Raymond Queneau – L’ouverture –

Sang fumée ce sont les chasseurs qui jouent du cor, de l’arbalète autour d’eux sont les corps morts de bêtes d’animaux qui jouaient et mangeaient dans les taillis dans la luzerne et qui point ne se doutaient de la giberne adieu la vie adieu l’amour le gibier gît devant les gîtes des reîtres et des pandours cyniques oiseaux oiseaux que je déplore tout ce mal qui vous assiège ces gens qui veulent la mort de vos arpèges lièvres dansant dans la rosée biches bramant au fond des bois la guerre vous est déclarée au mois de septembre
Courir les rues
Battre la campagne
Fendre les flots
nrf Poésie Gallimard
Valère Novarina – Si un jour je suis
image: montage perso avec au départ un tableau de V Velickovic
Si un jour je suis, vous offrirez ma viande de vie aux animaux.
Si un jour je suis, je vous offrirai ma vie pour la manger.
Rien correspond aux sons que j’entends.
J’ai peint mes deux oreilles qui sont en bleu :
j’avais déjà peint les deux pieds de ma chaise en vide.
Enfant, j’avais déjà peint de travers un chien tout noir
entier en blanc, avec un trou noir au milieu
pour voir dedans, percé lui-même d’un blanc
pour voir derrière.
Rituel – ( RC )
Le poids de l’histoire
se referme dans un soir
où son corps s’offre au sacrifice,
bientôt, tas d’immondices.
Le prêtre accomplit sa fonction,
après quelques génuflexions
pointe son couteau
à la jonction des peaux .
Une rapide entaille,
une fontaine ruisselante,
( pendant que tout le monde chante ) ;
> recueillons le sang avant qu’il ne caille…!
Elle a le temps d’ imaginer son cadavre
ouvert en son milieu,
révélant des secrets inavouables,
dans ce cimetière graisseux .
Quelques livres de chair,
qui se lisent à l’envers,
ouvert, le sachet de viande animale
– un nu on ne peut plus intégral –
où tout apparaît à découvert:
les muscles et leurs attaches,
la viande qui se relâche
les cartilages bleutés, les os et les viscères.
Le rituel ne tolère aucun remords
l’action s’est déroulée sans repentir,
on pourra bientôt lire l’avenir
à travers la mort !
Fi du corps et de ces éléments inutiles ! ;
——–> il faut aller à l’essentiel,
c’est un instant de grâce subtile
( on bénit son âme montée au ciel ).
Célébrons la Puissance Divine !
que Sa volonté s’accomplisse !
soit béni aussi, son sang pour la fertilité
les récoltes abondantes, et la fécondité !
D’habitude ce sont des animaux
sacrifiés pour la science :
là, elle a donné son corps en pleine conscience,
il n’est pas l’heure d’états d’âme sentimentaux…
Allons ! Allons ! le temps presse!
… on attend que les suivants
arrivent , modestes et resplendissants
( une dizaine suffira avant la Messe ! ).
–
RC- dec 2019
Francis Ponge – la main
main – sculpture antique
La main est l’un des animaux de l’homme ; souvent le dernier qui remue.
Blessée parfois, traînant sur le papier comme un membre raidi quelque stylo bagué
qui y laisse sa trace.
A bout de forces, elle s’arrête.
Fronçant alors le drap ou froissant le papier, comme un oiseau
qui meurt crispé dans la poussière, — et s’y relâche enfin.
Francis PONGE « Pièces » (Gallimard)
Premier homme sur la terre – ( RC )
Si j’étais le premier homme
à marcher sur la terre,
– venant d’une autre planète – ,
je marcherais avec prudence,
sur les berges sablonneuses,
laissant des traces en creux.
Je m’enfoncerai dans les forêts tropicales,
où le soleil n’y pénètre
que par effraction,
j’apprivoiserai les animaux,
qui m’accueilleront sans méfiance,
comme si j’étais des leurs :
un peu étrange, sur ses deux pattes,
le cœur presque à nu,
et ma mémoire cousue de fil blanc,
essayant de se faire comprendre
par des mimiques
trahissant mes pensées.
Je n’aurais pas la pupille dilatée
du fauve de service,
je viendrai sans arme:
( personne ne les aurait inventées) ,
et avec les meilleures intentions .
Je me guide aux phrases de la lune :
elle, au moins, me comprend .
