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Abdallah Zrika – ivresse de l’effacement 3


montage RC

L’amertume ne vient
qu’après la soie d’une blancheur
et l’or d’une main

La lamentation quand elle s’élève
ne se guérit pas par l’ivresse
d’un œil et la bougie d’un front

Tu montes les échelles d’un visage
et tu tombes dans le fond
d’un poème

Tu montes l’arbre de l’énoncé
et tu dors sous l’orange
d’une poitrine

Mais que doit-il rester de toi
pour que quelque chose reste de toi ?

Les conteurs eux-mêmes fuient
ta tombe

Les oiseaux emportent les cheveux
des filles de tes mots

Même la terre
n’est pas attirée
par la pâleur de ton visage

Quand le bois de ton nom
se tord
sous le froid d’un automne.

reblog du site « terre de femmes »


Kenneth White – que personne n’aille dire que tu as eu peur du silence


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Nourris le feu allume ta lampe

Sans te soucier du froid ni du noir qui s’en vient
Prends tes bouquins continue tes études

Et que personne n’aille dire que tu as eu peur du silence
Ou qu’à t’apitoyer sur toi-même tu t’es pourri

Les bêtes hurlent à la lune elle les fascine

Mais toi prends-lui sa force et tourne-lui le dos
Et puis écris dans ta propre blancheur

Trace ton propre parcours

Toutes les mues cachées de l’hiver

Laisse la vieille buse jeter sa morve et faire des siennes
De la neige tisse-toi une chemise de flanelle

Avec un pan épais pour te couvrir les fesses

Fais usage de la pluie pour fabriquer ton grog

Et du vent pour tourner les pages de ton livre

La force personnelle peut faire des prodiges
Sans elle le talent n’est rien

Augmente ta vie

Trempe-toi le caractère

Et tire profit à plein de cet hiver

In « En toute candeur »


Peindre l’intérieur de sa tête en blanc, ou noir ( selon ) – (RC )


peinture: Cy Twombly

peinture:          Cy Twombly

Il y a des secrets enfouis        sous la glace,

Elle conserve au frais les souvenirs des étés,

Au plus profond des crevasses .

Elles se sont refermées           sur ce qui a été.

Un fleuve de blancheur     à la coulée lente,

Qui dévale les années,

Accroché aux pentes,

Des plus hautes vallées           .

Les secrets ont leur gardien,

Il en reste toujours            une trace.

On a beau les taire,  un jour,  cela ne sert à rien…

Il y a toujours quelque chose qui dépasse .

C’est comme si tu repeignais de blanc,

L’intérieur de ta tête,        pour effacer,

Toute trace du passé,

Gravé en lettres de sang  .

Choisis plutôt              le noir

Personne n’y verra    goutte …

Une bonne solution , sans doute,

Pour perdre la mémoire ,

Te refaire une santé ,

>        Effacer les preuves…

— Mais crois tu qu’avec une peau neuve,

Tu peux prétendre à la virginité  ?

RC – déc 2014


Ali Chumacero – De l’amoureuse racine


photo Pat-in-the-cloud

photo Pat-in-the-cloud

Avant que le vent fût mer chavirée

que la nuit eût attaché son vêtement de deuil

que les étoiles et la lune eussent établi dans le ciel

l’incandescence de leur corps.

Avant que la lumière,

ombre, montagne

eussent vu se lever les âmes de leurs cimes,

avant que quelque chose eût flotté sur l’air;

temps avant le commencement.

Quand l’espérance n’était pas encore née

et que les anges n’erraient pas dans leur fixe blancheur;

quand l’eau n’était pas même dans le savoir de dieu;

avant, avant, bien avant.

Quand il n’y avait pas encore de fleurs

sur les sentiers parce qu’il n’y avait ni sentiers ni fleurs ;

quand le ciel n’était bleu,

ni rouge la fourmi :

toi et moi nous étions déjà là.

