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Marcel Migozzi – jardin ouvrier


30 juillet –

Je vois ton jardin ouvrier, tes outils
(ai-je hérité de leur patience ou de leur tranchant ?)
Dans cette lumière délabrée des soirs non loin
du port de guerre, sur 20 m2.
La gravité de ton visage me troublait
Quand tu ouvrais pour les tomates devant moi
Des rayons à fumer d’origine terrestre,
Ou me soulevais dans tes mains d’altiplanos
Pour m’éloigner du puits sans margelle, autrefois.

Souvent je passe entre ces tours de 20 étages
Où grimpent les souvenirs de tes tomates.
Tu as disparu ailleurs, au-delà des mottes.
Le puits s’est tu dans le béton. Souvent je passe
Comme à la recherche de ces graviers humides
Piétines par un père autour d’un arrosoir
Et qui vaudraient une fortune, maintenant

  • à mon père –

extrait de « les heures jardinières »


Houle à l’intérieur du béton – ( RC )


Tu sauras te confier
aux racines de l’ombre,
sentiras les vibrations venir,
traverser le mur.
Si tu plaques ton oreille à sa surface,
le tympan percevra le frottement
d’autres oreilles, de l’autre côté.

Viendront les sons, amplifiés par les gestes,
peut-être quelques mots
difficiles à comprendre,
comme une offrande qui suivrait
le parcours sinueux des tuyauteries,
paroles anonymes traversant
les viscères de l’immeuble.

Et dans les intervalles,
presque un silence.
Tu mettrais tes doigts en cornet
pour en entendre davantage,
mais ce serait juste l’illusion de la mer,
évocation lointaine du large
qui te rattrape.

Murmure d’une houle
qui déferle
à l’intérieur même du béton.


A ceux qui s’enivrent des vapeurs d’essence – ( RC )


photo perso – Singapour nocturne

A ceux qui s’enivrent des vapeurs d’essence,
je dédie un murmure
qui s’élève au-dessus des buildings.

Dans les replis de la ville, on ne compte plus les étages,
et ceux qui montent vers les sommets
se désaltèrent d’illusions.
Ils pensent ainsi dominer une partie de la planète,
jouissent d’un capharnaüm de luxe, ponctué de dentelles de néons,
du trafic des automobiles sur les bretelles d’autoroute,
de leur grondement continu ,
qui passerait pour la pulsation du monde.

Sans doute aimeront ils voir s’allumer une à une, les lumières des façades,
plain-chant d’un anonymat qui se voudrait feu d’artifice.
Mais c’est parce que la nuit favorise les contrastes,
le jour enlève les fards, révèle la laideur du béton,
les puits d’ombre entre les bâtiments où végètent d’insalubres masures.

Dans les grandes métropoles, on perd toute mesure :
l’empilement vertical s’étire avec prétention ;
vertige de puissance des multinationales jusqu’à l’outrance
des écrans géants et lettres lumineuses .
( on nous ferait croire qu’on se nourrit de parfums et de billets de banque ).

La voiture y est maître, rutilants cafards errant dans les avenues.
Le piéton paraît incongru dans un monde qui n’est pensé que pour elle,
à moins de sortir du centre, et de retrouver peut-être
une vie à dimension plus humaine,
moins saturée d’imagerie consumériste tapageuse…

A ceux qui s’enivrent des vapeurs d’essence,
je dédie ce murmure…


Pentti Holappa – parfum de fumée


peop care  04.jpg

montage perso –

Parole de ruine

Je veux venir près de toi.

Je ne trouve vrais ni la pierre, ni le monde ni les distances.

Le coup d’aile d’un oiseau dans le ciel de grand gel dure

aussi longtemps que la ville aux murs coulés de béton

Il m’a fallu me briser avant de perdre mes illusions.

Aujourd’hui,
je suis certain que tes cellules m’entendent
quand je parle la langue aux mille sens des ruines
en moi-même,
mais rien que pour toi en vérité.

