Insomnie – (Susanne Derève)

Je me serrais tout contre toi
tout contre ton sommeil
et tes rêves me tenaient en éveil
longtemps …
Je me glissais furtivement hors du lit
pour leur faire place
et l’aube m’accueillait chargée de gris et d’ors
épousant les rives basses du fleuve ,
figée dans leur reflet,
n’était-ce l’aile noire d’un cormoran
se déployant sur l’eau et prenant son essor
pour prélever sa proie comme un orfèvre
avant de poursuivre sa route le cou tendu
vers les étraves des grands nimbus
au-delà des écluses et du havre silencieux
des grèves
Alors, en frissonnant je reprenais ma place familière
entre les draps
Je m’y serrais tout contre toi en refoulant tes rêves
avant de sombrer enfin dans le sommeil
mais je crois bien qu’ils m’attendaient
à mon réveil
et tu les poursuivais les yeux ouverts
Impromptu – Susanne Derève

Léon Spilliaert – La digue d’Ostende
Impromptu
Mot
rire sourire éclat
Dans le grand embarras du jour
le ciel hésite encore
entre brume et soleil
ombre close et lumière
pâle estampe que froisse la brise d’été
marine aux voiles blanches
un frêle esquif encalminé cherchant le vent
le vol impromptu du vent
l’éclat de rire des goélands
le mot à mot secret de l’aube
un sourire ténu aux lèvres du Levant
Philippe Jaccottet – Accepter

Naomi Tydeman – Grey and Silver Marsh.
Accepter ne se peut
comprendre ne se peut
on ne peut pas vouloir accepter ni comprendre
On avance peu à peu
comme un colporteur
d’une aube à l’autre
Poésie 1946-1967
nrf Poésie/ Gallimard
Adriana Mayrinck – Rideau de fumée
photo Dielucie
Dans la fente qui répand la lumière
Je ne trouve pas ton reflet
Dans le rideau de fumée
Qui nous sépare
Infranchissable
Je ne peux pas t’atteindre
À quel moment j’ai perdu le raccourci
Quel mot mal dit
T’a fait taire
Insomnie..
Je traverse le désert de l’aube
Dans la solitude accompagnée de ton souffle.
–
traduit du brésilien:
texte original:
–
Cortina de fumaça
Na fresta que espalha luz
Não encontro teu reflexo
Na cortina de fumaça
Que nos separa
Instransponível
Não consigo te alcançar
Em que momento perdi o atalho
Que palavra mal dita
Te fez calar
Insone
Atravesso o deserto da madrugada
Na solidão acompanhada pelo teu respirar.
Erri de Luca – la brebis brune
photo denvedarvro ( écomusée du musée de Rennes )
La brebis brune
Est la première agressée par l’éclair et le loup,
le tour de mauvaise chance qui gâte la couleur uniforme
du blanc troupeau.
Le jour la chasse, la nuit l’accueille
dans le noir térébenthine qui dissout couleurs et contours
et fait qu’elle ressemble aux autres.
La nuit est plus juste que le jour.
Face au danger le cri le plus limpide est le sien,
sur la glace de l’aube c’est elle qui marque la trace.
Où passent les confins, elle seule longe la haie de mures
Qui fait frontière à la vie frénétique, féroce, qui ne donne répit.
—
La pecora bruna
È la prima aggredita dal lampo e dal lupo,
lo scherzo di mala fortuna che guasta il colore uniforme
del bianco di gregge.
Il giorno la scaccia, la notte l’accoglie
nel buio d’acqua ragia che scioglie colore e contorno
e fa che assomigli alle altre.
La notte è più giusta del giorno.
In faccia al pericolo il grido più limpido è il suo,
sul ghiaccio dell’ alba la traccia è battuta da lei.
Dove corre il confine, lei sola rasenta la siepe di more,
e chi si è smarrito si tiene al di qua della pecora bruna,
che fa da frontiera alla vita veloce, feroce, che tregua non dà.
