais cette cité que vous trouverez
toujours en état de veille
et l’ombre des arbres monte la garde
sur les ponts jetés par-dessus le sang des veines.

Je suis vivant,
debout sur mes jambes.

Quelque chose aspire l’âme
une chose est en train de naître.
Nos yeux sauront la voir.

Passent et repassent mes nostalgies.

 


Din Mehmeti  est un auteur d’origine albanaise. Il vit au Kosovo. voir son ouvrage   » il est temps « 


Bassam Hajjar – Ils recouvrent de blanc ton absence


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Lorsque tu la quittes
ses murs se rapprochent
la maison qui, délaissée,
trouve son âme dans un coin
et devine, depuis un instant seulement,
la toile d’araignée qui pend
dans le familier
devenu vacant.

S’éloigne-t-elle maintenant ?

Ou bien la fais-tu basculer dans le vide

de tes yeux mouillés

dans tes mains

dans le grand air

des lieux éloignés

comme si la fenêtre derrière toi

regardait vers le dedans

et s’éloignait à son tour

tandis que t’absorbent la rue et le tournant
avec une boule dans la gorge
de la taille de l’océan.

Elle ne te voit plus maintenant
la maison qui se blottit dans les entrées désertes de son âme
comme si dans le silence de ceux qui restent, là-bas,
elle baissait la tête et prêtait l’oreille
à l’écho des pas d’hier

à l’écho du rire ou du chuchotement dans les salles de séjour

et les chambres

dans la cuisine

sur les étagères et la table
dans les coeurs étincelants des bouteilles d’eau et de cognac.

Comme si elle devinait
que la petite femme
habitait toujours son coeur
et marchait pieds nus pour ne pas troubler la quiétude
dans son esprit brisé,
comme un murmure
qui s’élèverait en elle, .

et de ses flancs
coulerait l’aigreur de l’attente.

Comme si, quand nous partons, c’était la maison qui nous
quittait,

les tableaux et les étagères descendent des murs
les récipients s’en vont
les meubles aussi
la couleur quitte la maison
tandis que les rideaux restent tirés sur son secret
ainsi que les amantes.

Comme elle est nomade, la lumière
et comme l’ombre est sédentaire

Et les maisons dans la mémoire sont des chambres obscures
des couloirs
la respiration tranquille des draps endormis
réfugiés dans la béatitude de leur bleu
seuls et lisses
seuls et creux comme les veuves
les veuves que sont les maisons
lorsque nous nous éloignons d’elles,
que nous faisons signe de loin
et qu’elles font signe de loin.

Puis la trame de l’horizon se relâche

et l’air se tend,

ni l’oeil ne voit

ni les fenêtres ne clignent

et entre eux la distance commence à se remplir, le temps
commence à creuser.

Ma fille distribue-t-elle en ce moment les rôles du soir ?

Discute-t-elle avec sa voisine la poupée ?

Fait-elle manger Snoopy avec sa petite cuiller ?

Trouble-t-elle l’esprit tranquille de la maison ?
Ou bien dort-elle ?

Et quand la mer passe dans sa nuit
elle se retourne, comme sur l’écume d’une vague,
et son visage s’éclaire, halo de sommeil.

La somnolence c’est aussi les maisons
leur apanage et leurs fantômes cachés
lorsque l’air, alourdi par la fumée et les lampes du soir,
endort la petite femme sur le canapé
tandis que se noie la table du bureau
dans le flot des néons
que bâillent les papiers et les livres
que s’arrête le poème.

Lorsque tu la quittes
ses murs s’écartent

La maison, vaste,
imite le désert des livres
le hurlement des loups au loin
tandis qu’un écho s’écoule de ses flancs.

Qui est l’absent ?

Les choses sont à leur place, sauf toi
les choses sans toi
te cherchent là où tu n’es pas.

Ils te voient là où tu n’es pas.

L’absent est avec eux
dans la photo, sur la chaise, derrière la table,
derrière la fenêtre,

ou bien tu avances, sous leurs yeux, dans la rue
les pieds exilés et le torse maigre.

\


Ouvert sur l’infini – ( RC )


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C’est ouvert sur l’infini,
d’une belle transparence ;
il y a le scintillement des étoiles,
une cascade d’astres  ( ils ne tombent pas ) .
Cela ruisselle comme une eau,
à travers un ciel qui n’a pas de limite.
Le regard porte loin, et s’il le faut
on s’aide d’engins perfectionnés.
Des télescopes qui nous font découvrir,
cachés, des mondes palpitant par leurs ondes,
des signaux imperceptibles,
qui font supposer que d’autres mondes
se cachent derrière .

