Walt Whitman – Chant de moi-même
Chant de moi-même (extrait)
Je me célèbre moi,
Et mes vérités seront tes vérités,
Car tout atome qui m’appartient t’appartient aussi à toi.
Je paresse et invite mon âme,
Je me penche et paresse à mon aise . . . . tout à la contemplation d’un brin d’herbe d’été.
Maisons et pièces regorgent de mille parfums . . . . les étagères débordent de parfums,
J’en respire moi-même l’arôme, je le connais et je l’aime,
Cette quintessence pourrait m’enivrer à mon tour, mais je saurai lui résister.
L’air n’est pas un parfum . . . . il n’a pas goût de cette quintessence . . . . il est inodore,
Il s’offre éternellement à ma bouche . . . . j’en suis épris,
Je veux aller sur le talus près du bois, j’ôterai mon déguisement et me mettrai nu,
Je brûle de sentir son contact.
La buée de mon propre souffle,
Échos, clapotis et murmures feutrés . . . . racine d’amour, fil de soie, fourche et vigne,
Mon expiration et mon inspiration. . . . . les battements de mon cœur . . . . le passage du sang et de l’air
dans mes poumons,
L’odeur des feuilles vertes et des feuilles sèches, du rivage et des rochers sombres de la mer, du foin
dans la grange,
Le son des mots éructés par ma voix . . . . mots livrés aux tourbillons du vent,
Des baisers à la dérobade . . . . quelques étreintes . . . . des bras qui enlacent,
Le jeu de la lumière et de l’ombre sur les arbres aux branches souples qui ondulent,
Traduction Éric Athenot de l’édition de 1855 éditions José Corti
Walt Whitman
–
Suivant les points de suspension (RC)
–
…… Suivent les points de suspension , tout s’exaspère et tourbillonne
Dans le bocal de l’univers, les atomes se contournent,
les galaxies se font tourbillon, et belles dans leurs robes d’étoiles…
De voies lactées en vraies laitances, la toile des possibles est encore à peindre,
la buée devenue eau sera-t-elle bue par celui ou celle qui veut la boire ?
.De cette eau, de ce lait tu t’en nourriras, tu enfanteras ce que tu n’avais même pas imaginé, tu écriras ce que nul autre n’a écrit,
.
Ce qui reste, est un vaste, ce qui reste sera pour toi !, —– ce sera toi !
Tu traverseras un espace sans limites, ce mondes des possibles, tu seras toi même univers…
tu l’es déjà… si tu te vois positive… (points de supension)..
–
RC 24 mai 2012 ( reprise de juillet 2011)
–
Ile d’atomes ( RC)

affiche du film "pluie Noire" d'après le roman de Masuji Ibuse
–
C’est une île fantôme
Peuplée de courants d’air
Et venins de vipères
Désertée par les hommes
Vagues aux reflets diamantés,
C’est une longue suite
D’errances et de fuites,
Sur la mer démontée
C’est une ville fantôme,
Peuplée d’activités mortes-nées
D’usines sinistres abandonnées,
Au bourdonnement des atomes
C’est un pays haut en tensions,
Hanté par ses tombes
L’éclair d’une bombe,
Soumis aux radiations.
C’est un avenir bien morne
A l’empoisonnement lent
D’une terre qui attend
Un futur difforme
Qu’on laisse dériver
Au gré de l’océan
Quelque part dans le néant
Pour ne jamais arriver…
——-
It’s a phantom island
Inhabited by air streams
And vipers venoms
Deserted by men
Waves ,with shimmering diamond
This is a long suite
On the vagaries and escapes,
Upon the rough sea
This is a ghost town,
Full of still-dead business
On claims abandoned factories,
To the hum of atoms
It is a country with high voltages,
Haunted by his graves
The flash of a bomb,
Subjected under their radiations.
This is a very dull future
A slow poisoning
In a land waiting
A distorted future
Left to drift
At the will of the ocean
Somewhere in the nothingness
To never arrive …
—-
( en relation avec les évènements subis ou portés par le Japon: Hiroshima, Fukushima, et l’ouvrage « pluie noire » du roman éponyme de Ibuse Masuji et porté à l’écran par Shōhei Imamura ).
In relation with the Japan’s events like Hiroshima, Fukushima, and the novel of Masuji Ibuse » black rain »…
( see the movie with the same name of Shohei Inamura)
–
RC 22-03-2012
–
Pierre Reverdy – Si le réel …
Si le réel nous échappe, aussitôt que nous nous mettons à y penser comme si nous le posions devant nous ainsi qu’un objet sur la table, ce n’est pas tant parce que notre imagination nous tiraille toujours vers l’irréel, mais parce que nous sommes le réel, nous baignons dans le réel, nous en sommes partie comme un globule de sang dans la masse et ne pouvons nous en dégager.
Nous sommes un atome constituant du réel et ne pouvons pas nous en distraire pour le juger, le jauger, ni même seulement le définir et nous en faire une très nette idée.
C’est pourquoi nous préférons souvent toutes les images, si minables soient-elles, que nos moyens peuvent nous en donner. Je veux parler de l’art en général, et toutes sortes d’autres produits de notre imagination que nous pouvons, une fois sortis du moule, si facilement dominer.
Ainsi l’esprit nous donne conscience du réel et nous interdit à la fois de l’appréhender parce qu’il exige toujours, de toute chose qu’il approche et sonde sous prétexte de la mieux connaître, d’être d’abord autre chose que ce qu’elle est.
extrait de « en vrac » éditions du Rocher 1956