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Les doigts gourds – ( RC ) – le clavier tempéré ( SD )


P Picasso Les menines et la vie No. 29

variation réponse à SD, dont le texte suit

J’ai en mémoire
           le buffet noir
     qu’a peint Picasso,
et qui me rappelle
ce sévère piano droit,
où l’on devait faire les gammes,
faire courir les doigts
sur un clavier
qui restait froid
( et n’avait rien de tempéré ).

Faire que les mains
parcourent les touches d’ivoire,
prenant les blanches pour les noires,
en suivant la Méthode Rose
( on n’espère pas encore devenir virtuose )
on imaginerait qu’elles dansent,
          chacune devant
faire preuve d’indépendance
    dans le mouvement…

Mais je vois bien le tableau :
montée sur le tabouret haut
          ma petite sœur,
tes pieds ne touchant pas terre
sous le regard sévère
de ton professeur :
             encore et toujours
             faire ces gammes,
alors que tu rêvais déjà d’amour :
( tout ce qu’il faut
pour te rendre allergique
à la musique ) :
tu préférais le chant des oiseaux.

RC



Petite fille aux doigts gourds

toi qu’on pressait de faire des gammes

quand tu rêvais déjà d’amour

et qui disais Bonjour Madame

docilement

Toi qui tempérais le clavier

quand te tendait les bras l’infâme

piano droit et l’œil distrait

innocemment

par un oiseau dans l’or du soir

prenais les blanches pour des noires

Susanne Derève


Philippe Delaveau – Leçon d’automne


LEÇON D’AUTOMNE

 

photo: John

                      photo:         John Finnan

 

« Les oiseaux sur les peupliers de la plaine des notes dispersées, liquides, vagabondes.

Pourtant la symphonie d’un bel après-midi sous les violons des feuilles

qui tigrent d’ombre leurs arpèges. Pont de pierre bombé, contrebasse.

Altiers violons de verts. La partition repose

Avec la longue élévation de ses sillons jusqu’au sommet de la colline.

Les blanches s’envolent en lançant leurs cris de mer au retour du tracteur puis s’agglutinent, fouillant la terre avec la même obstination. Venues de l’océan, remontant les rivières.

«Semailles» serait le titre du morceau, avec les trilles d’un clavecin sous les doigts de Rameau.

Leçon d’automne et vieil ivoire rouillé, sombre.

Les deux claviers sous la dextérité de l’attaque joyeuse. »

 


Le poing crispé sur les cartes – ( RC )


 

 

Tu tiens dans tes mains
Les cartes des jours,
Et disposes des atouts,
Des as et des figures.

Je ne sais encore aujourd’hui,
Ce qui compose         ton jeu.
Nous n’avons pas voyagé ensemble

Assez longtemps pour que je devine,
Quelles étaient ces cartes.
Serrées dans tes mains  closes.

On y lisait peut-être mon destin.

Tu t’es endormie des années,
Et, mon bateau abordant d’autres rivages,
Tu t’es réveillée                     sans ton image,

Oubliée quelque part,
Par inadvertance.

C’est alors que ,         desserrant ton poing,
Toujours crispé sur les cartes,
Tu t’es aperçue

Qu’elles étaient                 blanches,
Et qu’elles ne parlaient plus d’avenir.


RC  – sept  2014

 

peinture: Lukas Van Leyden