Jorge-Luis Borgès – Insomnie
photo: montage perso
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Légendairement petit et lointain est désormais ce moment où les horloges versèrent un minuit absolu.
Ces six murs étroits emplis d’une éternité étroite me suffoquent.
Et dans mon crâne vibre encore cette pitoyable flamme d’alcool qui ne veut pas s’éteindre.
Qui ne peut pas s’éteindre.
Réduction à l’absurde du problème de l’immortalité de l’âme.
Trop de couchants m’ont rendu exsangue.
La fenêtre synthétise le geste solitaire de la lanterne.
Film cinématique plausible et parcheminé.
La fenêtre aimante toutes les oeillades inquiètes.
Combien m’étranglent les cordes de l’horizon.
Pleut-il? Quelle morphine ces aiguilles injecteront-elles aux rues?
Non.
Ce sont de vagues lambeaux de siècles qui gouttent, isochrones, du plafond.
C’est la lente litanie du sang.
Ce sont les dents de l’obscurité qui rongent les murs.
Sous les paupières ondoient et s’éteignent à nouveau les tempêtes brisées.
Les jours sont tous de papier bleu, minutieusement découpés par les mêmes ciseaux sur le trou inexistant du Cosmos.
Le souvenir allume une lampe:
Une fois de plus nous traînons avec nous cette rue si joyeusement pavoisée de linge tendu.
Le piano luxuriant du Tupi s’est évanoui au loin.
Le soleil, ventilateur vertigineux, élague les demeures décaties.
En nous voyant tanguer en tant de spirales les portes rient aux éclats.
Pedro-Luis me confie: – Je suis un homme bon, Jorge.
Tu es un homme bon, Jorge… ça nous passera avec une petite tasse de café.
Les yeux éclatent quand les frappent les pales du soleil.
Quel hangar abritera à jamais les émotions?
Il existe à n’en pas douter une dimension ultra-spatiale où toutes sont des formes d’une force disponible et soumise.
Comme l’eau et l’électricité dans notre dimension.
Colère. Anarchisme. Faim sexuelle.
Artifice pour nous faire vibrer sous la magie.
Aucune pierre ne brise la nuit.
Aucune main n’avive les cendres du bûcher de tous les étendards.
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Aux rêves, il n’est plus d’absence ( RC )
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Le matin tire sur la corde des rêves ;
A la lumière naissante,
Le papier absorbe l’encre,
Comme la mer vient lécher la grève.
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Si, absente en ton sommeil,
Tu voyages dans le noir,
Et s’il n’est de mémoire,
Que le vent des soleils,
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Au-delà des montagnes…,
Il n’est plus d’absence,
Je comble le vide de la distance
Comme je t’accompagne,
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Ame consolatrice
A la longue nuit
Que tu traduis
Sans artifices.
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Il reste le silence boréal
Et de tes rêves côtoyés,
Le regard déployé
Et la pluie des étoiles…
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RC – 21 août 2013
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La Sainte-Victoire d’une blancheur plissée ( RC )

peinture: Jan Jansz van de Velde III – nature morte avec verre de bière
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Le parfum,
confident de la lumière,
S’attache aux volumes des objets,
Et ceux-ci résonnent d’accords particuliers,
Posés de touches de couleur,
Frottées et qui se recouvrent,
Selon l’aube de nos regards,
Et d’abord celui du peintre.
…. une présence extraite à leur mystère,
Par un rayon de lumière,
Posée sur les cuivres,
Et les transparences des verres,
Jouant discrètement leurs feux d’artifice,
Parmi les fruits disposés là,
Presque par hasard,
Offerts au sanctuaire de leur fraîcheur,
L’écho des pommes et des oranges,
Juxtaposant leurs courbes,
A la Sainte-Victoire d’une blancheur plissée,
Crayeuse et silencieuse,
Nappe soumise
Aux ombres ovales du compotier.
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RC – 28 juin 2013

peinture: P Cezanne , nature morte aux pommes et compotier 1899. Musée du Jeu de Paume Paris
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Dernier acte ( RC )
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Au décor, le fond du cyclo
Les rideaux suspendus,
La scène , une présence en lumière
Les acteurs, éclairés côté cour
Portent leur ombre étirée, au jardin
Et de grand manteaux sombres
Les mouvements de la main
Et les gestes de l’âme
Qui rythment le destin
Celui des personnages
D’une tragédie classique
Aux visages immobiles,
Sous les projecteurs,
Celui des masques
Ne s’anime de vie
Que par les répliques
Déplacements, silences
A la succession des actes.
Lorsque la pièce s’achève,
Sous les acclamations
Et que les acteurs saluent
Ils ôtent leur masque d’artifice,
Aux spectateurs, qui découvrent
Que ceux-ci ne recouvraient que du vide…
RC – 24 juin 2012
Traces du futur en plans lointains (RC)
Si la forêt semble s’épaissir, le sentier s’étrécir
Au détour du trajet, les lieux semblent s’évanouir
La certitude tremble, et fait place aux suppositions
Les repères ,effacés par les ans, autant de questions
Qui émergent, et traquent, ce pas et le suivant
Au point de nous laisser , refrain obsédant
Une saveur trépassée, d’un mouvement sur place
Que des rubans de brume, enlacent
A la mesure du temps, aux promesses du futur
La suite des collines, semble nous offrir un mur
De perspectives basculées en escalades indécises
Qu’il faudrait qu’un grand-œuvre précise
Et nous guide, comme Ariane, sur l’étroit chemin
Ou le petit Poucet, des cailloux de sa main
Pour accomplir le destin, encore à concevoir
Qu’en partant, on n’a fait qu’entre-voir.
En parvenant malgré tout au premier sommet
Le paysage s’étale en tapis d’autres forêts
Espaces, lacs, dunes, et précipices
Se faisant suite, sans artifices
Le sommet, une colline bien basse
Au regard des horizons qu’on embrasse
Portant sur des distances insoupçonnées
Montagnes et plateaux moutonnés
Seront les futures étapes à franchir
Et peut-être laisser, pour l’avenir
Au delà d’autres monts, l’espace
Garder, provisoirement une légère trace.
RC 14- 01-2012
( variation sur « un homme sachant omettre » ) voir le blog de « les idées heureuses »
texte de R. L. Stevenson à Will H.Low…
R. L. Stevenson étant l’auteur, justement dans le contexte du voyage, de Voyage avec un âne dans les Cévennes
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A titre d’information » Ce pas et le suivant » est le titre d’un roman superbe, ne serait-ce que par sa science des mots et des phrases, de Pierre Bergounioux, cité deux fois dans mes publications précédentes. Livre au souffle fort, édité chez Gallimard.
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