Paul Gravillon – la tristesse et le jour se ressemblent

Un visage accroché à des algues
un balcon troué par une bombe
des paupières de violettes
des Joues de crépuscule
des yeux d’orient
perles noires dans un jour glauque
tournées vers le futur
illisibles
tous les genres se mélangent
les classes les races
les femmes se donnent et restent vierges
tout le monde est pardonné
la tristesse et la joie se ressemblent
tout se poursuit
plus rien n’importe
la femme cancéreuse se caresse le sein
les grands hommes ne meurent plus
ils remplissent les rues
faire l’amour c’est faire son salut
la main de parkinson
sème l’or à tous vents
les tigresses ont la caresse facile
et les biches sont sanglées comme des femmes
leur tresse comme une loutre endormie sur l’épaule
fatiguée de tant de pays
leur nudité ne se vend plus
elles entrent à l’académie des beaux-arts
les rois hydrocéphales
se couvrent le front d’une feuille d’or
et les princesses aztèques
les yeux brouillés de sable
sont à genoux et prient entre leurs cuisses
déjà la nuit
a mis ses doigts sur leur joue gauche
déjà se cambre leur jeunesse ‘
et le vieil homme a revêtu
son pyjama d’agonisant
près de sa main s’arrête
la fille aux yeux de lit
aux cuisses aspirantes
ou bien selon les jours
la viergeronnette en madras bleu
dont le pied effleure l’ordure
et dont la chair
sent le pain chaud
mais l’homme se meurt et d’autres baisent
voici la fin et le commencement
les sphinx dans le vent
ont perdu leurs cheveux
II y a aussi des combats dans le ciel
souvent volent des débris d’anges
lumineux ou funèbres
tandis que le vent crie en silence
et que brillent
les cuirasses du soleil
les cavaleries de dentelles fuient
au ralenti
sur le silex du ciel
croisées par les corbeaux qu’attire
l’immense tache rousse
qui sourd à l’horizon
alors les éventails verts
constellés de cris d’oiseaux
éventent les colombes
échauffées par le sang
il pleut tant de lumière
sur les coffrets de bijoux de l,a terre
que toutes les portes
restent closes
Rainer Maria Rilke – Élégies de Duino (extrait)

Et qui, si je criais, m’entendrait donc depuis les ordres
des anges ? Et quand bien même l’un d’entre eux soudain
me prendrait sur son cœur : son surcroît de présence
me ferait mourir. Car le Beau n’est rien d’autre que
ce début de l’horrible qu’à peine nous pouvons encore
supporter,
Et nous le trouvons beau parce qu’impassible il se refuse
à nous détruire ; tout ange est terrifiant.
Et donc je me retiens et ravale l’appel d’obscurs sanglots.
Ah, de qui pouvons-nous donc avoir besoin ?
Ni d’anges, ni d’humains,
et les bêtes ingénieuses voient déjà bien
que nous ne sommes pas si confiants que cela
sous nos toits dans l’univers expliqué.
Peut-être qu’il nous reste
quelque arbre sur la pente,
où nous pourrions chaque jour le revoir ;
il nous reste la route d’hier
et la fidélité mal élevée d’une habitude
qui s’est bien plu chez nous et n’est pas repartie.
Ô la nuit, et la nuit quand le vent emblavé d’univers
nous dévore le front —
traduction de Jean-Pierre Lefebvre
Des anges suspendus par les pieds – ( RC )

—
Un tracé dans le ciel;
un lien entre les étoiles;
des figures dans l’espace…
- et la nuit nous observe
par les signes du zodiaque…
…. des anges trépassent.
Si j’en crois les manuscrits,
rien n’est dit
de la géométrie aléatoire
qui se dessine dans le noir.
On voit jusque dans les sourates
des anges pendus par les pieds.
Eux n’ont pas de stigmates:
mais nous les reconnaissons :
( ils ont trahi leur mission
en se rendant visibles
aux yeux d’un dieu
irascible ).
Fallait-il qu’ils rangent leurs ailes,
restent discrets
dans l’espace immatériel ,
étant tenus au secret
derrière les aurores boréales ?
exemptant l’humanité du mal.
Car c’est ce que leur reproche:
l’assemblée des dignitaires,
et de leurs proches…
il fallait des boucs émissaires,
les condamner
à une peine à perpétuité.
Dans leurs puits,
ils iront rejoindre la nuit,
méditer sur le mal
( là où il n’y a pas d’étoiles )
Norge – En forêt
La fille au garçon
Parlait de façon
Si douce.
On dirait sous bois
Un petit patois
De source.
La main jeune d’elle
En celle de lui
Gîtant
Si frêle en son nid,
C’est une hirondelle-
Enfant.
