Kenneth White – la porte de l’Ouest

L’échappée, ah – cette lueur bleu sombre
le long du fleuve puis
l’éclair d’ambre doré puis encore
la lueur bleu sombre tout le long du fleuve
( vieux rafiot noir là-bàs traînant
près d’un gros paquebot blanc )
et les nuages filant bas
au-dessus des vagues grises aux crêtes
écumantes ( ah cette courbe qui se brise ) et en haut
le vol noir des goélands
Puis les collines, fougères rousses entre-
mêlées et les ronces et les roses sauvages et
le houx rouge-sacré dans la neige
et les arbres dégoulinant de pluie –
marchant sur les chemins de glace bleue les
ruisseaux impétueux l’air mordant
et cette lumière d’une clarté folle
cette lumière abrupte angélique démentielle
qui fait surgir le monde dans sa nudité
réel toujours changeant clair-obscur perpétuel.
Ce pressentiment, les ailes déployées – ( RC )
photo recadrée : voir origine pxhere
–
Faut-il encore sortir
les jours de mauvais temps,
espérer voir un peu de ciel bleu
dans les heures écrasées ?
Une mouette blanche
s’est envolée de la digue
juste au moment où
un obus fracasse le ciment
A-t-elle eu ce pressentiment
les ailes déployées,
ou de nos âmes , eu pitié ?
On voit mieux le monde de haut,
même si les hommes s’entre-tuent ;
de l’océan, rien n’arrête le flux.
–
RC- avr 2020
variations en bleu et vert ( chez Whistler ) – ( RC )

W A Whistler – variations en bleu et de vert 1868
C’est peut-être une fin d’été. devant la mer
Quatre femmes sont les actrices
d’une peinture de Whistler: presque une esquisse
peinte à grands traits rapides.
Sous un ciel paisible et lisse,
une brise s’élève à peine :
c’est une symphonie de bleus et de verts
devant une eau claire et limpide,
où rien ne bouge…
Le personnage de gauche marche lentement.
On le dirait sorti d’une fresque romaine
ses voiles jouent avec le vent.
A côté de cette femme
se tiennent deux dames
habillées de bleu et vert, également
avec quelques notes de rouge.
L’une d’elles tient un éventail.
Le peintre n’a précisé aucun détail…
Elles entourent le personnage principal
à la position centrale,
le regard perdu dans le lointain
assise, avec un geste de la main.
On ignore ce qui les réunit ici,
s’il y a une maîtresse et des servantes ;
elles se fondent dans le calme et l’harmonie.
On s’attendrait à une fête galante,
sans fioriture inutile
au retour d’Ulysse dans sa patrie,
un vaisseau que l’on devinerait entre deux îles:
—- on ne saura rien de la suite
du tableau, le regard se perd au-delà de ses limites…
Gérard Noiret – A travers le vin

A travers le vin tu parles au village
de ta vie comme une hermine
lorsqu’elle s’arrache la patte
du ciel encore plus incapable de surprise
que de bleu. Certaines fois
tu t’éveilles dans tes phrases
sans pouvoir te situer ni savoir
d’où provient la lumière
(Au café de l’Eglise)
Edith Södergran – l’appel du feu

L’éclair
éclair qui te caches dans un nuage,
éclair bleu que je vois,
Quand jailliras-tu ?
Eclair, ô toi, béni,
Chargé de foudre, fécondant, purifiant,
Je t’attends, exténuée.
Mon corps gît comme une loque
Pour pouvoir une fois, saisi par des mains électriques,
plus ferme que tous les minerais de la terre,
envoyer l’éclair.
Miguel Angel Asturias – marimba chez les indiens

La marimba pond ses œufs dans les astres…
Oh la la, quel caquet
pour un œuf que tu ponds !
Eh, venez donc le pondre !
La marimba pond des œufs dans les astres…
Le soleil est son coq, il la coche, il la saigne.
La marimba pond des œufs dans les astres.
Oh la la, quel caquet
pour un œuf que tu ponds !
Eh, venez donc le pondre !