Mais quelles que soient les inventions,
les artifices pour voir plus loin,
plus précisément,          dévoiler le secret des dieux,
on se heurte à des obstacles invisibles,
et qui pourtant n’obscurcissent pas la vue ….
car l’univers n’a pas de bornes,
et ce qui nous est donné à percevoir,
n’est qu’une infime partie ,
physiquement limité par l’étroitesse de la finitude,
qui se confronte à l’inversion des choses,
de la même façon que le concevable
s’oppose à l’inconcevable ,
à l’intérieur même de la pensée .

Et si on parle de vision,
malgré la transparence – que l’on pense acquise
l’image des astres       – que l’on croit immobiles,
et de la lumière            –  son parcours rectiligne,
le regard bute contre le ciel
quelles que soient les distances,
et de quelque façon qu’on les repousse,
qu’on les envisage,              encore :
celui-ci aspire l’âme,
et,    à défaut, devient métaphysique ,
se fondant dans le rêve de l’espace ,
que même la conscience
ne peut conquérir .

RC – août 2017

 

( une tentative  de réponse  au texte  d’ Anna Jouy )

 


Blaise Cendrars – Pâques à New-York


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art: Evangiles de Loisel Reims, IXe siècle

 

Seigneur, c’est aujourd’hui le jour de votre Nom,
J’ai lu dans un vieux livre la geste de votre Passion
Et votre angoisse et vos efforts et vos bonnes paroles
Qui pleurent dans un livre, doucement monotones.
Un moine d’un vieux temps me parle de votre mort.
Il traçait votre histoire avec des lettres d’or
Dans un missel, posé sur ses genoux,
Il travaillait pieusement en s’inspirant de Vous.
A l’abri de l’autel, assis dans sa robe blanche,
Il travaillait lentement du lundi au dimanche.
Les heures s’arrêtaient au seuil de son retrait.
Lui, s’oubliait, penché sur votre portrait.
A vêpres, quand les cloches psalmodiaient dans la tour,
Le bon frère ne savait si c’était son amour
Ou si c’était le Vôtre, Seigneur, ou votre Père
Qui battait à grands coups les portes du
monastère.
Je suis comme ce bon moine, ce soir, je suis inquiet.
Dans la chambre à côté, un être triste et muet

