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Des rêves qui s’effacent – ( comme au fond d’un encrier ) – ( RC )


Nos rêves se plient,
se frottent à la cendre,
aux cartes du ciel
qui bascule
un jour d’automne

  • pour mettre le vent
    dans sa poche.

Ils seraient semblables
à ces moissons du ciel,
qui couchent les blés
après la canicule
d’un été de soif  ;

Que chantent ils ?
Des ailleurs où jamais
nous ne sommes ?
Nos traces sur la page
qui s’effacent
au fond d’un encrier.

L’ombre de nos paroles
n’en est jamais sortie :
autant boire au goulot
de la bière tiède
et regarder la mer,
qui, toujours indolente
sommeille
sous un quartier de lune.

Jamais nous ne pourrons l’attraper,
et nos rêves dérivent
à sa surface, chimériques,
comme une rose qui s’éteint,
dans leurs reflets changeants.


La tombe de l’écrivain – ( RC )


Heiner Mueller Grave Berlin 3 2013 am-grab-von-heiner-mueller-a313f54e-7c62-4d32-beb5-b15dd0557757
provenance photo: philippocock.net

 

Il y aura un cube de grès rose,
dressé               en lisière des bois,
une borne, à priori des plus banales,
( qui n’est pas kilométrique  ).

En effet        on s’y repose,
aussi bien      on s’y assoit,
quoi de plus normal,
après la gymnastique.

Certains y laissent
quelques souvenirs,
de petits cailloux,
une canette de bière.

Les amoureux s’y pressent,
en mains et en soupirs .
C’est le lieu du rendez-vous,
plus que de la prière.

La mousse s’y incruste,
le lierre prolifère,
Pourtant ce volume  ne porte
pas de  date , mais des noms gravés.

Ce n’est         pas un buste,
Mais        une simple pierre,
posée de la sorte,
juste au bout de l’allée.

Entourée d’herbe verte,
et de pins qui penchent,
elle marquerait le dernier lit,
du célèbre écrivain :

une tombe offerte
comme           une page blanche
qui attendrait encore des écrits,
confiés              à d’autres mains .

Echappée de l’enclos
étroit du cimetière
on viendrait comme dans la supplique
de Brassens, y faire d’affectueuses révérences

Entre le ciel et l’eau
A moitié enfouie dans la terre
discrète                     et monolithique ,
prolongeant dans le temps, son acte de silence .

RC – fev 2016


Roberta Hill Whiteman – Les étoiles du coeur de l’hiver.


photographe non identifié

photographe non identifié

Les arbres d’en face dans la rue m’ont aimée
pendant ton absence.
L’étoile polaire prise dans les branches
de l’orme de la cour se brouille
quand je la regarde directement et traverse
le coeur de l’hiver plus lentement que les autres étoiles.
Chaque fois que tu passais par ici, la forêt

s’emplissait de signes. Un creux dans l’herbe tendre
signifiait qu’un cerf avait dormi.
Des traces de sabot dans le sable
conduisent à travers les buissons et les feuilles mortes
jusqu’aux pistes effacées. je regardais les ombres
indigo devenir grises.
Comme d’autre obsessions, cela changera,

mon bras était encore heureux, engourdi
par ton poids. J’apprenais les signes faciles :
connaître les nuages, pister dans la neige.
Je tombais avec chaque flocon et voulais recouvrir
les arbres, les immeubles,
les coins où tu achetais de la bière,
les voitures et les ponts

ces lieux synonymes de désespoir.
Il y a des endroits où je ne me suis jamais sentie à l’aise,
où quelque chose tapote contre la vitre,
le nerf de boeuf d’un flic ou l’amertume de la vie.
Qui est le chasseur ? qui est chassé ? qui survit ?
Ce cercle froid vacille sans cesse.

Je ne pourrais jamais accepter ni le début ni la fin.
Tu trouveras de l’autre côté de l’hiver
des crocus tremblant dans une aube bienfaisante.
Je projette de rejoindre le cerf
car dans l’obscurité, les arbres barrent ma fenêtre
et pas une seule ombre ne bouge.