Le meilleur de Dieu,
Des temps et des lieux,
C’est eux.
Ineffable, étrange
Façon loin des cieux
D’être anges.
Ne bougez plus, même
Pour baiser leur front,
Comètes.
Ça vaut bien la peine
Que les choses rondes
S’arrêtent !
J’exagère ? Ô doux,
Ce lit de fougères,
C’est tout !
Cet heureux cénacle
Est le seul miracle
Au monde.
L’amie et l’amant,
Tout le firmament
Autour !
Grondez-le, tambours :
On ne vit que pour
L’amour !
Purgatoire – ( Susanne Derève)

Aimais les dernières feuilles rousses
aux arbres
de celles qui s’accrochent
aux branches nues comme un adieu
tandis que l’hiver facétieux fait table rase
des feuillées,
s’étiolent dans un souffle
que la lune ranime
d’un pâle éclat de givre dans la nuit
de Janvier
Aimais les froids matins d’hiver,
ensommeillés de gel,
le tintement grêle de la cloche à midi
zébrant le ciel à la volée,
d’un bleu de porcelaine
plus pur qu’au plein d’été
Et sur le parvis glacé dessous
la flèche du clocher les messieurs
à bedaine et les dames serrées
dans leurs manteaux de laine
noirs
les enfants lorgnant
les flaques du trottoir
avant d’aller docilement s’asseoir
près du bedeau
(en purgatoire)
Aimais par-dessus tout
pendant ce temps
– étais-tu suspendu à l’instant ? –
paresser au lit avec toi
guetter le froissement silencieux
du dégel
le floc des paquets de neige
chutant mollement des toits
Aimais le désordre des draps
et le va et vient de tes doigts
sur ma peau
là où nait le désir qui vous emporte
sur son aile comme un oiseau
l’ aile du désir est si pure
je la confisque
aux anges en robe de bure
veillant le carré des fidèles
tandis qu’aux cantiques se mêle
de nos ébats le doux murmure
Denise Le Dantec – sept étoiles à la Grande Ourse

Les Hyperboréens ont compté sept étoiles à la Grande Ourse
Lié l’amour à l’adieu dans le champ des pommiers
Nos têtes sont devenues sourdes
Batailleuses nos mains dans l’eau des rocs
Le long de la côte
L’ombre enroule les fils du soleil
Et tire les images de la lumière dans l’herbe
la cendre et la fumée
Face au Nord sur la roche l’Ange s’assied
Et comme un oiseau qui prend son vol,
couleur de soleil, il s’élève
Sourds et nus sont le sable et le poisson sur le rivage
Et comme l’aiguille entraîne le fil le vent
entraîne les nuages
Sous l’archivolte du porche orné de fleurs-paratonnerre
L’Ange pénètre ma chair
Au fond des nuits il y a d’autres nuits
Sous l’ombre des feuilles d’akènes pourries
d’autres ombres
O les repaires insaisissables des bêtes
Dans les tourelles du givre et les rouelles du froid
Les mûres de mes seins sont devenues noires
Plus loin il y a un bois d’hiver noir et profond
qu’on nomme Bois des Loups
Les sentiers sont coupés de branchages si hauts
qu’on les dirait prêts aux bûchers
En novembre les fileuses d’étoupe filent leurs
manteaux de brindilles et de cheveux,
sur les troncs équarriés
Leurs yeux épèlent l’alphabet des étoiles,
Leur écheveau est une torche d’où s’échappent
les mèches de leurs crânes tondus
De leurs bouches s’égoutte le sang de leurs
engelures
L’Ange apaise ma blessure et me porte
Jusqu’à cette église, ô la Sainte,
Aux portes de digitales et de poison
Pour te battre
Comme la mer sur les côtes
Aux portes de misère et de foudre
Où, pour plus de mal encore, tous mes sens m’abandonnent
José Carreira Andrade – Biographie à l’usage des oiseaux
peinture-collage issue du site Wallhere
La rose se mourait au siècle où je naquis,
et la machine avait chassé trop tôt les anges.
Quito voyait passer la dernière diligence
parmi les arbres qui couraient en lignes droites,
les clôtures et les maisons des nouvelles paroisses,
au seuil des champs
où de lentes vaches ruminaient le silence
et le vent éperonnait ses plus légers chevaux.
Vêtue du couchant, ma mère gardait
au fond d’une guitare sa jeunesse
et parfois le soir la montrait à ses fils,
l’entourant de musique, de lumière, de paroles.
J’aimais l’hydrographie de la pluie,
les puces jaunes du pommier
et les crapauds agitant deux ou trois fois
leur lourd grelot de bois.