Attend derrière la porte, attend que je l’appelle !
C’est Vous, c’est Dieu, c’est moi, – c’est l’Eternel.
Je ne Vous ai pas connu alors, – ni maintenant.
Je n’ai jamais prié quand j’étais un petit enfant.
Ce soir pourtant je pense à Vous avec effroi.
Mon âme est une veuve en deuil au pied de votre Croix ;
Mon âme est une veuve en noir, – c’est votre Mère Sans larme et sans
espoir, comme l’a peinte Carrière.
Je connais tous les Christs qui pensent dans les musées ;
Mais Vous marchez, Seigneur, ce soir à mes côtés.
Je descends à grands pas vers le bas de la ville,
Le dos voûté, le cœur ridé, l’esprit fébrile.
Votre flanc grand-ouvert est comme un grand soleil
Et vos mains tout autour palpitent d’étincelles.
Les vitres des maisons sont toutes pleines de sang
Et les femmes, derrière, sont comme des fleurs de sang,
D’étranges mauvaises
fleurs flétries, des orchidées,
Calices renversés ouverts sous vos trois plaies.
Votre sang recueilli, elles ne l’ont jamais bu.
Elles ont du rouge aux lèvres et des dentelles au cul.
Les fleurs de la passion sont blanches comme des cierges,
Ce sont les plus douces fleurs au Jardin de la Bonne Vierge.
C’est à cette heure-ci, c’est vers la neuvième heure
Que votre tête, Seigneur, tomba sur votre Cœur.
Je suis assis au bord de l’océan
Et je me remémore un cantique allemand,
Où il est dit, avec des mots très doux, très simples, très purs,
La beauté de votre Face dans la torture.
Dans une église, à Sienne, dans un caveau,
J’ai vu la même Face, au mur, sous un rideau.
Et dans un ermitage, à Bourrié-Wladislasz,
Elle est bossuée d’or dans une châsse.
De troubles cabochons sont à la place des yeux
Et des paysans baisent à genoux
Vos yeux.
Sur le mouchoir de Véronique
Elle est empreinte
Et c’est pourquoi Sainte Véronique est votre sainte.
C’est la meilleure relique promenée par les champs,
Elle guérit tous les malades, tous les méchants.
Elle fait encore mille et mille autres miracles,
Mais je n’ai jamais assisté à ce spectacle.
Peut-être que la foi me manque, Seigneur, et la bonté
Pour voir ce rayonnement de votre Beauté.
Pourtant, Seigneur, j’ai fait un périlleux voyage
Pour contempler dans un béryl l’intaille de votre image.
Faites, Seigneur, que mon visage appuyé dans les mains
Y laisse tomber le masque d’angoisse qui m’étreint.
Faites, Seigneur, que mes deux mains appuyées sur ma bouche
N’y lèchent pas l’écume d’un désespoir farouche.
Je suis triste et malade. Peut-être à cause de Vous,
Peut-être à cause d’un autre. Peut-être à cause de Vous.
Seigneur, la foule des pauvres pour qui vous fîtes le Sacrifice
Est ici, parquée, tassée, comme du bétail, dans les hospices.
D’immenses bateaux noirs viennent des horizons
Et les débarquent, pêle-mêle, sur les pontons.
Il y a des Italiens, des Grecs, des Espagnols,
Des Russes, des Bulgares, de Persans, des Mongols.
Ce sont des bêtes de cirque qui sautent les méridiens.
On leur jette un morceau de viande noire, comme à des chiens.
C’est leur bonheur à eux que cette sale pitance.
Seigneur, ayez pitié des peuples en souffrance.
Seigneur, dans le ghetto, grouille la tourbe des Juifs
Ils viennent de Pologne et sont tous fugitifs.
Je le sais bien, ils ont fait ton Procès ;
Mais je t’assure, ils ne sont pas tout à fait mauvais.
Ils sont dans des boutiques sous des lampes de cuivre,
Vendent des vieux habits, des armes et des livres.
Rembrandt aimait beaucoup les peindre dans leurs défroques.
Moi, j’ai ce soir marchandé un microscope.
Hélas! Seigneur,
Vous ne serez plus là, après Pâques !
Seigneur, ayez pitié des Juifs dans les baraques.
Seigneur, les humbles femmes qui vous accompagnèrent à Golgotha
Se cachent.
Au fond des bouges, sur d’immondes sophas,
Elles sont polluées de la misère des hommes.
Des chiens leur ont rongé les os, et dans le rhum Elles cachent leur vice endurci qui s’écaille.
Seigneur, quand une de ces femmes parle, je défaille.
Je voudrais être Vous pour aimer les prostituées.
Seigneur, ayez pitié des prostituées.
Seigneur, je suis dans le quartier des bons voleurs,
Des vagabonds, des va-nu-pieds, des receleurs.
Je pense aux deux larrons qui étaient avec vous à la Potence,
Je sais que vous daignez sourire à leur malchance.
Seigneur, l’un voudrait une corde avec un nœud au bout,
Mais ça n’est pas gratis, la corde, ça coûte vingt sous.
Il raisonnait comme un philosophe, ce vieux bandit.
Je lui ai donné de l’opium pour qu’il aille plus vite en paradis.
Je pense aussi aux musiciens des rues,
Au violoniste aveugle, au manchot qui tourne l’orgue de Barbarie,
A la chanteuse au chapeau de paille avec des roses de papier ;
Je sais que ce sont eux qui chantent durant l’éternité.
Seigneur, faites-leur l’aumône, autre que de la lueur des becs de gaz,
Seigneur, faites-leur l’aumône de gros sous ici-bas.
Seigneur, quand vous mourûtes, le rideau se fendit,
Ce qu’on vit derrière, personne ne l’a dit.
La rue est dans la nuit comme une déchirure
Pleine d’or et de sang, de feu et d’épluchures.
Ceux que vous avez chassé du temple avec votre fouet,
Flagellent les passants d’une poignée de méfaits.
L’Etoile qui disparut alors du tabernacle,
Brûle sur les murs dans la lumière crue des spectacles.
Seigneur, la Banque illuminée est comme un coffre-fort,
Où s’est coagulé le Sang de votre mort.
Les rues se font désertes et deviennent plus noires.
Je chancelle comme un homme ivre sur les trottoirs.
J’ai peur des grands pans d’ombre que les maisons projettent. j’ai peur. Quelqu’un me suit. Je n’ose tourner la tête.
Un pas clopin-clopant saute de plus en plus près.
J’ai peur. J’ai le vertige. Et je m’arrête exprès.
Un effroyable drôle m’a jeté un regard Aigu, puis a passé, mauvais comme un poignard. Seigneur, rien n’a changé depuis que vous
n’êtes plus Roi. Le mal s’est fait une béquille de votre Croix.
Je descends les mauvaises marches d’un café Et me voici, assis, devant un verre de thé.
Je suis chez des Chinois, qui comme avec le dos Sourient, se penchent et sont polis comme des magots.
La boutique est petite, badigeonnée de rouge
Et de curieux chromos sont encadrés dans du bambou.
Ho-Koussaï a peint les cent aspects d’une montagne.
Que serait votre Face peinte par un Chinois?
Cette dernière idée, Seigneur, m’a d’abord fait sourire.
Je vous voyais en raccourci dans votre martyre.
Mais le peintre pourtant, aurait peint votre tourment Avec plus de cruauté que nos peintres d’Occident.
Des lames contournées auraient scié vos chairs,
Des pinces et des peignes auraient strié vos nerfs,
On vous aurait passé le col dans un carcan,
On vous aurait arraché les ongles et les dents,
D’immenses dragons noirs se seraient jetés sur Vous,
Et vous auraient soufflé des flammes dans le cou,
On vous aurait arraché la langue et les yeux,
On vous aurait empalé sur un pieu.
Ainsi, Seigneur, vous auriez souffert toute l’infamie,
Car il n’y a pas plus cruelle posture.
Ensuite, on vous aurait forjeté aux pourceaux