Roberta Hill Whiteman


Sans choisir forcément la couleur – ( en évoquant Bukowski ) – ( RC )


photo:   Guillaume Gaudet voir son site

Sans  choisir forcément la couleur,
Tu serais  là, au volant d’une vieille Chevy,
Avançant            – comme il se doit –
Sur l’asphalte,    qui n’en finit pas.

Sans  choisir forcément la couleur,
Il se trouve          que tu es né blanc,
C’est un bon choix aux ZétatsZunis,
>               En dehors des imprévus.

Ainsi va la vie,                    ça  roule,
Ca cahote aussi,                la route,
Elle  a ses trous,         la carrosserie aussi,
Elle tient la  distance      – jusqu’à quand ? –

Toi aussi,                     dans ta vieille Chevy.
>                           Il s’avère  que t’es poète,
La poésie l’a signé,           toi,     désigné,
–                                   Charles Bukowski.

Bon, ok,               tu vas comme  tu picoles,
Dans la caisse     dont tu ignores la couleur,
( la Chevy, plusieurs packs de bière ),et seul
–                           Tout ce qu’il faut d’alcool

Pour tenir la route,—-                 qui n’en finit pas,
Enumérer les états:    Ohio,    Idaho,  Oklahoma
>            Tous ces noms rappelant
Ceux des peaux-rouges

–        Y en a plus beaucoup d’ailleurs,
Très gênants pour la ruée vers l’or
Sans avoir là,           la bonne couleur,
Mais ,         leurs noms  marquant le décor,

Tandis que                                 se déroule,
Sur l’horizon,          le ruban des heures,
Eteignant progressivement ses couleurs,
Des bouteilles,  on distingue à peine        … les étiquettes.

RC – 10 août 2013


Sirène du comptoir ( RC )


peinture  Ed Manet:  détail  du  Bar des Folies- Bergère

peinture Ed Manet: détail du Bar des Folies- Bergère

Elle, sirène  du comptoir
Essuie les verres
Et frotte ses mains  sur son tablier.

Elle, sirène,     n’a pas un regard
Sur le soleil au dehors,
Il rebondit sur les flaques

Lui, repose sa bière et se lève,    lourd
Glisse une pièce dans le juke-box
Un temps        –   et l’appareil s’anime.

Le bar se remplit de la voix
D’un Fats Domino, qui parle de fruits noirs…
Lui, revenu à sa table,     l’oeil ailleurs…

Associe fraises  et néons jaunes
Entraînés par le slow, avec une  sirène brune,
Elle  sirène,  a laissé sa queue au vestiaire

Et maudit ses pieds lourds
Surveillant l’heure  , reflétée à l’envers
Dans la glace  du fond   ( celle aux  néons jaunes)

Les fraises  se sont envolées, — et la chanson éteinte…

 

RC    -26 mars 2013


Philippe Delaveau – Bistrots de Paris


 

 

 

 

 

BISTROTS DE PARIS

 

 

 

 

On est debout devant le zinc et sous l’œil simple

et bleu du patron qui s’active il arbore

une moustache artistique en balai-brosse

tandis que l’ivresse égare un monde incertain

qu’alimente la truelle d’un monologue à son propre rythme

lent parfois pâteux de bâtisseur de mondes ce sont les vignes

venues à Paris déverser leurs vendanges vers le métal

des tubes et des sièges les glaces réfléchissent les visages blancs

la sueur au front qui perle chez ceux qui reconstruisent

patiemment mais le poème est mort et les murs s’écroulent

éclairant par gouttes les fronts rien ne visite les solitudes

ni la bière barbue ni le petit rouge qui danse sur son ballon

ni le blanc sec en renversant la tête ou le café dans son corset d’ébène

 

 

 


On n’invente plus la pluie (a) – (RC)


photo perso – Lettonie panneau publicitaire vers autoroute   2011

On n’invente plus la pluie

Au seuil d’une progression lente

Ne donnant de notre passage

Que l’assentiment des fleurs

Marquant l’aujourd’hui,

D’une fin de journée en descente,

Des soleils rebondissent encore aux étages

Posés en équilibre de hauteur

La journée s’est faite poussière

A mesure qu’elle  décline,

Aux portes de la ville

Derrière les panneaux de la route

Les publicités vantant la bière

Aux couleurs alcalines

Quand les ombres s’effilent

Et filent, vers le troupeau qui broute

RC  – 18 août 2012