Nathaniel Tarn – tout tremble dans les trois créations

photo perso – îles Penrentian – Malaisie
Front de nuage dans lequel nous glissons,
lèvre bleue en bas qui fait saillie dans la mer,
nez d’une île qui pointe, gigantesque proue,
atterrissage à la surface de la lèvre comme un baiser –
hélices au ralenti, bienvenue des palmes –
en un mouvement de vent qui ne saurait cesser
tant que nos mains soulèvent les montagnes.
Île languissant dans l’air moite,
orage qui monte à l’horizon alentour,
impossible de savoir d’où exactement
mais tout tremble dans les trois créations.
Raie Manta – ( RC )

–
Les abîmes d’eau portent l’éventail du rêve
où les étoiles rencontrent les profondeurs.
Le miroir de la surface, a cessé d’être
au-dessus de la brousse des vagues.
Les coraux aux mille couleurs
s’emparent d’oriflammes de soleil,
et mes ailes battent la mesure
comme si elles allaient vers le ciel.
Elles ont l’envergure de celles d’un aigle
mais leurs ombres demeurent .
Elles effraient les bancs de poissons,
qui furtifs contournent les rochers :
( autant de boucliers pour les crustacés
et coquillages ).
Je n’ai pu déposer un baiser
sur les lèvres bleues des bénitiers,
qui priaient , dans leur coquille,
solitaires aux vents de mer,
alors j’ai fini par m’envoler,
luisante et noire,
vers d’autres contrées.
RC
Djamal Benmerad – neutre et mort

Tu n’entends pas
la rosée du matin
ni le souffle du vent
dans les bois
ni le rire moqueur de la mouette
Tu ne vois pas le vif
des cerises pulpeuses
Tu ne connais pas
le mal de la torture
Tu ne sens pas
sous tes doigts
la chair frissonnante
de la nubile
Tu ne te bats pas
En vérité
tu es déjà mort
ou presque
Le métier d’exil
Ici on ne meurt pas
on rampe
La visière de l’exil
projette de l’ombre sur nous
et ennuage nos rêves
Ô camarades !
Si mon absence se prolonge
l’écharpe risque de ternir
et je n’hériterai d’aucun baiser
que j’aurais donné
extrait de l’anthologie « points » de la poésie algérienne
poèmes et autres tracts, Éd. Rebelles, Belgique, 2004.
Antoine Jean-Baptiste Roger – Sonnet romantique

J’attends l’amour, le grand amour que ne déparent
Ni les doutes, ni les dégoûts, l’amour tardif
Dont le flux submerge le cœur, ce vieux récif,
L’amour, mer d’Orient suit la côte barbare !
Aussi pardonne-moi si ma bouche est avare,
Tu n’es pour moi qu’un rayon de soleil furtif.
Je rêve par-delà notre baiser passif
Un roman beau comme un poème… et m’y prépare.
Cependant si déçu, je ne le vivais pas,
Pour te frôler encore je hâterais le pas
Dans ce brouillard d’hiver où la lumière est jaune…
Et malgré cet orgueil qui me ronge en secret,
Ton sourire est si doux qu’il me consolerait…
…Dieux ! L’amour serait-il si triste comme une aumône ?
