Répandre des étoiles – ( RC )
L’origine des temps
se perd dans le lointain,
et la nuit clignote
de myriades d’étoiles,
qui nourrissent les rêves.
Tu as arpenté les terres nues,
les chemins creux,
en recueillant dans tes bras,
comme tu le souhaitais,
les moissons du ciel.
As tu réussi à capter
l’un d’entre ces astres
lors de tes dérives buissonnières,
qui t’emportent
loin de la lourde glaise des jours ?
La bonne étoile te suit alors,
et la bonne fortune
te précède dans le parcours des dunes
même dans la nuit la plus noire
juste quand tu t’endors…
Tu confies tes espoirs
en traçant un bout de route
dans les figures de zodiaques,
qui se reflètent ( on s’en doute )
dans des flaques.
Mais le lendemain
fait pâlir les rêves,
comme si des branches,
se retirait la sève
au petit matin…
Crois-tu que c’est lui qui les a tués
et que les étoiles s’enterrent,
de façon que la journée,
ne puisse les toucher,
ni personne les atteindre ?
En fait ils ne vivent que la nuit,
lorsque disparaît le soleil
et il n’y a rien qui les remplace
jusqu’à ce que le sommeil
arrive pour les repeindre
mais l’étoile que tu as choisie
va te guider sur ton destin
même si on ne la voit pas,
tu répands des fleurs avec tes mains
et la glace fond sous tes doigts.
Frédérique Kerbellec – Cette terre
photo de Boston.com
–
Cette terre de tant de douleur
cette terre de l’arrachement
terre rude
On harangue aujourd’hui sa dépouille
le grand désastre de l’âme
vendu aux boutiques d’ordures
aux marchés des esclaves
qu’on achète pour rien
Son cri arrache des larmes aux astres
appelle sans secours
les pelotes somnolentes des étoiles
Et ses yeux s’agrandissent
terrifiés
sa voix perdue
brûlée piétinée asséchée
par la prostitution des maudits
par la vanité des immenses
des casseroles de fer
qui volent au vent du Nord
La commisération
les parfums fous
les épines des buissons
Les yeux des tournesols – ( RC )
montage perso à partir de mise en scène de théâtre ou d’opéra
—
Je ne sais plus ce qu’il faut penser des plantes .
Elles semblent être dans l’attente,
pourtant elles grandissent trop vite,
sans qu’on les y invite.
Vois-tu ce champ de céréales
sous le soleil vertical ?
Il semble secouer des têtes heureuses,
mais peut-être sont-elles vénéneuses…
C’est sans doute par leur couleur,
que se distille le malheur,
qui se glisse en traître,
à travers la palette.
Van Gogh ne nous en dira rien,
au partage des chemins ,
sous un ciel de tempête ,
qui résonna dans sa tête….
Quand je traverse un champ de tournesols,
d’autres oiseaux prennent leur envol :
on en voit plein à la ronde ,
et les fleurs m’observent de leur pupille ronde.
Toute une foule sur plus d’un hectare,
tourne vers moi son regard :
elle se concerte et m’espionne
chaque oeil dans sa corolle jaune .
Ils ont un langage que je ne peux comprendre :
j’imagine déjà leurs murmures se répandre
entre leurs têtes lourdes
comme une musique sourde :
Je vois bien qu’ils se sont détournés de l’horizon,
du soleil et des nuages de coton
pour se pencher de façon perfide
vers moi, ( me croyant stupide ) .
Ils ont dressé un mur végétal,
une sorte d’espace carcéral ,
leurs feuilles rugueuses, des volutes,
s’étalant de minute en minute
resserrant leur étreinte
en formant un labyrinthe
d’où il sera difficile de m’extraire
tant j’ai perdu mes repères…
Je ne vois plus que la poussière et le sol,
– j’aurais dû emporter une boussole,
puisqu’à l’aube d’un désastre
il ne faut plus compter sur les astres
et que l’horizon est bouché – .
Trop de plantes que je ne peux arracher,
trop de racines qui dépassent
et envahissent l’espace.
La foule de ces yeux qui rient
provient de la tapisserie :
et de ce cauchemar , en noir
se détache l’ombre du placard .
Mes rêves se sont enfuis
au plus profond de la nuit :
les tournesols devenus sages en dessins
( répétés à intervalles réguliers sur le papier peint ) .