La grande voile de l’air sans cesse se mouvait.
La Cordillère était du ciel la vaste plage.
La tempête venait et quand battait le tambour,
ses régiments mouillés chargeaient ;
alors le soleil, de ses patrouilles d’or,
ramenait sur les champs une paix transparente.
Je voyais les hommes baiser l’orge sur la terre,
des cavaliers s’engloutir dans le ciel,
et descendre à la côte aux parfums de mangos
les lourds wagons des mugissants troupeaux.
La vallée était là avec ses grandes fermes
où le matin laissait couler le chant des coqs
et onduler à l’ouest une moisson de cannes
ainsi qu’une bannière pacifique;
le cacao gardait dans un étui sa secrète fortune,
l’ananas revêtait sa cuirasse odorante
et la banane nue, une robe de soie.
Tout est passé déjà en houles successives,
comme les chiffres vains d’une légère écume.
Les années vont sans hâte confondant leurs lichens;
le souvenir n’est plus qu’un nénuphar
qui montre entre deux eaux son visage de noyé.
La guitare est solitaire cercueil de chansons
et le coq blessé à la tête longtemps se lamente.
Tous les anges terrestres ont émigré,
jusqu’à l’ange brun du cacao.
JORGE CARRERA Traduit par Edmond Vandercammen
Robert Vigneau – la vigne
Au blé, accordez les plaines,
Il vous apporte le pain.
Offrez l’ombre des fontaines
Aux légumes des jardins.
À moi, la part indigente
Dont personne ne voudra :
Le gravier brûlé des pentes,
Le roc sec, le sable ingrat.
Je m’y nourrirai du ciel.
Mes vins garderont vivants
Le rouge, l’or des soleils
Et les ivresses du vent.
J’élèverai dans ma sève
L’alcool aveugle : il conduit
Les extases — et vos rêves
Vers enfer ou paradis.
Qu’ai-je besoin de la terre?
Racinée dans le divin,
Je fleuris par la prière
À la bouche du devin.
Noé s’endort en famille
Dans mes berceaux de sarments
Et Dionysos dans mes vrilles
S’enroule éternellement.
Mon raisin, Messie des anges,
Vous verse à boire les cieux
Par le jus de ma vendange
Devenu le sang de Dieu.
Gustave Roud – Neige, bataille des anges
peinture: Armand Guillaumin – neige à Crozant
Au-delà des fenêtres, hier,
cette bataille d’anges !
Purs blancheurs par myriades épaissies
noircissaient le ciel de fausses ténèbres:
une ruée silencieuse,
un désarroi de feuilles mortes,
ces corps jusqu’à la vraie nuit précipités
sans fin sur le jardin terrassé ..
Et les voici qui dorment au matin,
lutteurs légers roulés dans leur grande aile
de sel étincelante,
les membres déjà troués de tiges et de fleurs vives,
neige de l’absolu, charnier de givre,
neige des signes
trop tôt descendue,
fondue en pluie grasse
et bue âprement par les racines aux abois.
Marchant dans le néant – ( RC )

IC356 Pixi Processed based on CCDS data
Avec l’apprivoisement du jour,
les étoiles s’enroulent
dans leur tissu lointain.
Tout est en suspension,
et je vois bien quelques figures,
qui clignotent encore :
la grande et petite ourse,
marchant dans le néant,
piétinant les anges,
avant qu’un bleu sans nuages,
envahisse le ciel,
et dilue le temps,
qui semble avoir
arrêté son mouvement,
sur la page
du manuscrit,
avec les dessins du zodiaque
étrangement liés avec les mois
de la terre,
pourtant , vu de l’espace,
une simple poussière…
–
RC- sept 2019
–
voir aussi la représentation du zodiaque tel que l’a dessiné Albert Dürer:
Pentthi Holappa – les navires naufragés
peinture: Katheryn Holt naufrage
LES NAVIRES NAUFRAGÉS
Il n’y a pas d’abri contre la douleur, ni sous une cuirasse
ni dans le ventre de la mère. Y en aurait-il dans une
urne funéraire?
Prends garde aux nuits de pleine lune, quand la mer
reflète
les lumières de la ville !
Le ciel pourrait s’effondrer sur tes épaules.
Ta foi fragile dans les anges du ciel pourrait
se briser, si tu les voyais cueillir sur les récifs
les brassées d’or
des navires naufragés.
Tu te mettrais à pleurer, après l’esquisse d’un sourire.
L’homme est un enfant, qui même sous les coups n’apprend pas
que les miracles s’effacent dès qu’on les
contemple.
Ceci
n’est pas le pire malheur, mais plutôt de rester
au port
quand les anges déroutent les bateaux vers les hauts-
fonds.