–
Antoine Jean-Baptiste Roger – ( plus connu sous le nom de Saint-Exupéry )
Bernard Noël – la chute des temps – extrait 1

photo et montage RC
tu regardes
cette chose sans toi qui est toi
de quoi parlions-nous dis-tu
ta main même est muette
est-ce moi que vous avez tué
il n’y a plus moyen de faire la différence
peut-être suis-je quelqu’un qui n’est plus là
mais qui
peut ouvrir son propre corps pour lire
les présages de son identité
il est temps que chacun se souvienne
d’une autre histoire que la sienne
la mémoire s’en va comme le sang
à quoi bon ce que l’on a su
quelqu’un toujours voudrait venir
sous notre peau il lui suffirait
d’être la forme de l’air tout le temps
qu’il demeure dans notre corps
pourquoi n’y a-t-il plus de miracles
ils étaient le retour d’un souffle
dans la bouche capable
de le reconnaître mais les mots
sont trop forts quand ils vont
seuls on les attache l’un à l’autre
comme la respiration attache l’air qui vient
à celui qui va misère
misère où est la bouche libre
et ce trou dans la terre
qui parlait
au cœur ainsi que monte
la sève ou bien le regard
dans les yeux ne m’oublie pas
criais-tu et je n’entendais qu’un pas
d’oiseau et il froissait l’air devant
mes lèvres
qu’est-ce qui change
sinon la qualité quand l’énergie
détruit une différence pour en créer une autre
chaque jour est une différence
où le changeant est moins que le divers
le temps n’est jamais dans la ligne
droite il explose et moi
comment pourrais-je dire aujourd’hui
sans être à bout de souffle
car la fin et le commencement se tiennent
entre les dents qui tiennent ce mot
d’autres ont cherché le chiffre pour rabattre
le devenir sur lui-même tenir la vie
j’ai seulement rêvé de voir cette chose
aérienne un mot qui s’envole
de ta langue et je verrais enfin
ce qui sous nos yeux échappe à nos yeux et tu parlerais
tu parlerais pour que je voie
et nous aurions existé pour cela
dessous la lente migration de l’air dans l’air
mais dis-moi qui
et tout le dehors est une page blanche
où nous allons parmi les puits taris
sur le plafond de la nuit marchent
les morts parle-moi parle
que je croie encore à ces choses
dont nous avons meublé la vie syllabe
après syllabe l’ombre ne prend pas
sous les mots car ils sont le fil
qui raccommode la blessure
mais tu t’en vas les bras chargés
de ma poussière et je ne sais plus si
le regard est fait par le silence
ou la lumière
dis-moi qui
me dira ce qu’il faut faire
de toute cette vie réduite à une fois
et le temps aura la douceur d’un vieux linge
malgré la gâchette et le dernier baiser
puis il ne sera plus jamais trop tard
qu’attendions-nous un nuage est passé
le temps futur est devenu le présent
tu as dit ma conscience n’a pas bougé
et j’ai vu ton visage être cette pierre
dont j’aurais voulu faire ma maison
où mettrons-nous la porte disais-tu
quand chaque instant nous change en
ce que toi et moi ne sommes plus
et je pensais la vie est vaine
pour que le rien devienne créateur
et l’heure suspendue mais la langue
penchait comme une terre basse
après le recul du sens
qui
toujours la même affaire cependant
le neuf part encore de la fin
l’histoire coupe à travers maintenant
comme l’étrave fend la mer
les mouvements de l’une et l’autre
ne sont qu’un dans l’ignorance réciproque
et la contradiction nous sommes nés
des morts comment dire autrement
cette chose simple et qui appelle
car l’histoire n’est pas dans la continuité
elle est une explosion d’instants
que le pouvoir ramasse après
pour les ranger en ordre convenable
ainsi naît l’irréversible le jour
baisse entre les dates les épitaphes
les signatures derrière la main
pousse l’héritage et le temps n’en revient pas
parce qu’il regarde le calendrier
comme on regarde une photographie qui
n’est pas la sienne
miroir miroir
nul ne sait fouiller dans la chair
pas plus que dans l’image où chacun
se connaît à l’envers mais tu rêves
d’ouvrir le chantier de l’origine
les mots s’enroulent aux nerfs
ils les gainent d’un rien qui est
aussi la doublure de tes yeux
comment savoir de quelle étoffe
est le savoir quand l’intouchable
est le savoir lui-même et pourtant
quel plaisir dans la tête à s’habiller
de cela
qui mais qui pourrait
comme l’amour retire sa robe
qui pourrait découvrir l’en-dessous
tu es au monde et tu es en toi
disais-tu touchant mon cœur
et je ne comprenais pas tes mots
mais cela seulement qui mettait en moi
leur bouquet d’air
puis la peau repousse et tu es loin
derrière tes dents ou les miennes
l’un compte ses pas l’autre voit ses os
au bord d’une chose immense et floue
la vie qui revient dans la bouche
est une vie changée par le sens
je regarde par-dessus mon épaule
et ne me vois pas venir
mais qui disait
retourne-toi afin que l’avenir change
de place on a planté des morts
à tous les points de l’horizon
chaque direction reste immobile
le temps a les mêmes lèvres que la mer
sauf pour qui s’en va dans
son propre regard et devient l’eau de la lumière
mais les dimensions le ramènent
vers la pierre illisible
et NON
comme le pied du nageur dit non
quand il touche le fond
rien n’aura suffi puisque tu ne suffis pas
à ce que tu es un jour la trace
est perdue et ton souffle passe mes lèvres
quel vivant reconnaît en lui-même
ce qui est plus vieux que lui
et pourtant j’écris avec cela
mon visage est un souvenir
dont personne n’a gardé la mémoire
l’oubli roule des cargaisons de mots
chaque corps est une rive
où font signe la langue
et les gestes du naufrageur
Aytekin Karaçoban – Temps étrange

J’ai ouvert la porte pour toi
l’air printanier s’est engouffré.