Dans les calebasses au trou noir de noix de coco
et aux membranes de tripes tendues il y a des
sanglots de mouches,
de poissons-mouches, d’oiseaux-mouches…
Et le charivari de la perruche verte
et le crépitement de l’oiseau jaune en flammes,
et le vol tournoyant du guêpier bleu de ciel,
et les quatre cents cris du moqueur d’Amérique.
Le moqueur a sifflé, le guêpier a volé
l’oiseau jaune a flambé, la perruche a crié.
Oh la la, quel caquet
pour un œuf que tu ponds !
Eh, venez donc le pondre !
Musique entre les dents et la peur endormie,
jetée par des hommes de pierre-foudre vêtus de blanc,
qui du haut du soleil tendent leur bras de feu
et leurs doigts armés de baguettes brûlées aux longs
cheveux de caoutchouc
qui frappent la face sonore du clavier à peine soutenue
par les fils de quatre couleurs
en bariolant les airs : vert, rouge, jaune, bleu….
Son-roulement de pluie des tissages célestes !
Son-roulement de pluie de la ruche du monde !
Son-roulement de pluie de la sueur des humains !
Son-roulement de pluie du pelage du tigre !
Son-roulement de pluie de la robe de plumes !
Son-roulement de pluie des robes de mais !
Lionel Ray – Ni rides ni raison –

Ni rides ni raison . c’est la foudre aux yeux bleus
qui éclaire les seuils.
fragile est son secret : ce nœud léger du souffle
ces traces de naissance nouvelle ce cri brisé. –
nous serrons contre nous une cage pareille
à la fumée – distance qui déchire.
et nous marchons dans son obscur empire
vers cette vitre innommable, notre voisine sèche.
ainsi nous habitons le mouvement des jours :
l’ombre dans l’ombre va, envol de nul oiseau.
Poésie 84
Janvier Février 1984
Revue dirigée par Pierre SEGHERS
Jean-Michel Maulpoix – le bleu ne fait pas de bruit

Le bleu ne fait pas de bruit.
C’est une couleur timide, sans arrière-pensée, présage, ni projet, qui ne se jette pas
brusquement sur le regard comme le jaune ou le rouge, mais qui l’attire à soi,
l’apprivoise peu à peu, le laisse venir sans le presser, de sorte qu’en elle il s’enfonce et
se noie sans se rendre compte de rien.
Le bleu est une couleur propice à la disparition.
Une couleur où mourir, une couleur qui délivre, la couleur même de l’âme après qu’elle
s’est déshabillée du corps, après qu’a giclé tout le sang et que se sont vidées les
viscères, les poches de toutes sortes, déménageant une fois pour toutes le mobilier de
ses pensées.
Indéfiniment, le bleu s’évade.
Ce n’est pas, à vrai dire, une couleur. Plutôt une tonalité, un climat, une résonance
spéciale de l’air. Un empilement de clarté, une teinte qui naît du vide ajouté au vide, aussi
changeante et transparente dans la tête de l’homme que dans les cieux.
L’air que nous respirons, l’apparence de vide sur laquelle remuent nos figures, l’espace
que nous traversons n’est rien d’autre que ce bleu terrestre, invisible tant il est proche et
fait corps avec nous, habillant nos gestes et nos voix. Présent jusque dans la chambre,
tous volets tirés et toutes lampes éteintes, insensible vêtement de notre vie.
