Danser hors de la surface des choses – ( RC )
photo : Aldara Ortega
Changer de monde,
et danser hors de la surface des
choses.
Trouver son souffle en soi-même,
plonger en apnée illimitée…
Le silence épais plaqué aux oreilles,
tu t’opposes à l’inertie de la matière ,
présente et que tu ne peux saisir.
Tous les gestes en sont ralentis.
La robe de mariée se défera lentement,
sur un champ où les fleurs ne
poussent pas, où il n’y a pas de vent,
et où la lumière hésite à franchir le
plafond…
–
RC – mai 2017
Cribas – Fils de l’homme OU L’enfant humain
Fils de l’homme OU L’enfant humain
Par Cribas
Vois, mon frère bien aimé, vois ce que je deviens. Ce que nous avons rêvé autrefois, près du lac, dans la vallée où mille ricochets ont répété nos pactes et nos mots les plus idiots à l’époque. Toi, mon frère à jamais, comme nous le gravions sur les écorces d’arbre à sang chaud, ou sur les pierres de craie tendre, avec nos canifs aujourd’hui perdus.
Que de nostalgie, mon ami, mon frère, que de temps inutile depuis, a traversé nos vies.
Nous nous jurions de nous partager le monde, de nous en obtenir les plus gras morceaux, et cela sans jamais le moindre regret.
Il ne me reste que la mélancolie de ces années insouciantes, et tout ce que j’ai pu tenir, c’est de ne me laisser ternir par aucun regret.
Depuis longtemps pourtant, j’ai perdu ta trace, ton sourire efficace qui menait à bien nos projets, nos quatre cent mille coups tantôt en méchants, tantôt en indiens, et qui finissaient toujours avec des accrocs à nos pantalons, des taches de mûres et de sureau sur nos joues qui laissaient apparaître des fossettes, sous nos yeux brillants bénis des dieux. Je crois bien qu’il y eut aussi des centaines de fous rires contenus, lorsqu’il nous fallait rendre les clés de nos cabanes imaginaires, la nuit venue, à des adultes et des parents habitant un autre monde que le nôtre, venus d’une autre terre.
Vois mon frère bien aimé, ce que le temps fait disparaître. Sans crier gare, un jour on pose une valise au pied de sa vie, sur un quai de grisaille, et les grandes destinations de l’existence séparent, scindent en dizaines de méga-octets l’imagerie de notre vie.
On se retrouvera peut-être un jour, mon être sans la fierté d’avoir su monter un pur-sang pour revenir à la source, avec des chevaux moteurs rutilant de réussite sociale.
Je ne suis jamais revenu près de ce lac. Je n’ai jamais osé me représenter là-bas pour vous montrer à tous l’album de ma vie resté vierge à vos yeux. Je sais, mon frère bien aimé, que la famille a grandi au rythme de ta réussite. Qu’on ne mange plus aujourd’hui que sous l’immense verrière dont les fondations ont été creusées sous les souches à sang froid, arrachées comme s’il s’agissait de simples nuages et que l’on avait attendu la fin de la tempête.
Si tu voyais, mon frère, si tu pouvais comprendre ce que ma différence autrefois imperceptible avait voulu pour ma vie.
Je n’ai pris qu’un seul train, et lorsque l’arrivée a sifflé, je suis descendu.
Ici ou ailleurs, ma destination n’avait que peu d’importance. Je n’ai pas d’amours inscrites, sur des registres ou des certificats de baptêmes.
Les femmes que j’ai rencontrées, je ne leur ai offert que le meilleur de moi même, elles ne m’ont appris que ce qu’il me manquait, et à chaque fois qu’elles avaient compris que le partage n’était pas une affaire de signature, mais seulement d’écriture du destin, je me suis éloigné sans trop de pleurs, sans crier gare non plus. Je suis toujours resté dans le coin dans le cas d’un appel un mauvais jour, souvent un mauvais soir, je suis l’inaccessible joignable sur simple appel d’un numéro de téléphone ad vitam aeternam.
Ma destination finale a toujours été ma première idée. Aimer, aimer comme un aide, aider comme on sème, aider chacun, chacune, à s’aider sans peine, à s’aimer autant que j’ai compris mes peines.
Vois mon frère, ma plus belle réussite. On m’aime !
Jamais l’on ne regrette, de m’avoir aimé. Je suis celui qui tait celui que tu es. J’accomplis mon devoir comme les ricochets de l’écho ; je répète juste assez lorsqu’un amour a besoin de plonger pile poil à l’endroit de la rescousse où son autre se noie.
Je n’ai voyagé que pour prendre le recul nécessaire à mon égo de naissance. Je n’ai rien fui d’autre que mes racines malades. En route, j’ai pris quelques rails de trop, mais étant sur la bonne ligne, j’ai rapidement récupéré mes facultés de conduite.