Quelle précipitation
comme l’enfant qui ne saurait attendre son tour !
Il est entré
avec le bruit des grues sur leur chemin de migration,
avec une grappe de soleil sur une branche de mimosa,
avec ton insouciance, ce jour d’hiver.
Il a traversé nos regards, notre baiser.
Rempli les orbites du masque de bronze.
Un instant, il s’est arrêté aux tic-tacs de la montre à gousset.
Avec son doigt, il a vérifié la poussière des livres
avant de courir goûter le repas, sur la cuisinière.
Il a roulé dans notre lit, palpé nos oreillers.
De là, vite, il a pénétré dans la salle de bain,
volé la lavande d’un savon,
sauté par l’étroite lucarne sur ailes d’un moineau.
-Tu vois ?
-Quoi ?
-L’air du printemps sur les ailes du moineau.
Nous regardions le même endroit,
nous ne voyions pas la même chose.
Le couple de pierre a perdu son ombrelle – ( RC )

Je ne sais depuis combien de temps
patientent ces gens
au sommet de la colline .
Ont-ils perdu leurs habits d’hermine
ainsi que leur ombrelle ?
Les voila changés en statues de sel,
ces deux amants
exposés au vent,
mais toujours aussi proches.
Leur visage de roche
par un sculpteur, immortalisé
en prolongeant leur baiser
en aplomb du précipice.
On pense à Philémon et Baucis
dont l’existence réelle
ne s’embarrasse pas d’ailes :
leurs branches enlacées ,
un face à face rapproché ,
où l’amour peut affronter
le passage des années, pour l’éternité.
Roberto Juarroz – La vie immobile
Nous restons figés parfois
au milieu d’une rue,
d’un mot
ou d’un baiser,
les yeux immobiles
comme deux longs verres d’eau solitaire,
la vie immobile
et les mains inertes entre un geste et celui qui aurait suivi,
comme si elles n’étaient nulle part.
Nos souvenirs alors sont d’un autre
dont à peine nous nous souvenons.
R Juarroz
Pierre Mhanna – le feu de son parfum
—
photo: Josef Breitenbach
Sa robe tombante
Un souffle de brouillard et de rosée
L’entre-laçage de la forêt,
Nue elle se promène alors
L’eau bleue de l’aube,
Dans le baiser de sa peau
Le lever du soleil du matin.
Dans d’innombrables corniches
Le feu de son parfum
Remplit mon encrier,
Hors de la dureté de la pierre
Persuadant ma volonté de monter
Et faire face au monde à nouveau,
Façonner le renouveau du monde
Hors de la profondeur
De mon amour et de ma passion,
La maturité de ma virilité,
La vigueur rajeunissante de sa présence
Floraison dans mon coeur,
Imprégnant mon être
À la lumière de l’éternité.
–
( tentative de traduction: RC )
–
Her falling dress
a breath of fog and dew
lacing the forest,
naked she then wades
the blue water of dawn,
in the kiss of her skin
the morning sun rising.
In countless streamlets
the fire of her fragrance
replenishes my inkwell,
out of the hardness of stone
coaxing my will to rise
and face the world again,
shape the world anew
out of the depth
of my love and passion,
the maturity of my manhood,
the rejuvenating vigor of her presence
flowering in my heart,
pervading my being
with the light of eternity.
Magali Bougriot – Nostalgie d’un baiser
Elle.
Tout en elle me faisait vibrer. Mais comme dans chaque symphonie, chaque partie a sa place, son temps sa mesure, son intensité. Un subtil mélange de sons dans un alliage percutant, profond et puissant.
Elle.
