Eugenio de Andrade – traverser l’été pour te voir
photo Frank Vic
J’avais traversé l’été pour te voir
dormir, et rapportais d’autres contrées
un soleil de blé dans la pupille ;
quelquefois la lumière s’attarde
sur des mains fatiguées ; je ne sais en lequel
de nous explosa une soudaine
jeunesse – explosa, ou chantait :
l’air était plus frais.
Qui chante en plein été espère voir la mer.
Foroukh Farrokhzâd – il n’y a que la voix qui reste
peinture: Arpad Szenes
Pourquoi m’arrêterais-je, pourquoi?
Les oiseaux sont partis en quête d’une direction bleue
L’horizon est vertical
L’horizon est vertical, le mouvement une fontaine
Et dans les limites de la vision
Les planètes tournoient lumineuses
Dans les hauteurs la terre accède à la répétition
Et des puits d’air
Se transforment en tunnels de liaison.
Le jour est une étendue,
Qui ne peut être contenue
Dans l’imagination du vers qui ronge un journal
Pourquoi m’arrêterais-je?
Le mystère traverse les vaisseaux de la vie
L’atmosphère matricielle de la lune,
Sa qualité, tuera les cellules pourries
Et dans l’espace alchimique après le lever du soleil
Seule la voix
Sera absorbée par les particules du temps
Pourquoi m’arrêterais-je?
Que peut être le marécage, sinon le lieu de pondaison des insectes de pourriture
Les pensées de la morgue sont écrites par les cadavres gonflés
L’homme faux dans la noirceur
A dissimulé sa virilité défaillante
Et les cafards…ah Quand les cafards parlent!
Pourquoi m’arrêterais-je?
Tout le labeur des lettres de plomb est inutile,
Tout le labeur des lettres de plomb,
Ne sauvera pas une pensée mesquine
Je suis de la lignée des arbres
Respirer l’air stagnant m’ennuie
Un oiseau mort m’a conseillé de garder en mémoire le vol
La finalité de toutes les forces est de s’unir, de s’unir,
À l’origine du soleil
Et de se déverser dans l’esprit de la lumière
Il est naturel que les moulins à vent pourrissent
Pourquoi m’arrêterais-je?
Je tiens l’épi vert du blé sous mon sein
La voix, la voix, seulement la voix
La voix du désir de l’eau de couler
La voix de l’écoulement de la lumière sur la féminité de la terre
La voix de la formation d’un embryon de sens
Et l’expression de la mémoire commune de l’amour
La voix, la voix, la voix, il n’y a que la voix qui reste
Au pays des lilliputiens,
Les repères de la mesure d’un voyage ne quittent pas l’orbite du zéro
Pourquoi m’arrêterais-je?
J’obéis aux quatre éléments
Rédiger les lois de mon cœur,
N’est pas l’affaire du gouvernement des aveugles local
Qu’ai-je à faire avec le long hurlement de sauvagerie?
De l’organe sexuel animal
Qu’ai-je à faire avec le frémissement des vers dans le vide de la viande?
C’est la lignée du sang des fleurs qui m’a engagée à vivre
La race du sang des fleurs savez-vous?
Traduction de Mohammad Torabi & Yves Ros.
Albert Aygueparse – les plaies de l’âme
photographe non identifié
Tu m’accompagnes partout dans ce monde mal fait
Ton poids est plus léger que la buée du premier jour
Je te respire par tous les pores de ma peau triste
Et ton sang reconnaît sans effort le dédale brûlant de mes veines
Dans cette saison de fer je ne me sens plus seul
Car tu me donnes la force d’être ce que je suis
Je mêle l’espoir et la peine, la joie et la souffrance
Je peins la peur et le courage des mêmes couleurs
Je donne à l’ortie et au blé la pluie et le soleil
Je mets la graine et l’épi dans la seule balance
J’accepte sans choisir les larmes et l’amour
J’abandonne le ciel pour cette terre amère
Mais je ferme les yeux pour retenir ton ombre
Immobile et debout dans mon sang ébloui.
Je ne parle qu’à toi de la vie, de la mort.
ALBERT AYGUESPARSE ( « Les plaies de l’âme » in Poèmes )
Kiril Kadiski – Par là les siècles sont entrés dans nos jours.
Peinture: Emil Nolde
Par là les siècles sont entrés
dans nos jours… Quelque chose de miraculeux au loin :
la lune pourpre frissonne et court à travers des nuages déchirés,
mais de ses branches sèches un peuplier l’attrape –
coquelicot déchiqueté qui flamboie
au milieu du blé par une chaleur sombre et immobile…
Silence partout. Enfin tu vas rentrer.
Pendant longtemps tu resteras éveillé, les paupières lourdes.
Dehors, le couchant dégouline sur la vitre humide. Déjà vide,
la boule de verre qui roule à l’horizon jette ses reflets dorés.