Je lui parlerai le soir,
lorsque le soleil s’éteindra .
Il reparaîtra le lendemain,
d’un autre côté .
Il étire les ombres ou les rétrécit,
comme avec des élastiques.
Cela semble être un jeu
dont jamais il ne se lasse
montant et descendant
tel un yoyo, au-dessus de l’horizon.
Il y a un seul astre ici.
Il règne, sans partage
et semble très écouté .
Sa caresse varie, de tiédeur
en brûlure , rythmée par le jour
qui se déplie .
C’est sa façon d’être :
çà remplace le langage,
et les plantes le comprennent:
elles se sont multipliées
au point de couvrir
la plupart des endroits.
C’est une planète verte
avec de grands lacs,
que l’on nommera océans:
la vie a l’air moins rude
qu’ailleurs en galaxie.
J’indiquerai ça,
dans mon compte-rendu ,
devant rendre mon rapport sous quinzaine.
Je parie que bientôt
une équipe d’explorateurs
prendra ma relève.
Il ne serait pas impossible
qu’ils s’établissent ici,
avec leur petite famille, en villégiature .
S’ils construisent un village
il y aura peut-être même
une place à mon nom .
–
RC – sept 2017
L’aube est pour demain – ( RC )
peinture: Paul Nash – We Are Making a New World, 1918
Dans un paysage lunaire,
il se trouve encore,
dans le jour qui s’éteint,
des troncs solitaires :
c’est ce qu’il reste d’arbres,
dont le tronc a été brisé,
les branches calcinées,
noires sur un fond gris,
au milieu
du désastre de la terre .
Ces troncs sont des témoins,
brisés mais restant debout,
à la façon de temples dévastés ,
aux colonnes solitaires ,
ne portant rien qu’elles-mêmes ,
absurdement dressées vers le ciel.
C’est une forêt après la tempête,
empêtrée dans l’hiver.
Mais celui-ci répond
au cycle des saisons,
et on peut distinguer,
si on s’en donne la peine ,
quelques silhouettes d’animaux ,
qui dénichent déjà
des jeunes pousses
qui prendront bientôt leur essor :
l’aube est pour demain .
–
RC – dec 2017
Le bestiaire – ( RC )
Tu ne les as jamais vus
mais tu t’en fais une idée
à ce qu’on t’a colporté :
Ils ont tendance, à leur insu
à se cristalliser
pour prendre consistance,
se construire une existence,
et se matérialiser.
Ce sont des récits épiques
avec des animaux hors norme
aux curieuses formes :
des bêtes fantastiques…
que l’on dessine
et dont aucun dictionnaire
ne comporte d’exemplaire ,
car tu l’imagines
aussi bien que je te vois :
un griffon sanguinaire ,
un aigle t’emportant dans ses serres,
des reptiles à trente doigts …
Ils sèment l’inquiétude
dans les récits bibliques ,
( sans précision anatomique
ni grande exactitude ) .
Cela remonte au plus profond des âges :
ce dragon a une mauvaise haleine :
compter neuf têtes à l’hydre de Lerne :
les légendes demeurent et voyagent .
Et si on parle d’animal,
on voit dans les fresques comme à travers le temps :
ainsi ces figures d’éléphants
de l’armée d’Hannibal .
Ils nous semblent bien bizarres,
eux qu’on trouve sculptés dans les chapiteaux ,
par rapport à ceux qu’on voit en photo :
l’imaginaire nourrissant l’art.
La comparaison n’est pas de mise :
Si on les reconnait pourtant
c’est bien que des éléments
rappelent leur présence grise…
Ce n’est pas un corps de libellule ,
et de grands yeux étonnés
côtoient une trompe ressemblant davantage à un nez
avec des oreilles minuscules .
Les hommes les représentant
ne l’ont fait que par ouï-dire
un vague récit pour les décrire ;
un souvenir persistant
de légendes terribles :
de ces récits rapportés,
il a suffi de les interpréter
et de les rendre plus visibles
( et donc plus concrets
dans leur apparence ):
de quoi nourrir les croyances,
les faisant passer pour des faits .
Toutes les variations étant permises ,
il n’est pas étonnant que l’imaginaire
abonde dans le bestiaire ,
et qu’on l’utilise
souvent dans la religion :
la bête, opposée à l’humain
( et à plus forte raison aux saints )
est objet de suspiscions
et de hantise
pour l’inconscient collectif ,
voila donc le motif
qui les place en dehors de l’église
souvent agressifs
et symboles de terreur ,
beaucoup plus rares à l’intérieur.