Jean-Michel Maulpoix. extrait du livre » Une histoire de bleu »
Jean-Pierre Rosnay – À Tsou l’Egyptienne

Par-dessus le toi des guitares
Ses yeux et son sourire bleu
La nuit mêlée à ses cheveux
Chaque train oubliait sa gare
Le flux et le reflux de la mer intérieure
Qui animait mon coeur à la cause du sien
Me faisait ressemblant à ces ombres de chien
Qu’on voit laper la nuit des restes de lueurs
Mon égyptienne ma mythique
Quand nous baignerons-nous à nouveau
Au port d’Alexandrie entre ces vieux rafiots
Dont la voile crevée donnait de la musique
Du haut de la plus haute pyramide
Léchée par des millions de regards touristiques
Entre Son Lumière légendes et cantiques
Je t’apporte ces mots de sang encore humides
Ces inhumains versets d’amours supra-humaines
Quand le poète écrit d’amour à son aimée
Il charge son stylo d’encre à éternité
Puis lui dit simplement Madame je vous aime
Et je vous saurais gré de l’avoir remarqué
Couleur – Susanne Derève

Max Ernst – La naissance de Vénus
J’ai jeté une couleur sur la toile
puis une autre
rouge
bleue
en émerge un violet profond
et dans le soudain rayon qui l’éclaire
quelque chose de toi
un jaune ardent
un soleil pâle
un gris de faille au fond des yeux
comme un tendre passe-muraille
Valère Novarina – Si un jour je suis
image: montage perso avec au départ un tableau de V Velickovic
Si un jour je suis, vous offrirez ma viande de vie aux animaux.
Si un jour je suis, je vous offrirai ma vie pour la manger.
Rien correspond aux sons que j’entends.
J’ai peint mes deux oreilles qui sont en bleu :
j’avais déjà peint les deux pieds de ma chaise en vide.
Enfant, j’avais déjà peint de travers un chien tout noir
entier en blanc, avec un trou noir au milieu
pour voir dedans, percé lui-même d’un blanc
pour voir derrière.
Anna Jouy – J’écoute le point du jour
montage perso – 2014
je me suis couchée dans le bleu , je me lève aux oranges. ma jupe est rayée d’avions mon corsage est nu, il y a un coeur qui s’y lave
la nuit est un sucre à la fonte, la mienne fait des gouttes d’oiseaux. il faut une fenêtre pour avancer et tu fabriques de si belles trouées
tu délivres les gens de ma sorte, tu m’affranchis
c’est l’heure de laisser couler les mites du rêve
j’écoute le point du jour comme un doigt au milieu du thorax
c’est de lui que je m’habille, comme un ongle qui saigne et me désigne.
Le tout orchestré, dans quelques centimètres carrés – ( RC )
peinture : détail de peinture 1992 RC
–
Un peu de peinture frottée,
quelques touches posées,
et que sourde la lumière
inventée par la mer,
et les ors se répandent
jusque dans les lavandes :
tu as rêvé d’un soleil
traversant le sommeil
de la toile :
le chuchotement des étoiles
émergeant peu à peu
de tout ce bleu :
la grande épure
des blés mûrs :
Le grand accord
donné à leurs ors .
La mer jaune des mimosas
et des champs de colza ,
la chanson secrète
– les couleurs de la palette –
qui, sous l’été, crépitent
– un espace sans limite –
( le tout orchestré
dans quelques centimètres carrés )
–
RC – mai 2017
Tous, du blues – ( RC )
Peinture : Zao Wou Ki
S’échappe la mer
se courbe le ciel
Et toi et moi,
entre nous …
Mer et ciel et toi et moi
Avec tous ces bleus
Toutes ces nuances
Leur ensemble de teintes
Quelques bleus sont tristes
D’autres bleus sont heureux
Sombres et lumineux
tristes ou heureux en même temps
Nous sommes tous du blues
Nous en avons toutes les nuances
Toutes les teintes
Nous sommes tous le blues .
–
RC – dec 2016
Librement et directement inspiré de « All Blues »
de l’album mythique « Kind of blue » de Miles Davis,
dont on peut retenir entre autres, les interprétations chantées de Helen Merrill, ( difficile à trouver ) , Rachel Gould, avec Chet Baker, Ernestine Anderson et celle de Dee-Dee Bridgewater
Mark Rothko : untitled n°15
Jean Cocteau – Fête de Montmartre
Image retravaillée – RC
Ne vous balancez pas si fort,
Le ciel est à tout le monde ;
Marin d’eau douce, la nuit profonde
Se moque de vos ancres d’or,
Et boit, debout, en silence,
Comme du papier buvard,
Votre dos bleu qui encense
Puissamment le boulevard.
