Michel Foissier – hombres dans l’ombre des révolutions

hombres dans l’ombre des révolutions
il construit une échelle de bois blanc
une volée de marches pour voler à nouveau
escalier qui porte à la porte des femmes
chambre où se découvre le pot aux roses de la mémoire
aveugle écossant des images de papier glacé
ses doigts révèlent des héroïsmes de soldats de plomb
il rêve de ce miroir obscur où se reflète une étoile
araignée d’argent dans la gourmandise de sa toile
chapeau de feutre visage de plomb
il est cousu dans un linceul de silence
et puis dans la douleur d’un petit lit de fer
chemise tachée de sang
avec lui nous tombons la face contre le mur
dans le pressentiment du petit jour
Le baiser de la femme araignée – ( RC )

C’est une femme aux mille ressources,
qui vit au sein de la peinture,
sous les couches de couleur…
Nous prend-elle dans sa toile,
nous enrobant de caresses drues,
où virevoltent les pinceaux ?
De la plage, la sérénité
des jours d’été semble s’éloigner.
Nous serons à notre tour
ce corps fragmenté
se débattant sous les vernis
et les baisers
de la femme araignée…
( réponse à un écrit de Louba Astoria sur Wilhem DeKooning )
Alda Merini – vide d’amour
détail de peinture Sainte Ursule, c. 1650 Zurbaran
de Vuoto d’amore,
J’ai aimé tendrement de très doux amants
sans que jamais ils n’en sachent rien.
Et sur eux j’ai tissé des toiles d’araignée
et je fus la proie de ma propre matière.
Il y avait en moi l’âme de la catin
de la sainte de la sanguinaire et de l’hypocrite.
Beaucoup ont donné un nom à ma façon de vivre
et je fus seulement une hystérique.
Federico Garcia Lorca – songe – mai 1919
Mon cœur repose auprès de la fraîche fontaine.
(Remplis-la de tes fils
Araignée de l’oubli.)
L’eau de la fontaine lui disait sa chanson.
(Remplis-la de tes fils
Araignée de l’oubli.)
Mon cœur réveillé redisait ses amours.
(Araignée du silence,
Tisse-lui ton mystère.)
L’eau de la fontaine, sombre, l’écoutait.
(Araignée du silence,
Tisse-lui ton mystère.)
Mon cœur tombe en roulant dans la fraîche fontaine.
(Mains blanches, lointaines.
Retenez les eaux !)
Et l’eau l’emporte, chantant d’allégresse.
(Mains blanches, lointaines.
Rien ne demeure dans les eaux !)
Federico GARCIA LORCA « Anthologie poétique » (Chariot)
Zareh Chouchanian – Tu cherches quelqu’un dans le miroir
Je suis perdu dans un bois
Fait de pierre
De gens et de chair
Je suis ligoté dans un filet
Fait d’amour et de tendresse
Où je suis l’araignée
Et la mouche
Je pensais que je pouvais courir
Je pourrais voler
Je pensais que je pouvais mourir
Mais je ne pouvais pas
J’ai oublié qui je suis
Comment j’étais
Là où j’étais
De là où je suis
J’ai oublié de temps en temps
Maintenant, j’ attends
Que quelque chose se passe
Que quelqu’un arrrive
Pour me rappeler
Pour retrouver
Un nom
Un visage
Un endroit
Il n’y a rien
Tout est pareil
L’heure
L’espace
Juste un miroir plat.
Pour m’aider à sortir
Rien ne sera
Rien ne peut
Je ne vis pas
Je ne peux pas mourir
Je ne peux que crier
Pleurer
De plus en plus fort
Qui suis-je ?