Parfum de fumée (1987)


Natasha Kanapé Fontaine – Réserve II


Image may contain Art Human Person and Painting

peinture: T C Cannon

 

Ecoutez le monde
s’effondrer
ponts de béton
routes d’asphalte

Aho pour la joie
Aho pour l’amour

Surgit la femme
poings serrés
vers la lumière

Voici que migrent
les peuples sans terres
nous récrirons la guerre
fable unique

Qui peut gagner sur le mensonge
construire un empire de vainqueurs
et le croire sans limites

Ce qui empoisonne
ne méritera pas de vivre
ce qui blesse ne méritera pas le clan
cinq cents ans plus tard
sept générations après

Tous ces châssis pour barrer les routes
tous ces murs érigés entre les nations
tous ces bateaux d’esclaves
ces bourreaux n’auront eu raison de rien

Si j’étais ce pigeon qui vomit
sur les hommes de bronze
fausses idoles carnassiers ivres
se tâtant le pectoral gauche
avec la main droite
lavée par les colombes

Qui d’autre est capable
de provoquer l’amnésie
octroyer la carence
à ceux qu’il gouverne

Qui d’autre sait appeler union
ce qui est discorde
pour s’arracher le premier
pour s’arracher le meilleur
des confins de toutes les colonies
qui d’autre sait appeler croissance
ce qui est régression
construction
ce qui est destruction
les peuplades pillées à bon escient
au nom du roi et de la reine
au nom du peuple qui meurt de faim
à Paris
à Londres
à Rome
à New York
à Dubaï
à Los Angeles
à Dakar
au nom du peuple
qui se bâtit par douzaine
à Fort-de-France
à Port-au-Prince
à La Havane
à Caracas
à Santiago
à Buenos Aires

Aho pour la joie
Aho pour l’amour

Qui d’autre sait nommer le mensonge
pour le voiler

La ville persiste en moi
assise sur l’avenue des Charognards
je guette l’allégresse
la haine qui me pousse à hurler

Je guette le nom des ruelles
de la grande mer
qui laisse passer les pauvres
à l’abri des vautours

La guerre est en moi comme partout.

Pour  écouter les poèmes de NKF sur  lyrikline  rendez-vous ici…


Juste une hypothèse sur l’existence des choses – ( RC )


Matisse  fenêtre noire      .jpgpeinture: H Matisse

 

J’ai crû que c’était le matin.
J’ai regardé ma montre.
Il est plus de 9 heures .
La météo n’en a rien dit
( on ne l’aurait pas crue ).
Ou bien ce serait un saut dans le temps .
            La nuit s’en engouffrée dans le jour
a profité d’une brèche :
J’ai ouvert la fenêtre.
L’éclipse du temps s’est étendue
pendant la nuit,
et se prolonge 
jusqu’à l’immobilité des choses.

        Je distingue à peine les murs d’en face.
Le béton,     les cheminées,       d’autres fenêtres.
Elles portent un voile de deuil.
Aucune lumière.
Les lotissements sont bien là,           obscurs.
Les immeubles ne présentent que des surfaces,
plantés au sol comme des esquisses de décor.
A peine plus noirs       que le fond d’encre.
Les rues où rien ne circule.
          Tout a été happé par le silence.
A la façon d’un Malevitch
qui aurait peint du noir sur du noir.

        C’est bien le matin,
d’après l’heure   ,
mais peut-on l’appeler encore comme ça ?
        Le jour s’est perdu quelque part,
happé par l’infini,
–       que sais-je ?
A moins que j’aie seulement rêvé:
un rêve de lumière,       caressant les choses,
                                     la pensée d’un astre,
( juste une hypothèse sur
l’existence des choses ),
que rien ne viendrait confirmer .


RC – mai 2018


Formant une colonne chantante – ( RC )


Tiebele  -- balade   point  d'eau003.jpg

photo perso –  Burkina Faso

 

 

Il fallait que je marche
sur les sentiers secs
parsemés de pierres
et d’herbes sèches,
longtemps ,

depuis le village
– je n’en ai plus la notion –
        pour arriver jusqu’au puits.

Il y avait un cercle de béton:
une rondelle comme une estrade,
où des femmes en pagnes
s’activaient à la pompe,
en exprimant la soif du monde :

il y a au village
toujours des bouches
qui demandent à boire…

Sous le soleil de l’Afrique.
l’ombre des manguiers ne suffit pas
à en tempérer l’ardeur….
Elles avaient la peau luisante
d’éclats d’eau et de sueur,

et riaient de me voir attendre,
empoussiéré,
une bouteille en plastique vide, à la main .

