Antoine Emaz – Seul –

page blanche du ciel sans pluie qui tranche sur le noir des ardoises et tout en bas la masse des marguerites voilà la tête qui vague pas de bruit un samedi d’après-midi là on est dans la niche d’un temps sans poids sur la bascule d’une semaine faite à faire on repose se pose peu importe où dans la courbure du temps mais calme ce pourrait être encore petits carreaux dunes jeanlain baraques à frites nuits ou acacias maison rouge et blanche muscadet c’est de même tout passe en avancée lente vitesse de traîne là c’est un long buisson de fleurs jaunes et du ciel blanc (...)
Peau 2008
Ed.Tarabuste
- sur Antoine Emaz , cf article de Marie Etienne (30/11/2022) dans la revue En attendant Nadeau
- sur Jim Sévellec, peintre (breton) de la Marine voir Wikipedia
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Dominique Le Buhan – l’histoire continue des saisons

peinture Arkhip Kuindzhi
Le gris du jour, de la nuit le clair-obscur
s’unissent en l’histoire continue des saisons :
au revers de l’action, c’est être patience
que d’éprouver des heures durant leur cours :
c’est attendre de l’objet l’ombre au soleil,
savoir qu’à ce moment la chair aura l’éclat —
c’est espérer de la flamme la crue des couleurs
liées à des textures perçues sans les toucher.
Ce feu sécrète en nous le ductile espace
par les jeux du bois sec et de la cendre —
et déjà la rose d’hiver donne le blanc,
blanc repris par fleurs qui percent la neige,
puis la tulipe à son tour est la fraîcheur,
la rose avive la brique et le bleu de l’ardoise,
enfin la pivoine de son rouge touche le vert —
et le bruit de nos mots est un murmure sonore.
–
extrait des « heures inégales » ed Fata Morgana
Max Jacob – Madame la Dauphine

Madame la Dauphine
Fine, fine, fine, fine, fine, fine
Fine, fine, fine, fine
Ne verra pas, ne verra pas le beau film
Qu’on y a fait tirer
— Les vers du nez —
Car on l’a menée en terre avec son premier-né
En terre et à Nanterre
Où elle est enterrée.
Quand un paysan de la Chine
Shin, Shin, Shin, Shin, Shin, Shin
Veut avoir des primeurs
— Fruits mûrs —
Il va chez l’imprimeur
Ou bien chez sa voisine
Shin, Shin, Shin, Shin, Shin, Shin
Tous les paysans de la Chine
Les avaient épiés
Pour leur mettre des bottines
Tine ! tine !
Ils leur coupent les pieds.
M. le comte d’Artois
Est monté sur le toit
Faire un compte d’ardoise
Toi, toi, toi, toi,
Et voir par la lunette
Nette ! Nette ! pour voir si la lune est
Plus grosse que le doigt.
Un vapeur et sa cargaison
Son, son, son, son, son, son,
Ont échoué contre la maison.
Son, son, son, son,
Chipons de la graisse d’oie
Doye, doye, doye,
Pour en faire des canons.
–
extrait du « Laboratoire central » et accompagnant un lieder de Francis Poulenc
Max Jacob – Un chapeau d’instituteur

peinture: Suzanne Valadon
Du large je ne reconnais pas ma maison sur la falaise :
on l’a passée au lait de chaux.
Du bourg je ne reconnais pas ma maison sur la falaise :
on a mis de l’ardoise au lieu de chaume.
Du sentier je ne reconnais pas ma maison sur la falaise :
on a mis une grille en fer.
Et du coup mon cœur se fond,
il y a un lit de ville à la place du lit clos.
Je partirai sans vous regarder, Marie,
car sûrement vous avez des paillettes sur votre robe au lieu de broderie,
et une coiffe de poupée sur vos cheveux, effrontée !
Adieu, Marie, il y a une odeur de pipe dans la maison
et un chapeau d’instituteur sur la table.
Max JACOB « Poèmes de Morven le Gaélique » (Gallimard)
Raymond Farina – Une colombe une autre
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« De mémoire d’oiseau »
Ton gris te va à merveille
surtout quand vient le spleen du ciel
quand tu te poses sur l’ardoise
que l’averse vient d’effacer
Au milieu du grand tintamarre
tu hasardes ta cantilène
comme un infime flux sphygmique
dans l’énorme corps de la ville
À l’instant où les nappes claquent
tu as vite fait la synthèse
des miettes qu’on éparpille
avant de rejoindre les tiens
qui tout en s’ébrouant s’enfoncent
avec un discret enthousiasme
dans leur douce orgie de poussières
dans leur minuscule désert
qu’ils signeront de quelques plumes
d’empreintes à peine visibles
–
Cet « article » provient du site des éditions des Vanneaux.
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Neige sur le dos de pierres – (RC )
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Le dos de pierres
Courbé dessous
Le tas de cendres,
Et puis l’été,
Et puis la colline,
Vautrée sous le passage de l’orage.
Demeurent, parmi les restes de murs,
De la petite ruine,
Les éclats d’ardoise,
Que le feu a révélés…
Les mauvaises herbes, en tas,
Agressives,
Avaient pris possession des lieux,
Et les orties, étaient chez elles.
Sur le dos de pierres, de la voûte écroulée,
– C’était il y a longtemps,
. Et déjà le feu,
. La rumeur de la guerre,
Les maisons abandonnées,
A l’étrange été de neige sale,
Une neige de cendre,
Qui recouvrit
Aussi,
La table bleue,
> Elle n’avait pas sa place,
Sur la charrette…
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RC – 18 août 2013
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Au bouquet de l’âme (RC)
Aux bouquets, de ceux qui parfument
J’hume
Au bouquet de l’âme, je repêche à la surface
Les fleurs éparpillées par le vent de glace
Nos étoiles, sont deux parallèles de regard, qui se croisent
Sont deux langues qui s’additionnent ( et dégoisent)
Aux bouquets, de ceux qu’on croise
J’écrirai encore sur ton ardoise
Des secrets de craie si nacrés
Qu’ils portent, animals, leur sucré