–
LOOKING FOR SOMEONE IN THE MIRROR
I am lost in a wood
Made of stone
People and flesh
I’m tied up in a web
Made of love and tenderness
Where I am the spider
And the fly
I thought I could run
I could fly
I thought I could die
But I couldn’t
I forgot who I am
How I was
Where I was
From where I came
I forgot now and then
Now I’m waiting
For something to happen
Someone to come
To remind
To re-find
A name
A face
A place
There’s nothing
All the same
Time
Space
Just a plane mirror
To help me get out
Nothing will
Nothing can
I don’t live
I can’t die
I can only shout
Cry
Louder and louder
Who am I
–
Henri Rode – Le monstre
LE MONSTRE (fragment)
« Je vois le monstre de préférence (et c’est toujours ici de préférence qu’il s’agit) dans l’objet, le légume, le résidu dont on a su d’abord tirer usage, le fruit pressuré et la montre écrasée, pour les rejeter ensuite dans un coin où l’objet, le fruit, la montre, etc., poursuivent leur existence inutilisable.
Prenons ce tas de pelures d’oignons roux laissé au milieu du fenil apparemment oublié de Dieu et des hommes, une humble toison à peine dorée d’un rayon et qui ne donne au préalable aucune impression de protestation ni même d’existence, qu’un distrait pourrait fouler aux pieds, une araignée traverser sans risque, un balai balayer sans remords. Je songe : trop facile de te passer de toi pour expliquer. Et c’est pourquoi je repasse. Je ne veux pas donner dans le panneau.
C’est au contraire avec un grand souci de sympathie que je me penche sur le tas de pelures. Je les fouille, les sens, des monceaux de vers doivent les travailler mais ici mon observation est courte. Je pourrais expliquer la larve plus l’éclosion sans aboutir à aucune satisfaction personnelle. Chercher une ressemblance n’est jamais le fait du hasard mais d’un besoin intérieur, d’un rassurement dirai-je.
Pour me rassurer quant à la destination de ces pelures prêtes à se dissoudre en poussière, il me faut une expérience neuve et définir pourquoi, pourquoi ? Chaque fois que je passais près du tas et quel que fût mon état d’absence une tristesse incompréhensible me prenait, pourquoi tout déchet, tout objet délaissé dans un coin ne me semblait jamais tout à fait fini ni inutile, et pourquoi en fin de compte mon utilité au jour ne me paraissait ni plus certaine ni plus étonnante que celle du moindre objet, pour peu que je descende aux sources de la création. »
Henri RODE in « Cahiers du Sud » n° 293 (1949)
Jean-Gilles Badaire – L’atelier
–
L’Atelier
Bien d’autres y verraient la forge du vent, le ventre du chaudron, l’irréconciliable,
mais non plutôt l’odeur des roues dans la neige et les efforts calleux.
Je vis dans ce marécage aux accents roux et mauves d’un au-delà de magicien.
La peinture est collée contre les vitres, le ciel est d’araignée,
les pots attendent qu’un maelstrom interne les habite.
Et la pensée ravaude le moindre effet du réel.
J’absorbe jusqu’à l’étouffement les torpeurs des goudrons et des graisses
et les restitue ainsi mouillées sur la toile d’or et de lin.
La mort dort certainement ici.
Les ongles noircis.
J-G. BADAIRE
L’alphabet des métaphores – ( RC )
–
Ecoute le tressage des abeilles
Le bourdonnement de la ruche,
L’alphabet des métaphores…
Je dois contempler la lumière ,
M’agenouiller pour regarder
Les gouttes d’étoiles prisonnières d’une toile d’araignée,
Après avoir suivi des cours d’eau
Leur course étalée comme les doigts
Ou les nervures d’une feuille sur le sol,
La palette du ciel abrite toutes les nuances du vent
C’est un haut clocher,
On ne peut pas l’atteindre sans s’arracher au sol
Et les strates empilées des terres et rochers
Une colline est une voix à l’intérieur ,
Les arbres essaient d’en saisir les mystères,
En creusant plus profond encore,
Et dialoguent avec l’appel des saisons.
Peut-être y a-t-il beaucoup à lire,
Sous l’écorce de la matière,
Les nuances de l’écriture qui y est cachée,
Passent de l’anthracite à l’ivoire,
En ne négligeant aucune couleur de l’arc-en-ciel.
–
RC- mars 2015
Ticket pour un monde meilleur – ( RC )
–
Il faut entrer à pas feutrés,
Ne pas faire craquer
Les marches d’escalier,
Nous n’avons pas de ticket …
L’entrée est surveillée
Par des hommes aux aguets.
