Les beaux restes – ( RC )

Après les lendemains de fête,
voilà que s’apprêtent
les mains qui sortent de l’ombre
tenant un petit pot de vernis
en équilibre sur deux phalanges,
car les squelettes ont toujours envie
de vernis à ongles.
parce qu’ils ont cette coutume étrange
de pousser encore,
longtemps après la mort ;
personne n’aurait l’idée
de raboter des serres aiguisées…
Autant se faire une beauté,
( déjà la bague ne jette plus d’éclats ) :
il n’y a plus de soleil en bas,
ou bien c’est un astre noir
enfoui dans la terre,
qu’on ne peut pas voir :
Un léger maquillage
ne peut vous faire ombrage
on ne sait plus très bien si çà sert :
Oublié le rouge à lèvres
des noces funèbres !
nous nous contenterons d’un autre décor
je peindrais bien votre main en or – ,
mais les ongles en noir,
( je suis sûr
que ça entretient l’espoir…
Acceptez cet auguste geste
pour une vie future…
Vous avez de beaux restes,
je vous l’assure ! )…
Gerard Pfister – Sur un chemin sans bord (extraits)

La beauté est ce soleil couchant,
ce ciel d’hiver, rien qu’un espace blanc,
lumineux à l’horizon
de formes dérobées, cela
qui dans l’instant du plus fébrile
attachement nous sort
de l’étau, nous délivre de nous-mêmes
——
Tu croyais par les mots venir à bout du monde
mais à présent sais-tu
qu’eux-mêmes sont le monde
et que c’est peine déjà
de n’accroître l’illusion
Sur un chemin sans bord Collection Terre de Poésie
Petit astre – ( RC )
dessin J Pierre Nadeau
Je joue à cache-cache avec la nuit,
je disparais quand elle arrive,
car elle étend des draps noirs,
pour que la terre se repose.
Moi, je continue de l’autre côté
sans jamais me lasser,
Vénus et les autres voudraient s’approcher,
et se dorer à mes rayons,
mais comme on le sait les planètes
attendent qu’on les invite,
et patientent sur leur orbite ,
à chacun leur tour .
Ça fait partie du protocole,
que chacun reste à sa place
car jamais je ne m’ennuie
ni ne me lasse
car mes voisins de galaxie,
m’envoient des messages codés.
Je ne sais jamais trop où ils sont
car l’espace se distend :
quelques années-lumière,
le temps que leur message arrive,
il faudrait que j’étudie leur trajectoire,
en tenant compte des trous noirs.
C’est beaucoup trop me demander,
Je me contente de rayonner,
et de plaire à ces dames:
je joue de toutes mes flammes,
tire des traits entre les étoiles
( c’est déjà pas mal ) !
Pas trop loin il y a la terre ;
– je ne fais pas mystère
de mes préférences – ,
alors je lui fais quelques avances,
bien qu’une lune soit sa voisine,
mais à part quelques collines
elle est plutôt déserte,
aussi c’est en pure perte
qu’elle étale des cratères,
qui franchement manquent de caractère:
( une sorte de boule de poussière
qui ne devrait pas beaucoup lui plaire ).
Par contre sur ma planète, je vois et des prairies,
des fleuves, des fleurs et des forêts,
dès que je suis levé, je fais des galipettes,
je dors quand j’en ai envie,
et tire une couverture
en ouates de nuages .
Mon voyage est silencieux,
il illumine tout ce qui se trouve
sur son passage ,
et je prends un certain plaisir
à lancer des rayons
vers ce qui semble être vide .
Rien ne se perd pourtant,
car j’en reçois d’autres
qui me parviennent .
Le temps n’a pas d’importance.,
il se recourbe, ainsi , à chaque fois
je renais à l’infini…
–
RC – avr 2019
Catherine Pozzi – Nova
Dillon Samuelson – everything Happens to Someone
Dans un monde au futur du temps où j’ai la vie
Qui ne s’est pas formé dans le ciel d’aujourd’hui,
Au plus nouvel espace où le vouloir dévie
Au plus nouveau moment de l’astre que je fuis
Tu vivras, ma splendeur, mon malheur, ma survie
Mon plus extrême cœur fait du sang que je suis,
Mon souffle, mon toucher, mon regard, mon envie,
Mon plus terrestre bien perdu pour l’infini.
Évite l’avenir, Image poursuivie !
Je suis morte de vous, ô mes actes chéris
Ne sois pas défais toi dissipe toi délie
Dénonce le désir que je n’ai pas choisi.
N’accomplis pas mon jour, âme de ma folie, —
Délaisse le destin que je n’ai pas fini .
le spectre visible de la lumière – ( RC )
photo: Will Tenney
Bien sûr, nous respirons le jour
comme nous buvons l’eau .