Qui vous auraient rongé le ventre et les boyaux.
Je suis seul à présent, les autres sont sortis,
Je suis étendu sur un banc contre le mur.
J’aurais voulu entrer, Seigneur, dans une église ;
Mais il n’y a pas de cloches, Seigneur, dans cette ville.
Je pense aux cloches tues : – où sont les cloches anciennes ?
Où sont les litanies et les douces antiennes ?
Où sont les longs offices et où les beaux cantiques ?
Où sont les liturgies et les musiques ?
Où sont les fiers prélats, Seigneur, où tes nonnains ?
Où l’aube blanche, l’amict des Saintes et des Saints ?
La joie du Paradis se noie dans la poussière,
Les feux mystiques ne rutilent plus dans les verrières.

L’aube tarde à venir, et dans le bouge étroit

Des ombres crucifiées agonisent
aux parois.
C’est comme un Golgotha de nuit dans un miroir

Que l’on voit trembloter en rouge sur du noir.
La fumée, sous la lampe, est comme un linge déteint

Qui tourne, entortillé, tout autour de vos reins.
Par au-dessus, la lampe pâle est suspendue,
Comme votre Tête, triste et morte et exsangue.
Des reflets insolites palpitent sur les vitres…
J’ai peur, – et je suis triste, Seigneur, d’être si triste.
« Dic nobis, Maria, quid vidisti in via ? »
– La lumière frissonner, humble dans le matin.
« Dic nobis, Maria, quid vidisti in via ? »
– Des blancheurs éperdues palpiter comme des mains.
« Dic nobis, Maria, quid vidisti in via ? »
– L’augure du printemps tressaillir dans mon sein.

Seigneur, l’aube a glissé froide comme un suaire

Et a mis tout à nu les gratte-ciel dans les airs.
Déjà un bruit immense retentit sur la ville.
Déjà les trains bondissent, grondent et défilent.
Les métropolitains roulent et tonnent sous terre.
Les ponts sont secoués par les chemins de fer.
La cité tremble. Des cris, du feu et des fumées,
Des sirènes à vapeur rauques comme des huées.
Une foule enfiévrée par les sueurs de l’or

Se bouscule et s’engouffre dans de longs corridors.

Trouble, dans le fouillis empanaché de toits,
Le soleil, c’est votre Face souillée par les crachats.

Seigneur, je rentre fatigué, seul et très morne…
Ma chambre est nue comme un tombeau…
Seigneur, je suis tout seul et j’ai la fièvre…
Mon lit est froid comme un cercueil…
Seigneur, je ferme les yeux et je claque des dents…
Je suis trop seul. J’ai froid. Je vous appelle…
Cent mille toupies tournoient devant me yeux…
Non, cent mille femmes… Non, cent mille violoncelles…

Je pense, Seigneur, à mes heures malheureuses…
Je pense, Seigneur, à mes heures en allées…
Je ne pense plus à Vous. Je ne pense plus à Vous.
Les Pâques à New-York.
Joyeux Norouz à tous mes amis Iraniens !

 


Fouad El Etr – Dans le sens du sommeil


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Je m’approche d’elle pendant qu’elle dort
Pour mieux me regarder
Je la caresse dans le sens du sommeil
Entre l’âme et le corps
Ses rêves sont tissés des lignes de mes mains


Salah Al Hamdani – Sagesse sur le coeur


 

 

 

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Premier pas .
lorsque les souvenirs se dissipent dans l’absurdité de l’éloignement,
et que les saisons d’autrefois n’ont rien dire…     pas d’affolement
c’est le cœur qui prendra en charge de souffler l’âme
de la vie du passé le plus reculé.

Deuxième pas
Quand on ne trouve plus l’amour en imagination
il faut laisser le cœur imposer à l’esprit sa conduite.


Albert Aygueparse – les plaies de l’âme


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photographe non identifié

 

 

Tu m’accompagnes partout dans ce monde mal fait
Ton poids est plus léger que la buée du premier jour
Je te respire par tous les pores de ma peau triste
Et ton sang reconnaît sans effort le dédale brûlant de mes veines
Dans cette saison de fer je ne me sens plus seul
Car tu me donnes la force d’être ce que je suis
Je mêle l’espoir et la peine, la joie et la souffrance
Je peins la peur et le courage des mêmes couleurs
Je donne à l’ortie et au blé la pluie et le soleil
Je mets la graine et l’épi dans la seule balance
J’accepte sans choisir les larmes et l’amour
J’abandonne le ciel pour cette terre amère
Mais je ferme les yeux pour retenir ton ombre
Immobile et debout dans mon sang ébloui.
Je ne parle qu’à toi de la vie,         de la mort.