Tout commençait par la trame de fond, la cadence, son regard. Dans ses yeux gris, vert, bleu, je ne saurais jamais vraiment les définir tant leur couleur était variable, j’y plongeais les miens, dans une immensité sans fond, un voyage dans l’hyperespace, une sorte de doux flottement jusqu’à trouver la connexion, l’accroche, ce moment où la grosse caisse lourde et lancinante entre en raisonnance. Le rythme singulier d’un battement de coeur, boom….boboom….boom…boboom…Régulier, constant, rassurant, nous sommes ici, nous sommes 2 et nous vibrons sur la même longueur d’onde. L’alchimie peut opérer. Aucun contact nécessaire, juste ses yeux, les miens, et la myriade de messages synaptiques qui parcourent nos corps au rythme cadencé du sang qui afflux dans nos artères. Boom… Boboom….boom…boboom… Puis s’insinue le doux son d’un violoncelle, le glissement d’une main le long d’un bras, annonce d’une mélodie, les cordes frottées délicatement, le son pur, chaud, une promesse chuchotée… » Je ne veux que toi…. »
Ma peau frissonne sous la pulpe de ses doigts et déjà je sais que la musique s’empare de moi, la transe s’installe, toujours plus profondément, fixant chaque instant sur les partitions de ma mémoire. Ses mains. Ses doigts. Divins, indéfinissables de perfection. Des mains pareilles sont faites pour caresser, pour étreindre, et à ce moment c’est moi qui me glissais entre elles, consciente de ce privilège. Mais comment ne pas toucher sa peau? Ce voile rosé et parfumé dont je percevais déjà les effluves si loin que je pouvais être d’elle. Un appel à la rencontre, le sucré, vanillé, une confiserie à portée de mains, de nez… Les sens en éveil pour mieux m’en délecter… Se retenir…. Et faire durer…. Se retenir… Je parcourais alors les contours de son visage du bout de mes doigts hésitants, comme on toucherait une oeuvre d’art, dans un respect protecteur, sous ses doigts l’exception, en être consciente et ne pas vouloir briser le rêve par des gestes trop brusques, sous peine de se réveiller et de tout perdre… Encore un peu… Encore un peu…. Je revois ses traits tendus, si particuliers, qui rappelaient les gravures grecques aux lignes saillantes et anguleuses, à chaque centimètre un son, nous composions le début d’un requiem. Quand nos corps vinrent à se rapprocher par l’attraction incontrôlée, quand de mes bras je vins la serrer contre moi,quand sur mon ventre, ma poitrine je senti la pression de son propre ventre, de sa propre poitrine, écrasant le peu de self contrôle qui nous restait, c’est tout le rang des cordes qui se mit en scène, dans une envolée légère.
La montée crescendo de la cadence, les doubles croches décrochant nos limites, toujours rythmées par les contre basses s’alliant à la grosse caisse dans nos yeux qui ne risquaient pas de perdre pieds. À quelques centimètres seulement, des secondes qui s’étirent, un temps qui se détend, tout semble figé et si mouvant pourtant. Je peux sentir la chaleur de son souffle contre mes lèvres, un dernier questionnement dans nos regards, vraiment? Maintenant? Tu es sûre? Un silence sur la partition, ce petit carré noir maitre de tout, et tout se suspend, l’éternité. Bien sur que je suis sûre! Bien sûr qu’on l’est! Et dans l’apothéose générale, les cuivres et flûtes entrent en jeu, jouant leur plus belle prestation, alors que les cymbales s’emballent, dans un fracas salvateur.
Nos lèvres se retrouvent en ce premier baiser comme après des millénaires d’absence. Celles qui ne s’étaient pourtant jamais rencontrées se connaissent comme si rien ne les avaient un jour désunies, et rien ne pourra les désunir à présent…
–
Magali Bougriot – Nostalgie d’un baiser

peinture: Richard Lindner – kiss
–
il est des choses qui ne s’effacent pas…
Elle.
Tout en elle me faisait vibrer. Mais comme dans chaque symphonie, chaque partie a sa place, son temps sa mesure, son intensité.
Un subtil mélange de sons dans un alliage percutant, profond et puissant.
Elle.
Tout commençait par la trame de fond, la cadence, son regard.
Dans ses yeux gris, vert, bleu, je ne saurais jamais vraiment les définir tant leur couleur était variable,
j’y plongeais les miens, dans une immensité sans fond, un voyage dans l’hyperespace, une sorte de doux flottement jusqu’à trouver la connexion,
l’accroche, ce moment où la grosse caisse lourde et lancinante entre en raisonnance.