La lumière s’est extraite de la nuit,
( ainsi une fleur éclose ) .
Le noir n’en est plus un,
et garde simplement une présence,
ramassé derrière les objets:
prêt à tout envahir
lorsque le soleil clignote,
ou s’étouffe sous le tissu des nuées.
Notre astre est seul et sans pensées,
sans concurrence immédiate,
il peut en prendre à ses aises
et nous faire transpirer,
s’il est suffisamment haut
d’autant plus proche
de la verticale de l’horizon,
fait se tourner les ombres
qui semblent le fuir,
– comme si elles le craignaient…
Les cadrans peuvent donner l’heure,
car on sait, ( sauf persistance des brumes ),
que les rendez-vous avec lui sont ponctuels:
sa trajectoire varie peu.
Les ombres vont donc dans le même sens.
Elles ne réfléchissent pas,
– contrairement aux eaux –
elles concentrent un peu d’obscur,
déportent ailleurs la forme des objets
auxquels elles sont attachées.
Il y en a même qui ont appris,
– dans leur fuite –
à descendre les escaliers,
mais il est rare quelles aillent très loin :
C’est qu’elles ont peur de se perdre
et de se dissoudre dans d’autres formes,
ou dans l’indéfini.
Elles restent légères,
encore davantage que la cendre ;
malgré leur opacité, et à jamais insaisissables.
C’est comme l’envers d’un décor :
le spectre visible de la lumière,
qu’on ne peut pas annuler .
RC- sept 2017
Un corps à l’épreuve – ( RC )
Montage perso 2016
Il y a quelque chose du désert,
là où tout s’arrête,
et même la mer,
coupée en deux,
se dresse, immobilisée.
Passé par le chas des ténèbres,
le corps reste extérieur,
une paroi invisible se tend
entre les espaces ;
Je n’arrive pas à les franchir .
Est-ce un astre noir,
qui absorbe la nuit entière,
et la défait ?
Le monde s’est échoué
à portée de main .
Mais c’est encore trop loin :
mes bras ont beau s’étendre ,
ils ne touchent rien.
Comme la parole dite : elle
se fige sur place, même avec un porte-voix .
–
RC – juin 2017
incitation: une création d’ Anna Jouy
Catherine Pozzi – Vale
peinture aborigène: Clifford Possum 1997
–
La grande amour que vous m’aviez donnée
Le vent des jours a rompu ses rayons —
Où fut la flamme, où fut la destinée
Où nous étions, où par la main serrée
Nous nous tenions
Notre soleil, dont l’ardeur fut pensée
L’orbe pour nous de l’être sans second
Le second ciel d’une âme divisée
Le double exil où le double se fond
Son lieu pour vous apparaît cendre et crainte,
Vos yeux vers lui ne l’ont pas reconnu
L’astre enchanté qui portait hors d’atteinte
L’extrême instant de notre seule étreinte
Vers l’inconnu.
Mais le futur dont vous attendez vivre
Est moins présent que le bien disparu.
Toute vendange à la fin qu’il vous livre
Vous la boirez sans pouvoir être qu’ivre
Du vin perdu.
J’ai retrouvé le céleste et sauvage
Le paradis où l’angoisse est désir.
Le haut passé qui grandi d’âge en âge
Il est mon corps et sera mon partage
Après mourir.
Quand dans un corps ma délice oubliée
Où fut ton nom, prendra forme de cœur
Je revivrai notre grande journée,
Et cette amour que je t’avais donnée
Pour la douleur.
Del gran amor que tú me habías dado
El viento de los días los rayos destrozó —
Donde estuvo la llama, donde estuvo el destino
Donde estuvimos, donde, las manos enlazadas,
Juntos estábamos
Sol que fue nuestro, de ardiente pensamiento
Para nosotros orbe del ser sin semejante
Segundo cielo de un alma dividida
Exilio doble donde el doble se funde
Ceniza y miedo para ti representa
Su lugar, tus ojos no lo han reconocido
Astro encantado que con él se llevaba
De nuestro solo abrazo el alto instante
Hacia lo ignoto.
Pero el futuro del que vivir esperas
Menos presente está que el bien ausente
Toda vendimia que él al final te entregue
La beberás mientras te embriaga el
Vino perdido..
Volví a encontrar lo celeste y salvaje
El paraíso en que angustia es deseo
Alto pasado que con el tiempo crece
Es hoy mi cuerpo, mi posesión será
Tras el morir.
Cuando en un cuerpo mi delicia olvidada
En que estuvo tu nombre se vuelva corazón
Reviviré los días que fueron nuestro día
Y aquel amor que yo te había dado
Para el dolor.
Versión de Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán
Armand Robin – Testament dans la nuit
image :montage RC
Moi, Constantin, fils de Constantin,
En Espagne nommé maître Ildefonse,
Sans être d’intègre esprit,
J’écris un testament à la lueur des bougies.
