Astrid Waliszek – Vous souvenez-vous

Vous souvenez-vous, vous qui rêviez votre vie peuplée de sombres nuits, de rêveries impies, des mots ailés comme des notes de musique que vous balanciez à cette douteuse clique ?
Vous souvenez-vous des orages, des ciels blafards, des aubes imprécises, des nuits sans fard – des mots frissonnants et saoûls, l’heureux talisman s’est fracassé sur les pavés mouillés du temps
La lente, imperturbable érosion de l’être en ses jours confits de regards futiles poursuit en vain la réalité immobile du grand soleil clair en train de disparaître
Avant même que d’être né, elle est condamnée. La belle affaire ! cette joie soudaine et bornée s’est crue un instant par la grâce éperonnée.
Vous souvenez-vous de ces chants fous et troublés ?
Astrid Waliszek – clac
visuel: Omer Parent
tes veines, vivantes et bleues dansent une sarabande effrénée
sur le dessus de ta main. La terre tremble, dis-tu.
à bousculer les nuages à chercher la chaleur
nous avons oublié l’heure celle de l’au revoir
– non, pas adieu et voilà, c’est ici,
c’est maintenant couvre-toi,
ne prends pas froid tu ne reviendras pas,
c’est là c’est maintenant qu’il faut partir
les nuages se disséminent un froid soleil pâle se lève,
une portière de voiture claque
c’est un adieu, nous le savons tous deux
des pas résonnent sur le pavé rien n’a changé,
rien ne change jamais des portes se ferment,
d’autres s’ouvrent s’en va,
s’en vient l’amour – la ville dort
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12 février 2012
Astrid Waliszek – La faim de Mandelstam
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Il est des jours – j’aimerais ne pas savoir qu’ils ont existé. Il est des nuits si noires à se souvenir de tout, de tout ce qu’on sait. De la joie lente devant une fleur d’hiver je voudrais garder l’ourlet, suave broderie à poser sur ce cauchemar comme un soupir.
Cette jacinthe, la planter en pleine terre
Sur son glacial pays rectangulaire – cette tombe, muette comme la pierre
Qu’enfin, l’odorante solitaire aux cent fleurs
Nourrisse ses songes de sa foison colorée
Dans sa brume opaque, un dièse sur une portée.
– plus d’infos sur Mandelstam
Astrid Waliszek – Réveil
je suis venue voir
si vos rêveries ont trouvé
une terre d’accueil
je les ai reconnues à la trace
qu’elles ont laissée sur le front
des femmes aimées
la petite lumière si ténue
a parcouru l’outre-noir
de vos cauchemars
je suis venue voir
si cette boule d’ombre
qui se joue de vous
a trouvé enfin refuge
chère vieille tortue
dans un tiroir bien clos
de votre mémoire
si vos jeux insolents
retrouvaient des couleurs
si vos songes avaient un toit
si ce léger désordre
dans la chaleur de votre lit
a troublé votre horizon
si, sous vos paupières,
ils avaient trouvé un asile
je suis venue voir
si la nuit se dénoue,
Si la beauté existe .
Astrid Waliszek – ludion
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petit feu, ludion joueur,
à faire flamber le soir
à jouer avec l’écume
ma lampe de poche
les vaguelettes dansent
sous ton sourd flambeau
au loin le bateau de pêche
te prend pour un phare
petit jeu de nuit
à Trouville sous la pluie
sous les rires d’enfant
feu d’artifice, étoiles filant
minuscule joie, petite étincelle
dialogue sans paroles, un rien
une lame d’eau ondule
une frise se dessine
l’enfant regarde, l’enfant dit
les monstres sont couchés
tu peux t’arrêter, je l’ai vue
ta petite lumière dans ma nuit.
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photo Richard Vantielcke- voir son site
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Astrid Waliszek – Tu dors ?
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Tu dors ?
Astrid Waliszek ©