Le rythme singulier d’un battement de coeur,
boom….boboom….boom…boboom… Régulier, constant, rassurant,
nous sommes ici, nous sommes deux et nous vibrons sur la même longueur d’onde.
L’alchimie peut opérer.
Aucun contact nécessaire, juste ses yeux, les miens,
et la myriade de messages synaptiques qui parcourent nos corps au rythme cadencé du sang
qui afflue dans nos artères.
Boom… Boboom….boom…boboom…
Puis s’insinue le doux son d’un violoncelle, le glissement d’une main le long d’un bras,
annonce d’une mélodie, les cordes frottées délicatement, le son pur, chaud, une promesse chuchotée… » Je ne veux que toi…. »
Ma peau frissonne sous la pulpe de ses doigts et déjà je sais que la musique s’empare de moi,
la transe s’installe, toujours plus profondément, fixant chaque instant sur ceux de ma mémoire.
Ses mains. Ses doigts. Divins, indéfinissables de perfection.
Des mains pareilles sont faites pour caresser, pour étreindre, et à ce moment
c’est moi qui me glissais entre elles, consciente de ce privilège.
Mais comment ne pas toucher sa peau?
Ce voile rosé et parfumé dont je percevais déjà les effluves si loin
que je pouvais être d’elle. Un appel à la rencontre, le sucré, vanillé,
une confiserie à portée de mains, de nez…
Les sens en éveil pour mieux m’en délecter… Se retenir…. Et faire durer…. Se retenir…
Je parcourais alors les contours de son visage du bout de mes doigts hésitants,
comme on toucherait une oeuvre d’art, dans un respect protecteur,
sous ses doigts l’exception, en être consciente et ne pas vouloir briser le rêve par des gestes trop brusques, sous peine de se réveiller et de tout perdre…
Encore un peu… Encore un peu….
Je revois ses traits tendus, si particuliers, qui rappelaient les gravures grecques aux lignes saillantes et anguleuses, à chaque centimètre un son, nous composions le début d’un requiem.
Quand nos corps vinrent à se rapprocher par l’attraction incontrôlée,
quand de mes bras je vins la serrer contre moi,
quand sur mon ventre, ma poitrine je sentis la pression de son propre ventre,
de sa propre poitrine, écrasant le peu de self contrôle qui nous restait,
c’est tout le rang des cordes qui se mit en scène, dans une envolée légère.
La montée crescendo de la cadence, les doubles croches décrochant nos limites,
toujours rythmées par les contre-basses s’alliant à la grosse caisse dans nos yeux qui ne risquaient pas de perdre pied.
À quelques centimètres seulement, des secondes qui s’étirent, un temps qui se détend, tout semble figé et si mouvant pourtant.
Je peux sentir la chaleur de son souffle contre mes lèvres, un dernier questionnement dans nos regards, vraiment?
Maintenant?
Tu es sûre?
Un silence sur la partition, ce petit carré noir maitre de tout, et tout se suspend, l’éternité.
Bien sur que je suis sûre! Bien sûr qu’on l’est!
Et dans l’apothéose générale, les cuivres et flûtes entrent en jeu, jouant leur plus belle prestation, alors que les cymbales s’emballent, dans un fracas salvateur.
Nos lèvres se retrouvent en ce premier baiser comme après des millénaires d’absence.
Celles qui ne s’étaient pourtant jamais rencontrées se connaissent
comme si rien ne les avait un jour désunies, et rien ne pourra les désunir à présent…
—
C’est par un acte d’amour, que se dessine le jour – ( RC )
photographe non-identifié;
–
Le ciel et la terre se touchent.
Ils s’étendent au-dessus de l’autre.
C’est par un acte d’amour,
Que se dessine le jour.
La terre se retourne, quand il s’éteint,
Contre le baiser du soleil.
De l’autre côté, il fait déjà nuit,
En égrenant quelques heures.
Le temps de fermer les paupières,
Le ciel et la terre se confondent,
Dans l’obscurité, et notre absence.
Leurs amours sont chasteté.
Et se dissimulent,
Sous un rideau d’étoiles,
Jusqu’à l’aube qui se dévoile,
Sous sa grande robe,
Au regard du jour, .
–
RC – avril 2014
–
Renée Vivien – Lucidité
L’art délicat du vice occupe tes loisirs,
Et tu sais réveiller la chaleur des désirs
Auxquels ton corps perfide et souple se dérobe.