———-
traduction par Antonio Silvestrone : voir son site
Samira Negrouche – courir sans regarder derrière soi
peinture Michael Borremans
–
Avant que l’aube n’apparaisse, courir sans regarder derrière soi
les fleuves évaporés et les paroles effritées des sages de légendes.
Avant plus avant le soleil est d’une douceur clémente
m’apprend d’autres caresses et je deviens un poteau électrique
dans une plaine humide et je passe aussi vite qu’eux
sur le parcours d’un TGV pressé de rejoindre
ses rendez-vous parisiens à huit heures tapantes
Et je disparais.
Salah Al Hamdani – Lanceur de cailloux
À force d’espérer te revoir je vais reconquérir ton aube
Je vais ramasser les dattes gorgées de balles
et la main pleine
ne sacrifier à ta lumière
Aux nuits de l’exil
je vais jeter un pont de regrets sur le fleuve
et ensemencer les clos .
Jean-Michel Bongiraud – abeilles
animation Joel Remy – à partir du détail d’une peinture de G De Chirico
—
La transfusion des spirales est aléatoire
Et les mathématiques sont un chef-d’œuvre hypnotisant.
Tout jargon contredit l’univers et les sens.
Ce qui se cristallise sur mon palais
Ces miroirs qui ne parlent pas
La face contre l’écorce nul ne règle le compas !
Je dis une histoire une source mal écoulée
Un feu qui s’éteint au fond de nous.
L’abeille a-t-elle un buste semblable au mien ?
L’aube ne sera jamais nouvelle
Et les hommes ont rempli leur brouette de machines
.
Je lance un ultime pavé.
Un cerceau au loin tombe dans le ravin.
L’aube est pour demain – ( RC )
peinture: Paul Nash – We Are Making a New World, 1918
Dans un paysage lunaire,
il se trouve encore,
dans le jour qui s’éteint,
des troncs solitaires :
c’est ce qu’il reste d’arbres,
dont le tronc a été brisé,
les branches calcinées,
noires sur un fond gris,
au milieu
du désastre de la terre .
Ces troncs sont des témoins,
brisés mais restant debout,
à la façon de temples dévastés ,
aux colonnes solitaires ,
ne portant rien qu’elles-mêmes ,
absurdement dressées vers le ciel.
C’est une forêt après la tempête,
empêtrée dans l’hiver.
Mais celui-ci répond
au cycle des saisons,
et on peut distinguer,
si on s’en donne la peine ,
quelques silhouettes d’animaux ,
qui dénichent déjà
des jeunes pousses
qui prendront bientôt leur essor :
l’aube est pour demain .
–
RC – dec 2017
Jean-Pierre Schlunegger – Clairière des noces (extr)
photo Lydia Roberts
Je dis: lumière,
et je vois bouger de tremblantes verdures.
Je dis: lac,
et les vagues dansent à l’unisson.
Je dis: feuille,
et je sens tes lèvres sur ma bouche.
Je dis: flamme,
et tu viens, ardente comme un buisson.
Je dis: rose,
et je vois la nuit qui s’ouvre à l’aube.
Je dis: terre,
un sommeil aveugle, un chant profond.
Je dis: amour,
comme on dit tendre giroflée.
Je dis: femme,
et déjà c’est l’écho de ton nom.
Des étoiles miniatures – ( RC )
Et la nuit s’étend partout,
sur les collines, les rivières,
les forêts et les déserts.
Je m’étends sur le sol.
Les herbes devant moi
oscillent dans la fraîcheur du matin,
à peine visibles dans le ciel de velours noir.
Il y a toujours des astres qui scintillent
et dansent dans leur feu d’artifice.
Elles semblent soudain si proches,
qu’on pourrait les croire à portée de main.
D’ailleurs en voila qui zigzaguent,
dans une trajectoire imprévue
et clignotent en dansant .
Ce sont des lucioles,
comme des étoiles miniatures,
dont la lumière se dissout peu à peu
avec l’arrivée de l’aube.