Jean-Michel Sananès – As-tu reçu ma carte ?
photo-gravure: A Marquet
Vois-tu mes pieds ont de la mémoire
ils m’ont porté, tiré, trainé rue des Petits Champs.
Désespérés, ils ont retrouvé notre troquetet une odeur de nous agrippée à la pluie
mais tu n’étais pas là mon amour.
La Seine gisait nue sous une robe d’ardoise
où cafardaient les bonheurs perdus
partout la grisaille
empierrait les anges et les moineaux
jusqu’aux confins du jour.
Le monde sans toi semble si petit
que chacun de mes pas me rapproche de l’absence
Quand les mots sont infirmes
les non-dits restent muets.
As-tu reçu ma carte ?
As-tu pensé à regarder
les trois lignes d’encre blanche
que j’ai glissées dans l’enveloppe
Juste sous le dernier silence ?
N’y as-tu pas trouvé un je t’aime qui traînait par là ?
Qu’en as-tu fait ?
L’as-tu jeté, oublié, égaré, ignoré, perdu, reconnu ?
L’as-tu agité, secoué, pour voir qui dormait dessous ?
M’auras-tu aperçu ?
Oublié, reconnu, ignoré, perdu,
écrasé, noyé sous le silence ?
M’auras-tu laissé repartir dos courbé,
Cœur serré dans ces heures
Où le vent se voûte dans le naufrage des mauvais rêves ?
Vois-tu mes pieds m’ont trainé rue des Petits Champs
mais tu n’étais pas là mon amour.
Un corps incarcéré – ( RC )
Et si le corps a son enveloppe,
détaché de la terre,
sans les racines d’un arbre,
pour y puiser l’eau et le feu,
circule à mon insu,
la sève du sang,
le tout en circuit fermé,
mais pas si loin du ciel,
respiré en parcelles,
où pleure la terre brûlée,
le caprice des nuages
et les eaux des anges.
Il y a des cascades,
des venins, des ombrages,
des artères qui se crispent,
des veines qui se lâchent,
et sous l’apparente liberté
d’agir et de penser,
un corps incarcéré.
–
RC – août 2017
Vous ne vous imaginiez pas modèle – ( RC )
peinture : D Velasquez
Bien sûr, c’est un mystère
qui se construit petit à petit,
sous mes yeux ébahis.
Je vois la peinture se faire
L’ange poser ses ailes :
Vous êtes ainsi alanguie
Sommeillant sur le lit
Vous êtes celle
qui lentement se révèle
à la caresse des pinceaux :
suivent la courbe de votre dos
(vous ne vous imaginiez pas modèle )…
Du voyage au long cours,
le vent dans les voiles,
vous apparaissez sur la toile,
peinte avec amour.
Négligemment déposés,
vos habits en tas,
à côté de votre bras …
Dans une lumière bien dosée
vous apparaissez, rêveuse,
les mains sur vos hanches,
votre poitrine est blanche,
et comme lumineuse….
Vous êtes la lumière du soir .
Surgie dans le décor
( et l’or de votre corps
se reflète aussi dans un miroir ).
On ne vous imagine pas blonde ,
car la seule ombre au tableau
porte le flambeau
de l’origine du monde .
Il n’y a pas besoin d’être Courbet,
pour que le monde vous contemple :
la première entrée du temple
est sur la toile, posée sur le chevalet.
–
RC
– juill 2017
Personnages de la balustrade – ( RC )
fresque : San Antonio de la Florida : F Goya
–
–
Tout autour de la balustrade ,
sont rassemblés des personnages
comme dans un tribunal:
Ils semblent être dans l’attente
d’un évènement peu banal
qui ne saurait tarder.
Au-dessus, passent des nuages,
et quelques anges , très sages..
dans un paradis de stuc et de rocs .
On ne sait d’où ils s’échappent,
ni ce qui les dérangent
ou les provoquent .
Tout ce monde se déhanche,
en étoffes et effets de manches…-
mais leur attitude se fige :
Eveillés par le moindre bruit,
leurs têtes, d’un même mouvement,
se penchent brusquement …
Leur regard me suit, mécanique ,
de manière insistante et maléfique ,
dès que je me déplace…
Descendus du monde céleste ,
ce sont comme des rapaces ,
épiant chacun de mes gestes…
Un regard de glace ,
qui vous figerait le sang :
immobilisés sur place …
ce qui me ramène pourtant
des siècles en arrière,
quand les trompettes altières
résonnent dans l’arène :
– Voila donc l’aubaine
semblent-ils se dire :
une occasion rarissime
pour convoquer les vampires
et désigner la victime ….
L’imagination accompagne presque
le mouvement des ailes
se détachant de la fresque .
