Les pépins de la pomme – (Susanne Derève)

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Tu manges les pépins de la pomme
et moi je les enterre
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avec la poule qui picore
l’agneau de lait
le sabot du cheval
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l’héliotrope et l’éphémère
le rayon de la ruche
le chant des cathédrales
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Je n’emporte dans ma musette
que ce rêve de toi
que je sème à tous vents
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un morceau de nid d’hirondelle
et l’œil affolé du faon
ce frisson de feu sous l’échine
sa course fauve à travers champs
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Yehuda Amichaï – L’endroit où nous avons raison

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A l’endroit où nous avons raison
ne pousseront pas les fleurs
du printemps.
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L’endroit où nous avons raison
est piétiné , hostile
comme le monde extérieur.
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Mais comme des taupes et les labours
les doutes et nos amours
rendent le monde friable.
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On entendra un murmure
s’échapper de la maison
qui a été détruite.
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Le baiser de la poésie
24 poèmes d’amour de
Yehuda Amichaï * et Ronny Someck
Revue LEVANT
traduit par Michel Eckhard Elial
* poète israélien (1924-2000)
Rafales d’ailes, mains négatives – ( RC )
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Rafales d’ailes, froissant les airs.
Aquarelle délavée où serpente une fumée…
Un instant fugitif, promis à l’oubli.
Une peinture dans l’obscur,
L’intimité close, de la grotte,
Des chevaux superposés, galopent .
Les millénaires s’entassent .
La mouvance des airs,
passe en surfaces.
Une peinture dans l’obscur,
Et le geste de l’homme, déposé ,
Celui marquant la présence.
Message des mains négatives,
Empreintes,
Charbons de bois.
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RC – mai 2015
Au bord de l’aquarelle – (RC )

aquarelle: William Turner – Venise
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Les couleurs transparentes se posent,
Et laissent les reflets en papier blanc,
Il faut les contourner,
Pour que la caresse de l’éclat
De la lumière,
Prenne tout son sens,
Et que le ciel éblouissant,
Se tienne à distance,
Des eaux tranquilles,
Et des palais de Venise.
Le coeur se serrerait
A oublier ce paysage,
Saisi dans un instant,
D’un crépuscule,
D’un soleil sanglant.
Et le vent,
Echappé d’une bouche noire
Resterait palpable,
Presque,
Au dessus des navires,
Approchant du port…
Chaque détail, accrochant la lumière,
Reste ici, inscrit
Il traverse notre regard,
Comme celui du peintre,
Et nous parvient dans une aube nouvelle,
Un coin de la mémoire,
Une vague suspendue,
L’ombre des pins,
Superposée à elle-même,
Lovée dans le perpétuel
Mouvement du temps …
…Au bord de l’aquarelle.
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RC- janvier 2014

aquarelle John Singer Sargent – Venise: Ponte San Giuseppe di Castello 1903
Anna Niarakis – Atterrissage

peinture: aquarelle 22, de Annik Reymond, voir son site:
Atterrissage
Moi. Que la pluie.
Restée à tordre cigarettes
la solitude sous une
lampe de la municipalité.
Brisée.
Goutte à goutte à passer
de l’inexistence
A la lumière de dôme
puis à nouveau dans le néant.
Chaque fois que les nuages sont pressés
secrètement dans le poussage de la nuit
je recherche anxieusement d’une lampe brisée.
Avec l’espoir de me revois
briller faible, dissoute
dans un passage éphémère
avant l’atterrissage.
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Réminiscences ( la complainte du phoque en Alaska) – (RC)
Réminiscences
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Il reste Ce qui reste de nostalgie quand la danseuse, tourne, et tourne,
et tourne encore sur elle –même.
Ce couvercle ouvert de la boîte à musique qui multiplie la mémoire entrebaillée
des instants précieux. « Et Qu’çà nvaut pas la peine de laisser ceux qu’on aime,
pour aller faire tourner des ballons sur son nez… »
Il reste toujours quelque chose du geste de ta main.
Il reste ton regard incrusté dans le mien,
plus dru que je pourrais jamais en faire écho sur ma toile.
Il me reste plus qu’un bout du jour, pour voyager avec ta barque d’aquarelle,
qui se dilue dans la brume, et n’arrive jamais, – au voyage immobile comme l’est ma mémoire.
Sur elle la nuit n’aura jamais de prise.
Avec la chanson d’Aubert, rêver d’une autre terre
Qui resterait un mystère… tu serais sa réalité.
Et la terre serait ronde.., si j’étais un phoque en Alaska, j’inventerais une ronde,
en emportant le jour, en emportant les vagues… et nous verrions les berges d’un pays neuf,
au lever du jour, enfin remisé du cadre…
je pourrais alors fermer le couvercle de la boîte à musique, qui me dit en ton nom
cette attente, la complainte.
« Qu’çà nvaut
pas la peine de laisser ceux qu’on aime,
pour aller faire tourner… »
RC 3 juin 2012
PS: tout le monde aura bien sûr reconnu mon rappel de la chanson de « Beau Dommage », écrite par Michel Rivard… l’aquarelle ci-dessous est de Martine Bernier.
Inspiré du dernier post de Nath: « le fond de la coupe »
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Claude Esteban – l’œil est au centre et chaque chose est juste
L’œil ne connaît pas
l’œil, il est
au centre et chaque chose devant lui
est juste et se confirme, l’œil
ne regarde pas, il sait
d’abord et comme il sait, il voit
il trébuche, tout
près,
sur l’invisible. »
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extrait de
Étranger devant la porte (I. Varitions), Claude Esteban, Farrago / éditions Léo Scheer, 2001, p. 31.
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