Herberto Helder – Maudit soit celui qui a jeté la pomme dans l’autre monde
peinture: Marc Chagall: N’importe ou hors du monde
S’il y avait des escaliers sur la terre et des anneaux dans le ciel
Je gravirais les escaliers et aux anneaux, je me pendrais
Dans le ciel je pourrais tisser un nuage noir
et qu’il neige, qu’il pleuve et qu’il y ait de la lumière sur les montagnes
et qu’à la porte de mon amour l’or s’accumule
J’ai embrassé une bouche rouge et ma bouche s’est teintée
J’ai porté un mouchoir à ma bouche et le mouchoir a rougi
Je suis allé le laver à la rivière et la rivière est devenue rouge
Et la frange de la mer, et le milieu de la mer
Et rouges les ailes de l’aigle
Descendu boire
Et la moitié du soleil et la lune entière sont devenues rouges
Maudit soit celui qui a jeté la pomme dans l’autre monde
Une pomme, une mantille d’or et une épée d’argent
Les garçons ont couru après l’épée d’argent
Et les filles ont couru après de la mantille d’or
Et les enfants ont couru, ont couru après la pomme.
D’où partaient les navires – ( RC )
Il y a un port d’où partaient des navires,
( en tout cas, on voit une jetée
qui s’avance, en briques descellées,
d’un timide assaut vers le large,
où le gris s’étale, indifférent ) .
L’endroit est déserté,
de gros anneaux sont rouillés.
Peut-être est-ce le reste d’une ville
se prolongeant au-delà,
engloutie petit à petit,
malgré son orgueilleuse suffisance,
colosse aux pieds d’argile,
dont le corps plonge aussi
dans le sommeil de ce qui a été.
Seules veillent les mouettes.
Il y a un port d’où partaient des navires,
on peut le penser.
Mais , attirés par le lointain,
derrière la ligne pâle de l’horizon ,
ils ne sont jamais revenus,
emportant les derniers habitants
de la cité délaissée,
peu à peu lézardée.
Elle finit par sombrer
comme un de ces vaisseaux
mal entretenus,
où l’eau finit par se faufiler
partout entre les rues .
Seul, un promeneur , venu de nulle part …
–
RC – mai 2016
Lambert Savigneux – Trace du rêve
Trace du rêve
e muet
s’efface l’ourlet
articulation inusitée ces sons en disent long
qui entend le vent
qui entend l’inaudible sous les branches des voyages
ploie la masse se fait sentir
sont-ce consonnes cette alliance ce lien
nécessaire pesanteur arrime
les masses dans le mot écrase rythme l’air
sinusoïdale longe sans fin la bave de la chenille empilement cataracte des anneaux
l’homme immergé saisit des bribes et articule se remémore
forme dans la bouche l’aspect fulgurant du monde ce qu’il en sait
mouche termite abeille points de repère et traces voyance le journal du Rêve est la mémoire de l’infini que le geste termine reprend atermoiement du vivre
goutte sur le sable temps que la bouche expulse que cueille la main