Louba Astoria – le la de mes étés

L’océan mouvant des épis s’est asséché
Juillet fauché
La paille des blés
A l’odeur sèche et drue
Des hérissons jaunis qu’elle a dressés dans les champs
Les soirs se laissent envoûter
Au ciel, d’étoiles pailletées
Ici-bas, d’une humidité serpentine, grimpante
Entre les vapeurs persistantes et dorées
Séduite par cet entrelacs d’odeurs
Les grésillements des grillons et les grelots des jeunes grenouilles
L’obscurité languissante
S’affaisse et enveloppe les derniers parfums de ces journées grouillantes
Repues de soleil et de poussière
Dans un voile de repos bien mérité
Alors un vent léger déroule sa tresse
Entre les feuilles déjà grillées des cerisiers
Disperse lentement les odeurs de ma jeunesse
Et caresse la nuit pour ne pas l’effrayer
Depuis je m’endors à la belle étoile
Pour goûter encore l’ivresse de ces soirs de moisson
Perdus
Le temps où les éclats du quatorze-juillet
Culminaient en ces enchantements béats
Et donnaient le la de mes étés
blés attendant l’orage – ( RC )

Sous un ciel immobile,
ce calme trompeur.
Pas un vent, pas une brise n’arrive.
Les oiseaux se sont tus.
Le sage alignement des arbres
repose sur la ligne d’horizon ,
comme des notes
sur une partition.
Une mer d’épis
dressés les uns près des autres
patiente avant l’orage
résonnant déjà au loin.
Liés à la terre nourricière,
ne pouvant fuir,
ils se tiennent debout
sous la lumière blafarde.
Telle une armée de fantassins
attendant la pluie de fer,
ils portent le renouveau, cependant.
Du champ massacré,
des épis éparpillés
renaîtront d’autres blés,
une fois calmée
la fureur des temps.
Vois comme ce ciel
pesant, presque noir;
est lourd de menaces,
confronte sa puissance
sur les têtes fragiles
courbant bientôt sous la grêle
sans abandonner l’espoir
d’une renaissance…
Quand résonne Septembre – (Susanne Derève)

Photo RC – Blés des Causses
Quand résonne Septembre
me revient
la chanson de la pluie sur les verrières
son bruit de verre pilé
celui du verre qu’on rassemble
enclos sous le voile léger
comme un rire étouffé éparpillant les cendres
de l’été
Verre brisé
Parfois les feuilles sèches des saules
avaient ce tintement cristallin en Juillet
et le vide du ciel l’étincelant reflet
Dans la pénombre à traquer la moindre trace
de fraîcheur chaque geste pesait
C’était un temps d’une infinie langueur
où l’on se contentait d’être dans la dérive lente
des heures sans que décline la fournaise
Même la nuit brûlait d’une insolente ardeur
Verre brisé le murmure des blés
dans l’ombre portée du vent
comme un frisson un long haussement d’épaule
un éclair de chaleur le plein chant de l’orage
croisant à l’horizon un crépitement bref
à peine une averse une sueur d’été
On attendait Septembre
la douce chanson de la pluie sur les verrières
son bruit de verre pilé
celui du verre qu’on rassemble
enclos sous le voile léger
un sanglot étouffé qui dispersait les cendres
de l’été
Basculés derrière l’horizon- ( RC )
photo Phil F-
Sous nos yeux étonnés,
se déroule un grand film .
Panoramique,
il occupe tout l’espace ,
mais change à vive allure,
comme si les champs
poussaient les montagnes,
les montagnes, le lac,
le lac, la ville,
la ville, les forêts…
basculés derrière l’horizon .
Tout s’en va,
tout s’efface ,
derrière l’écran de la fenêtre .
> Sans certitude
sur le bon endroit,
celui où les choses s’attachent ,
où l’arbre demeure,
des siècles durant.
Le mouvement du train
zappe l’éternité
pour un temps éphémère,
un temps compressé ,
qui demeure curieusement
étranger
à la lente caresse du vent
dans l’ondulation des blés .
–
RC – juill 2017
Le tout orchestré, dans quelques centimètres carrés – ( RC )
peinture : détail de peinture 1992 RC
–
Un peu de peinture frottée,
quelques touches posées,
et que sourde la lumière
inventée par la mer,
et les ors se répandent
jusque dans les lavandes :
tu as rêvé d’un soleil
traversant le sommeil
de la toile :
le chuchotement des étoiles
émergeant peu à peu
de tout ce bleu :
la grande épure
des blés mûrs :
Le grand accord
donné à leurs ors .
La mer jaune des mimosas
et des champs de colza ,
la chanson secrète
– les couleurs de la palette –
qui, sous l’été, crépitent
– un espace sans limite –
( le tout orchestré
dans quelques centimètres carrés )
–
RC – mai 2017
Patricia Fort – Dans ma valise
peinture David Lisboa » boîte en valise »
Dans ma valise il y a…
Vos prénoms et le mien
Qui se tiennent par la main
Nos nuits de bohémiens
Des contes et fleurettes
Des rires sous couette
Des sax et des rôles
Bad pas t’es pas drôle
Des boucles bleues
Des cernes sous les yeux
Nicolaï qui s’enjaille
Et nos voix qui s’éraillent
Une écharpe de ciel
Qui me sied à merveille
Des clés de portail
Ma mémoire qui défaille
L’or des blés
La blancheur de l’été
Une corde de guitare
Mais non il n’est pas tard
Le grenier de la France
Et celui de mon enfance
Une madeleine et un marcel
Des souvenirs en dentelle
Un décapsuleur
Des biscuits et du beurre
Une espadrille orpheline
Nos doutes en sourdine
Cinq chemins au levant
Le soleil au couchant
Un sentier pour nos pas
Avec des pierres çà et là
Valentino et des abeilles
Nos bouches groseille
Nos cœurs à l’unisson
Des rimes , des chansons
Une petite fille oubliée
En jupe plissée
Queue de cheval
Des amours qui se font la malle.
Dans ma valise bien rangée
Un voyage immobile
Une parenthèse, une île
Vos vies là, devant
La mienne qui attend. »
© Patricia Fort. – Artenay 17 juillet 2013.
Il est minuit depuis si longtemps – (RC )
–
Il est minuit depuis si longtemps
…. Le long des parcours du jour.
J’ai traversé le sommeil,
> Et dehors, la caresse
Des courants tièdes,
N’atteignait pas le mur.
J’y étais enfermé,
Et mes bras menus ne pouvaient rien
Contre le froid, contre l’attente …
Et la douceur des choses
N’était qu’à deux pas.
Des promesses de l’été.
Les paroles gelées sous les lèvres,
La jeunesse habillée d’oublis,
Les yeux grand ouverts
Derrière des paupières inutiles
Sont à l’écart des champs de jeunes blés,
Où le vent s’ondoie.
Il faudrait que la terre tremble,
Que les lézardes prolifèrent,
Et que les pierres se descellent,
Pour que le sortilège tombe avec,
Et que le regard puisse enfin,
Goûter vraiment, à la douceur des choses.
Le baiser à la terre,
La ronde du soleil …
Le temps d’un autre départ,
Pour retrouver le désir,
Sa propre route, au dedans,
Pour y courir librement, les pieds nus .
–
RC – juillet 2014
–
L’église d’ Auvers – (RC )