 

ALBERT AYGUESPARSE                ( « Les plaies de l’âme » in Poèmes )


Madeleine de l’Aubespine – Du miroir


un  texte  d’une  auteure de la Renaissance ( en conservant l’orthographe ancienne )

 

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DU MIROUER

Aussy bien qu’en la terre basse,
Au ciel la jalousie a place,
Et saisist quelque fois les dieux
Ce mirouer en rend tesmoignage,
Rompu par la jalouse rage
D’un dieu de son aise envieux.
Ce dieu, plain d’amoureuse flame,
Portoit vos beautes dedans l’ame,
Pour vous souspiroit nuict et jour,
Et bouilloit d’ardeur immortelle.
Mais vous, desdaigneuse et rebelle,
Ne faisiez cas de son amour.
Il avoit beau faire sa plainte:
Jamais vous n’en estiez attainte,
Vous n’aimiez que vous seullement,
A tous vostre oreille estoit close.
Ha! Non, vous aimiez quelque chose:
Ce miroir estoit vostre amant.

 

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peinture: Roy Lichtenstein

 

et sa traduction en english

 

-ON THE MIRROR OF M.D.L.B.
Just as upon the lowly ground,
So is envy in heaven found,
And sometimes seizes the gods.
This mirror witnesses its trace,
Cracked in a fit of jealous rage
By a god envious of its joys.
That god, filled with the flame of love,
Carried your beauties in his soul,
Sighed after you all day and night,
And seethed with immortal ardor.
But you, rebellious, full of scorn,
You cared for his love not at all.
In vain did he make his complaint:
By it you never were attained,
You loved yourself, yourself alone.
Your ear was closed to everyone.
Ah! No, you loved one thing besides:
This mirror was your only love.

 

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Cathy Garcia – Sol y tierra


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le vent
entre chien et loup
la lune cachée
dans le haut tilleul
la douceur
léger frisson
imperceptible
sortilège

les démons de gouttières
miment le combat
quatre ombres
apparaissent
disparaissent
froissent les herbes

le val de mes seins
invite à la balade
et ma pensée va à l’homme.

mais dieu siffle mon âme
comme on siffle un chien

et mon âme danse
une joie
soûle d’espace
solitaire

sol y tierra

et le vent aussi
et le vent.


Salah Garmadi – Conseils aux miens pour après ma mort


 

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photographe non identifié

 

Si parmi vous un jour je mourais

mais mourrai-je jamais

ne récitez pas sur mon cadavre

des versets coraniques

mais laissez-les à ceux qui en font commerce

ne me promettez pas deux arpents de terre

ne consommez pas le troisième jour après ma mort le couscous traditionnel

ce fut là en effet mon plat préféré

 

ne saupoudrez pas ma tombe de graines de figue

pour que les picorent les petits oiseaux du ciel

les êtres humains en ont plus besoin

n’empêchez pas les chats d’uriner sur ma tombe

ils avaient coutume de pisser sur le pas de ma porte tous les jeudis

et jamais la terre n’en trembla

ne venez pas me visiter deux fois par an au cimetière

je n’ai absolument rien pour vous recevoir

ne jurez pas sur la paix de mon âme en disant la vérité

ni même en mentant

votre vérité et vos mensonges me sont chose égale

quant à la paix de mon âme ce n’est point votre affaire

ne prononcez pas le jour de mes obsèques la formule rituelle :

« il nous a devancés dans la mort mais un jour nous l’y rejoindrons »

ce genre de course n’est pas mon sport favori 

si parmi vous un jour je mourais

mais mourrai-je jamais

placez-moi au plus haut point de votre terre

et enviez-moi pour ma sécurité


Gemma Gorga – le livre des procès-verbaux ( 13 )


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                       dessin – Wilfredo Lam

On pesait le corps quelques instants avant la mort. On pesait le même corps quelques minutes après la mort. Une simple opération de soustraction devait indiquer le poids de l’âme. J’y pense maintenant alors que j’ai le nouveau livre entre mes mains, les mots encore poisseux comme les plumes d’un oiseau
qui vient de naître. Et je me demande si une fois qu’il sera lu il pèsera moins. Comme un corps quand il perd son âme.