Des moutons, et autres inoffensifs
accompagnent les humains .
Ce sont des animaux domestiques
beaucoup plus pacifiques
qui occupent le terrain
Pas de vautours
ni oiseaux de proie
autour de la croix
ce serait plutôt basse-cour.
On voit bien , avec les rois mages
l’âne et le boeuf,
avec un petit Jésus ( tout neuf ),
réunis pour une belle image
comme une photo de groupe
par contre pas de loup , ni de renard :
ce n’est pas pas hasard
qu’ils ne sont pas dans la troupe !
Il fallait bien faire une sélection :
on ne pouvait pas rassembler tout le monde
à des kilomètres à la ronde :
ne sont venus à la réunion
que les animaux familiers
qui accompagnent
les paysans de nos campagnes
( pas les fourmiliers
ni les dromadaires
pourtant sympathiques ):
les exotiques
du bout de la terre
pouvant rester chez eux ,
car ceux des tropiques
ne correspondent pas à la symbolique
décidée par les dieux
et puis de toute façon
on a beau faire des prouesses,
on ne peut y mettre toutes les espèces :
—- il y en a à foison !
– on a choisi les plus communs
> les résultats de cette élection
mènent bien à une discrimination:
on en prend quelques uns
que chacun peut identifier :
entre les allégoriques
les fantastiques,
les carnassiers
et herbivores,
il y a abondance
et même concurrence :
une vision multicolore
A l’instar des papillons ,
on pourrait en dresser un catalogue ;
ce ne sont pas nos homologues
– il y en a des millions –
les bêtes des antipodes
ou des profondeurs
ont aussi leurs admirateurs
( comme les scarabées et gastéropodes ) .
–
RC – juin 2017
Frederic Nietszche – Le signe de feu
Ici, où parmi les mers l’île a surgi,
pierre du victimaire se dressant escarpée,
ici, sous le ciel noir, Zarathoustra
allume son feu des hauteurs, —
signes de feu pour les pilotes en détresse,
point d’interrogation pour ceux qui savent répondre…
Cette flamme aux courbes blanchâtres,
— vers les froids lointains élève les langues de son désir,
elle tourne sa gorge vers des hauteurs toujours plus pures —
semblable à un serpent, dressé d’impatience :
Ce signe je l’ai placé devant moi.
Mon âme elle-même est cette flamme: insatiable,
vers de nouveaux lointains,
sa tranquille ardeur s’élève plus haut.
Pourquoi Zarathoustra a-t-il fui les animaux et les hommes ?
Pourquoi s’est-il enfui brusquement de toute terre ferme ?
Il connaît déjà six solitudes —,
Mais la mer elle-même ne fut pas assez solitaire pour lui,
il se hissa sur l’île, sur la montagne il devint flamme,
maintenant, vers une septième solitude
il jette son hameçon chercheur par-dessus sa tête.
Pilotes en détresse ! Ruines de vieilles étoiles !
Et vous, mers de l’avenir ! cieux inexplorés !
vers tout ce qui est solitaire je jette maintenant l’hameçon :
répondez à l’impatience de la flamme
péchez pour moi, le pêcheur des hautes montagnes,
ma septième, ma dernière solitude ! —
Frédéric NIETZSCHE « Dithyrambes à Dionysos » (1888) in « Poésies » (Mercure de France)
Autochtone – ( RC )
Image :: création perso 2005
–
On peut s’égarer dans la forêt,
Si tu ne connais pas bien le chemin,
et tourner jusqu’au lendemain,
– On n’en connait pas bien les secrets .
Tu peux te guider aux petits bruits
Les déplacements subtils
des yeux de la nuit
Le glissement des reptiles
qui te surveillent,
l’ombre taciturne,
éloignée du soleil,
les oiseaux nocturnes
cachés dans les frondaisons
mènent leur vie tranquille
comme sur une île
séparée de l’horizon.
Imagine-toi en Afrique
où les singes se répondent,
alors que tu vagabondes
dans un lieu typique
qui t’éloigne quelque peu
des sentiers balisés :
pas de Champs Elysées,
mais un autre milieu :
une jungle épaisse
qui s’auto-multiplie
et où jamais elle ne te laisse
faire un safari .