Des phalènes sous mes yeux tournent près des bougeoirs
Ils frissonnent et mes doigts ont des frissons ;
Au maître qui créa les bougeoirs je lègue donc
Les nuits de juin avec tous leurs papillons.
Qu’un jour par hasard le traîne le cafard,
Parmi les rues il étendra sa marche le soir,
Sans retard sur les vérandas tourneront les papillons noirs,
Sur le gazon, les boules bleues s’éteindront sans retard.
Il verra les phalènes, visages sur fumée d’or,
Il posera son pas, de mon nom prendra mémoire.
Aux poètes de ces jours et des jours à venir
Je lègue mon poêle de faïence
Avec son intime feu d’idées, de mi-idées,
Autrement dit de bagatelles pas dignes qu’on les allume,
Et je leur lègue mon encrier, cette pleine lune
Que me vendit un marchand tzigane.
Qu’un jour par hasard en des ans différents,
Tel moi-même cette nuit haussant ma voix,
Ils aillent déployant papiers et parchemins
Et sanglotant : « Éterniser la nuit! Comment? »,
C’est moi qui gratterai dans le cri de leurs plumes,
Ce sera moi dans leurs danses, lascivités vers les nuées,
Car dans la nuit j’ai tellement promurmuré, démurmuré
Que je connais jusqu’à l’abîme les partitions de la nuit.
A ma fille Kira, qui danse,
Je lègue le septième firmament
Avec séraphins par tout terzo s’agenouillant,
De très hauts « pas un mot, a, des lueurs sans clarté
Et toute chose naturelle, comme coffre à secrets.
Qu’elle y apprenne ses ballets !
A mon ami Théo, pour quand pleut le crépuscule sur la ville,
Une ruelle pas entamée pour y marmonner
Et même un certain portail du quartier Leazno
Avec un Neptune de fer forgé.
Hélas! il est parti dégoûté de la cité,
Maintenant c’est au ciel un astre apaisé.
A tous les êtres de bonté le charme entier qui a germé
Sur cette terre et, tel un abécédaire,
Les saisons de l’année en doré en argenté,
Les papillons et même les moucherons
Le soir près des acacias en géants buissons,
Une aube, dont nul ne revient, en arrière-fond.
Pour mes poèmes des furies phosphorescentes
Irradiant dans un ravin de ténèbres, de méchanceté.
Pour ma Basanée, ma Svelte, mon Ombrageuse,
mes yeux qui ont pleuré.
(Armand Robin) (1939)
Un mois de des cendres – ( RC )
–
D’une grande étendue,
Un pays tout entier,
Recouvert de gris.
De minuscules détails ,
Si l’on maintient l’oeil immobile,
Refluent, sous toutes les mues,
Du bruit et du silence, et son poids d’ écailles .
Il y a des morts.
Des petites et des grandes,
Charriées par les matins .
Une sueur de sang,
Se décolore et va rejoindre
les fleuves. S’écoulent
Lentement.
C’est le corps desséché de l’astre,
Qui ne peut imposer le jour ,
Pesant sur le gris des draps .
L’indifférence des dieux,
Qui se détournent des champs de bataille …
Les lignes de la nuit
Se perdent dans les cendres.
–
RC – oct 2014
–

art minimal: Roman Opalka : ‘Detail 1965 / 1-∞’, 1965
Embrasser le monde, même à courte échelle – ( RC )
–
Avec quelques idées, des pas hésitants sur la berge,
Il se hasarde sur le seuil de l’existence,
Et quelquefois trempe son corps en entier,
Ou juste un doigt, histoire de « tester ».
C’est sûr, sa vue ne porte pas loin, pas plus
que la lueur d’une lampe de poche, pointée sans grande portée.
Nous dirons que c’est la nuit, ou un soir bien avancé.
Ce n’est pas un phare, qui fend l’obscurité.
Mais plutôt une luciole .
Une pensée qui jouit de sa propre lumière .
L’étreinte de l’extérieur, est un espace .
qui semble se refermer sur lui à mesure qu’il avance .
L’arbre était immobile , sentinelle de plein vent .
Une présence, qu’il aurait pu ne pas voir ,
s’il était passé une dizaine de mètres sur le côté .
En fait, la marche porte son propre aveuglement .
Il est difficile d’embrasser le monde, même à courte échelle,
Sans se faire porter par la lumière d’un astre .
Celle d’un livre, par exemple .
Sans être universel, le regard en sera plus étendu .
—
RC – nov 2014
Au rayon d’astre épanouï – ( RC )
–
Le rayon d’astre épanoui
Même de sa lumière ancienne
Il me reste l’écho – de la tienne ,
Au soleil évanoui
Il y a – si je ne fais pas erreur
De ta chevauchée pacifique
Plein d’images atypiques
Qu’elles sont pour notre saveur
Au-delà de l’Atlantique .