Elles s’apprêtaient,
quelquefois avec un enfant accroché au dos,
à prendre à leur tour
les sentiers secs
parsemés de pierre,

un gros bidon jaune,
en équilibre sur la tête
                  formant une colonne chantante .

RC – nov 2017


Jean-Pierre Paulhac – Une voix


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Une voix
Comme un sourire
Une voix
Comme un soleil
D’océan indien
Une voix
Comme un horizon bleuté
Vers lequel voguent mes mots
Aspirés d’espoir
J’entends
Des rires de palmiers qui se tordent de musique
Des pas de danse qu’invente une plage espiègle
Des chants qui montent sur des braseros ivres
Des crustacés qui crépitent leur saveur pimentée
Ici
C’est le silence gris des bétons déprimés
C’est la glace qui saisit tous les masques
C’est un jadis souriant embrumé d’ombre
C’est l’ennui qui ne sait que recommencer
J’entends
Des guitares rastas aux cris de parfum hâlé
Des bras nus de désir qui dégrafent la lune
Des hanches insatiables que dessoudent la salsa
Des nuits secrètes aux folles sueurs de soufre
Ici
C’est le mutisme morne des grimaces polies
C’est la morgue soyeuse des cravates policées
C’est la cadrature étroite des cercles vicieux
Qui soumet à ses ordres la horde quadrillée
J’entends
Mes souvenirs marins d’aurores océanes
Mes remords nomades de dunes vives
Ma mémoire exilée qui déborde en vain
De tant d’hivers que la chaleur a bafoués
Ici
Le temps se tait s’étire et se désespère
Le temps n’est plus une chimère bleue
Le temps se meurt de mourir de rien
Et chaque ride compte un bonheur perdu
J’entends
Un rêve qui papillonne son corail osé
Un rêve qui murmure un refrain salé
Un rêve qui soupire son souffle de sable
Sur l’éternel instant d’un été sans fin
Une voix
Comme un sourire
Une voix
Comme un soleil
D’océan indien
Une voix
Comme un horizon bleuté
Vers lequel voguent mes mots
Aspirés d’espoir

 


Une ville dont je connais les artères – ( RC )


C’est une ville dont je connais les artères,
je les ai parcourues, en tout sens,
il y a longtemps,
et je trouvais mes repères ,
devenus familiers,
à la façon d’un jeu de pistes.

Je suis retourné,
dans ma ville natale,
les places ont bien le même nom,
mais les immeubles n’ont plus le même aspect,
leur aspect est devenu froid,
débordant de béton et de verre.

Les rues ont le même tracé,
mais je ne les reconnais plus .
Elles ont perdu leur familiarité,
leur intimité.
Elles sont des lieux de passage,
et pourraient être ailleurs.

L’ailleurs s’est importé,
décalqué, en quelque sorte
sur les quartiers, que je traversais à pied.
La ville que je connaissais
s’est dissoute peu à peu, comme un souvenir
auquel je n’accède plus.

Elle n’a de nom que géographique .
La ville de mon enfance
avait son charme désuet,
ses rues encombrées,
mais je pouvais lui parler.
Mais si je le fais aujourd’hui, personne ne répond.


RC  – janv 2017


Les inscriptions cohabitent avec les mousses – ( RC )


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On a bien construit
de hautes pyramides,
de puissants ziggourats,
des buildings prétentieux,
pour que la pierre et le béton
se dressent
pour défier l’espace
et le temps.

On a peint sur les murs,
des fresques colorées ,
les églises furent habitées
de fantômes sculptés ,
la messe a été dite,
et les paroles se sont perdues
à mesure que les voûtes
buvaient les fumées des cierges.

La tour de Babel s’est écroulée,
le phare d’Alexandrie est sous les eaux,
les fresques sont illisibles,
les statues décapitées,
les épitaphes nous parlent
d’une langue
qui s’est égarée
comme des vaisseaux dans la brume.

Il y a eu des archipels
bâtis sur le sable,
des temples enfouis
sous les vagues denses, de la forêt
et des murs dont les inscriptions
cohabitent avec les mousses,
dialoguant quelque temps encore
avec la neige et le vent .