Dans ce monde meilleur,
Pas de resquilleurs !
On les dit , de confiance,
Des sortes de cerbères,
Marqués d’arrogance.
On y voit Saint-Pierre,
C’est le gars musclé,
Une sorte de magicien,
Celui qui a les clefs,
( c’est lui le gardien),
Voyez comme qu’il se morfond !
Il prend racine comme l’arbre,
Les yeux au plafond,
Dans sa robe de marbre,
Dressé contre une colonne,
Pour y prendre appui,
Faut dire qu’il n’a vu personne,
Et cultive son ennui.
Et il y a Saint Paul,
Posé tout de guingois,
Dressé sur ses guiboles,
A lire le mode d’emploi,
Du parfait prieur,
Réglant les destinées,
( à apprendre par coeur),
Cà, vous l’aviez deviné…
N’étant pas très concentrés,
Sur leur mission,
On voit au fond, l’entrée,
– ce qu’on appelle une omission –
Et personne pour donner l’alerte,
…..Je vous assure
Que la porte est grande ouverte,
Les clefs ne rentrent pas dans la serrure,
Entre la foi et le doute,
Il y a si longtemps,
Que nous sommes en route,
Personne ne nous attend,
Après ce long voyage,
Qui nous aurait dit,
Qu’après ce carrelage,
S’ouvrait le paradis ?
C’est peut-être bizarre,
Mais, au terme de notre mission,
– c’est sans doute dû à notre retard –
J’ai une drôle d’impression…
Non mais sans déconner,
On ne voit pas de nonnes,
Cet endroit est-il abandonné ?
On ne voit personne …
Nous sommes les heureux élus,
…. Pas de remords…
On entre ici, et on ne sort plus,
Ce qui se passe dehors,
Maintenant, on s’en fiche !
Vois donc les statufiés,
Collés dans leur niche,
( Que leur nom soit sanctifié !).
Bon, ça manque de confort….
Je verrais bien un peu d’rénovation,
Le ménage n’est pas leur fort..
Les saints manquent d’ambition.
Faut dire que les prières,
Les ont un peu éloignés,
Des choses de la terre,
Ce qui plaît bien aux araignées.
Ou, je sais, c’est un détail,
Il faut pas trop s’en faire,
Les pieds en éventail…
Déjà nous avons évité l’enfer,
Et nos gardiens, même avec des habits mités,
Ou vieux comme ceux d’Hérode,
On voit qu’ils sont ici, pour l’éternité,
Avec leur tenue passée de mode.
Maintenant, dans ce lieu,
Qui ressemble à un couvent,
On dit …..que c’est la maison de Dieu,
On va le croiser – c’est pas si souvent …!
Nous en sommes déjà fiers,
Cela nous conviendrait
Même à se laisser couvrir de poussière,
Dans le file d’attente, s’il faut un ticket .
–
RC- sept 2014
Repères , sans repères ( RC )
Hop, c’est un signe. Il faut avoir l’oeil attentif pour le voir.
Sur un poteau banal, une petite pancarte jaune, autocollante.
On n’y fait pas attention.
Et quelques jours après, c’est la même chose le même signe, à un autre endroit.
Puis un autre, et, cela semble se multiplier, au hasard des parcours.
Sans explication.
Un jeu de pistes , un clin d’oeil jaune, oui, mais vers quel but ?
Peut-être observe-t-on mes parcours, et quelqu’un marquerait mes étapes, indiquerait sur le plan mes allées venues, mes haltes obligées : au carrefour, au passage piéton, à la papeterie, au magasin de fruits et légumes, à la station service, que sais-je ?
Ce serait un réseau indiqué sur la carte, on relierait les points et ça dessinerait quelque chose. Une géométrie, une figure dont je dessinerais le contour, en remarquant ces étapes. Ou bien des signes de reconnaissance, entre initiés, s’affirmant, toujours plus nombreux, jouant sur l’effet de foule, ….un complot qui se trame.