–
RC – mai 2017
Bernat Manciet – Braises ma peau
XVI
Braises ma peau —mais une âme de gel
forte ma foi —- je n’ai plus rien à croire
bon œil — ma vue se refroidit
l’hiver me brûle et le printemps m’est fade
coffre solide — mais ne soit plus de brise
de chêne cœur — je suis las du certain
aimer me tient — l’amour me reste tiède
prière suis — mais demander me déplaît
Partir je veux — mais je sais tous sentiers
j’ai soif de pluie —et toute pluie m’est cendres
faim de mouton —toute chair me répugne
le soir s’éteint —pouvoir n’être personne!
l’aube va naître —et je cherche l’obscur
la nuit rayonne et ta lumière est morte
Nicolas Rouzet – le cercle et la parole
photo: Ernst Haas
Il y a le cercle et la parole
et l’heure où chaque naissance
annonce l’aube rageuse
l’attente du regard
Une main aveugle
dure à tâtons
devance le jour
dessine comme par jeu
la frontière qui sépare
le silence de la parole
le geste du murmure
De son pouce
se traverse la brèche
s’effleure le néant
d’où l’on sauve
la braise
et la brindille
Et que l’oreille
se tende
vers ce soupirail
qu’elle entende
que nos fantômes
n’ont pas changé de nom
que tous se croient encore vivants
dans l’espace ouvert
par l’éclat
le mirage
de nos âmes !
Rémission ( l’oeil du serpent ) – ( RC )

peinture – Peter Paul Rubens (1577–1640) – Tête de Méduse – 1618, – h sur toile -Moravská galerie v Brně Brno}}
–
Tu descends dans un tourbillon sable mouvant de sable,
De mes mains , je brasse l’air
à grands coups de couleurs fauves ;
–
Elles marquent le passage des minutes vers une agitation solaire.
Avant que tu ne t’enfonces,
dans une étendue morne comme l’ennui.
–
La devanture de l’aube ruisselante , est témoin du rire des trompettes.
Tu es un serpent, trempé de frissons nocturnes,
dont le regard me traque, tout au long de mes nuits.
–
Des chapelets de pierres suspendues, bris de planètes,
Sont les ossements des anges déchus,
dont rien n’entrave la chute.
–
Le sang se fige dans la fièvre des rêves,
On en ignore la part du réel … :
Si tu as injecté le venin, si le réveil en est l’antidote.
–
Car lorsque le jour tend son arc, telle une couverture que l’on retire,
Les délires finissent par faire pâle figure,
Et tu disparais, avalé par le sable.
–
On dirait qu’il ne s’est rien passé.
Le mal est rentré en lui-même,
Peut-être pour ressurgir plus loin,
–
Brève rémission d’une contagion à venir .
Je le saurai quand mes yeux resteront fixés
à jamais , sur les tiens.
–
RC – mai 2015
Miguel Hernandez – Même si tu n’es pas là
photo Francesco Borrelli
MÊME SI TU N’ES PAS LÀ Même si tu n’es pas là, mes yeux
|
AUNQUE TU NO ESTAS Aunque tú no estás, mis ojos |
Cancionero y romancero de ausencias (1938-1942)
–
Avec la citation de ce poète espagnol, dont on peut trouver d’autres textes et leur traduction sur le site « Fibrillations »...
je ne peux m’empêcher de faire le rapprochement avec mon propre texte , qui a un titre, et un esprit très approchant. RC
Luis Mizón – Tu as souvent navigué dans ce navire démantelé
–

photo: Benoît Vignet : navire échoué au Chili
–
Tu as souvent navigué
dans ce navire démantelé
à la dérive.
Tu connais la coque de bois oscillante
le mascaron au front fendu
et le spectre des voiles
aboyant dans le brouillard
lorsque tu reviens chez toi du fond
de la mer
aveuglé par les vagues miraculeuses
dans le désordre de la houle.
Lorsque tu reviens en titubant
les bras ouvert
accrochés aux fils de la lune.
Lorsque tu montes de la mer à ta maison
à l’aube
couvert d’étoiles de mer.
…
( par rapport au document image Luis Mizón est aussi de nationalité chilienne)
Pierre Mhanna – Amour et silence .