RC – août 2016

 

Elizabeth Hayden  pierre t.jpg

photo : détail de la tombe d’Elizabeth Hayden


Andrzej Zaniewski – Mémoires d’un rat


Afficher l'image d'origineextrait de son ouvrage  : mémoires  d’un rat

 

Devant la porte ouverte d’une boulangerie, des gens debout gesticulent, pointent le doigt, sifflent, émettent des bredouillements informes.
La petite rate est énervée, désorientée, aveuglée.

Elle pourrait très facilement se glisser sous la porte qui ferme la cour du côté de la rue.
Mais c’est de là que vient l’horrible vacarme des voitures, des pas, des conversations.

Aussi recule-t-elle avant même d’avoir atteint la fente entre le panneau de fer de la porte et le béton.
Dans la cour, il y a des poubelles.
Elle essaie de se cacher derrière l’une d’entre elles.

Un homme en blouse blanche s’approche et donne un coup de pied dans le container en tôle.
Effrayée, la petite rate sort de sa cachette et détale vers la pompe, au milieu de la cour.
L’orifice d’écoulement se trouve dans un petit creux, mais il est fermé par une épaisse plaque grillagée.
La rate, apercevant de loin cette surface brune, a dû croire qu’elle pourrait se glisser à l’intérieur.
Elle se presse contre la plaque dure, elle mord, elle griffe,
elle enfonce son museau dans les trous.
En vain. Le passage est bouché, l’accès impossible.
A travers les trous, elle distingue l’obscurité humide de l’égout, un monde familier, connu, rassurant.
Un homme approche, débraillé, la blouse flottant au vent, bruissante.
De son bonnet dépassent de longs cheveux blonds.
Il ricane, piaille, halète, émet des sifflements et des gloussements.
Il approche encore. La petite femelle se blesse les gencives contre le métal,
elle saute, elle se tapit, elle tremble de peur.
L’homme est tout près, il tient dans la main une bouilloire fumante.
Il la soulève, très haut, le soleil se reflète dans l’aluminium comme dans un miroir.
Les sons deviennent de plus en plus forts.
Un torrent d’eau bouillante se déverse sur le dos de la petite femelle.

Elle essaie de fuir. En vain.

La voilà qui tombe, culbute, s’enroule sur elle-même, se tord.
L’eau ruisselle sur son ventre.
Un cri perçant, qui vrille les oreilles.
Un flot d’eau lui pénètre dans les narines.
Le cri faiblit, s’éteint.
L’homme pousse la rate avec son pied, se penche, vérifie.
Il la saisit par le bout de la queue, entre deux doigts, et l’emporte vers la poubelle.
Il soulève le couvercle et la jette dedans.
Je me retourne, je rampe sur le sol froid, je fuis.

Vers le nid, le trou, les ténèbres.

 

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Un volcan au Havre – ( RC )


photo Elainev -   architecture: Oscar Niemeyer

photo Elainev – architecture: Oscar Niemeyer

 

 

 

 

 

 

 

 

L’esplanade aurait pu continuer,
Indéfiniment.
Il suffisait d’aligner  les plaques  de béton.

Tant que l’espace  le permet ,
Entre les barres  d’immeubles ,
Sans  accroc.

Propice aux courses  folles,
Où viennent voleter
des  sacs  en plastique .

 

Il y a encore les traces de peinture  renversée,
Puis les  arcs  sombres
laissés par les pneus des voitures.

C’est un espace  sec, infertile,
De plaques  préfabriquées,
Où la ville  a  chassé  ses  arbres.

On s’étonne de voir une  frêle  silhouette le traverser.
Incongrue.
Comme un scarabée  sur une  plaque  de cuisson.

Et encore davantage
lorsque le gris uniforme,
Est stoppé  net,

Par les pentes  blanches, abruptes,
D’un Fuji-Yama,
Surgi, là où on l’attendait pas.

Une  envolée de l’esprit,
Prenant ses racines  au sein même  du banal,

Décisive.