Non, mon frère, je n’ai pas non plus vendu mon âme à Rome ou à La Mecque. Mes frères sont du genre humain. Tous mes frères, du premier au dernier, même si parfois avec le temps, leurs canifs se sont transformés en guillotines ou en lames de boucher à décapiter.
Regarde mon frère, ce que ma différence qui était aussi la tienne peut faire de nous. Ni des moines, ni des archevêques, ni des frères musulmans au gosier plein de haine, mais sans aller trop loin, simplement des hommes appliquant enfin un garrot à la folie sanglante, simplement des femmes libérées de leurs sangles, et rappliquant afin d’appliquer un baume sur les peines de sang, vides de sens.
Vois, mon frère bien aimé. Bois, ma sœur bien lésée, ceci est le godet que tout homme véritable n’a jamais laissé de côté.
Vois ce que je deviens, ce que nous avons rêvé autrefois, frère enfant, frères et sœurs. Il ne doit nous rester qu’une rivière pleine de lacs, qu’un lasso unisexe pour sauver l’Homme des cascades.
Les trains éloignent des hommes. Les traînes embaument les femmes.
Quelle mélancolie mon amour ?
Voyager pour ses peines, avoir peur de se noyer parce que l’âge ?
Reviens me voir un beau jour
Un de ces jours où tes peurs au lavoir ne trahiront plus ton linge en nage
Mon frère, ma sœur
Tu trembles encore au bout de tes phalanges et c’est ton cœur
Ma sœur c’est ton droit
Mon frère tes regrets sont déjà froids
Revenons par dizaines
Ou par milliards marchons dans nos pas
Mes sœurs, mes frères, mon amour
Il ne me reste que la mélancolie pour me battre
Et je le fais depuis toujours
Mes frères, mes sœurs, ne nous laissons pas abattre
Brassons à côté de nos amours
Aimez-les comme on se noie chaque jour
Au dernier instant de l’apnée
Un dernier coup de canif dans les filets autour
Un reste d’oxygène, une dernière bouffée
Un sacrifice humain pour l’humanité…
Cribas 07.03.2013
Edith de Cornulier – Atone
Almasoror ( l’âme soeur) si j’ai bien lu... est un site que je qualifierai de « multi-disciplinaire », … il y a une foule de liens, et d’articles , et en patience il va me falloir, du temps pour en avoir une petite idée…
mais je me suis dirigé de suite vers la section « poésie », où des photographies sont « accompagnées », ici de textes de Edith de Cornulier-Lucinère, – voir son blog perso –
qu’elle abrège sous E CL…
j’ai navigué sur quelques uns et tout ce que j’ai lu a capté mon attention, voici d’un d’entre eux:
ATONE
–
Ma voix coule dans le soir
Mais mon cœur demeure aphone
Je respire dans ce bar
Des vapeurs d’alcool atone
Nous traversons les saisons
Main dans la main bien trop sages
Je n’observe à l’horizon
Aucun feu, aucun mirage
La vie et ses expériences,
Je les traverse en apnée
Puisque aucune délivrance
Ne nous est jamais donnée
Mais ce soir, dans la lumière
Du bar où flotte un suspense,
Ce soir je veux le salaire
Des années d’obéissance.
Que les lois et la morale
S’effacent de mon karma ;
De se courber sous leur pâle
Mensonge, mon crâne est las.
Dans ce corps où tout s’éteint
Pour jamais n’être fécond,
Que la passion prenne enfin,
S’il reste des braises au fond.
Que le désir se rallume,
Qu’il fasse briller mes yeux,
Pour qu’ils se désaccoutument
De leur rideau vertueux.
J’en appelle aux dieux païens
Ceux qui boivent et ceux qui chantent,
Qu’ils déchargent mon destin
De la ration, de l’attente.
J’en appelle même au stupre,
Si lui seul peut délivrer
Du convenable sans sucre
Un cadavre articulé.
Et toi, frère et faux-amour,
Co-victime et co-coupable,
Vas-tu taire pour toujours
L’hypocrisie impalpable ?
Nous traversons les saisons
Main dans la main bien trop sages
Et rien dans notre prison
Ne présage un grand orage.
Mais ma voix coule ce soir,
Et mon cœur te téléphone,
Je respire dans le bar
Des instances qui frissonnent.
Et si tu ne réponds pas,
Si rien en toi ne s’éveille,
Parce que mon cœur est las
Des jours aux autres pareils,
Tu prendras tout seul le train,
Et dans la nuit qui appelle,
Coupable de ton chagrin,
Je chercherai l’étincelle.
–