Ils vont trouver un motif
pour aiguiser leurs griffes,
et basculer dans le réel…
Déjà, brillent des yeux noirs,
que j’avais entr-aperçus …
acérés et cruels…
Oui, je n’aurais jamais dû
entrer dans cette chapelle:
une sorte de purgatoire
En ce lieu,
où l’on chercherait vainement Dieu
la porte s’est définitivement close .
– …. c’est ainsi que fanent les roses …
–
RC mai 2017
Colette Fournier – Apprends-moi à danser
Photo : Emmanuelle Gabory
Apprends-moi à danser
Je veux retrouver le soleil
Flirter sur un rayon de miel
Brûler la pointe de mon cœur
Sur des épines d’arc-en ciel
J’ai besoin du velours de la voix
Feutrant ses frissons de soie
J’ai besoin de la couleur du vin
Fleuve de rubis où tout chavire
J’ai besoin du nectar des abeilles
Des parfums du paradis
Des ailes de tous les anges
J’ai besoin de devenir archange
De me transmuter, de m’alchimiser
J’ai eu si mal dans mon corps
Irradié et somesthesique
Que ce soir je veux danser
Libre, nue, échevelée
Ivre comme une bacchante
Et quelque part folle à délier
Avant que ne descende sur moi
La lente douceur du soir…
Un escalier vers l’infini ( RC )
Installation : David McCracken
-
Je ne sais combien de marches il faut
pour gravir l’infini.
On dira qu’il y a le temps,
puisqu’on nous a promis
l’accès au paradis :
Il y a une contrepartie :
On ne peut y accéder qu’après
avoir laissé son corps
au magasin des antiquités ,
ceci dit on est beaucoup plus léger
et on ne compte plus ses efforts
pour emprunter l’escalier
qui a necessité d’abord
je ne sais combien
de menuisiers.
Au début on est très nombreux
à vouloir accéder à l’infini
que certains appellent
le Royaume des cieux
mais certains s’impatientent
ils trouvent la progression trop lente
– ( étant pris de doute
sur la destination de la route ,
et pourquoi cette pente ).
Bien entendu pour accéder au ciel
il faut penser à l’essentiel,
non pas au monotone :
et comme pas mal abandonnent
– ont-ils perdu la foi ?
– pourtant ils ne portent pas de croix !
Toujours est-il que , sur les inscrits
les candidats se raréfient,
c’est ce qui explique,
en toute logique
que l’escalier se rétrécit .
La progression est plus facile,
quand la population est divisée par mille,
– où sont passés les autres encore
– ça je l’ignore
car ils ne visent pas le haut.
-
Comme dans les jeux vidéo
ils sont bloqués au niveau inférieur
et pour leur plus grand malheur
ne disposent pas de vie de rechange,
de quelque astuce ou ficelle
( ni de l’aide des anges
qui ne prêtent pas leurs ailes ).
Et puis — est-ce une vision d’optique,
correspondant aux mathématiques :
les côtés de l’escalier
sont difficiles à mesurer :
la vie éternelle
ne tient pas compte des parallèles :
ne vous inquiétez pas pour autant:
comme je l’ai dit : vous avez tout votre temps
déjà vous avez dépassé les nuages
vous êtes sur le bon chemin
à cheval sur votre destin
n’oubliez pas vos prières,
ne croyez pas aux chimères
ne regardez pas en bas
– Attention au vertige !
Progressez comme ça :
c’est déjà un prodige
d’avoir quitté la terre
Comment, vous ne voyez toujours rien ?
Ah , mais tous les paroissiens
qui entreprennent ce voyage
clés en mains
ne peuvent tirer avantage
de rencontrer les saints
enfin pas tout de suite :
la visite, certes, ….est gratuite,
mais de ce belvédère
il est difficile de voir St Pierre :
Ce n’est pas un défaut de vision,
mais cela doit beaucoup aux conditions
atmosphériques : même avec un guide
c’est encore Dieu qui décide,
et ses desseins son impénétrables…
Comment ça, c’est discutable ?
Si vous avez une réclamation à faire
après votre grimpette
adressez-vous au secrétaire
qui examinera votre requête…
–
RC – janv 2017
Je n’ai jamais su la couleur des étoiles – ( RC )
peinture: Pisanello
–
On peut lire, – paraît-il – , son destin,
inscrit dans la conjonction des astres.
Des figures s’y croisent, s’interpénètrent ,
se déforment, puis se détachent
lentement les unes des autres.
On prétend que chacun a son étoile,
mais où la situer dans toute cette galaxie?
Elle nous mènerait, le temps qu’elle nous suive,
par une sorte de fil invisible .