L’église d’Auvers -Vincent Van Gogh
–
L’église d’Auvers, ondule,
Sous l’épaisseur d’un ciel,
Dont j’ai sondé la couleur.
L’outre-mer est aussi profond,
Que celui du dernier champ de blé,
Sous le coup de fouet de l’été.
Le peintre anticipe un futur
Aux chemins divergents,
Et la mer est debout, avec sa masse pesante.
Il n’y manque que les corbeaux,
Coassant sur la plaine…
Alors que chantent encore l’orangé des pentes,
Vers une danse de l’ombre,
Où s’éloigne une femme,
Bientôt disparue, de la peinture.
RC- Août 2014
–
en rapport, ce texte de Laurent Quintreau
Temps chaud et sec
Je fixe un arbre sans ciller
Des personnes passent comme en surimpression
Une jeune femme, une autre, un vieil homme et un enfant, deux autres femmes
Toujours l’arbre
Des voitures passent, fixer l’arbre
D’autres passants
Passe un bus
Yeux qui pleurent, tenir bon
Toujours l’arbre, bruits de klaxon
L’arbre
Arrêter, mal aux yeux
Maintenant l’église
Je fixe l’église sans ciller
Les voitures continuent de passer
Devant l’église, quelques clochards, ils se chamaillent
Je fixe l’église, mes yeux pleurent, je tiens bon comme j’ai tenu bon ces deux derniers jours pour le jeûne, je ne bats pas des paupières, toujours l’église
Ciel magnifique, lumière orangée
Des passants se découpent dans cette lumière sidérale
Toujours l’église, elle vibre au milieu de l’air
Elle se gondole comme sous l’effet d’un psychotrope puissant, et pourtant je n’ai rien pris, je n’ai même pas bu une goutte d’alcool
Où va la beauté du monde ?
Douleur, pleurs, je suis obligé de fermer les yeux
Les passants, je me décide à les fixer
Un, deux, trois, quatre, ils passent dans mon champ de vision et disparaissent
Vertige et tristesse du monde
Je fixe une grande blonde, quelle partie au juste ? Elle est déjà partie
Je fixe un couple de quinquagénaires, ils mangent une glace, déjà disparus
Je fixe un photographe qui s’est arrêté pour prendre un cliché de l’église
Je fixe son visage de dolichocéphale rasé
Je fixe
Tout à coup, son visage explose, comme s’il se confondait avec le monde extérieur
Phénomène visuel plus curieux encore, les personnes qui passent m’apparaissent comme des taches remuantes à la façon d’amibes qui se mélangent les unes aux autres
des larmes
trop de larmes
m’obligent à arrêter
…
(p. 308-310)
Laurent Quintreau, Mandalas (Denoël, 2009)
Aveugle – ( RC )
–
Tu tiens la balance,
A peser les étoiles,
J’en sens la caresse des rayons,
Ils me relient quelque part,
Au chant de l’ailleurs,
Que je ne perçois pas,
Ou juste à tâtons …
Mais ta voix me parvient.
Elle est une bonne étoile,
Et me permet de traverser,
Des champs, où les blés,
Ondulent dans le noir.
J’ignore la forme de ton visage,
Mais je reconnaîtrais entre mille,
Le grain de ta peau,
J’ai juste des yeux au bout des doigts,
Même s’ils ne voient pas .
–
RC- avril 2014
Quand on n’a plus le sentiment, de l’heure et des choses ( RC )
–
–
Ce qu’il était d’un bleu,
Sous la touffeur commune,
Et les blés secs, étalés ;
Champs juste entaillés,
De chemins de poussière pâle,
L’après-midi tarde,
Au silence têtu,
Quand on n’a plus le sentiment,
De l’heure et des choses,
Et qu’on recherche l’ombre.
Il n’y a plus,
De l’horizon indécis,
Que les toits du village,
Lointain,
Dans la brume de chaleur .
S’étire le ruban de la route,
Même , suinte son goudron,
Dans le temps immobile …
L’espace se prolonge,
En de molles collines,
Adossées au ciel, à peine différent
Et les vrilles sonores,
Des mouches de l’été…
> Les déchirures tardives des avions.
En longs tracés blancs…
RC – 25 septembre 2013
–
Robert Piccamiglio – Midlands – 06 – Plus tard ( 02 )
–
L’argile du cœur broyé par l’indifférence. La peur. La haine.
Aux pieds des frénésies du pouvoir toujours en marche.
Ce pouvoir je l’ai senti
sur les scènes du monde entier.
Je n’étais alors ni le troupeau
ni l’infime sillon. ni le berger anonyme.
J’étais comme cette terre riche de feu. Fusion éternelle. Longue course vers l’infini.
J’étais le ciel heurtant les saisons. L’amant.
La maîtresse habillée de gestes vifs. Insoumise.
J’étais ce fils
que je n’ai pas connu.
Ce Cavalier maintenant égaré.
J’étais cette tille que je n’ai pas eu. Cette Reine oubliée. Cette Fée d’éternité.
Le pouvoir je l’ai senti comme la rivière charriant le sang.
Puis le fleuve emportant les cadavres d’où venait le sang.
Je restais immobile.
Triomphant.
A l’image de ces volatiles
qui Jamais ne se posent.
Qu’importe la saison. .
L’odeur de l’herbe ou de la pluie.
Jamais ils ne suspendent leur vol.
Même les blés accueillant. Ou l’arbre tendant ses bras aux douceurs zénithales ne leur font refermer leurs ailes.
–
Midlands est publié aux éditions Jacques Bremond, qui utilisent très souvent du papier recyclé « artisanal »….
–
Ce qui résiste et pique ( RC)