L’odeur du lit se mêle aux parfums de ta robe.
Ton charme blond ressemble à la fadeur du miel.
Tu n’aimes que le faux et l’artificiel,
La musique des mots et des murmures mièvres.
Ton baiser se détourne et glisse sur les lèvres.
Tes yeux sont des hivers pâlement étoilés.
Les deuils suivent tes pas en mornes défilés.
Ton geste est un reflet, ta parole est une ombre.
Ton corps s’est amolli sous des baisers sans nombre,
Et ton âme est flétrie et ton corps est usé.
Languissant et lascif, ton frôlement rusé
Ignore la beauté loyale de l’étreinte.
Tu mens comme l’on aime, et, sous ta douceur feinte,
On sent le rampement du reptile attentif.
Au fond de l’ombre, elle une mer sans récif,
Les tombeaux sont encor moins impurs que ta couche…
O Femme ! Je le sais, mais j’ai soif de ta bouche !
_ (Études et préludes, 1901)
La Provence se penche pour un baiser profond (RC )
–
Il est des calanques, comme une personne que vous aimez,
En la conduisant vers la mer, juste pour y tomber dans son lit,
En allant vers le mirage sauvage de l’eau,
La Provence se penche pour un baiser profond,
Sertie de roches blanches, coupantes
– Comme menaçant la terre, en la poussant
Dans les flots sertis de diamants mobiles,
Avec ses pins qui résistent, avec leurs manches vertes,
Leurs racines puisant le ciel d’un soleil,
Et la pente fourbue des rochers
– S’éparpille en îles,
Battues par le vent sauvage de l’azur.
–
RC – 12 avril 2013
–
Le geste avait pris sa main ( RC )

dessin calligraphique à partir d’une sculpture de Matisse, exposition Matisse et Rodin, musée Rodin, décembre 2009
–
Ce qu’il se passe sur sa page,
je ne peux l’expliquer …
il y a de l’oubli nécessaire, et un temps céleste,
qui brouillaient sa présence et dirigeaient ses pas.
Des pas d’encre quand je débarquais demi- inconscient,
franchissant des seuils sans s’arrêter,
usant de l’entaille comme des signes, portés par une mémoire.
Elle était là, à ma place, basculant au bord du monde,
et se frayait un chemin parmi la surface,
toute à elle sans un parcours de sève ,
unie au tracé rapide sur la feuille qui tremble.
J’avais vécu le temps d’un baiser anonyme,
qui ne laisse de son passage, que la trace du dessin,
C’était un grand geste précis qui allait se lancer
dans une arabesque, et le mouvement seul,
avait pris sa main.
Il se demanda encore s’il y était pour quelque chose,
confondant le destin et le dessin.
Une seule lettre en sépare le sens….
On lui dit que oui .
–
RC – 10 avril 2013
–
JC Bourdais – L’arbre à bière Bernard Noël – grand arbre blanc
–
« Autrefois dans ce pays
On ne pouvait pas dire
pour désigner la fin d’un arbre qu’il était mort.
Seuls l’homme et l’animal pouvaient mourir.
On raconte que pour éloigner l’étranger du village,
On lui disait :
« Tu n’as pas ton arbre ici »
——————-
JC Bourdais , L’arbre à bière,Rhizome,2002, Nouméa
–
auquel j’ajoute » grand arbre blanc » de Bernard Noël
Grand arbre blanc
à l’Orient vieilli
la ruche est morte
le ciel n’est plus que cire sèche
sous la paille noircie
l’or s’est couvert de mousse
les dieux mourants
ont mangé leur regard
puis la clef
il a fait froid
il a fait froid
et sur le temps droit comme un j
un œil rond a gelé
grand arbre
nous n’avons plus de branches
ni de Levant ni de Couchant
le sommeil s’est tué à l’Ouest
avec l’idée de jour grand arbre
nous voici verticaux sous l’étoile
et la beauté nous a blanchis
mais si creuse est la nuit
que l’on voudrait grandir
grandir
jusqu’à remplir ce regard
sans paupière grand arbre
l’espace est rond
et nous sommes
Nord-Sud
l’éventail replié des saisons
le cri sans bouche
la pile de vertèbres grand arbre
le temps n’a plus de feuilles
la mort a mis un baiser blanc
sur chaque souvenir
mais notre chair
est aussi pierre qui pousse
et sève de la roue
grand arbre
l’ombre a séché au pied du sel
l’écorce n’a plus d’âge
et notre cour est nu
grand arbre
l’œil est sur notre front
nous avons mangé la mousse
et jeté l’or pourtant
le chant des signes
ranime au fond de l’air
d’atroces armes blanches qui tue
qui parle le sang
le sang n’est que sens de l’absence
et il fait froid grand arbre
il fait froid
et c’est la vanité du vent
morte l’abeille
sa pensée nous fait ruche
les mots
les mots déjà
butinent dans la gorge
grand arbre
blanc debout
nos feuilles sont dedans
et la mort nous lèche
est la seule bouche du savoir
*
.Bernard Noël..