Seulement voila…
il est connu que les astres palpitent à distance,
rayonnent, s’attirent, se repoussent,
et adoptent quelquefois de folles trajectoires.
Leur trace peut se voir,
sur les fresques des églises,
Des représentants
de leur commerce apparaissent…
sous la figure des anges :
Ils sont un peu plus proches,
( quoique leur figure poupine reste énigmatique ).
Ils ont entre leurs mains les fils du destin.
Ceux-ci, bien qu’échappant au regard,
arrivent à s’emmêler avec ceux des autres,
et tressent quelquefois une étoffe commune,
en quelques mois ou quelques semaines,
dont hélas , on ne peut se vêtir,
ni dissimuler ses blessures .
D’autre part, personne ne sait
de quoi sont faites les robes des anges.
Il y a ceux qui embrassent la lumière ,
qui la créent , d’une certaine façon.
Et d’autres qui la consomment,
jusqu’à ce qu’elle se vide de sa substance.
Il arrive que l’étoile clignote, puis s’éteigne,
comme une vulgaire ampoule .
C’est juste que le courant ne passe plus,
ou que le fil est brisé.
Comment savoir ?
On joue alors une musique funèbre,
et sur les murs, la figure de l’ange disparaît,
progressivement de moins en moins nette,
jusqu’à ce que les traits s’effacent définitivement.
L’étoile qui nous était destinée au plafond du ciel,
quitte aussi la scène , mais ,
on n’est plus là pour s’en aperçevoir.
–
RC – fev 2016
Saveurs de la terre – ( RC )
—
Quelle danse en bouche
Celle du vent,
Sur les orges ,les blés
Les amandiers dont l’amer,
Se perd dans la souche.
L’arôme puissant,
La caresse dansée,
Passant au travers.
C’est peut-être, éphémère
La part des anges
Celle qui s’évapore,
Approchant l’oubli
Balade traversière,
Une frange,
Une bordure d’or,
dissimulée dans un pli…
–
RC – octobre 2015
Ailes sur le sol – ( RC )
–
–
Les ailes des anges,
Eux-même surgis du marbre,
Ont repris le chemin du sol,
Brisées en mille morceaux.
Ainsi les plumes de la bécasse,
Eparpillées dans l’herbe,
Ou bien encore Icare,
Oubliant sa pesanteur.
C’est un rappel à l’ordre,
Pour qui s’affuble du masque
De l’innocence,
Taillé dans la pierre.
L’idée de l’ange pouvait y rester.
Prisonnière, et le marbre, intouché.
Le destin a courbé les éléments,
Pesé de sa masse sur la voûte,
Aidé de fissures multipliées,
Ainsi les racines d’une plante.
Un frémissement de la terre
A fait le reste.
Il n’y a plus, de la chapelle,
Que ses murs blessés, et ses arcs.
Ceux-ci osent encore,
Affronter le ciel .
La rosace n’est plus qu’un cercle,
Où le vent se promène.
–
RC – avril 2014
–
Incitation/dialogue: un texte de Laetitia Lisa
Ali Chumacero – De l’amoureuse racine
–
Avant que le vent fût mer chavirée
que la nuit eût attaché son vêtement de deuil
que les étoiles et la lune eussent établi dans le ciel
l’incandescence de leur corps.
Avant que la lumière,
ombre, montagne
eussent vu se lever les âmes de leurs cimes,
avant que quelque chose eût flotté sur l’air;
temps avant le commencement.
Quand l’espérance n’était pas encore née
et que les anges n’erraient pas dans leur fixe blancheur;
quand l’eau n’était pas même dans le savoir de dieu;
avant, avant, bien avant.
Quand il n’y avait pas encore de fleurs
sur les sentiers parce qu’il n’y avait ni sentiers ni fleurs ;
quand le ciel n’était bleu,
ni rouge la fourmi :
toi et moi nous étions déjà là.
–
Ali Chumacero dans dans Poésie du Mexique, traduite et présentée par Jean-Clarence Lambert
–
Promesses des couleurs ( RC)
Peinture Fr Kupka – étude pour une fugue à deux couleurs ( disques de Newton ) 1911 –
–
Promesse de la profondeur des cieux,
J’ai dans les mains un bleu profond,
Qui, au parcours des étoiles, serait plafond
Ou bien , dans le soir du désert, …. un feu
–
Aux alentours, pas une âme qui vive,
Juste sur les pierres, des lézards,
Statues à l’oeil qui brille, sous le bleu Hoggar,
Un point de lumière entre deux rives…
–
Promesse de la profondeur des eaux,
– Couleurs des antipodes,
J’ai dans les mains un vert émeraude,
Balancé, roulis des bateaux.
