Ahmed Kalouaz – A Genève, tu feuillettes, ce qu’il reste de moi
Il faut en reprendre l’habitude
l’hiver a couché sa saison
sur le Léman ;
les bateaux ne sont plus
que des coques givrées.
Il fait un froid terrible.
Dans la petite pièce
du quai de Miremont,
tu guettes le passage des enfants
au retour de l’école
alors que le courrier est en cheminement.
D’ici ne te parviennent
que des images de télévision,
des coups de feu d’une ville en émeute.
Un désordre sans inventaire possible,
un temps de chien.
Ici l’on dit
qu’un temps de chien est aussi
un sale temps pour les hommes.
Ces hommes comme des vagues
qui viennent se briser
indéfiniment et meurent
dans l’écume de l’habitude.
A Genève tu feuillettes
ce qu’il reste de moi
dans les tiroirs ;
ce qu’il reste de regards
sur les photos
diseuses de bonne aventure.
Le vide est là, au bord
de tes paupières de tulle blanc.
Déjà j’ai ordonné
au téléphoniste
de ne plus rien passer.
Mourir est un silence
à impulsions discrètes,
une falaise d’illusions,
alors que rien ne prouve
l’inexistence d’une suite.
Sur Genève il fait froid,
tu me disais encore dormir
dans le brouillard
retrouver les traces de mes doigts
sur ton ventre ;
là où toutes choses naissent,
là où toutes les douleurs s’enferment.
Un passage d’avions dans le ciel
quelques impacts étoilent
la façade d’en face
et je suis en instance de silence.
De l’autre côté les mêmes voiliers
inquiéteront le vent,
traverseront le soleil
et diront que le monde
n’est pas universel.
Quand un immeuble s’écroule à Beyrouth,
la mer tire la couverture et les enfants
continuent à courir,
sur les plages minées.
extrait de » à mes oiseaux piaillant debout «
Anna Jouy – J’écoute le point du jour
montage perso – 2014
je me suis couchée dans le bleu , je me lève aux oranges. ma jupe est rayée d’avions mon corsage est nu, il y a un coeur qui s’y lave
la nuit est un sucre à la fonte, la mienne fait des gouttes d’oiseaux. il faut une fenêtre pour avancer et tu fabriques de si belles trouées
tu délivres les gens de ma sorte, tu m’affranchis
c’est l’heure de laisser couler les mites du rêve
j’écoute le point du jour comme un doigt au milieu du thorax
c’est de lui que je m’habille, comme un ongle qui saigne et me désigne.
Vagabond des étoiles – ( RC )
Marcheur du ciel- Alfred’s campus New York
Marcheur du ciel Alfred’ campus New York
C’est tracer un chemin,
Le doigt posé sur la carte,
Passant de collines en villages,
Puis décider de le suivre,
Avec de bonnes chaussures,
Juste avec quelques ronds en poche,
Un carnet de notes,
Un appareil photo en bandoulière.
Juste travailler d’étape en étape,
Pour pouvoir manger,
Et poursuivre sa route ,
A travers le monde,
Sous les azurs et les pluies,
Et faire d’une cabane sa maison,
Le temps de reposer le corps,
Et continuer la voie choisie.
Au dessus passent les avions,
Tirant des traits blancs
A travers le monde,
Ignorant les pierres sur les sentiers,
Et la glaise collant aux pieds,
Quand on choisit son passage
Entre deux pentes rocheuses,
Aux lisières des bois,
Que le vent agite les branches,
Et fait ondoyer les champs d’orge.