Tu vas tenter de te guider
avec ces bruits furtifs :
Voila ce que c’est de se balader
dans ce parcours évolutif.
Tu vas contourner de larges flaques d’eau,
des rochers de latérite
– des obstacles dans ta visite –
et toi, toujours sac à dos
Quand tout à coup, un bruit t’immobilise
et qui va grandissant :
C’est la démarche imprécise
d’un ce ces habitants :
On les nomme autochtones,
comparés à toi, l’étranger :
ce ne sont pas des hommes
qui portent le danger ,
mais de ces animaux
qui parcourent avec aisance
de grandes distances
par monts et par vaux :
En voila un à présent
qui écrase de grands végétaux
comme de vulgaires poireaux
en s’avançant nonchalament.
C’est un peu bizarre
cette rencontre inopinée ,
mais choisissant de se baigner
dans la première mare :
C’est une sorte de colosse gris
qui paraît immense
et tranquillement s’avance
sans forfanterie
Tu peux voir de trois-quart
l’animal et son curieux épiderme
maintenant au milieu des nénufars :
c’est un pachyderme
Un de ces géants
pas très discrets
mais qui connait bien la forêt :
tu pourras suivre en son temps
les traces qu’a laissées
négligeamment
le grand éléphant
dans son pas cadencé
pour retrouver en effet
avec les arbres aplatis,
rapidement la sortie
à la façon du petit Poucet
A la place des cailloux,
tu peux remercier ton baigneur
qui fut aussi ton sauveur
et tu rapportes une photo de lui, ( floue ).
–
RC – oct 2016
Digérer le désert – ( RC )
Comme ces animaux, dont l’apparence se coule dans le fond,
Tu habites le désert, et t’y confonds.
Femme des sables, tu n’espères que les courants,
Les vagues d’un océan de dunes, qui, lentement, se déplacent.
Tu te couches dans le sable, tu t’étends sur l’horizon,
dont rien n’arrête la fuite.
Tu regardes passer les caravanes, mesurant le temps,
dans leur progression lente.
Tes désirs sont une piste, aspirée dans un mirage .
Et cette piste, s’efface avec le vent .
Ainsi la vie s’étire, blanche, sous la lumière brûlante,
écrasant tout de son feu.
Et comme l’ombre est rare, juste celle de buissons épineux,
tu attends que le jour bascule, ne souhaitant rien .
Le violet de la nuit s’orne d’une lune interrogative .
Si tu jette des cailloux vers les étoiles, elles te les renvoient .
Tu peux les maudire, elles restent indifférentes à ton sort.
Elles contemplent d’autres pays.
Ceux dont tu n’as pas l’idée, enchaînée par la distance .
Il ne reste que les pierres, où se concentre ta colère .
Juste le temps que tu digères le désert.
RC – oct 2015
Egon Schiele – Sensation
–
De vastes vents violents ont tourné le dos à la glace
et j’ai été forcé de plisser les yeux.
Sur un mur rugueux j’ai vu
le monde entier
avec tous ses vallées, ses montagnes et ses lacs,
avec tous les animaux qui courent autour
Les ombres des arbres et les taches de soleil
m’ont rappelé les nuages.
Je marchais sur la terre
Et je ne ressentais rien dans mes membres
je me sentais si léger.
(trad RC )
–
Hohe Grosswinde machten kalt mein Rückgrat
und da schielte ich.
Auf einer krätzigen Mauer sah ich
die ganze Welt
mit allen Tälern und Bergen und Seen,
mit all den Tieren, die da umliefen –
Die Schatten der Bäume und die Sonnenflecken erinnerten
mich an die Wolken.
Auf der Erde schritt ich
und spürte meine Glieder nicht,
so leicht war mir.
–
Egon Schiele est, bien sûr, l’artiste expressioniste autrichien bien connu, dont ce site propose les oeuvres complètes…
–
Yahia Lababidi – A quoi rêvent les animaux ?
–
A quoi rêvent les animaux ?
Est-ce qu’ils rêvent de vies passées et de rêves non vécus
indiciblement humains ou incroyablement bestiaux ?
Ont-ils du mal à attraper dans leur sommeil
ce qui est trop glissant pour les doigts de la journée ?
Est-ce que leurs subtiles allusions nocturnes peuvent éclairer leurs heures sans rêves ?
Sont-ils hantés par les spectres de regret
visitent-ils leurs morts dans une somnolente gratitude ?