Jean COCTEAU
Une ouverture sur l’infini – ( RC )
–
Prends ce morceau de ciel, emporte-le chez toi, installe-toi en contre-jour,
et revêts ta tenue d’ange.
Fixé dans un recoin, le temps s’immobilise. Il se déroule et s’ennuie.
Il faut mettre un terme à l’expérience
car même si le bleu est ta demeure, il faudra inscrire tes ailes dans l’espace,
et plonger dans l’abîme :
N’aie pas peur, regarde les oiseaux.
Ils ignorent le vertige . Tu les suivras.
Avec la courbe de l’air comme soutien, sans penser à le posséder :
Une ouverture sur l’infini.
–
RC – nov 2015
Masaoka Shiki – hortensias ( haïku)
–
Pluie d’automne
les hortensias
se décident pour le bleu.
–
Masaoka SHIKI
–
et en rapport ce petit texte d’ Ed Rostand:
Il est quelque part un massif d’hortensias bleus qui frémit d’un rêve. » [Edmond Rostand]
Sophie Brassart – Juin au jardin bleu
–
Juin au jardin bleu
Que faire
Des morceaux de voix brisées
Habitants du ciel
Sous la branche
Jusqu’à la poussière
Lenteurs épanouies
Jusqu’à la blessure
Les laisser voler
–
( Sophie Brassart est poète et plasticienne. On peut retrouver ses créations alternées picturales et poétiques, sur son site « grain de blé » )
–
Pierre Torreilles – Où je suis
Où je suis
——–
Ordre
de ce qu’ont tu
le grand désordre évanescent,
l’oubli déchiqueté d’une mémoire souveraine,
je suis le Décillant.
Chaque épave
, gravide,
laisse à mes doigts l’écho.
…je sculpte le silence
,parole improvisée,
la montagne sonore.
L ‘oiseau est ma ponctuation.
Voici
le grand ressac,
l’ absence écrite,
sur l’ épaule du jour
la terre,
en suspens, ô bannissement ressassé !
la volonté féconde et la ténèbre qui l’accueille
le feu
de quelque encerclement.
Sans ombre le déclin
à la merci de la rupture,
le corps
bleu
maintenant qui me voit.
S ‘entre-dévorent , .
éblouissant,
la lumière et la nuit dans la parole qui sommeille.
Viennent bientôt m’habiller l’aube,
ruse,
de ses mots éloignés le silence,
le corps de l’air.
De nulle écoute l’horizon
quand accoste ma résonance.
*
Le mot,
déjà reçu,
dans mes pas
, oublié,
oblique lame sinueuse
l’éclat…
de quel sentier,
livide cicatrice?
Vacille
le miroir le fleuve où s’est réfugiée la mer.
Soudain tari
le puits,
intime appui du jour
abrupte éclosion de ma bouche sonore.
Quel fil descend
depuis l’ éther jusqu’en la terre,
s’étend au plus profond où séjourne l’éveil?
Du plus obscur survient l’imprononcé,
détrempé de lumière.
—
extrait de « Où se dressait le cyprès blanc » Gallimard 1992
–
Nicolas de Stael – grand concert ( RC )
- peinture; N De Staël : le grand concert 1955 (avant le suicide de l’artiste)
Face au grand mur de la douleur, Nicolas de Staël
A accompagné dans leur vol, les oiseaux , à toutes profondeurs.
Face au mur de la vie, si le bleu le noir et le blanc ne s’épousent pas.
C’est par un cri de couleur que tu as plongé dans le vide.
Peut -être pour retrouver l’espace des grands a-plats
Le reproche de l’ombre et le tragique du rouge
Il fait nuit sur ton corps, qui n’a pas suivi celui des oiseaux
Il fait nuit sur ta vie, qui nous disait l’inverse,
L’éclat d’un citron, d’un vase, et les rythmes des voiliers
Posés d’aplomb sur les surfaces peintes au couteau.