Les senteurs des foins emplissent les poumons,
Les insectes bruissent et grésillent
La peau se tanne aux soleils,
Et croisent les lunes
Le sac tirant sur les épaules,
La suée sous les efforts
S’attirer la curiosité des oiseaux,
C’est être comme un vagabond,
A continuer jour après jour,
Minuscule et lent déplacement,
Tout au long du pays ,
Les pieds recouverts de poussière…
Et s ‘endormir sous les étoiles,
> Elles ne sont pas si loin …
–
RC- juin 2014
Amnésie volontaire ( RC )
–
Si tu perds la mémoire,
Et que ton passé soit un trou noir,
Il y a des médicaments,
> Pour réparer l’accident ;
Et de plus, en couleurs …
Tout le contenu du bonheur,
Est en gélules,
Et petites pilules,
On en a tout un stock
( C’est ce qu’a dit le doc )
Qui permettent de mieux aimer,
Quand on se sent paumé…
C’est par là, c’est par ici…
( Oh la jolie pharmacie ! ),
C’est quand même une belle chose,
De voir la vie en rose ,
De franchir le mur du son,
Comme les avions le font !
De sauter par-dessus les toits,
En croyant toujours en soi.
De garder son équilibre,
En croyant être libre …
…Bien sûr, toute chose a son prix,
Et aussi le paradis,
Qu’il soit artificiel,
Et multiplie les ciels,
Pour perdre de vue,
Le lointain des avenues.
Juste un peu de monnaie,
Pour ce petit sachet,
Ne pas dépasser les doses,
Sauf si tu te sens morose,
Cà, on ne sait jamais,
Mon petit poulet,
Le numéro d’équilibriste,
Je l’ajoute à la liste
Le grand saut dans l’espace,
Impair et puis passent ,
Des bonbons comme s’il en pleuvait,
Et du chocolat au lait,
C’est comme dans Candy Crush
Si tu as dans ta poche ,
Tout ce qu’il faut pour oublier,
L’esprit et les mains liées,
C’est quand même bien pratique …
Ne cède pas à la panique
Pour retrouver ta mémoire,
> Et celle du désespoir.
–
RC – avril 2014
Quand on n’a plus le sentiment, de l’heure et des choses ( RC )
–
–
Ce qu’il était d’un bleu,
Sous la touffeur commune,
Et les blés secs, étalés ;
Champs juste entaillés,
De chemins de poussière pâle,
L’après-midi tarde,
Au silence têtu,
Quand on n’a plus le sentiment,
De l’heure et des choses,
Et qu’on recherche l’ombre.
Il n’y a plus,
De l’horizon indécis,
Que les toits du village,
Lointain,
Dans la brume de chaleur .
S’étire le ruban de la route,
Même , suinte son goudron,
Dans le temps immobile …
L’espace se prolonge,
En de molles collines,
Adossées au ciel, à peine différent
Et les vrilles sonores,
Des mouches de l’été…
> Les déchirures tardives des avions.
En longs tracés blancs…
RC – 25 septembre 2013
–
Deux femmes en chapeau et leur enfant – (RC )

peinture: Claude Monet, les coquelicots d’Argenteuil – 1873, Musée d’Orsay Paris
–
– Deux femmes en chapeau et leur enfant,
Dans une peinture de Monet
D’une musique légère et virevoltante,
Chasse aux papillons, parmi les hautes herbes,
Une fenêtre ouverte sur le beau temps,
Mais rétrécie par le cadre lourd,
Des dorures inutiles,
–
Il fait chaud dans ce musée,
Les gens se pressent, dans l’exposition,
Les pas résonnent, sur le parquet verni,
Et sous la verrière, on voit des nuages gris,
Qui parlent de la ville,
Des immeubles qui se pressent,
Et des rues revêches, et des passants en imperméables.
–
La fenêtre de l’insouciance,
Ouvre sur la campagne.
Elle est riante, et tourne le dos,
Aux nouvelles des journaux,
A l’ère industrielle, qui s’étend,
Aux fumées des usines,
Envahissant bientôt l’horizon.
–
La campagne est riante,
C’est bien sûr le printemps,
Elle sonne , comme nostalgie,
D’un paradis perdu,
Oubliant les songes noirs,
Les anges qui blasphèment,
Et les grondements des avions.
–
Deux femmes en chapeau et leur enfant,
Dans une pente douce….
Il y a une musique légère, en robes longues
Des pianistes aux jambes fines et doigts d’araignées,
… C’est juste avant la ville,
( Enfin, quand je sors du musée,
Pour reprendre le métro ).