photo: olivier en feu. Conflit Israelo-palestinien provenance info-palestine.net
Ainsi , contre les plantes domestiques Rebelles , résistent et piquent, Orties, pierres de chemin, aubépines insolentes Nous attendent, comme une plaisanterie ironique Font de leur domaine une forteresse lente Qui dérange l'aimable... Et s'incruste , en années durables Diluées de l'abandon. On ne sait rien, d'un détour de chemin Et puis, on progresse par étapes Encore sains et saufs, pour dire, En miroirs de limpides - flaques Des orages qui bourgeonnent, Et les fleurs combattant , corolles Force boutons, au bal des abeilles Les orties se liguent, et sont barrière Ronces s'enchevêtrent, en habillant La carcasse d'une vieille auto, Qui a arrêté, ici même son parcours Au bord ce qui fut cultures, Et vallées riantes, De blés, bordés d'oliviers Incendiés - C'était un été, naguère Avant la guerre... RC - 24 septembre 2012 -
La joie ( Ile Eniger) – Pluie d’été ( RC )
A partir du beau texte de Ile Eniger, ( le premier), j’ai écrit le second…
La joie
–
Le pain brûlé des terres
La lumière en bras de ruisseaux
La perfusion du jour sur les heures de nuit
Les veines au cou de la montagne
Les vignes lourdes de vin vert
Le ciel marine à force de brasure
Les oursins de lavandes dans l’océan des champs
Les fenêtres ouvertes pour reprendre leur souffle
Et les rideaux fleuris
Les pas derrière la porte
La présence
La vie pleine forge
La centaine des blés pour un seul coquelicot
Le rouge du soleil en face
La joie
Légère comme une espadrille.
Copyright © Ile Eniger
–
pluie d’été
Légère comme une espadrille
Le pas suspendu
Au dessus des brumes
Elle flirte avec les dunes
Et se saisit des montagnes
Pour en faire des chapeaux
Qu’elle repose,de biais
Dans l’océan des champs
Si bien peignés de blés
Et qu’elle va visiter
Lorsque le ciel caresse le sol
Encore chaud de l’hier,
Et d’une fin d’été
Aux parfums de lavande
Et de la terre mouillée.
RC – 11 septembre 2012
en rapport avec la photographie voir aussi cet article
Copyright © R Chabriere