–
RC – juin 2018
Premier homme sur la terre – ( RC )
Si j’étais le premier homme
à marcher sur la terre,
– venant d’une autre planète – ,
je marcherais avec prudence,
sur les berges sablonneuses,
laissant des traces en creux.
Je m’enfoncerai dans les forêts tropicales,
où le soleil n’y pénètre
que par effraction,
j’apprivoiserai les animaux,
qui m’accueilleront sans méfiance,
comme si j’étais des leurs :
un peu étrange, sur ses deux pattes,
le cœur presque à nu,
et ma mémoire cousue de fil blanc,
essayant de se faire comprendre
par des mimiques
trahissant mes pensées.
Je n’aurais pas la pupille dilatée
du fauve de service,
je viendrai sans arme:
( personne ne les aurait inventées) ,
et avec les meilleures intentions .
Je me guide aux phrases de la lune :
elle, au moins, me comprend .
Je lui parlerai le soir,
lorsque le soleil s’éteindra .
Il reparaîtra le lendemain,
d’un autre côté .
Il étire les ombres ou les rétrécit,
comme avec des élastiques.
Cela semble être un jeu
dont jamais il ne se lasse
montant et descendant
tel un yoyo, au-dessus de l’horizon.
Il y a un seul astre ici.
Il règne, sans partage
et semble très écouté .
Sa caresse varie, de tiédeur
en brûlure , rythmée par le jour
qui se déplie .
C’est sa façon d’être :
çà remplace le langage,
et les plantes le comprennent:
elles se sont multipliées
au point de couvrir
la plupart des endroits.
C’est une planète verte
avec de grands lacs,
que l’on nommera océans:
la vie a l’air moins rude
qu’ailleurs en galaxie.
J’indiquerai ça,
dans mon compte-rendu ,
devant rendre mon rapport sous quinzaine.
Je parie que bientôt
une équipe d’explorateurs
prendra ma relève.
Il ne serait pas impossible
qu’ils s’établissent ici,
avec leur petite famille, en villégiature .
S’ils construisent un village
il y aura peut-être même
une place à mon nom .
–
RC – sept 2017
Ouvert sur l’infini – ( RC )
C’est ouvert sur l’infini,
d’une belle transparence ;
il y a le scintillement des étoiles,
une cascade d’astres ( ils ne tombent pas ) .
Cela ruisselle comme une eau,
à travers un ciel qui n’a pas de limite.
Le regard porte loin, et s’il le faut
on s’aide d’engins perfectionnés.
Des télescopes qui nous font découvrir,
cachés, des mondes palpitant par leurs ondes,
des signaux imperceptibles,
qui font supposer que d’autres mondes
se cachent derrière .
Mais quelles que soient les inventions,
les artifices pour voir plus loin,
plus précisément, dévoiler le secret des dieux,
on se heurte à des obstacles invisibles,
et qui pourtant n’obscurcissent pas la vue ….
car l’univers n’a pas de bornes,
et ce qui nous est donné à percevoir,
n’est qu’une infime partie ,
physiquement limité par l’étroitesse de la finitude,
qui se confronte à l’inversion des choses,
de la même façon que le concevable
s’oppose à l’inconcevable ,
à l’intérieur même de la pensée .
Et si on parle de vision,
malgré la transparence – que l’on pense acquise
l’image des astres – que l’on croit immobiles,
et de la lumière – son parcours rectiligne,
le regard bute contre le ciel
quelles que soient les distances,
et de quelque façon qu’on les repousse,
qu’on les envisage, encore :
celui-ci aspire l’âme,
et, à défaut, devient métaphysique ,
se fondant dans le rêve de l’espace ,
que même la conscience
ne peut conquérir .
–
RC – août 2017
( une tentative de réponse au texte d’ Anna Jouy )
Jean Grosjean – Elégie
Quelle épée me partage l’âme, m’ouvre au milieu du cœur ce gouffre d’être séparé de toi
et que tu meures de deuil et que je meure ?
Les roses ont la chair qui se décompose et l’eau pourrit dans les mares mais je crois
que je connais la haine.
Les uhlans, les famines et les trépas foulent ce chemin où tu pleuras doucement notre
jour dont déjà penchait la tête sur les collines à sépulcres.
N’étais-tu pas ma longue lumière d’été au soir de qui, accablé par l’amour, je
sombrais dans un rêve obsédé d’astres ?
Quand le frémissement de ton approche me réveillait avant le chant du coq, n’aurai-je
donc descellé mes paupières que pour me rendormir sur ma naissance ?