–
Chaudes embrassades ( RC )

photo: Alanah Collier
Aux chaudes embrassades
Les bras élastiques,
Un corps qui bat la chamade
S’enroule tout en rythme
Et puis, quand il se penche
Participe à l’écriture…
L’espace ondule des hanches,
Mots rayés et mouchetures,
Justifie, s’il le faut, la tendresse
Par une danse improvisée….
Défaite, la chevelure, retenue en tresses,
Vous pouvez vous manifester par un baiser
Au coin d’une page pliée…
Trace de rouge ,sur la joue déposée,
De l’étage, franchir le palier,
Quelques phrases bien dosées…
Finis les propos mièvres,
Tu n’as qu’à ouvrir la bouche,
Donner du corps à tes lèvres,
Un emportement farouche,
— Et s ‘il faut qu’on se grise
Laisse toi donc approcher
Suivant les préceptes de l’église,
De l’originel empêcher,
Distinguant les parties nobles et dignes,
D’autres, à faire des envieux.
En suivant les consignes
Approuvées par Dieu
Mais en revenant sur la terre,
On peut s’en remettre à Saint Fouquin,
Pour soupeser les commentaires,
– ( dont on ressort un bouquin )
…. tu peux toujours le lire …
» Peccato non Farlo » est le thème
Le conseil, serait d’agir,
Sans recourir à l’anathème,
Encourager les fidèles,
Et aussi favoriser l’éclosion….
A couronner leur zèle,
Avec bénédiction.
Il faut encourager la natalité
Si l’on reste alité
Et que les sexes se rencontrent…
– ( tu veux que je te montre ? )
Ainsi jaillissent les étincelles
Entre les amants ravis…
Seront bientôt parents
D’enfants en ribambelle
Nouveaux papas et mamans
Se transmettent le flambeau de la vie…
C’est un cadeau de prix,
Et celui-ci, selon le prêtre, en reste honnête
Au père, le fils ( et le Saint-Esprit )
… s’il faut repeupler la planète….
–
RC – 6 novembre 2012
PS: Peccato non farlo se réfère à un article publié dans courrier international, que l’on peut lire à cette adresse: http://www.courrierinternational.com/article/2005/02/10/allez-et-multipliez-vous
–
José Gorostiza – le rivage
LE RIVAGE
Ni eau ni sable
n’est le rivage.
Cette eau sonore
d’écume simple,
cette eau ne peut
être rivage.
Pour reposer
en lieu moelleux,
ni eau ni sable
n’est le rivage.
Les choses aimables,
discrètes,simples,
se joignent
comme font les rivages.
Aussi les lèvres
pour le baiser.
Ni eau ni sable
n’est le rivage.
Chose de mort
je me regarde;
seul,désolé
comme au désert.
Viennent mes larmes:
je dois souffrir.
Ni eau ni sable
n’est le rivage.
José Gorostiza (traduction claude Couffon)
Guillevic – Elégie
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Élégie
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Je t’ai cherchée
Dans tous les regards
Et dans l’absence des regards,
Dans toutes les robes, dans le vent,
Dans toutes les eux qui se sont gardées,
Dans le frôlement des mains,
Dans les couleurs des couchants,
Dans les mêmes violettes,
Dans les ombres sous les hêtres,
Dans mes moments qui ne servaient à rien,
Dans le temps possédé,
Dans l’horreur d’être là,
Dans l’espoir toujours
Que rien n’est sans toi,
Dans la terre qui monte
Pour le baiser définitif,
Dans un tremblement
Où ce n’est pas vrai que tu n’y es pas.
