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Lasse Söderberg – Petite ascension


Dans mon errance à travers le pays de l’aube, j’arrivai là où les feuilles jaunies tourbillonnent et se rassemblent enfin pour renaître. Là s’élevait un bâtiment merveilleusement élastique, sans poutre de soutènement ni rempart, une espèce de cape sans barreau, qui ne reposait pas directement sur le sol mais plissait par-dessus comme une musique bleue. Déposant mon fardeau terrestre, je restai interdit. Quels battements d’aile ! Que de cous tendus ! Que de cris verdoyants ! Un instant j’ai cru aussi me métamorphoser et m’envoler avec les feuilles et danser avec elles avant que, portées par un heureux hasard, elles viennent parer les arbres de leur chant.

extrait des « nouvelles de Thésée  » du recueil « langue étrangère » ( écrits réunis par J Clarence Lambert ) ed de la Différence


Andrée Chédid – La vie voyage


 

Lithographie Alechinsky - Under the volcano

dessin: Pierre  Alechinsky – under the  volcano

Aucune marche
Aucune navigation

N’égalent celles de la vie
S’actionnant dans tes vaisseaux
Se centrant dans l’îlot du cœur
Se déplaçant d’âge en âge
Aucune exploration

Aucune géologie
Ne se comparent aux circuits du sang
Aux alluvions du corps
Aux éruptions de l’âme
Aucune ascension
Aucun sommet
Ne dominent l’instant
Où s’octroyant forme
La vie te prêta vie
Les versants du monde
Et les ressources du jour
Aucun pays

Aucun périple
Ne rivalisent avec ce bref parcours
Voyage très singulier
De la vie

Devenue Toi

 

Andrée CHEDID « Épreuves du vivant » (Flammarion)


De l’ascension, à la mobilité des lunes – ( RC )


photographe non identifié

photographe   non identifié

Les efforts                           d’une ascension,
Où notre propre poids,     nous tire en arrière,
Enfin couronnés de succès,

Lorsque le sentier s’aplanit,
Hésite entre des rochers,
S’enfonce dans les bois,

Alors que                le ciel se raye,
Au dessus de ma tête,
De la trace blanche d’un avion,

En pointillé         entre les nuages,
Et tirant des géométries,
Ignorant obstacles et reliefs.

….  A encore haleter,
De l’air coupant de la montée,
S’il faut encore savoir,

Où poser les pieds,
Entre les pierres,
Et quelquefois les flaques,

Je peux guetter,
A quelque distance,
L’abrupt        d’une crête,

Couronnée d’une tour.
C’est sans aucun doute
Un  point de vue remarquable .

>     Un promontoire  ,
Qui est comme promesse,
Une balise ,                            posée là,

Accrochée        à mi-chemin du ciel,
Probablement     avant la descente,
Et le retour vers des zones,

Plus hospitalières.
……             Un panorama,         où le regard
Planerait lentement     au-dessus des vallées.

Mais arrivé à cet endroit,        – Juste des falaises,
dépassant d’une masse cotonneuse,
D’un paysage nappé d’épaisses brumes.

Le silence alors,       s’étendant,                  nu,
Et                        sans l’aimable courbe des vallées,
attendue,

Renvoyant                    à la mobilité des lunes.


RC –  février  2014


Eric Dubois – cendres sur l’ubac


 

relief – Jean Arp – 1932

 

De feu ma mémoire
Ne reste que cendre
Sur l’ubac
Sentiment qui ne se
Sublime pas
Que je veux fuir
Qui me saisit
Sur lequel ma conscience
Glisse et trépigne
Je rêve d’ascension
Et de lumière dans la futaie
Selon les anciens errements
Et qu’à la fenaison
Je cueille
Une violette pourpre
Pénétrante
Et secrète

 

de « Esclaves  en larmes et larves »   Eric  Dubois    « épaisseur  du temps’

 


Romain Verger- Ascension


photo: Bradford Washburn

Romain Verger,  à l’écriture foisonnante, est l’auteur  de « Grande Ourse »,  et plus récemment  « Forêts noires »,  que je recommanderai pour la richesse de la langue  et des images…

De ses parutions  « feuilleton »  de ses sept collines

C’est arrivé. D’un coup, sans douleur. Comme une dent morte extirpée d’une gencive blette. À chaque pas, la membrane gluante qui nous enveloppe se lézarde au coude et au genou, se déchire et tombe au sol en lambeaux.
Corps aimé j’étais, devenu étranger, rejeté et abandonné au jour cru, à pied d’œuvre : l’impressionnante ascension qui m’attend! Droit devant, mais jusqu’où ? C’est une cascade inversée de pâturages et de frisons ponctuée d’enrochements d’une blancheur d’os ou de meringue. Et ça monte vers la lumière, se répétant à l’infini. Un sol étagé, hérissé de séracs curieusement souples, qui appesantissent le pas. Et l’écorchée qui pèse, enroulée autour de mon cou, la tête engoncée dans ma peau pour fuir la lumière. Quand je détache le regard du sol, j’ai bien les yeux qui brûlent encore un peu — depuis quand n’ai-je plus vu le jour ? — mais elle… l’a-t-elle seulement connu ? Exposée au soleil, sa chair cramoisie ruisselle dans mon cou, d’un sang mêlé d’humeurs. Elle sue ou saigne, quelle différence ? Une caresse, une simple torsion de ma tête et la bête se liquéfie. Alors je sens ses griffes et crocs s’enfoncer dans ma peau, y fouiller pour retrouver le noir d’où nous venons.
Je monte. Je monte ébloui. La colline étincelle. Au loin, certains rochers ont des allures de villes suspendues. On y grouille et le lait de tigresse coule en abondance. Allez petite ! Accroche-toi !