Rythme, lignes, thème et variations – ( RC )
peinture H Matisse
Une pulsation persiste,
malgré soi.
C’est un motif répétitif,
comme celle de ces frises
Sur le fronton des temples grecs,
mais qui s’offre quelques détours .
Le battement d’un coeur
Que l’on oublie,
Une basse continue
sur laquelle la trame
de la symphonie concertante
prend tout son appui.
Un rythme régulier,
qui se fond dans l’arrière-plan,
– métronome contrebasse,
soutenant la cantate,
dont on devinera le centre
en tendant mieux l’oreille.
Un ange parcourt les firmaments,
on peut suivre son échappée,
( pas le froissement des ailes ) ,
qui pourtant décrit
l’envolée de ses courbes,
Elles s’appuient sur le ciel .
Ainsi les arabesques
dessinées dans la couleur,
ou les spirales enroulées,
jouent chacune de leur accord,
avec l’évidence d’une danse
dans les tableaux de Matisse.
Le temps est une aire indéfinie,
qui s’étend sur la toile :
points et surfaces
relient les lignes entre elles….
Thème, fugue et variations,
Mélodie et contrepoint.
Vois comme le coeur
est, lui-aussi, une musique !
Son battement
est celui d’un tempo,
transformé en courant,
en cascades:
Le flux d’un ruisseau,
inscrit ,
en lettres invisibles,
sur chaque page,
de la partition , son rythme
se combine aux autres:
Une grande portée,
la mesure de la vie :
Une passacaille où le sang
donne le sens:
Celui qui permet de mieux respirer
la couleur des choses.
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RC- juin 2015
C’était une mazurka – ( RC )

photo NF
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Je me souviens de la musique
Et ta tête penchée sur le clavier.
Les mains ont déserté les touches d’ivoire,
Elles se sont ternies au voyage des ans.
Les cordes fatiguées, sont une harpe
Assourdie de toiles d’araignées.
Les mélodies que tu jouais,
Ne renvoient plus de reflet
Elles sont été mangées,
Par l’ombre du piano noir.
Juste, le concert des étoiles,
Me chante encore tout bas,
Leurs volutes et les arabesques,
Naissant sous tes doigts.
Je me souviens de la musique
Et ta tête, penchée , au-dessus de moi …
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RC – sept 2014
Là , où s’accrochent les lointains sur la toile … ( RC )
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Il est une joaillerie fragile,
Suspendue aux fils,
Toujours bien peignés,
De la toile d’araignée
Ce sont des gouttes pour décor,
Des perles de colliers lisses,
Qui, lentement s’épavorent,
Quand la journée glisse,
En arabesques changeantes,
Les insectes au vol léger,
Viennent alors s’y piéger,
Car la toile est transparente…
Et si c’est une autre toile,
Qui piège le paysage,
Ses étés et ciels d’orage,
Et des myriades d’étoiles.
Par petites nuances
Le tourbillon des doigts lestes
Où de grands gestes,
Soudainement dansent,
Quelques pas de lumière,
Accrochés sur les pourpoints,
Et habits de satin,
L’embarquement pour Cythère…
Nous entrons dans un monde imaginaire,
Emportés dans une aventure,
Où s’affrontent les couches de peinture,
Le cheminement du regard s’y perd,
Jusque dans les aires lointaines
Les miroirs des eaux croisent les jours.
Où , portés, par des ailettes, de jeunes amours
Traversent une perspective incertaine….
Tous ces personnages, ensemble
Se promènent comme dans un parc,
Tandis que l’on embarque .
Et l’eau se ride, et tremble…
> Laissons partir ce vaisseau,
Jusqu’au bout du monde,
Où les couleurs se fondent,
Et aussi …. les coups de pinceau .
Chaque regard est neuf ; aucun n’est usé,
La peinture, a traversé le temps,
Même à travers quelques instants,
Accrochés au musée.
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RC – juillet 2014
A la surface, où le silence se fracasse – ( RC )
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Le soleil rebondit,
Quelque part,
Après les brumes,
Et s’infiltre avec peine,
Au milieu des branches,
Encore vides.