Mais si tu es gisant, brisé au pied des rochers
La musique des teintes, nous invite, symphonie
Où jouent les masses dressées sur l’écarlate
L’ombre du piano noir, l’ocre de la contrebasse
A ton grand concert, la neige des partitions
Des musiciens absents, à écouter les couleurs.
RC 25 mai 2012
–
– – voir aussi « le pinceau de la ville »
Faced with the great wall of pain, Nicolas de Staël
Accompanied in their flight, the birds, at any depth.
Facing the wall of life, if the blue black and white does’nt embrace.
This is a cry of color that wherefrom you plunged in the vacuum.
Perhaps to find space for a large flat-painted surfaces
The reproach of the shadow , the tragic of red
It’s dark on your body, which did not follow the birds
It is night of your life, who said the opposite,
The splendor of a lemon, a vase, and the rhythms of sailboats
Placed squarely on the painted surfaces with the painting knife.
But if you’re lying, broken at the foot of the rocks
Music of colors, invites us, symphony
Where the masses are standing on the scarlet
The shadow piano black, the ocher of the double bass
To your great concert, the snow of music sheets
Absent with musicians, listening to the colors.
–
voir aussi cet article dont je fais référence
———–>
Ce tableau évoque d’abord pour moi l’incommunicabilité : Malgré le pont que font les partitions entre les deux instruments , la musique semble étouffée par l’horizontalité de ce rouge écrasant , horizontalité contre laquelle semble s’élever péniblement la voix du violoncelle dans sa tonalité incertaine..
Pourtant ,, quand le regard s’attarde sur le tableau , l’éclat que donne cet agencement de couleurs au blanc éblouissant des partitions pourrait être un hymne à la musique ?
Je ne sais pas . Deux impressions contradictoires …
05/25/2012 à 21 h 20 min (Modifier)
Ta lecture est « plausible »,… étant donné que j’ai une vue plus « abstraite », je ne la partage pas ici, mais par contre oui, pour certains de ses tableaux: par exemple un nu sur le même fond rouge…
–
voir aussi le poème de Jean Senac, ici…
–
Flaques jaunes, flèches solaires ( RC )
champ de colza en Toscane – photo ricsen
–
C’est comme au don de la vie
si résistante au bleu
Que claquent les draps dans le vent,
Les oriflammes où se découpe ton ombre
Je suis venu emprunter
le fil suspendu
d’une balade, au soleil , nu.
Les flaques jaunes éparses au milieu des dolines,
Le causse comme ventre du jour, et
J’ai mêlé champ et corps
Sous le regard d’amour
Comme s’étend la terre
Aux flèches solaires
Que fécondent les abeilles.
–
RC
–
en parallèle au texte de Suzâme – champs de pissenlit »
–
Balade suspendue
au jaune étendu.
Surprendre cette lumière
comme don de la vie
si résistante au bleu
changeant du ciel. Envie
de garder cette beauté première
la Terre, déesse des yeux.
Balade suspendue
au soleil nu.
Contempler ce champ d’or
comme ventre du jour
Ô vaste rêve, champ et corps
Bel astre de l’amour.
–
Suzâme
(29/07/12)
–
Paul Celan – Toute la vie
les soleils des demi-sommeils sont bleus comme
tes cheveux une heure avant le jour.
Eux aussi poussent vite comme l’herbe sur la tombe d’un oiseau
Eux aussi sont attachés par le jeu, que nous jouiions comme un rêve sur les bateaux de la joie.
Aux falaises crayeuses du temps les poignards aussi les rencontrent.
les soleils des sommeils profonds sont plus bleus : comme ta boucle
ne le fut qu’une fois ;
je m’attardais comme un vent de nuit sur le sein à vendre de ta sœur
tes cheveux pendaient sur l’arbre d’en dessous, mais tu n’étais pas là.
Nous étions le monde, et toi tu étais un arbuste devant les portes.
Les soleils de la mort sont blancs comme les cheveux de notre enfant :
Il s’éleva des eaux montantes, quand tu dressas une tente sur la dune.
Il sortit le couteau du bonheur aux yeux éteints.
