Je n’ai pas fait de toi une poupée mais conçu un enfant
Sous le fouet de ta peine étant peut-être torturé moi-même Tu béniras comme une offrande la soif et la faim Que te donna un messager attardé, roulant sans amertume
J’ignore les caresses car je t’ai tiré d’un sang Acre, ce qui rendait vaines les sages leçons A présent, tu ne souffres pas de ma plaie à moi, mais De ce qui cause ton désespoir et mes désillusions
Tu suscites et supplies sans fruit Le silence automnal qui s’insinue de par mes membres En cette folie qui nous habite tu peux te jeter à ta guise Mais en aucune façon te soustraire au destin de ta ville de Troie
Ils nous interpellent et nous injurient dans la langue de ceux Qui voulurent nous suivre dans la langue de ceux Qui voulurent savoir quand parler et quand se taire Et s’en aller harassés s’en aller détachés De notre plante de la branche de notre langage Affranchis tout à leur seule pensée, la face tournée vers l’oubli
De nous hier et aujourd’hui ignorés de leurs yeux Eux dont nous ne fûmes pas les gentils enfants Les enfants nôtres que nous avons asphyxiés un à un De la pâte de nos mots qui les étouffaient Quelque part au-delà de la mer au-delà des retours Eux qui nous attendaient sagement tardivement Nous attendaient longtemps non pour venir sceller la semence du non-dit de la bible des bontés Ou des pudeurs non non car nous sommes capables De mourir à petit feu pour ne pas oublier La façon dont meurent les autres et comment ils grimpent Le long de leur plante si haut qu’ils ne nous voient plus Que n’avons-nous désiré des nuits sournoises les laissant Dormir entre nos pores et nous plonger sous les ruines Vous nos braves enfants nos enfants chéris À qui nous avons manqué qui nous aimez encore nous insultez Dans la langue de ceux qui voulurent nous suivre Qui voulurent voir et dire quelque chose Taire quelque chose s’en aller vivifiés et les nôtres Nous qui avons tâté leur ombre pour les bien savoir nôtres Nous qui avons pressé nous-mêmes le jus des livres Nos enfants chéris nos braves enfants Nous savons que vous n’êtes ni malheureux ni oubliés de nous.