Ou sont-ils revisités par leurs crimes
transcrits en hiéroglyphes alléchants ?
Ont-ils retracé les grandes lignes de leurs blessures
ou le rêve d’une mutation, à la place ?
Ont-ils tiré sur des noeuds obstinés
de désirs inassimilables et de disputes contrariées ?
Y at-il de l’émoi, des bouleversements, ou de la rébellion
qu’ils éprouvent contre leur personne ou leur destin ?
Sont-ils libérés de forces et faiblesses particulières
au cheval, au cerf, à l’oiseau, à la chèvre, au serpent, à l’agneau ou au lion ?
Sont-ils jamais ni animaux, ni humains
mais créature et être ?
Ont-ils des moments sacrés de compréhension de leur entité dans leur essence même ?
Est-ce se rendent compte,d’une existence plus complète
soulagée du fardeau de la veille ?
Est-ce qu’ils soupçonnent, avec les poètes, que tout ce que nous voyons ou en a la ressemblance n’est qu’un rêve dans un rêve ?
Ou est-ce simplement une petite mort
un petit goût de néant, qui se rassemble dans leur bouche ?
————-
–
What do animals dream?
Do they dream of past lives and unlived dreams
unspeakably human or unimaginably bestial?
Do they struggle to catch in their slumber
what is too slippery for the fingers of day?
Are there subtle nocturnal intimations
to illuminate their undreaming hours?
Are they haunted by specters of regret
do they visit their dead in drowsy gratitude?
Or are they revisited by their crimes
transcribed in tantalizing hieroglyphs?
Do they retrace the outline of their wounds
or dream of transformation, instead?
Do they tug at obstinate knots
of inassimilable longings and thwarted strivings?
Are there agitations, upheavals, or mutinies
against their perceived selves or fate?
Are they free of strengths and weaknesses peculiar
to horse, deer, bird, goat, snake, lamb or lion?
Are they ever neither animal nor human
but creature and Being?
Do they have holy moments of understanding
in the very essence of their entity?
Do they experience their existence more fully
relieved of the burden of wakefulness?
Do they suspect, with poets, that all we see or seem
is but a dream within a dream?
Or is it merely a small dying
a little taste of nothingness that gathers in their mouths?
–
Yahia Lababidi is the author of a collection of aphorisms, Signposts to Elsewhere (Jane Street Press) selected for ‘Books of the Year, 2008′ by The Independent (UK) and the critically-acclaimed essay collection, Trial by Ink: From Nietzsche to Belly Dancing. His latest work is the new poetry collection, Fever Dreams.
–
texte traduit par mes soins…
on peut trouver bien d’autres textes intéressants en langue anglaise, et parfois la langue d’origine, sur le site the thepoetry
–
Patti Smith – animaux sauvages

photo: Robert Mapplethorpe – crâne
Est-ce que les animaux crient comme les humains
quand leurs êtres aimés chancellent
pris au piège emportés par l’aval
de la rivière aux veines bleues
Est-ce que la femelle hurle
mimant le loup dans la douleur
est-ce que les lys trompettent le chiot
qu’on écorche dans l’écheveau de sa chair
Est-ce que les animaux crient comme les humains
comme t’ayant perdu
j’ai hurlé j’ai flanché
m’enroulant sur moi-même
Car c’est ainsi
que nous cognons le glacier
pieds nus mains vides
humains à peine
Négociant une sauvagerie
qui nous reste à apprendre
là où s’est arrêté le temps
là où il nous manque pour avancer
Patti Smith, Présages d’innocence, Christian Bourgois éditeur, 2007, pp. 96-97. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jacques Darras.
–

photo patries71
Photo Patries71
que le soleil éclaire mes nuits – Rahma ZERAÏ
Toujours de Rahma ZERAÏ ( ouvrage -recueil, anthologique « Dans tous les sens » )
J’aimerais que le soleil éclaire mes nuits pour voir les couleurs de l’obscurité, et que la lune cesse d’être lunatique, que les fous raisonnent les sages, que le discours des animaux fasse taire les humains, que les racines voient le jour, que le silence résonne.
Je suis le silence qui parle
l’orage qui ne mouille pas
j’attends ceux qui ne reviennent jamais
mes racines sont hors de terre
je suis le pont entre deux rives
je suis la colère qui ne gronde pas
je suis l’hiver en plein été
je suis le volcan du fond de l’océan