Une toile d’araignée qui s’étend,…
Et ces signes… dissimulés derrière leur banalité…
Sans itinéraire défini, un peu comme des yeux,
Qui scrutent, posent des questions de leurs yeux jaunes , mais sans les poser.
Peut-être suis-je le seul à les voir ?
Mon esprit abandonné à la pénombre, sans repères.
–
RC – 11 octobre 2013
–
Ariane n’a pas laissé de fil ici ( RC )

fil d’Ariane – voir l’article très instructif sur le mythe d’Ariane… (mythe et symboles)
–
Je tire sur les fils, tendus qui traversent les esprits.
Je parcours ainsi la trame des jours,.
Ils s’approprient toutes créatures,
Et les conduisent, dirigés par ces fils,
A leur propre intérieur,
Qu’ils dévident lentement,
A chacun sa pelote.
–
Cet intérieur se tapisse, ainsi,
D’épaisseurs croisées, un cocon…
Mais ne préparant à aucune métamorphose.
Et si d’accident, la trame s’accroche
Au passage à celle d’un autre.
( C’est une rencontre, un mariage, une union)…
– cela crée bien sûr des attaches.
–
Mais, contre les « toujours », les liens se distendent,
Et le tissu, va,s’effilochant ,
Pâlit à la longueur des années.
Pour se reconstruire, d’autres filaments viennent panser les plaies.
L’araignée répare sa toile déchirée.
Elle persiste à occuper les mêmes endroits.
Ceux que peuvent emprunter ses proies.
–
Peut-être y a-t-il aussi dans nos têtes,
Ce genre de coin, que l’on calfeutre,
Pour éviter les courants d’air,
Et amortir les chocs….
Mais si on gagne en confort,
A tout occulter,
C’est aussi mieux s’isoler, du reste du monde .
–
On n’y voit plus assez,
Pour se diriger,
Et aller de l’avant
On ne sent plus les vents,
Et le passage du temps…
D’ailleurs qu’importe,
S’il avale la pelote…
–
Ariane n’a pas laissé de fil ici,
Pour retrouver la sortie….
–
RC- 17 octobre 2013
–
François Corvol – Nuit du Château
que je rentrais d’une dure journée de travail
cerné par la fatigue
je posais mon nom
au pied des marches de ma demeure
surpris d’abord de se trouver là
détaché de sa rotonde
libéré de son intrinsèque cellule
surpris et tétanisé par la liberté
comme un rapace nocturne
par la lumière effarante d’une lampe-torche
il restait là hébété
quelques secondes
puis je le vis grimper
à la manière d’un lézard
prendre le mur
ce raccourci pour la faune légère
il cherchait le trou dans lequel s’engouffrer
la cavité qui le rendrait invisible
je le vis longer la ligne du plafond
arrivé au coin
une sensation d’impasse sembla
le prendre à la gorge
l’angoisse soudaine
du mur sans cavités
de la limite et de la fin
il s’agita dès lors
et traçait des cercles
comme le font tous les êtres
qui cherchent et fuient quelque chose
sans plus vraiment savoir quoi
désespéré de le voir ainsi j’ouvris la fenêtre
et m’en éloigna
pour qu’il passe sans me voir
comme aimanté par l’air de la nuit
par la possibilité de prolonger sa vie un peu plus loin
il s’en alla
il s’en alla et je refermai la fenêtre alors
derrière lui
puis je montais les marches
ôta ce qu’il me restait
de vêtements et de bruits
je me couchais
seul enfin
cherchant le sommeil
les yeux à-demi ouverts
dirigés vers quelques aspérités du plafond
j’y aperçus une araignée
elle tissait sa toile à mon zénith
je souris
et m’endormis
Alain Bosquet – Les seins de la reine en bois tourné

peinture: R.H. Ives Gammell, Le rêve de Shulamite, 1930
LES SEINS DE LA REINE EN BOIS TOURNÉ