–
Amour & Silence
( 12 petits textes comme des haÏkai de Pierre Mhanna)… consultables dans la langue d’origine, sur son site…
————-
Silence cristallin,
au cœur d’une goutte de rosée
la fusion dans le ciel.
~ Cadence de silence –
Un troupeau de papillons
Brûlant dans mon âme.
~ Dans ton éclat de simplicité
coule ma vie
toi fleur de jasmin.
~ Silence crépusculaire,
ma vie luisante
dans la première étoile de la soirée.
~ Vaisseau de silence,
Que les cires d’un coeur vide
soient plus étendues que le ciel.
~ Comme l’aube
Cajole la fleur
Votre souffle dans mon coeur
~ Silence résonnant,
La dernière voix du crépuscule
fusion des gouttes de vin dans le ciel.
~ Disparus bientôt
ces nuages mouvants,
crépuscule du silence.
~ Soleil du matin,
chaque goutte de rosée
une fleur.
insouciant le papillon
au milieu des fleurs blanches,
un nuage dans le ciel.
~ ton parfum
Avec la brise de l’aube
M’appelait à la maison
~ Mes yeux
– deux étoiles arrosées
dans la mer de ton feu.
– (tentative de traduction – interprétation : RC )
LOVE & SILENCE
Crystalline silence,
the heart a dewdrop
melting in the sky.~
Cadence of silence –
A flock of butterflies
Burning through my soul.~
In your simple glow
my life flows
you jasmine flower.~
Twilight silence,
my life shining
in the first evening star.~
Vessel of silence,
The empty heart waxes
Wider than the sky.~
As the dawn
Coaxes the flower
Your breath in my heart~
Resonant stillness,
The last voice of dusk melting
Winedrops in the sky.~
Soon to vanish
these moving clouds,
twilight silence.~
Morning sun,
every dewdrop
a flower.~
Carefree butterfly
amid the white flowers,
one cloud in the sky.~
Your scent
With the dawn breeze
Calling me home~
My eyes –
two stars doused
in the sea of Your fire.
C’est par un acte d’amour, que se dessine le jour – ( RC )
photographe non-identifié;
–
Le ciel et la terre se touchent.
Ils s’étendent au-dessus de l’autre.
C’est par un acte d’amour,
Que se dessine le jour.
La terre se retourne, quand il s’éteint,
Contre le baiser du soleil.
De l’autre côté, il fait déjà nuit,
En égrenant quelques heures.
Le temps de fermer les paupières,
Le ciel et la terre se confondent,
Dans l’obscurité, et notre absence.
Leurs amours sont chasteté.
Et se dissimulent,
Sous un rideau d’étoiles,
Jusqu’à l’aube qui se dévoile,
Sous sa grande robe,
Au regard du jour, .
–
RC – avril 2014
–
D’autres villes – ( RC )

peinture: James Whistler – Valparaiso nocturne en bleu et or.
Pendant la nuit, qui s’enfonce entre violet et silence,
Clignotent encore quelques néons,
Leur reflet alternativement vert et jaune
Sur l’asphalte mouillée. Têtus.
Les baraques du chantier du port, désertées.
Et au loin le flux chuintant des voitures,
Les boucles de l’échangeur éclairées d’orange.
Cependant les nuages sournois masquent alternativement une lune.
Un oeil fixe, cloué là haut.
Il nous dit la présence solaire, – ailleurs.
Ailleurs à l’opposé de la terre.
Sous d’autres climats.
Avec d’autres langues.
Mais, la même course du jour,
Se déplaçant comme une vague.
D’autres villes, s’enfonçant bientôt,
Entre le violet et le silence …
Et le clapotis des flots.
Alors qu’ici s’annoncera l’aube ,
Sur un jour recommencé.
Les immeubles seront encore au même endroit.
A l’assaut des colllines.
Les grues pourront reprendre leur ballet.
L’oeil fixe de la lune , s’est effacé,
Discrètement, dans la brume .