 

Pesaven el cos uns minuts abans de morir. Pesaven el mateix cos
uns minuts després de morir. Una simple sostracció matemàtica els
havia d’indicar el pes de l’ànima. Hi penso, ara, mentre sostinc el
llibre nou entre les mans, les paraules encara untoses com les plomes
d’un ocell nascut de poc. I em pregunto si, un cop llegit, també
pesarà menys. Com un cos quan perd l’ànima.
© Gemma Gorga                        ( traduit du catalan par Jep Gouzy)


Jean-Claude Xuereb – Nadur


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photo perso – Ardèche

extrait de la  SUITE GOZITANE      (fragments)

NADUR

 
L’étranger qui voudrait pénétrer dans l’une de ces demeures n’aurait nul besoin d’en forcer la porte. Les clés reposent à l’extérieur sur la serrure de l’entrée. Les occupants trouveraient incongru que quelqu’un, mû par un réflexe précautionneux, les leur rapportât.

Ingénuité ou fatalisme ? Sans doute entendent-ils plutôt signifier qu’il demeurent fidèles à une tradition d’hospitalité, tout en invitant le passant, libre de s’en prévaloir, à n’en point abuser

Persistance de symboles au seuil de ces maisons dont un dauphin figure le heurtoir.
Et si la peur, qui ailleurs  arme  les verrous, n’avait d’autre effet que d’exacerber jusqu à l’effraction la hâte de posséder et le goût de détruire…

Au cours de notre quête d’introuvables registres, une porte entrouvre la pénombre sur un couloir au glacis de silence.
L’air raréfié retient ici la respiration d’êtres dont le corps étiolé ne doit guère plus peser que l’âme.

Ils nous détaillent leurs maux à voix basse.

Sur le marbre de la cheminée, statuettes et images pieuses se pressent autour de portraits surannés.
Deux veilleuses à la flamme ivre d’huile achèvent de se consumer au pied d’une madone Nous avons hâte d’aller boire à nouveau la brûlure du soleiL
D’autres façades ne nous retiennent pas : celles qui arborent, à l’effigie du kangourou, le luxe arrogant de fortunes  australiennes, dans l’étrange proportion d’un îlot à  un continent.

 

 


Tout gravite sur l’immobile – ( RC )


www.lamontagne.fr - A la Une - AIGUEPERSE (63260) - François Lassere révolutionne l’art funéraire en proposant de personnaliser son cercueil:

voir  article de « la montagne »

—-

Chaque ville  a ses particularités..
Là,        tout  gravite  sur l’immobile,
Derrière des rubans noirs et argentés,
Un échantillonnage  complet d’urnes en file.

Ambiance propice à la concurrence  entre deuils,
Chacun vante la qualité des cercueils,
juxtaposés sur les  rayonnages,
quelquefois empilés, faute de place à l’étalage.

Leur confort capitonné,       – bien tentant
Le choix des étoffes, allant du cru :
– des couleurs intenses pour ceux qui ont vécu ..
(-  plus tendres pour les enfants)…

Et la place de s’y glisser,
sans être à l’étroit…
L’ergonomie étudiée:
Le tout doit être         de choix  :

Angles  subtilement vernis ;
Des bois veinés, les meilleurs
Des poignées aux  formes arrondies …
Un look confié aux meilleurs  designers…

Certaines de ces boîtes allongées,
possèdent une  fenêtre arrondie,telle
qu’au verre biseauté,
l’écho de la lueur des chandelles…

On peut y voir à travers
le visage du défunt ;        vérifier sa présence
C’est            un dernier témoin d’existence
avant qu’il n’occupe son dernier univers :

Un sombre caveau, bien ordonné
encadré  d’allées  gravillonnées,
et au dessus duquel prolifèrent
couronnes , bouquets et objets divers…:

Les plaques aux regrets sincères,
des signes affirmés d’appartenance religieuse
–   ( cocher la version pieuse ) …
>       Les boules de verre

où une rose en plastique
est maintenue prisonnière,
et brille sur la pierre,
à la gravure emphatique.

Ou bien  ( selon les deniers ) ,
marquant la dernière volonté,
le granite luisant,  où se reflètent,
des cyprès,     les  crètes…

Les boutiques rivalisant  d’ingéniosité,
Proposent aussi    des produits recyclés,
( ayant accompagné  d’autres vies )
–   avec un souci affiché  d’écologie   –

Les cercueils les plus innovants,
comportent toutes options pouvant,
joindre la fantaisie et l’imaginable
un peu comme les  voitures  ( climatisables) :

Les dispositifs  d’aération
– télécommandés -,( mais sur option )
Le diffuseur « parfum subtil »;
Les roulettes  rétractiles,

Les suspensions hydrauliques,
Le profil aérodynamique,
Avec parfois des tiroirs,
Pour les petits objets de la mémoire…

On peut y glisser des voeux,
Ou des piécettes, facilitant,
c’est  sûr, le passage élégant
vers un au-delà heureux…

Toute  métempsychose souhaitée,
Peut  faire l’objet d’une médaille  animalière,
Que l’on dispose sur la bière,
dans un emplacement réservé ,

généralement  sur un côté vertical…
C’est  dire  que l’on n’oublie aucun détail,
chacun exerçant ses prières,
– et réservant son suaire…

Le décès est vécu comme une promesse,
Et on quitte la vie  avec allégresse ;
et puis … pour ces  circonstances;
On ne regarde pas à la dépense.