La destruction nous profane et son prince nous marche sur les yeux mais c’est en vain
que ses démons me raclent la mémoire sous le crâne où ton nom ne cesse guère.
De quel puits sont sortis sur le monde tant de dieux souterrains avec leur face de
houille et leurs tenailles sans empêcher tes os phosphorescents de traverser ma nuit ?
Certes je me tais mais les phrases en débris murmurent encore à la cime des
trembles ton âme qu’elles cachaient.
Jean Grosjean, Élégies [1967]
Des étoiles miniatures – ( RC )
Et la nuit s’étend partout,
sur les collines, les rivières,
les forêts et les déserts.
Je m’étends sur le sol.
Les herbes devant moi
oscillent dans la fraîcheur du matin,
à peine visibles dans le ciel de velours noir.
Il y a toujours des astres qui scintillent
et dansent dans leur feu d’artifice.
Elles semblent soudain si proches,
qu’on pourrait les croire à portée de main.
D’ailleurs en voila qui zigzaguent,
dans une trajectoire imprévue
et clignotent en dansant .
Ce sont des lucioles,
comme des étoiles miniatures,
dont la lumière se dissout peu à peu
avec l’arrivée de l’aube.
–
RC – mai 2017
Je n’ai jamais su la couleur des étoiles – ( RC )
peinture: Pisanello
–
On peut lire, – paraît-il – , son destin,
inscrit dans la conjonction des astres.
Des figures s’y croisent, s’interpénètrent ,
se déforment, puis se détachent
lentement les unes des autres.
On prétend que chacun a son étoile,
mais où la situer dans toute cette galaxie?
Elle nous mènerait, le temps qu’elle nous suive,
par une sorte de fil invisible .
Seulement voila…
il est connu que les astres palpitent à distance,
rayonnent, s’attirent, se repoussent,
et adoptent quelquefois de folles trajectoires.
Leur trace peut se voir,
sur les fresques des églises,
Des représentants
de leur commerce apparaissent…
sous la figure des anges :
Ils sont un peu plus proches,
( quoique leur figure poupine reste énigmatique ).
Ils ont entre leurs mains les fils du destin.
Ceux-ci, bien qu’échappant au regard,
arrivent à s’emmêler avec ceux des autres,
et tressent quelquefois une étoffe commune,
en quelques mois ou quelques semaines,
dont hélas , on ne peut se vêtir,
ni dissimuler ses blessures .
D’autre part, personne ne sait
de quoi sont faites les robes des anges.
Il y a ceux qui embrassent la lumière ,
qui la créent , d’une certaine façon.
Et d’autres qui la consomment,
jusqu’à ce qu’elle se vide de sa substance.
Il arrive que l’étoile clignote, puis s’éteigne,
comme une vulgaire ampoule .
C’est juste que le courant ne passe plus,
ou que le fil est brisé.
Comment savoir ?
On joue alors une musique funèbre,
et sur les murs, la figure de l’ange disparaît,
progressivement de moins en moins nette,
jusqu’à ce que les traits s’effacent définitivement.
L’étoile qui nous était destinée au plafond du ciel,
quitte aussi la scène , mais ,
on n’est plus là pour s’en aperçevoir.
–
RC – fev 2016
Semis de pierres à Carnac – ( RC )
A Carnac, on a planté des petites pierres,
pour retenir les rayons de lune.
– C’était au début, quand elle a commencé
sa course autour de la terre. –
Maintenant les pierres ont bien grandi,
ce sont des témoins,
Ils se sont redressés, au fil du temps,
Communiquent avec le soleil et le vent :
Ils racontent, muets, en grandes files, alignés,
beaucoup de choses, sur ce qu’on ne connaît pas.
Pour notre portée d’hommes modernes,
C’est comme un langage des signes, venu de l’en-deçà…
La nuit venue, elles se déplacent dans leur ombre,
Et grandissent encore un petit peu, imperceptiblement,
Le dialogue se perpétue avec le sol,
Et le rayonnement des astres .
Avec leur station debout, on peut leur attribuer
un caractère, comme si une présence humaine était enfermée dedans.
Il se pourrait qu’elles se soient rassemblées d’elles-même,
en vue d’une cérémonie à venir.
D’autres le font de manière étrangement proche, dans des pays différents,
Où déjà la distance fait qu’on se demande comment elles font.