–
RC – mars 2014
Paul Fleury – Flux sur un échiquier
Marcel Duchamp – jeu d’échecs de poche avec gant en caoutchouc – 1944
–
« Franchissement de l’aube »
Toute écriture de fondation
anticipe le champ
de ses métamorphoses
loin – jusqu’à s’éblouir
dans l’éclair soudain de sa joie.
La vérité fulgure en l’espace d’un jeu
clos – qui n’est pas encore.
Le poème lancé en avant
ne quitte son lieu sûr
son erre
que pour la case d’un damier blanc.
Son erre devient errance.
Il y repose en paix, il n’est déjà plus !
Le jeu n’est pas dans la topique
mais dans le bond,
tout entier contenu dans ses déplacements.
Pour dominer l’âme du jeu,
il faut user plusieurs damiers,
postuler plusieurs dames
agir et mourir debout.
Les cases de l’échiquier ne suffisent pas.
Il faut un chiffre infini,
– une aube franchie pas à pas.
L’incertitude peut y loger sans armes,
la terre y cède au fleuve ouvert à tous les vents
et parfois se confie au feu du mascaret.
———————-
Cet extrait est disponible sur le site des éditions des Vanneaux
–
Stefanu Cesari – Là où vous avez bâti cette maison
Là où vous avez bâti cette maison, l’eau sous la colline.
sa chanson rampe, le soir. vous ne dormez pas.
on vous laisse, toujours au même point de l’aube
sachant que vous resterez, là, à nous attendre, sans redire
c’est vrai. on s’habille d’une faute, elle nous lie comme le sang, à travers les herbes folles.
le moment venu, un doigt passe sur la bouche,
une petite flamme,
vous laissez la lumière allumée le temps que nous partions.
Indò vo eti pisatu a casa ci hè l’acqua sutt’à a parata.
a sera, a so canzona, à rampaconu.
vo ch’ùn durmiti, vi lachemu sempri à quiddu mumentu albinu,
sapendu ch’eti à stà quì, ad aspittàcci. senza lagnàvvi, mancu una volta.
hè vera. ci ‘mpannumenu cù li nosci falta, par travirsà u bagnaghju, è ci liani com’è u
sangu.
spicchènduci, nienti ci veni.
daretu à no, una pìccula fiara, di matinata, tini accesu mentri chè no partimu …
Stefanu Cesari est un auteur corse, on peut le retrouver sur Voxpoesi....
Pierre Torreilles – Où je suis
Où je suis
——–
Ordre
de ce qu’ont tu
le grand désordre évanescent,
l’oubli déchiqueté d’une mémoire souveraine,
je suis le Décillant.
Chaque épave
, gravide,
laisse à mes doigts l’écho.
…je sculpte le silence
,parole improvisée,
la montagne sonore.
L ‘oiseau est ma ponctuation.
Voici
le grand ressac,
l’ absence écrite,
sur l’ épaule du jour
la terre,
en suspens, ô bannissement ressassé !
la volonté féconde et la ténèbre qui l’accueille
le feu
de quelque encerclement.
Sans ombre le déclin
à la merci de la rupture,
le corps
bleu
maintenant qui me voit.
S ‘entre-dévorent , .
éblouissant,
la lumière et la nuit dans la parole qui sommeille.
Viennent bientôt m’habiller l’aube,
ruse,
de ses mots éloignés le silence,
le corps de l’air.
De nulle écoute l’horizon
quand accoste ma résonance.
*
Le mot,
déjà reçu,
dans mes pas
, oublié,
oblique lame sinueuse
l’éclat…
de quel sentier,
livide cicatrice?
Vacille
le miroir le fleuve où s’est réfugiée la mer.
Soudain tari
le puits,
intime appui du jour
abrupte éclosion de ma bouche sonore.
Quel fil descend
depuis l’ éther jusqu’en la terre,
s’étend au plus profond où séjourne l’éveil?
Du plus obscur survient l’imprononcé,
détrempé de lumière.