La mort ainsi mise en scène,
En vaut toujours la peine:
pour ces actions souterraines,
c’est pour l’éternité ( quand même ! )…

On ne va pas se faire prier
Pour se faire enterrer…
quel est votre avis ?
( ça n’arrive  qu’une  fois  dans sa vie !  )

–    enfin justement  quand  elle n’est plus là   –
ce que l’on nomme le trépas
après une  durée assassine…
ce qu’il faut pour alimenter les racines

et laisser le temps,
faire que les petits enfants,
n’aient plus  qu’en tête,
de devenir un jour squelette…

( se rappelant un jour les ancêtres,
dont l’âme flottante,      peut-être ,
veille  sur  le petit  quadrilatère,
de location,           au cimetière ).


RC

(  si ça  vous inspire )…  

je n’ai pas  dit  vous expire, notez bien…


Roberto Bolaño – Sale, mal vêtu


peinture: Hassel Smieh

peinture:   Hassel Smith  1961

Sur le chemin des chiens mon âme rencontra
mon cœur. Brisé, mais vivant,
sale, mal vêtu et plein d’amour.
Sur le chemin des chiens, là où personne ne veut aller.
Un chemin que seuls parcourent les poètes
quand il ne leur reste plus rien à faire.
Mais moi j’avais encore tant à faire!
Et pourtant j’étais là: à me faire tuer
par les fourmis rouges et aussi
par les fourmis noires, parcourant les hameaux
vides:            l’épouvante qui s’élevait
à en toucher les étoiles.
Un chilien élevé au Mexique peut tout supporter,
pensais-je, mais ce n’était pas vrai.
Les nuits mon cœur pleurait. Le fleuve de l’être, disaient
des lèvres fiévreuses que je découvris ensuite être les miennes,
le fleuve de l’être, le fleuve de l’être, l’extase
qui se replie sur le rivage de ces villages abandonnés.
“Sumulistes”* et théologiens,       devins
et voleurs de grands chemins émergèrent
comme des réalités aquatiques au milieu d’une réalité métallique.
Seules la fièvre et la poésie provoquent des visions.
Seuls l’amour et la mémoire.
Ni ces chemins ni ces plaines.
Ni ces labyrinthes.
Jusqu’à ce qu’enfin mon âme rencontra mon cœur.
J’étais malade, certes, mais j’étais vivant.
Sucio, mal vestido 

En el camino de los perros mi alma encontró
a mi corazón. Destrozado, pero vivo,
sucio, mal vestido y lleno de amor.
En el camino de los perros, allí donde no quiere ir nadie.
Un camino que sólo recorren los poetas
cuando ya no les queda nada por hacer.
¡Pero yo tenía tantas cosas que hacer todavía!
Y sin embargo allí estaba: haciéndome matar
por las hormigas rojas y también
por las hormigas negras, recorriendo las aldeas
vacías: el espanto que se elevaba
hasta tocar las estrellas.
Un chileno educado en México lo puede soportar todo,
pensaba, pero no era verdad.
Por las noches mi corazón lloraba. El río del ser, decían
unos labios afiebrados que luego descubrí eran los míos,
el río del ser, el río del ser, el éxtasis
que se pliega en la ribera de estas aldeas abandonadas.
Sumulistas y teólogos, adivinadores
y salteadores de caminos emergieron
como realidades acuáticas en medio de una realidad metálica.
Sólo la fiebre y la poesía provocan visiones.
Sólo el amor y la memoria.
No estos caminos ni estas llanuras.
No estos laberintos.
Hasta que por fin mi alma encontró a mi corazón.
Estaba enfermo, es cierto, pero estaba vivo. 

 


Pierre Reverdy – Cette émotion appelée poésie


montage  perso  à partir  de photos

montage perso à partir de photos

 

 »   —  Les vrais poètes ne peuvent prouver la poésie qu’en poétisant, si je puis dire.

Pour moi, à qui certains prestigieux moyens n’ont pas été très libéralement départis, je suis bien obligé de m’y prendre autrement.

On a souvent dit et répété que la poésie, comme la beauté, était en tout et qu’il suffisait de savoir l’y trouver.

Eh bien non, ce n’est pas du tout mon avis. Tout au plus accorderai-je que la poésie n’étant au contraire nulle part, il s’agit précisément de la mettre là où elle aura le plus de chance de pouvoir subsister.

— Mais aussi, qu’une fois admise la nécessité où l’homme s’est trouvé de la mettre au monde afin de mieux pouvoir supporter la réalité qui, telle qu’elle est, n’est pas toujours très complaisamment à notre portée, la poésie n’a pas besoin pour aller à son but de tel ou tel véhicule particulier.