Encore un jour de passé. Mais qui s’en est aperçu ?
Kiril Kadiski
Augusto Lunel – Chant 6
CHANT VI
Vie en elle-même consumée
et jamais consommée,
mort perpétuelle,
mort brisée d’abeilles,
alouette cachée dans son chant,
colibri caché dans son vol,
danseuse sur des aiguilles sonores,
aux pieds de langues avides,
aux jupons que le vent soulève
sur le Pacifique,
aux champs de blé qui bercent l’aube,
tes mouvements sont un vase
qui contient le vol des oiseaux,
ton saut, la bise immobile,
tes cheveux, la tempête,
ton coeur, le mien.
Faite femme,
chaussée de pluie,
habillée de précipices
ou d’un éclair qui tourne sur lui-même,
tu ajoutes ta voix à la source,
tes mains au matin,
ta poitrine à la lune,
ton dos à la rivière,
… tes épaules
à la caresse de la lumière sur la peau nue,
tes cuisses à la clarté du fruit dans la bouche,
ton sexe, comme un baiser,
à l’aurore au parfum rosé,
ton désir à la voracité
de l’éclair sur la nuit.
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de ce poète péruvien, peu connu chez nous,
j’avais déja publié le chant 1 » de soleil à soleil »
Claude Roy – nuances
Nuances
L’ombre d’un nuage change la couleur du champ de blé
Vert de vert campagne puis vert d’océan calme
Le nuage est passé La mer se retire
le Haut Bout 4 juin 1983
Alain Borne – Quand je serai mort
vous ne penserez plus à moi
-silence et absence-
un nom sur une marguerite d’os
que je ne serai plus là pour effeuiller.
Je t’aime un peu beaucoup
passionnément
brisez vos douces mains à soulever la dalle
soulevez la dalle car je suis là
je n’ai plus en guise de lèvres et d’yeux
qu’un peu de terre d’où jaillit le blé.
- photo personnelle – Causse de Sauveterre
amour ma grande journée
et Vous
le seul rêve qui ait pu m’éveiller.
Je m’endors et je meurs.
Quand je serai mort
vous ne penserez plus à moi
avec moi mourra ma musique
et si des lèvres vives la chantent encore
ce seront-elles que vous aimerez.
Rabah Belamri – l’olivier boit son ombre – 05
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tu as surgi des blés dans ma rocaille tu as marché
est-ce mon image
une ancienne douleur de nuit
ce rêve au visage cloué
j’ai suivi tes pas et la route n’était plus qu’une planche
un cri d’enfant un battement d’ailes dans la cour
sur la terrasse le café et la galette du matin consolent
un ange rescapé de la nuit
voir aussi l’hommage de Rabah B à Abdelmadjid Kaouah , dans https://ecritscrisdotcom.wordpress.com/2012/03/28/rabah-belamri-poesie-mise-a-nu/
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Le lac et le blé (RC)
J’ai entendu récemment cette belle légende, à la radio, que j’essaie de transcrire aujourd’hui….
Il existe un pays où certaines personnes ne s’aventurent pas, car ces endroits un peu particuliers, peuplés de cailloux sont des lieux où son soupçonne qu’ils abritent des djinns, des petits génies malicieux, qui peuvent provoquer des surprises, le bonheur ou le malheur des hommes…
Un jour Ahmed, vit un endroit au détour d’un chemin, plat, mais encombré de pierres, qui lui semblait propice à la plantation d’un champ de blé… il commença à déplacer quelques unes, lorsqu’il entendit une voix sortir de derrière les roches..
– Que fais tu donc là, dans notre territoire?
– Je déplace des pierres, pour espérer faire de cet endroit merveilleusement placé, un champ de blé, et ainsi aider ma famille à sortir de la famine..
– C’est un beau projet, dit le djinn, qui apparut de derrière les pierres, nous allons t’aider…
Apparurent alors deux, trois dix, cent, mille djinns qui aidèrent Ahmed à déplacer toutes les pierres du champ, pour faire apparaître une belle surface cultivable, cernée de hauts murets…
Viens donc avec ta famille semer, et nous demanderons au ciel de t’envoyer l’eau nécessaire à une abondante récolte…
Ainsi fut ,fait, et au bout de quelques mois , une prairie verdoyante comportant de nombreux épis tendres était apparue au détour du chemin…
Mais les djinns goûtant les épis, les trouvèrent si bons et à leur gout , que des dizaines, des milliers de djinns vinrent chacun manger les beaux épis…
La famille venant pour la moisson, constatant le désastre, ne put retenir des flots de larmes devant ce spectacle, et c’est ainsi qu’aujourd’hui, dans l’espace qui avait été jadis porteur d’espoir, il y a à sa place un grand lac issu de toutes leurs larmes .
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Sur le net je n’ai pas trouvé trace du récit que j’ai retranscrit, par contre des contes berbères qui semblent, dans l’esprit, s’en approcher;..