Peut-être que la roche en marche aurait les instincts d’une commune famille…
c’est difficile à dire, et personne n’a vécu des millénaires pour affirmer le contraire.
Vu leur silence apparent, juste couronné de vent,
il faut laisser parler les légendes ; c’est un peu leur chanson.
–
RC – juillet 2015
Jean Daive – Nommer ?
–
Nommer ?
Le nom ne se répétait plus.
Dans l’espace cinq rayons superposés
réduisaient les astres, les mers, les ciels à diverses égalités.
Un germe formulait les lois d’un univers magique,
lumineux par les cris poussés dans des souffles de morts
hors d’un monde habité.
Jean Daive
in » 1, 2 de la série non aperçue
–
Nwesla Biyong – Fils de la lumière
Irions-nous jusqu’à crever pour notre cause
Cette quête aphone des jours de l’innocence
Course proprette des astres avant que ne fourche
La langue de la providence
Aussi vrai que le verbe origine la vie
Patients dans les trompes divines avons-nous été tous
Ovulés par le rayonnement de novae sexuées
Pour que lumière dissipe les ténèbres terrestres
Oui nous sommes ce front altier de la vérité
Qui freine le règne de l’incompétence !
–
NWESLA BIYONG
Soleils de nuit ( RC )
Soleils de nuit
—
Poussés par nos pas alignés
Sur la crête de tant d’ années
D’errance et d’insolence
A ne pas voir les soleils de nuit.
L’acharnement du survivre
A la faim et tempêtes
De sable, aura obscurci le nôtre
Notre regard limpide d’enfant
Porté en revers décisif
Se heurtant aux filets du court
Ou sortant des limites étroites
Du terrain de vie, en jeu
Il nous faudrait l’oracle,
La chamane du destin
Jardinier de l’infini,
La tête satellite
Pour traduire
Les leçons à venir
Devin de l’histoire en marche
Et prévenir le parcours des astres
Arrêtant dans leur élan
La chute des sources
Réparant blessures et drames
Incendies ravalés et flammes
Et aligner dans le bon ordre
Les numéros de l’espérance
Pour qu’au ciel on danse
Et qu’on rectifie le passé…
Mais la joie d’être mortels
De macérer dans nos défaites
Et de toujours tenir tête
Interdit de relire le manuel
De changer de mode d’emploi.
A chacun de porter sa croix
Il n’existe aucun raccourci
Pour voir de plus près les paradis.
Else Lasker-Schüler – SECRÈTEMENT, à la nuit
Avec la présente, je continue la publication des poèmes de cette auteure, réunis dans la plaquette qui porte justement ce nom » SECRÈTEMENT, à la nuit »..paru auxéditions « Héros-Limite »
—
pour rappel mes précédentes publications sont:
Else Lasker-Schüler – Arrivée
SECRÈTEMENT, à la nuit
Je t’ai choisi ‘ Parmi tous les astres.
Et je veille – fleur aux aguets Dans le feuillage susurrant.
‘
Nos lèvres s’apprêtent à préparer le miel Nos nuits chatoyantes sont écloses.
Les cieux de mon coeur s’embrasent À l’éclat radieux de ton corps –
Tous mes rêves irradient de ton Or, Je t’ai choisi parmi tous les astres.
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HEIMLICH ZUR NACHT
Ich habe dich gewählt Unter allen Sternen.
Und bin wach – eine lauschende Blume Im summenden Laub.
Unsere Lippen wollen Honig bereiten Unsere schimmernden Nächte sind aufgeblüht.
An dem seligen Glanz deines Leibes Zündet mein Herz seine Himmel an —
Alle meine Träume hängen an deinem Golde, Ich habe dich gewählt unter allen Sternen.
1907
et comme je l’ai fait par deux fois déjà, en écho avec les créations du peintre Andrew Wyeth.., magnifique utilisateur de la lumière…
A noter au passage que ces reproductions sont « rares » – à savoir que c’est scanné d’un livre acheté aux USA, et difficilement trouvable en Europe.
–
Michel Deguy – Intimité plus grande avec les astres

peinture; Van Gogh - Nuit étoilée
Intimité plus grande avec les astres
Et dans la nuit sondée plus profond
Dans la nuit rapprochée la terre
Débouche sur le soleil cette étoile agrandie
Au coeur de la nuit le jour
Nuit de la nuit connaît
Une étoile plus brillante
(Michel Deguy)