Les mains de la reine enduites de saindoux
Les oreilles de la reine bouchées de coton
Dans la bouche de la reine un dentier en plâtre
Les seins de la reine en bois tourné
Et moi j’ai apporté ici ma langue chauffée par le vin
Dans ma bouche la salive qui bruit et mousse
Les seins de la reine en bois tourné
Dans la demeure de la reine un cierge jaune se fane
Dans le lit de la reine une bouillotte refroidit
Les miroirs de la reine sont recouverts d’une bâche
Dans le verre de la reine se rouille une seringue
Et moi j’ai apporté ici mon jeune ventre tendu
Mes dents offertes comme des instruments
Les seins de la reine en bois tourné
Des cheveux de la reine tombent les feuilles
Des yeux de la reine tombe une toile d’araignée
Le cœur de la reine éclaté en un sifflement sourd
Le souffle de la reine jaunit sur la vitre
Et moi j’apporte ici une colombe dans une corbeille
Tout un bouquet de ballons dorés
Des cheveux de la reine tombent les feuilles
{Alain Bosquet) (1962)

sculpture mediévale: Tilman Riemenschneider, Mary Magdalene entouée d’anges1490-95, Bayerisches Nationalmuseum, Munich
Des gestes et des ombres ( RC )
Sur le tableau de la nuit,
perforent des étoiles,
qui disent les mondes
– lointains-
propices aux imaginations
Et même les euphories,
les joies et désespoirs
déploient en méconnaissance de cause
légèreté et ténèbres.
C’est un esprit vulnérable,
qui se développe aussi en corps
et voyage en solitaire
sans savoir où les gestes portent
ni qu’ils s’engluent parfois
dans une toile d’araignée
dont on n’a pas détecté la présence
au cœur de la nuit.
Il faut replier ses ailes
plonger dedans
– au dedans de soi-
pour trouver d’autres étoiles
–
RC – 2 avril 2013
–
Bluma Finkelstein – Sous les voûtes d’une cathédrale
–
Sous les voûtes d’une cathédrale, une étoile filante se laisse prendre aux fils d’une araignée :
de très bas on imagine l’histoire du ciel comme un conte de fées. Un défaut de perspective.
Les vitraux dessinent sur le plafond un paradis de lumières : ici, même en l’absence de Dieu,
on se mettrait à croire. On voudrait tellement…
Demain, le front couvert de cendres, tu iras tremper tes doigts dans le bénitier.
Comme si tout était vrai
Bluma Finkelstein – Mare Nostrum – édition en forêt – 2008
Edoardo Sanguinetti- elle est cachée (stigmate névrotique) dans ma bouche
–
1.
(et : eh !) ; elle est cachée ; et je dois dire, et je veux
(entre-temps) dire ; (et sous le coup de l’émotion) : eh ! ;
dire : eh, meine Wunderkammer ! meine Rosenfeld ! ;
(corne d’unicorne !) ; (cherchant (par exemple)
l’exaltation Vague) ;
et descendant (le 22 avril) la Rue
Royale, puis la Rue du Bois ; et je dois dire : tu es un
crabe (par insinuations) pétrifié ; et : elle est cachée
(stigmate névrotique) dans ma bouche ; (et la chose a
commencé) ; (…) ; (peut-être, vraiment) ; (précisément, je
ne me souviens pas, pas même quand,) ; et tu es un
caméléon (par inhibitions) sec ; cachée sur ma langue ;
(mais la chose) ; (…) ; (mais cette nuit, je ne la raconte
pas) (…) ; (et descendant vers la Rue de la Montagne, vers
le Marché aux Herbes, cherchant) ; cachée ainsi, à
creuser ; à creuser ici ; (eh !) ; et à creuser ici (cherchant) ;
cherchant (eh ! ici !), dans ma bouche, dans ma langue :
ce grotesque : ce grotesque triste :
il écrivit : est-il du capricorne ?