RC  –  dec 2014


Pentti Holappa – Parole de ruine


photo perso : Loropeni - Burkina Faso  -  2012

photo perso :            Loropeni – Burkina Faso – 2012

 

Parole de ruine

 


Je veux venir près de toi.
Je ne trouve vrais
ni la pierre, ni le monde ni les distances.
Le coup d’aile d’un oiseau dans le ciel de grand gel dure
aussi longtemps que la ville aux murs coulés de béton

Il m’a fallu me briser avant de perdre mes illusions
Aujourd’hui,
je suis certain que tes cellules m’entendent quand je parle
la langue aux mille sens des ruines
en moi-même, mais rien que pour toi en vérité.


Pentti Holappa

 

 


Est-ce que le nom suffit à ton existence ? – ( RC )


gravure:         Zoran Music:         paysage de Dalmatie            Tate Gallery

 

Si à chaque chose on peut donner un nom,
Dessiner un destin,
La distinguer des autres,
Lui prêter une couleur,

Pour les hommes,
Il y a toujours ceux qui renient
Les autres,
Pour leur présence même,

Il ne suffit pas d’une carte d’identité,
Pour les faire exister,
Au-delà d’un morceau de papier,
Ou d’un tiroir à fichiers,

Classés non seulement par ordre alphabétique,
Mais aussi selon leur origine,
Quel que soit le désert,
Ou la ville,       dont tu viens.

Quand, encore , on ne juge pas utile,
De dresser une barrière de béton,
Autour              de ta non-existence,
Ou de te coudre   une étoile jaune .

RC – février 2014

NB la gravure  qui accompagne  ce texte n’est pas  directement  évocatrice, comme  certaines  de ses oeuvres, relatant la déportation et la Shoah, lui-même  ayant été interné  au camp de Dachau


L’échappatoire – ( RC )


tag graphique urbain: Misstic

—                 –  tag graphique urbain:             Misstic

 

 

 

Comment peser de son regard,
Au long des trottoirs d’une ville,
Que je ne reconnais pas.

Les vieux faubourgs nivelés,
Les rues formatées,
Le béton s’est démultiplié.

Des immeubles anonymes,
Se succédant sans trève,
Et des voitures blanches,

Comme une succession d’ossements,
Déposés là, blanchis au soleil blafard
Sur le bord de rues grises

Au ciel rayé de fils tendus,
De panneaux de signalisation,
Et de publicités clignotantes.

Parfois l’espace incongru,
D’un nouveau chantier,
Et le ballet de grues jaunes

Il y aurait aux palissades,
Des fentes de lumière entre les planches,
Des affiches à moitié décollées,

Et sur le mur d’en face
Un tag jouant avec les mots,
Accrochant la pensée

….Une échappatoire
Vers un ailleurs possible
Ouvrant des perspectives

Autres que celles des avenues,
Rectilignes et sans âme,
Où même les arbres ne semblent pas à leur place.

Je remplacerai ton désespoir,
Par un sourire dessiné sur le ciment,
Ou par un dessin d’enfant.


RC- février 2014

 

 


Le béton s’enracine – ( RC )


Le béton, sournois,
S’enracine au plus profond de la terre,
Il y a même,  paraît-t-il des villes entières,
Qui se multiplient, et même s’étendent sous les mers.

Une terre où petit à petit, les immeubles  s’enfoncent,
Et dont  on ne voit  que la pointe,
Tels icebergs qu’on distingue, pointes dures
Aux couchers flamboyants des soleils

Et la courbe croisée des lunes,
Mais en général, invisibles des hommes,
Cachés sous les épaisseurs,
Du béton sournois, digérant les roches,

Recrachant des tunnels, où circulent,
De longs convois, ne connaissant ni le jour, ni la nuit,
Des lombrics de métal, glissant sans obstacle apparent
Mais s’arrêtant pourtant net, face à d’autres murs de béton,

Où les valeurs d’ici n’ont plus cours,
>            Le langage reste barbelé,
Quand se poursuivent , même sous la terre,commune,
Barrières  et frontières.

RC  – 2 août 2013


Poème des rosées ( en réponse à Xavier Lainé)- RC


peinture: Nesch Rolf  oiseau tombant   1939

peinture: Nesch Rolf               oiseau tombant           1939

Il est ainsi ton chant d’oiseau,
Qu’il parcourt les espaces,
Et sans deviner sa trace,
Particules de poussières et mots

Tu traverses frondaisons obscures,
Verticales de béton,
Hautes collines et monts,
Et roches les plus dures,

A venir, aux esprits déposées,
Un message, un poème
Exposé, sans théorèmes,
Dans la fraîche vapeur des rosées.