Il n’y a pas de mots plus poétiques que d’autres. Car la poésie n’est pas plus dans les mots que dans le coucher du soleil ou l’épanouissement splendide de l’aurore — pas plus dans la tristesse que dans la joie.

 

Il n’y a pas de mots plus poétiques que d’autres. Car la poésie n’est pas plus dans les mots que dans le coucher du soleil ou l’épanouissement splendide de l’aurore — pas plus dans la tristesse que dans la joie.

Car la poésie n’est pas plus dans les mots que dans le coucher du soleil ou l’épanouissement splendide de l’aurore — pas plus dans la tristesse que dans la joie.

Elle est dans ce que deviennent les mots atteignant l’âme humaine, quand ils ont transformé le coucher du soleil ou l’aurore, la tristesse ou la joie.

 Elle est dans cette transmutation opérée sur les choses par la vertu des mots et les réactions qu’ils ont les uns sur les autres dans leurs arrangements — se répercutant dans l’esprit et la sensibilité.

 

Ce n’est pas la matière dont la flèche est faite qui la fait voler — qu’importe le bois ou l’acier — mais sa forme, la façon dont elle est taillée et équilibrée qui font qu’elle va au but et pénètre et, bien entendu aussi, la force et l’adresse de l’archer.

 

 

 

Pierre Reverdy,          –         Cette émotion appelée poésie


James Joyce – Transfiguration


photographe non identifié

photographe non identifié

Il voulait rencontrer dans le monde réel l’image inconsistante que ne cessait de contempler son âme. Il ignorait où et comment la chercher, mais la prémonition qui le guidait lui disait que cette image viendrait à sa rencontre sans qu’il eût besoin d’agir en secret.

Ils se rencontreraient simplement comme s’ils se connaissaient et s’étaient donné rendez-vous, sans doute devant quelque portail ou en un lieu plus secret. Ils seraient seuls, dans l’obscurité et le silence, et en ce moment de tendresse absolue il serait transfiguré. Il se fondrait sous ses yeux en quelque chose d’impalpable, pour reparaître transfiguré l’instant d’après. Faiblesse, timidité et inexpérience le quitteraient en cet instant magique.

James Joyce, Portrait de l’artiste en jeune homme

 

He wanted to meet in the real world the unsubstantial image which his soul so constantly beheld. He did not know where to seek it or how, but a premonition which led him told him that this image would, without any overt act of his, encounter him.

They would meet quietly as if they had known each other and had made their tryst, perhaps at one of the gates or in some more secret place. They would be alone, surrounded by darkness and silence : and in that moment of supreme tenderness he would be transfigured. He would fade into something impalpable under her eyes and then in a moment he would be transfigured. Weakness and timidity and inexperience would fall from him in that magic moment.

 James Joyce, A Portrait of The Artist As a Young Man.

Paul Celan – Enclos du temps


photographe  non identifié

photographe non identifié

 

Mon

âme inclinée vers toi

t’entend

orager,

 

dans le creux de ton cou mon étoile

apprend comme on sombre

et devient vraie,

 

des doigts, je la tire au dehors —

viens, entends-toi avec elle,

encore aujourd’hui.

 

 

Meine

dir zugewinkelte Seele

hört dich

gewittern,

 

in deiner Halsgrube lernt

mein Stern, wie man wegsackt

und wahr wird,

 

ich fingre ihn wieder heraus —

komm, besprich dich mit ihm,

noch heute.

 

Paul Celan –      Enclos du temps, traduit par Martine Broda, Clivages, 1985


Paul Fleury – Flux sur un échiquier


Marcel Duchamp   - jeu  d'échecs  de poche  avec  gant en caoutchouc      1944       

 Marcel Duchamp         – jeu d’échecs de poche avec gant en caoutchouc    – 1944

 

 

 


« Franchissement de l’aube »

Toute écriture de fondation
anticipe le champ
de ses métamorphoses
loin – jusqu’à s’éblouir
dans l’éclair soudain de sa joie.

La vérité fulgure en l’espace d’un jeu
clos – qui n’est pas encore.

Le poème lancé en avant
ne quitte son lieu sûr
son erre
que pour la case d’un damier blanc.

Son erre devient errance.
Il y repose en paix, il n’est déjà plus !

Le jeu n’est pas dans la topique
mais dans le bond,
tout entier contenu dans ses déplacements.
Pour dominer l’âme du jeu,
il faut user plusieurs damiers,
postuler plusieurs dames
agir et mourir debout.
Les cases de l’échiquier ne suffisent pas.
Il faut un chiffre infini,
– une aube franchie pas à pas.
L’incertitude peut y loger sans armes,
la terre y cède au fleuve ouvert à tous les vents
et parfois se confie au feu du mascaret.

———————-

Cet  extrait est disponible  sur le site  des  éditions  des Vanneaux