il est revenu (plus ardent qu’auparavant) ;
(c’était un fragment de conversation) ; puis il écrivit :
dans le cas où ; et au-dessus : dans le cas où LUI était
(et : dans le cas où LUI) ; et au-dessous : au cas (e : au ; et :
en ; et : n) ;
et : en tourment ; (et pour inspirer de la terreur : (du dégoût, peut-être) ;
chez les filles
aussi) ;
et le 24
février il écrivit : je ne pense plus ; parce que tu es une
mouche, une araignée (en gélatine) ; (dans un morceau,
en fusion, d’ambre) ;
P.S . en réalité il s’agissait de SAG
(et ici, eh ! ici
fait suite une longue ligne, une flèche) ; (une langue) ;
(obscène) ;
ittari ;
et : O (un savarin difforme qui finit sur la page (obscène) ;
à la page suivante) ;
je ne médite plus ; parce
qu’il écrivit ( : et tu es un théâtre anatomique) : voir E3
au-dessus de la carte (mais pense 6D, avec le Parc
d’Egmont, dans la nuit, et avec le conservatoire, et avec
l’hôtel d’Egmont lui-même, et avec tout, bref, avec
tout) ; et parce qu’il écrivit : j’écris ; (et : j’écris
encore) ; (et : j’écris moins) ;
encore moins :
Edoardo Sanguineti, Wirrwarr in La Nouvelle Revue Française, octobre 2007, n° 583, pp. 212-213. Traduit par Philippe Di Meo.
1.
(e:eh!); è nascosta; e devo dire, e voglio (per intanto) dire; (e
per emozione): eh!; dire: eh, meine Wunderkammer! mein
Rosenfeld!; (corno di unicorno!); (cercando (per esempio) l’exaltation
vague);
e scendendo (il 22 aprile) per Rue Royale, poi per Rue
du Bois; e devo dire: tu sei un granchio (per insinuazioni) petrificato; e:
è nascosta (nevrotico stigma) dentro la mia bocca; (e la cosa
è incominciata); (…); (forse, veramente); (non ricordo, di preciso,
quando, nemmeno); e tu sei un camaleonte (per inibizioni) secco; nascosta
sopra la mia lingua; (ma la cosa); (…); (ma quella notte, non la
racconto) (…); (e scendendo verso Rue de la Montagne, verso il Marché
aux Herbes, cercando) ; nascosta così, a scavare; a scavare qui; (eh!)
e a scavare qui, sempre (cercando); cercando (eh! qui!); nella mia
bocca, nella mia lingua: questo grotesque: questo grotesque
triste:
scrisse : è del capricorno? è tornato (più ardente
di prima); (era un frammento di conversazione); poi scrisse: nel caso che;
e sopra: nel caso che LUI fosse (e : nel caso che LUI); e sotto: nel
caso (e: nel; e: ne; e: n);
e: in tormento; (e per incutere
terrore: (disgusto, forse); nelle ragazze, anche);
e il 24
febbraio scrisse : je ne pense plus; perchè tu sei una
mosca, un ragno (in gelatina); (in un pezzo, in confusione, d’ambra);
PS.in realtà trattasi di SAG
(e qui, eh ! qui
segue una lunga linea, una freccia); (una lingua); (oscena);
ittari ;
e : O (una ciambella deforme che termina nella pagina (oscena) ; nella pagina
seguente);
je ne médite plus ; perché scrisse (: e tu sei un teatro
anatomico): vedi E3 sopra la carta (ma pensa 6D, con il Parc d’Egmont,
nella notte, e con il conservatorio, e con l’albergo stesso
d’Egmont, e con tutto, insomma, con tutto); e perché
scrisse: j’écris; (e: j’écris encore); (e:j’écris moins) ;
encore moins:
Edoardo Sanguineti, Wirrwarr, in Mikrokosmos. Poesie 1951-2004, 2004, Editore Feltrinelli, Collana Universale economica, 2004, pagina 41. A cura di Erminio Risso.
Ulysse est de retour ( RC )
–
Ulysse est de retour – c’est ce qu’il paraîtrait
Mais se souvient-on, encore de ses traits ?
Ou le reconnaître à quelque chose, peut-être sa bague ?
si son corps émerge un jour d’entre toutes ces vagues…
Or comme la chance tourne, aussi, les vents contraires
Permettent avec Neptune, un retour vers la terre
Contre les sorcières — des efforts insensés
Pour retrouver l’épouse, le pays ( au diable la Circé !)