Les feuilles naissantes,
Attendront encore,
L’explosion de l’ivresse
L’eau a son reflet , mat,
Mordue par la glace,
Tu peux te risquer, à sa surface ,
Où le silence se fracasse,
En ombres effilées,
Extraites des pliures du matin,
Quand l’heure stagne,
Sur les tiges frêles, prisonnières de l’étang.
Le verre cathédrale,
A déjà son réseau de fêlures,
Lézardes en ricochets
Certaines sont dûes,
Aux cailloux qu’on y a jetés,
Et qui sont restés posés,
Comme un défi aux fonds soyeux,
Où tout s’enfonce dans une vie secrète.
Tu serais comme une pierre,
Figé de froid,
Même sous ton lourd manteau,
Et seul le regard mobile,
Se verrait chercher sous l’épaisseur,
A peine translucide,
Sans vraiment le vouloir,
Des mouvements furtifs, mêlés de reflets.
Le nappage répandu en couches ,
Au long des nuits, allongées de gel ,
A jeté son pont
Au-dessus de l’eau.
> Elle est la vie,
Des carpes sombres la parcourent,
En arabesques capricieuses,
Ignorant le monde clos, du dessus.
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RC – avril 2014
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Camille Lysière – L’homme dessiné
L’homme-dessiné
Cœur de nuit.
Mon Homme-dessiné étendu sur le ventre, un bras tombe du lit, le dos de la main posé sur le parquet. Il a fermé les yeux, il respire lentement, et sourit de temps en temps au gré de ses pensées. La lumière est douce et les draps sont froissés.
Les bruits du dehors nous parviennent seulement, nos halètements se sont enfin calmés. Il m’a prise comme j’aime, il m’a bercée, rudoyée, il m’a fait naître de ses mains, me transformant dans la même heure en catin, en princesse, en souillon, en sœur, en diamant palpitant.
Toutes les femmes en moi qu’il explore et visite, qu’il va chercher à coups de regards et de reins. Ou qu’il crée, peut-être, je n’en sais rien.
Je caresse ses fesses, rebondies, soyeuses, blanches. Seule surface épargnée de son anatomie. Mon Homme-dessiné a dressé sur sa peau la carte de sa vie, l’histoire de ses cris.
Je les caresse du bout du doigt, je les embrasse, je les cajole. Je les envie. Collées à lui. A jamais ses alliées. Soudées.
Du bout du doigt je parcours des volutes, des arabesques, des pétales de lys, des angles saillants, des chemins de lettres aux tracés étonnants. Il m’explique chacun, des noms curieux, exotiques et charmants, des chemins tortueux, des désespoirs en noir et gris. Il me parle de lui.
J’écoute, fascinée, son parcours meurtri, et aussi ses espoirs, ses envies, ses forces, ses fragilités, son mépris, son respect. Mon Homme-dessiné se tourne sur le dos, me présente son ventre, tout aussi décoré. Ses tétons rosés sont percés de deux anneaux d’argent, je les chahute du bout de la langue, je les suçote et les tire un peu entre mes dents. Il rit, t’as pas fini, canaille ? Je me pose sur lui, il est chaud, il est grand. Mon Homme-dessiné aime fermer sur moi ses deux bras colorés.
Sur celui qui enserre mon épaule, une femme sirène que je ne peux jalouser, qui pourtant passe sa vie au chaud tout contre lui. Un étrange serpent, son œil au ras du mien quand je pose la joue contre ce large torse. Et puis les trois singes de la sagesse, assis sur sa clavicule. Pour être heureux, ma princesse, ne pas tout entendre, ne pas tout voir, savoir se taire…
Et tu es heureux, toi ? Il ne dit rien, il me serre un peu plus, il caresse mes cheveux. Je ne sais pas, je suis bien, là, parle-moi, encore, encore, parle-moi, je veux ta voix.
Cœur de nuit, cœur de vie. Mon Homme-dessiné au matin va partir. Tracer d’autres sentiers, mener d’autres combats, me revenir parfois, blessé ou triomphant.
Mon Homme-dessiné, troublé, troublant.
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Ce texte est extrait du blog de Camille Lysière
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