–
Aux alentours, bercé de vagues légères,
Evoluant vers un milieu plus stable,
Les tortues, se dirigent vers le sable,
Quand émergent au loin, les terres.
–
Promesses de l’agriculture,
Dans les plaines immenses,
Le printemps, est tout en nuances,
Et prépare l’été des blés mûrs
–
Aux alentours, la floraison des fruitiers
Cache presque entièrement les terres brunes,
Il y aura cette année beaucoup de prunes,
Pour les piller, les oiseaux ne se feront pas prier…
–
Promesse de la caresse de l’été,
Le jaune de Naples, s’étend sur les plages,
En quittant la chaise longue, je nage,
Aussi dans la lumière, reflétée.
–
Aux alentours, l’horizon s’effile,
Les bateaux des pêcheurs, sont peints en rouge,
On les voit au loin lentement, qui bougent,
Carmins, et vermillons. – ils passent, entre les îles.
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Promesse d’un jour limpide,
Je traverse une place des odeurs,
C’est le marché aux fleurs,
Ignorant les teintes insipides,
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Aux alentours, des légumes candides,
Ajustés en grand nombre,
Célèbrent les verts des concombres,
Et les citrons aux jaunes acides.
–
Promesse du parcours des anges,
Les crayons des vitraux se dégrisent,
Au sol dallé, ou sur les piliers de l’église,
En associant bleus outremers, et oranges.
–
Aux alentours, dorures et peintures blanches,
Baroque et rococo, multiplient les ors,
Où papillonnent moulures et décors,
Pour la messe des couleurs, c’est aussi dimanche.
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Anges ou démons si la lumière s’éteint
( …..on ne parlera pas du noir,
C’est , à ce qu’on dit, pour le purgatoire, )
– Méfions nous des « on dit », sur la toile il n’y aurait plus rien…
–
J’ignore ces êtres pourvus d’ailettes,
Porteurs d’auréoles ou de maléfice,
Jouant des feux d’enfer ou d’artifice
Comme je préfère sortir et peintures et palette .
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– RC – 19 septembre 2013
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photo perso: Hyeres, Collegiale St Paul, couleurs de vitrail au sol + ombre d’ Arthémisia – 2011
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texte auquel je pourrais adjoindre celui-ci ( d’abord dans sa langue originale, le corse):
François Viangalli : Densité brève
U culore nasce incù u lume :
ch’ellu si cambii u lume,
s’alteranu i culori.
Postu chì ùn ci sὸ paesi
chì t’abbianu listesa polvera.
Ùn si pὸ parte da qualsiasi locu
senza mutà se stessu,
corpu è anima :
facenu l’ochji l’esiliu primu.
La couleur naît de la lumière :
que la lumière change,
les couleurs s’altèrent.
Comme il n’est de pays
qui soient jumeaux,
qui portent la même poussière.
On ne peut quitter un lieu,
sans se changer soi-même,
corps et âme :
c’est le regard qui crée
le premier exil.
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Prométhée, sous Calder ( RC )
- – montage perso- variation ( discutable), sur une production de abracadagascar.
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Soudé à la sculpture
je m’érode
Sous la marche des étoiles
Et le pluie orangée,
C’est une rouille,
Qui peut-être
Me libérera
Un jour,
Lorsque les continents
Se froisseront,
–
Et du scintillement de grandes ailes
Moites et lourdes
D’anges fatigués,
– Elles viendront se poser –
Et envelopper la terre,
Alors que tourne toujours
Le grand mobile de Calder,
Un grand ventilateur,
Propulsant la planète
Dans un coin d’oubli.
–
Je n’aurais pas dû voler le feu,
Et le donner aux hommes.
Mais, çà ne m’empêche pas
De les aimer.
–
RC – 22 août 2013
–
Danse des lucioles ( RC )

-Il faut bien le dire,
Tu m’as aidé à ôter la robe
Celle des nuages, recouvrant les étoiles
Et dans la nuit scintillante; qui m’attendait
S’échangent les avions d’argent
Vers les destinations lointaines
Peut-être celles des bonheurs partagés
Et la danse des points dans le sombre,
Celle des lucioles
S’appuie sur les traits fugaces
Des comètes, dessinant à la lumière
Sans les craies, sur la tableau d’ardoise de la nuit.
Et tu rassembles aussi les clins d’oeil,
Des lucioles,— la danse des anges,
Avec le pont des heures couchées
Sans les ballerines, avec la forme de ton sourire
En équilibre, quelque part – ballon léger
Au dessus,corsage transparent, de mon sommeil….