Non loin d’une petite île, la mer Egée, porte son épave
La côte dentelée, chuchote un murmure, d’entre les agaves,
Les pins , les figuiers , jardin méditerranéen, de Picasso
Les fenêtres ouvertes, la terrasse blanche, et les plantes en pots.
Le voila debout, couvert d’algues marines,
Et sa cuirasse, au cuir d’auréoles salines
Entreprend, blessure oblige, une ascension lente
Glissant des cailloux, que fatigue sa pente…
En route pour sa demeure, il tient à la main
Une lance brisée, un filet d’oursins..
Le retour fera la une, il va falloir que l’on danse
————-Après de longues années d’absence.
Les animaux le reconnaissent d’abord, – têtes curieuses
Des récits du guerrier, pêche miraculeuse
Les centaures,, les nymphes et les chèvres
Chouettes et hiboux, taureaux – et même les lièvres
Ne se souviennent ni d’Hélène, ni de Troie
Mais du héros au regard lointain ( ou bien à l’étroit )
Car, bien au-delà de l’horizon des mers
Selon l’odyssée rapportée par Homère,
Il faut oublier le sang versé, et les larmes
Enterrer les compagnons perdus, et les armes.
Le repos du guerrier évoque les femmes-fleur
La paix retrouvée diffuse du bonheur, l’odeur,
Pour célébrer » la joie de vivre «
Avec Bacchus à s’en faire ivre…
Notre héros est de retour ! La célébrité !
Devant quand même décliner, son identité…
Pénélope, ses prétendants à l’amour
Ne comptaient plus ( après un tel détour)
Qu’ils puissent perdre leur pari
Et la dame, sa patience » en tapisserie »…
Qu’elle défaisait , après le jour , la nuit,
N’a pas dormi, pour mieux tricoter son ennui
L’araignée nocturne, amante pieuse, re-défait sa toile
Comme faisant des voeux, ou porter le voile,
Fait de ses semaines,une longue chaîne de patience
A refaire les gestes, les mêmes, en permanence
Mais guettant l’horizon, et sa moindre barque,
Attendant Ulysse – lui seul sait bander son arc…
–
RC 16 juin 2012
–
– ( et liens sur six oeuvres de P Picasso)
Automne du manoir – (RC)
–
C’est l’automne au manoir, et ses vitres troublées.
Le rendez-vous des fantômes et leur vie moulée
Dans les interstices des boiseries du château
Les tissus étanches d’araignées pensives
Voiles pendantes, de temps étirés
Aux tains ternis des miroirs piquetés
Et des lattes vermoulues, qui cèdent sous les pieds
Mais pas ceux des spectres, toujours attentifs
A rapporter les légendes à mademoiselle la hulotte
Qui manifeste son intérêt en secouant ses ailes
Et qu’approuve toujours un nuage de poussière
Grisaillant un peu plus les livrées des laquais
Suspendues dans l’office, seulement rafraîchies
Par la pluie qui s’infiltre à travers la toiture effeuillée
Et la porte dégondée, qui baille au passage
Sur les malles ouvertes aux cuirs affaissés.
——–Négligence coupable du personnel de service
Qui a laissé se voûter, la splendeur des pourpoints olive
Les perruques poudrées d’une époque , sans plus avoir
Sur la glace, de la cheminée de style, un humble reflet.
Le parc à l’ordonnancement sarcastique
Et symétrique , les allées encombrées de ronces
A fini par renoncer aux mathématiques
Clos par sa haute grille, – et scellé par le temps.
RC 11 avril 2012
–
Pablo Neruda, – ce présent
Pierre Clavilier, dans une page consacrée à Pablo Neruda, nous livre sa traduction du texte du poète
Ce
présent
lisse
comme une planche,
frais,
cette heure,
ce jour
propre
comme une coupe neuve
– du passé
pas une
toile d’araignée –
nous touchons
des doigts
le présent,
nous en taillons
la mesure,
nous dirigeons
son flux,
il est vivant
vif,
il n’a rien
d’hier irrémédiable,
d’un passé perdu,
c’est notre
créature,
il grandit
moment, le voici portant
du sable, il mange
dans notre main,
attrape-le,
qu’il ne nous file pas entre les doigts,
qu’il ne se perde pas en rêves
ni en mots
saisis-le,
tiens-le
et commande-lui
jusqu’à ce qu’il t’obéisse,
fais de lui un chemin,
une cloche,
une machine,
un baiser, un livre,
une caresse,
coupe sa délicieuse
senteur de bois
et d’elle
fais-toi
une chaise,
tresse
un dossier,
essaie-la,
ou alors
une échelle!