 

Ali Chumacero dans dans Poésie du Mexique,  traduite et présentée par Jean-Clarence Lambert

 


Jean-P Goux – Le montreur d’ombres – Assise


todi-italie

Assise s’offrait à lui derrière ce voile incongru d’abord par sa rusticité, dissimulant les perspectives lointaines que dégage une colline, engendrant cette impression confirmée à chaque pas, à chaque ruelle, d’isolement et de refuge à l’image du petit cloître franciscain qu’il visiterait d’emblée ;

une brume déambulatoire comme un écrin particulièrement raffiné et propre à faire valoir ce caractère singulièrement scandaleux d’une ville déposée là immémorialement,

restée à l’écart de toute compromission avec le monde, avec cette netteté radicale et tranchée d’une ville sans banlieue …

unité qu’il se serait gardé de détailler par crainte de voir la ville se raviser et disparaître  l’enchantement qu’il éprouvait moins à l’idée d’une Permanence historique qu’à celle d’une totalité harmonique rendue tangible.

Il ferait froid à Assise afin  qu’il ne puisse ultérieurement s’imaginer la vie à la campagne sans une chambre monacale dont la blancheur eût été le rappel incessant d’une brume symbolique.

photo: cloître d’Assise

Jean-Paul Goux, est l’auteur de   » le montreur  d’ombres »  ( éditions ipomée 1977 )  dont je cite un court extrait  de son premier  récit;  le jardin…  JP Goux, avec de longues  phrases  qui se tiennent, a un côté descriptif  très pictural, ici, pour  Assise,  mais  aussi pour  la peinture, par exemple  le célèbre retable d’Issenheim, près de Colmar.

Il est aussi l’auteur, plus récemment  de

La jeune fille en bleu, récit, Champ Vallon, 1996.

Les champs de fouilles:
1. Les jardins de Morgante, roman, Payot, 1989; rééd. Actes Sud, coll. «Babel», 1999.
2. La commémoration, roman, Actes Sud, 1995.
3. La maison forte, roman, Actes Sud, 1999.


Jacques Chessex – désir de la blancheur


photo personnelle Mont Lozère, mars 2006

J’emprunte à bleupaille, son article  sur l’écrivain Jacques Chessex*

Si le désir de la blancheur t’enveloppe
Sans hâte ami ouvre ta porte
A l’aube tu te rappelles le bras maternel
Et il neige ô cadeau de la neige
Sur toute blessure
Les haies du coeur
Peu à peu adoucies par cette étreinte
Et moins de bruit moins de terre
Ton corps allant à l’air
Ton esprit à son seul mouvement
Par le blanc de la parole sans mots
La certitude de l’être
Comme un feu qui ne s’éteint
Ni au blanc en toi qui rêve

(         je bénéficie  de deux  traductions de personnes  qui manipulent mieux  l’anglais  que moi-même ; et qui ont  bien voulu me transmettre leur vision des choses  –

merci à Brigitte  et Aidan… dans l’ordre  d’apparition, comme on dit —  thanks a lot !      )

If the desire of whiteness wraps you

Without haste, friend, opens your door,

At dawn you remember yourself the maternal arm

And it snow, ô present of the snow

On any wound

The hedges of the heart

Little by little eased by this embrace

And less noise less ground

Your body going to the sight

Your spirit in its only movement

By the white of the word without words

The certainty of the being

As a fire which does not go out

Nor to the white in you who dreams

If you become enveloped by a desire for whiteness

Then, friend, open your door to it without haste.

At dawn you will recall being in your mother’s arms

And it is snowing ( oh gift of snow ! ) on your every wound.

The defenses around your heart are, little by little, softened by this embrace ;

There is less noise, less of the things of this world.

Your body is taking to the air

And your mind, in a singularity of movement

Is, by blank speech without words, coming to a certainty of being,

Like a fire that will never go out  –

Like the everlasting whiteness in the you who dreams


AUGUSTO LUNEL ——–DE SOLEIL A SOLEIL —–CHANT 1


AUGUSTO LUNEL DE SOLEIL A SOLEIL CHANT 1

 

 

Personne n’échappera à mon amour,

au lys à la blancheur qui brûle,

à la parole qui incendie ce qu’elle nomme.

La tempête sortie d’une rose dont le silence creuse le précipice,

creuse en toi jusqu’à la mer la mort,

brise le château de lampes pour que la lumière se déverse à tes pieds.

 

 

 

Un aigle ouvre les ailes dans ta poitrine et une douleur bleue dans la mienne.

Le coeur emporté par des vents contraires,

la poitrine profonde et fermée comme un coup de tonnerre,

l’oeil qui me manque me regardant du typhon qui approche,

l’être comme une blessure rauque,

je vais dans mon amour comme dans l’air au tien comme dans ton sang.

 

photo ---- Gaylen Morgan