Guillevic (« Sphère » – éditions Gallimard, 1963)
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Sensation – d’elle (RC)
En réinterprétant une partie du post 1606 D’Arthémisia: « Ce rose s’appelait Pimprenelle. Elle sourit. Se sourit.
La vitre reflétait parfaitement son image. Elle se fit une bouche fleur. »
—–
La vitre reflétant parfaitement son visage
Transmit , du quai de la station, son image
Ce reflet, qui saisit , de bonheur,l’amateur ,
La mateur attend. , et tente un signe.
Lorsque le dessin des lèvres paraît, insigne
Sur la vitre embuée, la bouche fleur
Le reste du visage fuyant, très doux
Evoqué, et comme aspiré par le flou
Juste un baiser rosi, frôlement froissé, d’ailes
Couleur carmin, sensation – d’elle (Pimprenelle)
Déposé sur la glace du métropolitain
Qui s’ébranle – en parcours souterrain
Emportant au loin l’image en fusion
Du jour à venir, et ses tentations.
RC
Wislawa Szymborska – La gare

Gare Hamburger de Berlin: installation lumineuse de Dan Flavin
La gare
Ma non-arrivée dans la ville N
s’est passée à l’heure ponctuelle
Je te l’avais annoncé
par une lettre non envoyée.
Tu as eu tout le temps
de ne pas arriver à l’heure
Le train est arrivé quai trois
un flot de gens est descendu.
La foule en sortant emporta
l’absence de ma personne
Quelques femmes s’empressèrent
de prendre ma place dans la foule
Quelqu’un que je ne connaissais pas
courut vers une d’entre elles
qui la reconnut immédiatement.
Ils échangèrent un baiser
qui n’était pas pour nos lèvres.
Entre temps une valise disparut
qui n’était pas la mienne
La gare de la ville N a passé
son examen d’existence objective
Tout était parfaitement en place
et chaque détail avançait
sur des rails infiniment bien tracés.
Même le rendez-vous a eu lieu.
Mais sans notre présence.
Au paradis perdu
de la probabilité
Ailleurs
ailleurs.
Combien résonnent ces mots.
—–Pour découvrir cette poétesse, vous pouvez aller sur cette page, qui en publie de nombreux:voir aussi ce recueil
![]() recueil |
Souffle gonflé, carmin déposé (RC)
D’un souffle gonflé
ta bouche soufflée
cosmétique et cosmique
Carmin déposé
Plage blanche animée
Baiser donné
Je le vois , je le sens
l’arc rouge , je le prends
je dessine les contours
D’une ruche, autour.
Cà bourdonne dans ma tête
Et entête ma planète…
–
Cathy Garcia – Suture
Cathy Garcia, poète, a aussi son blog, où beaucoup d’informations peuvent être trouvées sur son oeuvre éditée
SUTURE
Lunes de cire
Echo des frontières
Tracées au khôl
Nuit émaciée
Aux éclats de souffre
La langue des anges
Dérange les nerfs
Prend la douleur
Trois fois nouée
Mots souillés
Paupières éparpillées
Aux portes
Langues humaines
Langue de la soif
Première
Obstinée
Rapprocher les lèvres
Recoudre le mot
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La plaie le meurtre
Par un baiser
Ou le silence
Arthémisia: – Le Temps de Dieu
Voici le temps de pose,
L’éternel matin,
Où même l’eau ne bouge,
Et où le ciel encore embrumé de sommeil
Se décide lentement à ouvrir les yeux.
Les barques indolentes attendent l’éclaireur.
Le geste ne vient pas.
Seul le soleil grille.
Aujourd’hui Dieu aurait-il
Donné du temps aux hommes,
Un temps vaguement rose
Clair, et rose
Comme l’aile de l’insecte
Qui si délicatement se pose
Sur la surface inerte ?
Ou peut-être est ce simplement le temps
D’un dernier baiser ?
Nul ne sait…
Copyright © Arthémisia – Juillet 2008
Avec : Styx – Copyright © Paco que je remercie infimement et chez qui une petite visite s’impose.
Et moi-même je remercie Arthie, pour ses superbes créations, et qu’elle m’autorise à en faire écho ici… j’aime notamment réactualiser les publications anciennes… afin qu’elles ne soient pas enfouies sous les feuilles du temps…