–
Eugene Durif – l’étreinte, le temps – 10
Nous ne faisions que nous éloigner,
les étoiles dans le bleu,
prises comme d un tremblement,
et nos mains de glace.
Marchant,
allant, cela suspendu,
cela de nos gestes qui aurait fait de chaque parole une étreinte.
Les bois morts frappés de foudre
(le chemin du remembrement)
signes d abandon.
–
Jean Mogin – Quand j’ai besoin de bleu
Quand j’ai besoin de bleu, de bleu,
De bleu de mer et d’outre-mer,
De bleu de ciel et d’outre-ciel,
De bleu marin, de bleu céleste,
Quand j’ai besoin profond,
Quand j’ai besoin altier,
Quand j’ai besoin d’envol,
Quand j’ai besoin de nage,
Et de plonger en ciel,
Et de voler sous l’eau,
Quand j’ai besoin de bleu
Pour l’âme et le visage,
Pour tout le corps laver,
Pour ondoyer le cœur,
Quand j’ai besoin de bleu
Pour mon éternité,
Pour déborder ma vie,
Pour aller au-delà
Rassurer ma terreur,
Pour savoir qu’au-delà
Tout reprend de plus belle,
Quand j’ai besoin de bleu,
L’hiver,
Quand j’ai besoin de bleu,
La nuit,
J’ai recours à tes yeux.
La belle alliance
–
, Paris, Seghers, s.d.
–
Charing Cross, au matin ( RC )
Je vois une large avenue en arc, verte
Où balbutient des branches sans feuilles,
Et de vielles autos bleues
Le long d’un quai de Tamise
C’est un Londres , au matin
Encore sous l’émotion de sa brume changeante,
En touches suspendues
D’ors d’ocres et verts incertains,
Charing Cross, dans un tableau de Derain
Devant les barres bleues d’ombre
Ces bâtiments vides
Je ne distingue plus les voix,
Seulement le murmure, d’une ville
Qui s’éveille et s’étire aux heures,
Et la patience immobile
Des statues sur leur socle
Encombrées de mousse,
Au charme des squares,
Encore à l’ombre, à cet instant.
Une nappe de vapeur s’étale
Et glisse , nonchalante
Des péniches lourdes,
Jusqu’aux berges lasses.
Les verticales des réverbères
Sont, aux quais, des signes bleutés
Qui attendent,
La musique du jour
Et les cris des marchands de journaux
En décalquant l’invisible
–
RC – 24 octobre 2012
–
Le ciel est tout autour ( RC )

photo: daveb ombres d’une caravane Sahara
–
Le ciel est tout autour d’eux
C’est l’effort d’ une longue marche
A travers les dunes ;
Il y a les ombres qui devancent
La caravane et le sable
Qui ondule , égal à lui-même
Et juste marqué, de grains de rochers
Echappés de montagnes.
Le ciel est tout autour d’un creux
Il se rassemble et roule
Comme s’égarent les pistes
Désignées par les anges
En chemins des possibles
Que le soleil ardent
Apprécié des serpents
Efface en poussières…
Le ciel est tout autour d’un bleu
Si évanescent , mais dense
Qu’accrochent , peut-être
Le mirage d’une étendue d’eau
Là bas, si loin…
Dans nos pas de fourmi,
Une oasis, une illusion
Qui vient , puis s’efface
Le ciel est tout autour d’un feu
– Il s’est coulé dans le noir
Quelques flammes et du bois sec
Les nomades lui font cercle
Le désert est affable
Tout est silence, et les outres circulent,
Les chameaux, à genoux,
Soupirent, au chemin de demain.
RC – 19 septembre 2012
–
–
Brigitte Tosi – Les mains griffées
Les mains griffées
De tous ces mots, là-bas, jetés au bord du monde,
Du verbe inachevé au point figé du bleu,
Du rêve inabouti noyé dans l’eau dormante,
Ne restent que nos mains emprisonnées de ronces
Gravant l’espoir aux murs de nos jardins secrets.
© B. Tosi
–