Tristan Klingsor – La flûte ,cette jolie bergère à paniers
La flûte est cette jolie bergère à paniers,
qui s’avance par un pas de menuet
et lance de sa petite voix fine un:
air impertinent
Aussitôt le cor, en soupirant langoureux et docile,
reprend la phrase charmante
et la répète
ainsi qu’un perroquet apprivoisé.
Mais le basson, ce vieillard comique
à perruque poudrée, toussote,
et à son tour commence un compliment
embrouillé en faisant des révérences
de droite et de gauche.
Alors se met de la partie,
comme un docteur bavard
habitué surtout à jouer de la seringue
dans des derrières rosés et joufflus,
le trombone aux éclats grossiers et bruyants.
Et cependant, le fifre, petit arlequin coquet,
prend à ton bras la jolie bergère émue,
et tous deux se content fleurette
sur une rapide suite de tierces,
s’enfuient en laissant là
les trois amoureux bernés
qui se chamaillent furieusement,
jusqu’à ce que le cymbalier réveillé
leur envoie brusquement ses casseroles à la tête,
pour rétablir enfin le silence troublé.
Tristan Klingsor
Ahmed Mehaoudi – entre nous
–
parfois
il y a des fois
j’ai l’air de sortir des égouts
rien de blanc à servir
ou me taire
ai-je su me taire un jour
il paraît
que se taire
est le privilège des rentiers
avoir l’or
comme divinité
les amis comme pantins
et les pâquerettes pour cirer ses pompes
moi pauvre bavard
à me planter a chaque éclaircie
suis-je rentier
à jeter mes mots par les fenêtres
en être tremper à l’os
les plier comme une torche
allumer en joie
le feu de l’ermite
parfois
il y a des fois
j’en veux à mes yeux
de ne pas voir
où remplir mes poches
il paraît
que le siècle est passé
pour changer le monde…
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