RC – 03 mars 2013
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inspiré du texte de Colette Fournier,( Phedrienne ) ci dessous, …………..et visible sur http://colettefournier.com/2013/01/27/5-heures-du-matin/
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J’ai parcouru la nuit à grandes enjambées
Franchi le pont des heures couchées
La nuit est amicale, elle sourit à la vie
Cachée sous les étoiles, et puis,
Elle a une allure folle dans sa robe ajustée
Son corset bleu marine et ses douces ballerines
Je l’ai suivi marchant à pas silencieux
Sur ses traces fuyantes de danseuse invisible
Et me voilà debout sur une crête noire
Un si drôle de perchoir, où je ne pense plus
Mais laisse traverser les comètes en goguette
Quelques anges déchus aux ailes harassées
Moi je suis sans fatigues, mais aussi sans idées
Une tête noctambule, ballon hydrogéné
Qui implosera peut-être en laissant dériver
Une petite luciole espiègle et inspirée !
—
Horatu, traduction du mot luciole en japonais, est un astre qui vole au bord de l’eau et annonce l’été aux japonais. Deux sortes de lucioles différentes par leur « style de vie » : le genji-botaru (12 à 18 mm) qui vit au bord de l’eau douce et le heike-botaru (8 à 10 mm) qui préfère les rizières et les eaux stagnantes, se nourrissent de colimaçons. Elles font partie des espèces aquatiques au stade larvaire parmi les dix répertoriées dans le monde, ce qui semble normal étant donné la géographie du Japon et des iles environnantes.
José Gorostiza – mort sans fin – extr 02

peinture: Jim Dine: sans titre (1959 ) Brooklyn Museum of Art, New York, USA
I
Rempli de moi, assiégé dans mon épiderme
par un dieu qui me noie, insaisissable,
leurré peut-être
par sa radieuse ambiance de clartés
occultant ma conscience répandue,
mes ailes brisées en esquilles d’air,
mes pas qui, maladroits, tâtonnent dans la boue;
rempli de moi, repu, je me découvre
dans l’image étonnée de l’eau
qui est et seulement cahot immarcescible,
écroulement d’anges tombés
dans le délice intégral de son poids,
qui n’a rien d’autre
que son visage en blanc
à demi enfoncé, déjà, comme un rire qui meurt,
dans le tulle fin du nuage
et dans les funestes cantiques de la mer
— arriére-goût de sel ou blanc de cumulus
plus qu’une simple hâte d’écume traquée.
Pourtant — ô paradoxe! — contrainte
par la rigueur du verre qui la clarifie,
l’eau prend forme.
Y creusant ses assises, elle construit,
assume un âge de silences amer,
un doux repos de jeune morte,
souriante, que déflore
un au-delà d’oiseaux
en débandade.
Dans le filet de cristal, mailles qui l’étranglent,
ici, comme en l’eau d’un miroir,
elle se reconnaît;
enchaînée ici, goutte à goutte,
et dans la gorge, fané, son trope d’écume,
quelle nudité d’eau la plus intense,
quelle eau plus eau
rêve en son orbe tournesol,
chantant déjà une soif de gel équitable!
Mais quel verre — aussi — plus prudent
que celui-ci qui s’arrondit
comme une étoile en grain,
que celui-ci qui, pour une héroïque promission, s’allume
comme un sein habité par le bonheur
et offre à l’eau, ponctuel,
une éclatante fleur
de transparence,
un œil fusant vers les hauteurs
et une fenêtre aux cris lumineux
sur cette liberté incandescente
qui s’épuise au-dedans de candides prisons!
José Gorostiza (Mort sans fin)
Le ciel est tout autour ( RC )

photo: daveb ombres d’une caravane Sahara
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Le ciel est tout autour d’eux
C’est l’effort d’ une longue marche
A travers les dunes ;
Il y a les ombres qui devancent
La caravane et le sable
Qui ondule , égal à lui-même
Et juste marqué, de grains de rochers
Echappés de montagnes.
Le ciel est tout autour d’un creux
Il se rassemble et roule
Comme s’égarent les pistes
Désignées par les anges
En chemins des possibles
Que le soleil ardent
Apprécié des serpents
Efface en poussières…
Le ciel est tout autour d’un bleu
Si évanescent , mais dense
Qu’accrochent , peut-être
Le mirage d’une étendue d’eau
Là bas, si loin…
Dans nos pas de fourmi,
Une oasis, une illusion
Qui vient , puis s’efface
Le ciel est tout autour d’un feu
– Il s’est coulé dans le noir
Quelques flammes et du bois sec
Les nomades lui font cercle
Le désert est affable
Tout est silence, et les outres circulent,
Les chameaux, à genoux,
Soupirent, au chemin de demain.
RC – 19 septembre 2012
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