De la face cachée de la terre
Remontent les sons, les vagues de mer
De la lumière de tes mots – cantiques
Pour mieux renaître en musc
Les détours de ta plume bleue
Brillant de tous ses jeux
Sans que pourtant je brusque
Au destrier tes baisers
De vendanges érudites
Le jus des phrases dites
( d’une parole si aisée… )
–
RC – Nov 2011 -(modifié 2014 )
Catherine Pozzi – Escopolamine
Escopolamine
–
Le vin qui coule dans ma veine
A noyé mon cœur et l’entraîne
Et je naviguerai le ciel
À bord d’un cœur sans capitaine
Où l’oubli fond comme du miel.
Mon cœur est un astre apparu
Qui nage au divin nonpareil.
Dérive, étrange devenu !
Ô voyage vers le soleil —
Un son nouvel et continu
Est la trame de ton sommeil.
Mon cœur a quitté mon histoire
Adieu Forme je ne sens plus
Je suis sauvé je suis perdu
Je me cherche dans l’inconnu
Un nom libre de la mémoire.
–
Tendre le bras vers les étoiles ( RC )
S’il y a du souffle et de la poussière
Pour tendre le bras vers les étoiles
Modifiant tout à coup l’équilibre planétaire
La trajectoire des corps, mettant les voiles
La tête au milieu des nébuleuses
Le ciel s’est enflé de lumière violette
Echo d’Orion vers Betelgeuse
Du fracas d’une comète
A la verticale de l’été
Au fond de tout ce noir
Pour perdre ses droites allées
Et la lumière de l’espoir
Le matin confisque son charme
Dans de lointains obscurs
Habités par les larmes
– pour une autre aventure –
Je ne sais pas si tendre les bras suffit
A jouer avec les astres
Aveuglé, je ne vois que la nuit
Et du matin qui s’en va,… le désastre…
–
RC – 2 février 2013
–
Antimatière ( RC )

Représentation d’un espace stellaire avec trou noir
Je vais suivre la piste aux étoiles
C’est un numéro d’équilibriste,
le vent du dehors, soulève les voiles
Il y a un ciel rose et améthyste
Qui se fronce et puis soupire
Sous la robe d’aurore boréale,
C’est un clin d’oeil en devenir,
Le tout, bordé de sépales
A l’aventure de cet espace
Je me projette …. dans cette antimatière,
pour y faire ma place,
J’emprunte une courbe altière,
Et, perdant ma pesanteur, je suis aspiré
Par la bouche d’ombre d’un astre noir,
Invisible dans l’espace, elle cueille les égarés
Et ceux qui y sont, – ne peuvent y voir
L’attraction céleste est si puissante
Que j’en perds mes esprits en chemin,
Rien ne freine dans cette pente glissante,
Même en jouant des pieds et des mains,
je suis à la merci d’une petite planète
Et quant à parier sur mon sort,
Dressé dans la tempête,
On me donne déjà pour mort…
–
RC – 29 octobre 2012
–
Zeno Bianu – danseurs de paradis
–
DANSEURS DE PARADIS
jusqu’à la fin des temps
et plus loin encore
dans tout ce bleu
qui n’est que toi
jusqu’à la fin des mondes
et plus loin encore
bien plus loin
sans jamais rien comprendre
dans tout ce bleu
qui n’est que toi
je remonte
vers la source
des hommes-questions
vers tous ceux
qui interrogent
la source sans source
je remonte
vers l’intérieur de tout
mille astres noirs
au fond de mes poches
je me mets lentement au jour
cette force de l’éden
de coeur en coeur
de lèvre en lèvre
de vie en vie
l’univers tout entier
suspendu
au visage d’une femme
je mets du baume
au monde
je marche l’immensité
je glisse et je reglisse
le long des désolations
je remonte
vers les cendres fertiles
au jour le jour
a la nuit la nuit
j’écoute sans relâche
cette voix qui, parle en moi
je l’écoute
aimanté par l’impossible
aimanté
par le fond des mondes
ou je dérive
vers la nuit de la nuit
je m’abandonne
aux avant-postes
de grands effondrements
je remonte
en fièvre pétrifiée
en étincelante déploration
mon âge se compte
en milliers d’étoiles
dans tout ce bleu
qui n’est que toi
j’accueille le jamais plus
comme si l’inquiétude
na pouvait plus neiger en moi
dans tout ce bleu
qui n’est que toi
comme au premier jour
et les villes basculent
et les fleuves rebroussent
chemin
dans la profondeur
des profondeurs
la sève circule
chez les danseurs de paradis;
ZENO BIANU dans « N4728 N°12