Oui,
une échelle,
monte
au présent,
échelon
après échelon,
assure
tes pieds sur le bois
du présent,
vers le haut,
vers le haut,
pas très haut,
assez
pour que tu puisses
réparer
les gouttières
du toit,
pas très haut,
ne va pas au ciel,
atteins
les pommes,
pas les nuages,
eux
laisse-les
vagabonder dans le ciel, s’en aller
vers le passé.
Tu
es
ton présent,
ta pomme:
prends-la
de ton arbre,
élève-la
sur ta
main,
elle brille
comme une étoile,
touche-la,
mords dedans et marche
en sifflotant sur le chemin.
© Traduction Pierre Clavilier
titre original: Ode au présent / oda al presente, 1955
Este
presente
liso
como una tabla,
fresco,
esta hora,
este día
limpio
como una copa nueva
—del pasado
no hay una
telaraña—,
tocamos
con los dedos
el presente,
cortamos
su medida,
dirigimos
su brote,
está viviente,
vivo,
nada tiene
de ayer irremediable,
de pasado perdido,
es nuestra
criatura,
está creciendo
en este
momento, está llevando
arena, está comiendo
en nuestras manos,
cógelo,
que no resbale,
que no se pierda en sueños
ni palabras,
agárralo,
sujétalo
y ordénalo
hasta que te obedezca,
hazlo camino,
campana,
máquina,
beso, libro,
caricia,
corta su deliciosa
fragancia de madera
y de ella
hazte una silla,
trenza
su respaldo,
pruébala,
o bien
escalera!
Si,
escalera,
sube
en el presente,
peldaño
tras peldaño,
firmes
los pies en la madera
del presente,
hacia arriba,
hacia arriba,
no muy alto,
tan sólo
hasta que puedas
reparar
las goteras
del techo,
no muy alto,
no te vayas al cielo,
alcanza
las manzanas,
no las nubes,
ésas
déjalas
ir por el cielo, irse
hacia el pasado.
Tú
eres
tu presente,
tu manzana:
tómala
de tu árbol,
levántala
en tu
mano,
brilla
como una estrella,
tócala,
híncale el diente y ándate
silbando en el camino.
Jean-Pierre Duprey – IL Y A DE LA MORT DANS L’AIR
IL Y A DE LA MORT DANS L’AIR
Mon pays navigue sur un fond de mer
Je me promène dans ses jeux de vagues Sur les larmes éclatées
Les églantines sont des pirogues de verre
Mon pays est un vaisseau parti pour les étoiles
Le sang dedans maraude comme une folle
Paysage nivelé à zéro
II y a de la mort dans l’air
Mon pays est un vieux banjo de sanglots
On y joue des larmes très méchantes
Un grand poids pèse sur notre terre
II y a de la mort dans l’air
Au bout du ciel une plage de cristal
Sur un fond de mer s’affirme un pays de sang
Tout autour la boue rougie
Les plus belles morts sont de verre
A minuit sonnant, un vaisseau de marbre entra dans le port,
l’appel de ses sirènes répercuté par toutes les cloches d’alentour devint comme une révélation pour l’esprit du vagabond. On vit sortir des squelettes bancals portant l’insigne des pirates
d’Epinal. Des têtes armées de visières, des pieds torturés, des mains, des yeux sans propriétaire, les suivaient, innombrables petits chiens. Les araignées conquérantes occupèrent immédiatement la rade et pendant qu’ils pillaient les magasins, on leur construisit des baraquements de toile. Les peintres appelés en hâte teignirent en rouge les voiles décolorées du navire de marbre ; ce qui prouve que la mort va jusqu’aux pierres.
14 mars 1946