Echappée belle – I (Susanne Derève)
Edward Henry Potthast Looking out to Sea
Echappée belle vers la solitude
Echappée belle et je ferme le banc
Entre les bras tendus du ciel
Eaux mortes traître courant des profondeurs
d’un jour sans vent
On ne lutte pas on ne peut que
s’abandonner et laisser dériver le temps
jusqu’à la marée basse
Rejoindre les pierres plates mêlées de vase
Mériter le silence
Pierres chaudes des matins d’absence
avec cette légère nausée des jours de grande chaleur
ce vertige au sortir de la vague
un vacillement
Noir blanc damier éblouissement
Le sol est-il si ferme qu’on puisse s’y abattre sans broncher
la roche usée douce avec un grain ponctué de lichen
et de mousses d’algues séchées
Il y a des feuilles des ombrages où la mer
abandonne ses cordages de sel ses bois flottés
brindilles ombelles grises
comme un au revoir d’été
Échappée belle insoumise
Attendre que l’estran épouse la marée
redonne vie aux vies qui sommeillaient
Et soi s’endormir au soleil voile rouge
au travers des paupières rêver d’anciens bonheurs
d’un vallon égaré et sous le grain des cils
si rien ne les disperse les retrouver
Edward Henry Potthast The Maine Coast
Le banc, au fond de l’allée (RC)
Le banc, au fond de l’allée
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Au fond de l’allée, il y a un banc
C’est là, souvent, que je m’arrête , et attends
Près d’une murette , recouverte de mousse
Des parterres de fleurs, puis , une herbe douce
Arrête-toi, au fond de ce jardin,
Et que de nouveau, hier soit demain !
Je revois ta silhouette, pleine de grâce
Dans mon souvenir imprégnée, qui passe
Et joue avec les cerisiers en fleurs
L’ombre et la lumière, en fraîcheur
Mais tu ne reviendras plus,… dans l’attente
Je ne fais que compter , les heures lentes
Invoquer les souvenirs, prendre tes mains
Inverser le couplet et les refrains
Remonter le cours du temps, et ses jours
Qui imprimaient les pas, de l’amour
C’est mon coeur, qu’il faudrait prendre à témoin
A crier , pour te savoir vivante, même loin
Il n’y a plus, dans ce jardin, que mes traces
Et sur le sol, lentement s’aventure, une limace.
Monet: jardin à Giverny
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RC – 14 avril 2012
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