–
RC – 7 septembre 2013
–
Robert Piccamiglio – Epervier
Epervier
Je me jette depuis le sommet
d’une montagne
habillé d’un costard blanc
trop grand pour moi
je me transforme
en épervier.
Je me mets alors à voler
haut fier et libre
et je balance
quelques ‘ clins d’œil
aux avions supersoniques
qui traversent le ciel
sans jamais se retourner.
La nuit aussi je vole
je visite en coupant
par le milieu des nuages
lourds épais et gris
des horizons endormis
pendant que d’autres s’éveillent
je tourne tout autour
de la terre et du ciel
je fais comme si maintenant
j’étais devenu immortel
comme l’Ange silencieux
appuyé contre le mur.
Plus besoin de dormir
plus besoin de manger non plus
encore moins de rêver
juste regarder mes ailes
s’ouvrir se fermer
se déployer dans le sens
contraire du vent
de la pluie des saisons
et de la mort.
extrait du « baiser de la Toussaint » ed Jacques Bremond
JJ Audubon
–
Retrouver le chemin ( RC )
Même s’il fait jour, quelque part, c’est une fête nocturne
Un frôlement de gestes, des bonds discrets, et des yeux habitués à l’obscurité.
On a laissé au loin , le bruit et la fureur, le crépitement du soleil sur les chaumes
Pour la cathédrale de pénombre,
Où se glissent de temps à autre les bourdonnements têtus d’avions, bien au-delà.
Il faut s’habituer au rideau des bois, à la chevelure mouvante, qui ondule au moindre vent, et
… retrouver ses repères.
Quand tout se ressemble un peu, qu’il faut contourner les corps couchés d’ancêtres écroulés,
Ecarter des rideaux de fougères, s’extraire des pièges de ronces, la progression est lente.
Personne n’a jalonné le terrain, n’a semé de temps en temps des cailloux blancs, qui guideraient les pas.
Celui-ci et le suivant. La distance ( dont on ne peut dire qu’elle s’étire ), ne connaît pas la ligne droite.
Le pied prend appui sur ce qui n’est pas, le terrain s’accidente et se heurte de temps à autre à des rochers instables,
suivis de pentes glissantes.
En attendant me voila progresser dans la fange, les mousses cédant du terrain vers l’humide.,sous les caquetages faciles
des oiseaux exotiques, dont on ne distingue qu’un passage furtif,
La voûte de la forêt est une explosion que l’on suppose verte,
Une cloche végétale, fourmillant d’insectes, où chacun travaille à sa survie.
Je dois agiter les bras en tous sens, pour tenter d’échapper aux moustiques, intéressés par ma présence insolite.
…en d’autres lieux j’aurais pu croiser les corps écailleux de reptiles en attente…
Mais , – je vois une éclaircie soudaine, un sillon clair partage la futaie….
j’ai retrouvé le chemin.
RC – 7 octobre 2012
Ceiba_pentandra le kapokier fromager
–
Que je complète avec l’article de Lambert Savigneux: visible dans « les vents de l’inspire «
ploie le temps ce qu’il en reste (remnants)
si l’ ours et l’humus des hêtraies
grise face de pierre polie et vingt sentiers font une taïga d’hiver
vers une douce pas trop rude quand pas de plume
cree grogne ni rend shoshone
dans la huitième nuit blême bleue de loutre et mer
pluie que trois pour une soupe
j’outre
ni crire ni rire même des crocs moins que d’accrocs un clos de cache à l’eau des brins d’ilots
mais ronger une branche sèche si bois sec l’eau crisse fendue une coulée loir pousse de sève perce dans le sens oblique
longue robe libidinale
orignal ou nihil à ni male ni feu mêle ne leurre
et secoue s’en pour sang au coude à coude comme si pioche mais nickel dans les rockeuse bluese
une tête d’ourse s’entête à lever le paw à
l’émergence du soleil
car hiboux n’est pas putois ni castor une peau de daim affamée court pâmée
le poing levé au sol hérisse de poils pour luire
je dis tranquillement s’ébrouer à la voix tachetée
–