—
extrait de « Où se dressait le cyprès blanc » Gallimard 1992
–
Nuno Judice – Remords
–
Ce sont des choses infimes :
Les fenêtres qui battent au vent,
Des suspensions de phrases
Dans le souvenir d’un désir,
Les cheveux dénoués
Quand l’interrupteur rétablit la lumière.
Mais c’est cela dont tu te souviens
Quand il semble qu’il n’y ait plus rien
Alentour de toi ; et la nuit
Qui pouvait t’envelopper
Dans le linceul froid du silence ultime
Oublie que tu existes.
Alors tu déroules les images à l’intérieur de toi
Comme si tu pouvais encore vivre
Chacune d’elles.
Tu ne dors pas :
Mais ce n’est que lorsque la lumière de l’aube
Te rappellera qu’il fait jour
Et que tes paupières seront lourdes comme du plomb
Que tu pleureras les heures blanches
Le goût acide du ressac
Et l’amour que tu as perdu
Dans l’hésitation d’une étreinte.
–
voir cet article de François Weigel sur Nuno Judice.
–
Dis-moi, de l’existence … ( RC )
Dis moi, de l’existence, la réalité.
Hors de nous , pays habités,
L’écharpe de l’horizon, ceinte de brume
Continue, mer , océan, écumes
La poignée de mondes, qui restreint
Que tire d’ailes, les atteint
Et que les vies pressent
Sous le soleil ardent, paressent..
Si la sphère habitée est transparence
Où faut-il que mon regard s’élance ?
Vois -tu de l’autre côté de la terre
Les chemins et routes de poussière ?
Les grandes étendues et la course
des étoiles… disparue la Grande Ourse
L’au delà d’une vision, sans pourtant qu’elle ne se voile
Un quart de cercle, porté vers l’australe.
Vois, la planète , d’un autre costume
Autres peuples, autres coutumes
Les nôtres, en pays lointain n’ont plus cours
Aujourd’hui est un autre jour
Qu’une aube nouvelle fusionne
les espaces d’une vie, et résonne
en nous, autant les vaisseaux s’enchevêtrent
Et bat, au coeur, le sang de notre être
Il se voit circuler d’autre façon, étourdi
Sans forcer l’envers, sans interdit…
Le continent des ailleurs, ailleurs improbables,
Modèle le visage des hommes — en terre arable.
RC – 8 janvier 2013
–
Miguel Veyrat – une peur blanche

image: spectacle de la compagnie Luc Amoros: N’ayez pas peur de la page blanche
Une peur blanche
Je suis allé là où la beauté semble être toute nouvelle
pour toujours, et le dernier jour, j’ai trouvé
le premier. Celui qui tombe dans la lumière allumée fauve
nue et douce, avec le son de sa jeunesse
dans l’air.
Belle bien qu’elle cache le bas du visage
dans la première ombre répandue sur la page vierge.
Je me suis retiré vers nulle part
comme un corps dans l’abîme,
à la recherche d’un signe pour le copier sur la
première page disparue ce premier jour.
Ainsi l’aube nous ment dans son écriture cachée,
qui n’annule jamais les pas de la nuit en sa première ombre.
Au moment précis où la beauté se brise en vain
contre le mur du désir qui a effrayé le léopard –
quand nos poitrines se révoltent
en face de la puissance de la Nature
qui règne seulement pour le malheur, et l’ infinie vanité de tout.
trad RC –
-He ido donde la belleza pareció ser toda nueva
para siempre, y en el último día hallé
el primero. Aquel que cae al fulvo ardor de luz
desnudo y leve, con su juvenil sonido
por el aire. Hermoso aunque se emboce
en la primera sombra derramada sobre la página
en blanco. He retrocedido a ninguna parte
como el salto de un cuerpo en el abismo,
que busca su signo para copiarlo en la página
esfumada de aquel día inaugural. Así nos miente
el alba en la escritura oculta que jamás cancela
los pasos de la noche en su primera sombra.
Momento exacto en que la belleza se estrella
en vano contra el muro del deseo que espantó
a Leopardi —cuando nuestros pechos se amotinan
frente al poder de la Naturaleza que impera
solo para el mal, y la infinita vanidad del Todo.
–