RC   – 2 juillet 2013

–  en réponse  à Xavier  Lainé: dans ses  chroniques  de la poésie

et que je pourrais  compléter  aussi par cet extrait de Marie-José THÉRIAULT,

Sur le papier tes lignes bleues formaient des mots que je n’ai pas compris très vite tant ils dansaient, des oiseaux ont chanté, je ne les avais jamais entendus, l’un d’eux secouait même de très belles plumes, ce n’était pas encore tout à fait ça mais on aurait presque juré que se levait un matin jaune.


THÉRIAULT, Marie-José, Invariance suivi de Célébration du prince, Le Noroît, 1982.


Derrière les masques riants d’aujourd’hui ( RC )


peinture: Henri Rousseau ( le douanier)

peinture: Henri Rousseau ( le douanier):        la guerre

Lorsque l’effervescence  s’empare des  esprits,
Que la lumière bondit d’arbre en arbre,
Si, encore,  la vie crie à perdre haleine,

Comment oublier, il y a quelques  jours encore,
Les fureurs, et les bruits destructeurs,
Les tronçons d’arbre  et les murs,
Marqués par la guerre et les incendies ?

Chacun peut  chercher  en soi sa voix,
Et aussi essayer de saisir un univers
Qui échappe à sa propre logique,

Mais l’élan qui revient, le retour du printemps,
Canalisé de murs de béton,et de ruisseaux  d’acier,
Porte encore en lui, une noirceur d’à-venir
Derrière les masques riants d’aujourd’hui.

RC – 12 juin 2013

– en relation avec le texte  de  Claudio Pozzani; » Cherche en toi la voix que tu n’entends pas »


Coquilles vides, Serra Estrela ( RC )


1-Carving_in_the_sky_Serra_da_Estrela_Portugal_Serra_da_Estrela

Serra Estrela, tout en sépia

Colorée d’un vent de sable

Des cubes de béton, placés là, incongrus,

Relais entre précipices,

Ouverts à tous les vents,

Et à ceux qui emportèrent,

le fil ténu, et les cabines du téléphérique,

Quelque part dans l’oubli.

Reste une coquille vide

Et qui sert d’abri, à l’occasion,

Aux troupeaux de passage,

Comme toute la surface jonchée

Des crottes des moutons,

Poursuivant consciencieusement,

Leurs destins brouteurs,

Quelque soit l’endroit,

Même dans l’ambiance grise

où, tapis dans l’ombre, des câbles remisés,

Et de gigantesques mécanismes

Rouillaient d’inutile,————–pendant que la vallée

S’éteignait dans le soir.

RC  23 mai 2013

Inspiré  de deux lignes d’un poème de Marie-Ange Sebasti;

Les troupeaux ont noirci les dalles du temple

et piétiné ses murs


Feuilleter le recueil des causses ( RC )


Texte  en rapport avec « A la mer retirée »

Causse Méjean – reliefs et neige   –          ( toutes  photos présentes ici :  perso  – me contacter pour une réutilisation éventuelle  )

Des bouffées de lumière,
décrivent ,mieux que je ne ferais,
le recueil des causses.

Encore striés sous les neiges,
piquetés d’impatientes pousses, et de bruns.

A chaque  détour, le savoir lire ,
du vent de l’ivresse,
épouse les accidents des collines,
chapeautées de bois sombres.

Le dialogue menu des eaux, serpentant dociles,
puis, rassemblées, mugissantes,
De chants clairs cascadeurs,
et résurgences vertes.

Le pied des pentes abruptes,
surplombées de témoins sévères, verticaux

Une route mince, s’essaie à contourner
ces vases de pierre,
Pour plonger dans  une vallée étroite,
encore habitée par l’obscur,

Dispensée des lignes orgueilleuses,
des ponts de béton.

Et le silence matinal, n’est habité
que de spirales lentes
Des vautours, glissant sous des écharpes
blanches, effilochées ,portées par la brise.

Peu importe la route
Ses dévers et sa course,
Soumise au caprice de la rivière,
Ou lancée sur les plateaux.

La constance du roc
Ou le moelleux des terres.
Le paysage reste une porte
Feuilletant le passé calcaire

D’un océan, son souvenir
Enfui

RC  – 19 mai 2013

Causse Méjean – restes  de neige

Causse Méjean – restes  de neige

Causse Méjean – restes  de neige

Causse de Sauveterre, vers Montmirat

Vallée du Tarn au dessus  de St Chély

Arbre illuminé entre rocs  St Chély-du-Tarn

« couple »:  rochers ruiniformes vallée  du Tarn

Sainte Enimie, Vallée du Tarn, résurgence de la Burle

Sainte Enimie, Vallée du Tarn

Causse de Sauveterre,  environs de Champerboux

Causse de Sauveterre,  environs de Champerboux

Article  visible aussi  sur  mon site de photos des  causses  .


Le regard dans ton miroir ( RC )


sculpture-trace :  Giuseppe Penone –    Soffio I, 1978.         Amsterdam 2004

Voilà sortie de la terre, ma silhouette ,

ou bien moulée dans un coffrage de béton,

C’est dire que le monde m’enveloppe

Et ainsi , suis l’île

Offerte à l’éternel chronophage…

Ile flottante, épave et barquette,

Amusette aux voisinages du plancton

Sous-marin,     périscope

A mes risques    et périls

Emerge le bout de mon visage….

Et s’il se trouve ainsi , que je passe

….       Hasard des trajectoires

           – s’est égarée une flèche –

Au coeur des « je t’aime »

…          Cible atteinte pour Cupidon?

Si j’apparais dans la nasse

Mon regard dans ton miroir,

C’est aller à la pêche,

–            Et peut-être un poème ?

Dont nous ferons chanson…

RC    mars  2013

peinture:         Lorenzo Lotto – 1480-1550 –          Venus et Cupidon –         Met mus of Art N YC


Comme dans un tableau d’Edward Hopper ( RC )


peinture: E Hopper: Western Hotel

peinture:       E Hopper: Western Hotel

Des  chaises en plastique blanches, aux pieds chromés,
Banquettes rouges plaquées le long du mur,

Lumières froides suspendues
Et un personnage à table, lisant le journal

Caché en partie par un pilier de béton
Enveloppé malgré lui, du décor anonyme

Au bar de l’aéroport, … – comme dans un tableau
D’Edward Hopper

 

RC –  22 décembre 2012

 

voir aussi l’article de Claude Esteban,  sur Hopper….


Blockhaus en front de plage ( RC )


hotel Adghir          Alger-        Bordj El Kiffan,

Blockhaus en front de plage

Immeuble de béton sur sept étages

Posé comme un cube prétentieux

Frontière de quartiers miséreux…

 

L’ailleurs reste surtout un peut-être

La mer ne se voit, qu’avec un reflet de fenêtre

d’en face,   ….  carré dans la façade grise

Du grand hôtel, où le temps s’éternise

 

Je peux toujours compter les plaques de marbre

Ou chercher au loin les arbres

Une prison dorée reste une prison,

Et la vue ne s’échappe pas  sur l’horizon

 

RC   – 23 décembre 2012    –   Alger


Laissés pour compte ( RC )


peinture:   R Magritte – pluie de personnages ( le généreux donateur)

 

 

Il pleut  des personnages, en habit de ville

Raides comme des soldats de plomb

En contre-jour de lampes d’un destin immobile

Ne traçant que vers le plus long

 

Les hommes s’étalent dans l’alcool

Et ne cessent  de revenir en arrière

A même la dure surface de béton, du sol

Tatouages bleutés de leur mémoire de chair.

 

L’humanité a la gueule  de bois,

La parole creuse, mais prolifique

…  elle nous revient  de guingois,

Au lent bal des années pathétiques.

 

Il pleut des personnages, clones de camarades

Egalité, éternité, fraternité

Et fête en marmelade

C’est ce qui fait la liberté

 

De tous les laissés pour compte

Ceux aux habits raidis

Au rendez-vous de la honte

De leur vie, le taudis

 

Au bal de la soupe  populaire

Qui n’ a , au goût de paradis

Que l’amer de l’en- terre

Cercle de misère, et des maudits.

 

 

RC      10 juin 2012